Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 604



99 Ia 604

74. Arrêt du 4 avril 1973 dans la cause Righi contre Conseil d'Etat du
canton de Genève Regeste

    Ausnahmen von Bauvorschriften, nach welchen nur Wohnungen eines
bestimmten Typus zulässig sind. Art. 4, 22 ter und 31 BV.

    Verfahren. Erschöpfung des kantonalen Instanzenzuges
(Erw. 1);Unzulässigkeit von Anträgen auf Erteilung der Bewilligung
(Erw. 2).

    Die Pflicht zum Bau von Wohnungen, die den Bedürfnissen und dem
Interesse der Allgemeinheit entsprechen, verletzt die Art. 22 ter und 31
BV nicht (Erw. 4).

    Das Gleiche gilt für Beschränkungen hinsichtlich der Mieten und des
Verkaufspreises von Wohnungen (Erw. 5).

    Diese Beschränkungen widersprechen den Sondervorschriften des Bundes
über die Stabilisierung des Baumarktes, die Massnahmen gegen Missbräuche
im Mietwesen und die Vertragsfreiheit nicht (Erw. 6).

    Ihre Anwendung verstösst hier auch nicht gegen Treu und Glauben
(Erw. 7).

Sachverhalt

    A.- La loi genevoise sur les constructions et les installations
diverses, du 25 mars 1961 (LCI), dispose que le canton est divisé en
différentes zones de construction (art. 10). Les trois premières sont
réservées aux grands bâtiments destinés à l'habitation et au commerce;
parmi elles, la troisième zone comprend les régions dont la transformation
en quartier urbain est commencée. La cinquième zone résidentielle (5e
zone A) est destinée aux villas. Les zones de développement font l'objet
de lois spéciales, qui ont pour but la transformation en quartier urbain
de territoires proches de la ville ou la création de cités satellites.
L'autorisation de construire y est subordonnée à certaines conditions
définies par ces lois spéciales (art. 11 LCI).

    La loi genevoise sur le développement de l'agglomération urbaine
(ci-après: loi sur le développement ou LDAU), adoptée le 29 juin 1957 sous
le titre de "loi sur l'expansion de l'agglomération urbaine genevoise",
dispose que le Conseil d'Etat est autorisé à appliquer, à l'intérieur du
périmètre dit "de développement de l'agglomération urbaine genevoise", les
règles relatives à la 3e zone de construction, lorsque certaines conditions
sont remplies (art. 1er). En particulier, les autorisations de construire
ne sont délivrées à l'intérieur du périmètre de développement que sur la
base de plans localisés d'aménagement ou d'extension, qui doivent prévoir
notamment, outre le tracé des voies de communication, l'implantation, le
gabarit et la destination des bâtiments à construire, les espaces libres
privés ou publics, les espaces réservés à des bâtiments ou installations
d'intérêt public, les emprises qui doivent être cédées gratuitement
au domaine public (al. 3). Les plans d'aménagement de quartiers sont
accompagnés d'un règlement de quartier (art. 4), qui détermine notamment
la répartition des frais de construction des voies de communication et
de leur équipement (lit. a), les modalités selon lesquelles les espaces
libres sont, soit incorporés aux parcelles sur lesquelles les bâtiments
sont construits, soit cédés gratuitement à la commune si elle en fait la
demande (lit. b), ainsi que la répartition du coût des terrains destinés
à des installations d'intérêt public (lit. c).

    Dans sa version du 16 novembre 1962, l'art. 5 LDAU est ainsi conçu:

    "1. L'application des dispositions de la présente loi peut être
subordonnée, en outre, à l'obligation faite aux propriétaires:

    a) d'édifier, dans des conditions d'investissement normales, des
maisons locatives comprenant des logements dont le nombre et le type
correspondent aux besoins et à l'intérêt général;

    b) de stipuler et percevoir, pour ces logements, pendant une période
de 10 ans à partir du jour où la majorité des logements sont occupés, des
loyers ne dépassant pas des normes fixées en fonction de leur situation,
des besoins et de l'intérêt général, et de manière à couvrir les intérêts
et les charges usuels des capitaux investis.

    2. Le Conseil d'Etat édicte les normes prévues à l'alinéa précédent
et fixe la limite des loyers autorisés; il peut en tout temps modifier
les normes maximums des loyers pour tenir compte des circonstances,
notamment du taux d'mtérêt des dettes hypothécaires et du prix des travaux
de construction, d'entretien et de réparation."

    En vertu de l'art. 6 al. 6, le Conseil d'Etat ne peut autoriser
l'application des normes de la 3e zone à un projet déterminé qu'après
adoption du plan d'aménagement ou d'extension; il fixe en même temps les
conditions auxquelles cette application est subordonnée. Enfin, selon
l'art. 9, celui qui contrevient aux dispositions légales et réglementaires
ou aux conditions fixées pour le déclassement est passible d'une amende
administrative n'excédant pas 20% du prix de revient total de l'immeuble
tel qu'il a été prévu par le plan financier.

    Par loi du 25 février 1972, entrée en vigueur le 8 avril 1972,
l'art. 5 LDAU a été modifié comme il suit:

    "1. L'application de la présente loi est subordonnée, en outre,
à la condition que:

    a) les bâtiments d'habitation locatifs répondent par le nombre,
le type et les loyers des logements prévus à un besoin prépondérant
d'intérêt général;

    b) les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le
mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages
ou de parties d'étages, d'actions ou de parts sociales) répondent, par le
nombre, le type et le prix des logements prévus à un besoin prépondérant
d'intérêt général;

    c) les bâtiments destinés à l'activité industrielle ou commerciale
répondent, par leur nombre, leur situation et leur type à un besom
d'intérêt général;

    d) les garanties appropriées, assurant le respect des restrictions
dont l'autorisation de construire est assortie, soient dûment fournies.

    2. Les restrictions relatives aux prix ou aux loyers sont limitées à
une durée de 10 ans à partir. de l'occupation de la majorité des logements.

    3. Le Conseil d'Etat édicte les normes nécessaires à l'application du
présent article, en tenant compte des circonstances (prix des terrains,
coût des travaux de construction, d'entretien et de réparation,
rémunération normale des capitaux investis)."

    Un règlement d'application, du 5 juin 1964, apporte les précisions
suivantes.

    Les prestations prévues à l'art. 4 lit. a et c LDAU sont assurées par
le paiement d'une taxe d'équipement (art. 15) et les terrains à incorporer
au domaine public sont cédés gratuitement (art. 16). Lorsqu'il décide
de subordonner le déclassement à un contrôle exercé sur les loyers des
logements dont la construction est projetée, le Conseil d'Etat fixe pour
chaque quartier ou, selon les circonstances, de cas en cas le montant
du loyer qui peut être convenu ou perçu conformément aux dispositions de
l'art. 5 LDAU et du règlement (art. 20). Lorsque les loyers sont contrôlés,
les investissements doivent être calculés au plus juste et le rendement
brut ne doit pas dépasser 6,6% des investissements, de telle sorte que
les loyers correspondent aux besoins et à l'intérêt général en même temps
qu'ils assurent la rémunération normale des capitaux et l'entretien
du bâtiment, ce taux pouvant cependant être élevé en cas de hausse du
taux des intérêts hypothécaires (art. 22). Le requérant doit fournir,
avec la demande d'autorisation de construire, l'estimation du prix de
revient de l'opération, les modalités du financement et son coût, ainsi
que le plan financier d'exploitation (art. 23). Enfin, les dispositions
relatives à la limitation des loyers sont applicables par analogie en
cas d'aliénation des logements (art. 24 A).

    Le règlement comporte en annexe un projet-type de règlement de
quartier. Selon l'art. 17 de ce projet, le Conseil d'Etat fixe dans
chaque cas le prix maximum des loyers; il peut imposer la construction
de logements à loyers modérés ou réduits, satisfaisant aux conditions
des lois et règlements en vigueur.

    B.- La société immobilière Marcaure, constituée le 1er mars 1955 et
dont Marcel Righi, entrepreneur à Genève, possédait le capital-actions,
a acquis le jour même de sa constitution une propriété sise dans le
quartier de Champel, à Genève, formant la parcelle 2012 feuille 77 de
Genève-Plainpalais, d'une contenance de 47 843 m2. Ce fonds était compris
dans la 5e zone A (zone de villas).

    Peu après, soit les 11 mars et 16 avril 1955, ladite société,
agissant par son administrateur Edmond Favre, expertcomptable, a soumis
au Département des travaux publics du canton de Genève un plan de
construction de deux blocs de bâtiments, d'une longueur de 40 m chacun
et d'une hauteur de 30 m (9 étages). Elle offrait en compensation de
céder à titre gratuit ou à bas prix différents terrains, notamment ceux
nécessaires à l'aménagement du réseau routier. Cette opération, antérieure
à l'adoption de la loi sur le développement, eût exigé le déclassement
du terrain en 3e zone urbaine, par voie législative. Des pourparlers se
sont engagés entre la société Marcaure et l'administration et des projets
de conventions ont été rédigés. Mais le Département des travaux publics
ne leur a donné aucune suite.

    En 1956, la société Marcaure a vendu à un tiers une surface de 1200
m2 détachée de la parcelle 2012.

    C.- Par le vote de la loi du 29 juin 1957, les terrains de la
société Marcaure se sont trouvés placés dans le périmètre d'"expansion"
(actuellement de "développement") de l'agglomération urbaine.

    En 1967, à la demande de ladite société et de La Genevoise, compagnie
d'assurance, qui envisageait l'achat d'une partie de la parcelle 2012,
les services de l'aménagement du territoire, rattachés au Département
des travaux publics, ont entrepris l'étude de l'aménagement des terrains
en cause en fonction de la loi sur le développement. Ils ont établi le
17 juillet 1967 un "plan-masse" de la région comprise entre les chemins
des Clochettes, de Beau-Soleil et de Grande-Vue, de l'avenue de Miremont
à l'avenue Eugène-Pittard. Ce plan prévoit qu'une route dite de ceinture
traverse la parcelle 2012 d'ouest en est, occupant avec ses voies d'accès
une superficie totale de 5236 m2 sur ladite parcelle.

    Le 12 octobre 1967, à la suite d'un entretien réunissant Righi,
son architecte Erb et les représentants du Département des travaux
publics, un "procès-verbal d'accord" a été signé entre la société
Marcaure, représentée par son administrateur Favre, et l'Etat de Genève,
représenté par le Conseiller d'Etat chargé des travaux publics. Tout en
réservant l'approbation des autorités compétentes et la passation des actes
nécessaires, les parties sont convenues en bref de ce qui suit. La société
Marcaure s'engageait à céder gratuitement à l'Etat de Genève les emprises
nécessaires à l'équipement routier du secteur, l'Etat s'engageant de son
côté à accepter la construction, sur la parcelle 2012 index l'de bâtiments
dont le taux d'occupation serait de 0,08 ml (= mètre linéaire)/étage
par m2 de terrain, la largeur des bâtiments n'étant pas prescrite et la
surface totale du terrain entrant en considérant étant de 21 440 m2.

    Par acte des 22/27 décembre 1967, passé entre la société Marcaure,
La Genevoise, l'Etat de Genève et la Société anonyme Pléiades no 7,
la première a vendu à la deuxième la parcelle no 2012 index 1 B, d'une
superficie de 15 143 m2 et la parcelle 2015, de 1352 m2. En outre,
la société Marcaure cédait gratuitement à l'Etat de Genève des terrains
d'une surface totale de 5234 m2. De plus, il était constitué au profit
de l'Etat, notamment sur les parcelles 2012 index 1 A et 2012 index 1 C,
appartenant à la société Marcaure, une servitude personnelle de destination
de route, s'exerçant sur une partie de ces parcelles; il était convenu
que les terrains grevés seraient "cédés gratuitement au domaine public
dans le cadre de la loi sur le développement de l'agglomération urbaine
du 29 juin 1957".

    Le 27 décembre 1967 également, la société Marcaure était dissoute et
ses actifs étaient repris par Righi, son unique actionnaire.

    Le 2 octobre 1968, Righi a vendu à La Genevoise la parcelle 2012
index 2, de 5844 m2, détachée de la parcelle 2012.

    D.- Par la suite, l'architecte Erb a déposé au nom de Righi, au
Département des travaux publics, une "demande préalable" d'autorisation de
construire deux blocs de bâtiments d'habitation sur la parcelle 2012 index
1 C (actuellement 2746). Cette demande a été accueillie favorablement et
le 25 mars 1969, le Conseiller d'Etat chargé du Département des travaux
publics adressait à Erb une lettre l'informant que son projet avait été
examiné au titre de son implantation, de sa destination et de son volume,
et qu'il était autorisé à présenter, dans un délai d'un an, une demande
définitive respectant les dispositions du projet. La lettre ajoutait:

    "Les terrains dont il s'agit étant situés dans le périmètre d'une
zone de développement, la délivrance de l'autorisation de construire est
cependant subordonnée à l'application préalable des dispositions de la
loi sur le développement de l'agglomération urbaine du 29 juin 1957.

    Veuillez consulter à ce sujet les notices ci-jointes."

    L'une des annexes mentionnées dans ladite lettre était le préavis
de la Division de l'équipement intitulé: "Préavis pour le déclassement
en zone de développement. Conditions provisoires". Ce préavis, du 24
janvier 1969, indiquait le montant de la taxe estimative d'équipement,
fixée à 792 000 fr., soit pour 1980 ml à 400 fr., payable lors de la
délivrance de l'autorisation définitive.

    Il était ajouté au bas du préavis:

    "Autres prestations:

    1.  Plan financier à fournir en 3 ex.

    2.  Contrôle des loyers.

    3.  Cession gratuite au domaine public.

    4.  Voir plan d'aménagement no 26.096-233 adopté par le C.E. le
10.1.69.

    5.  Servitude à destination de route, cession gratuite au moment
de la réalisation." Les 21 janvier et 18 juin 1970, Righi a déposé des
demandes définitives d'autorisation. Le 9 décembre 1970, le Service du plan
d'aménagement a invité l'architecte Erb à fournir les plans financiers,
en l'absence desquels le dossier restait en suspens.

    Erb a sollicité une prolongation du délai fixé à cet effet au 11
janvier 1971, et n'a pas eu d'autre réaction. Le 20 septembre 1971, le
même service lui a imparti un nouveau délai au 30 septembre 1971 pour
fournir les plans financiers, à défaut de quoi le projet serait réputé
abandonné. Le 27 septembre 1971 et par l'intermédiaire d'un avocat, Righi
a demandé aux services du Département des travaux publics de patienter,
cet avocat désirant examiner diverses questions.

    Le 13 mars 1972, agissant par l'intermédiaire d'un nouveau conseil,
Righi a requis le Département des travaux publics d'autoriser les
services compétents à délivrer l'autorisation définitive de construire
sans subordonner celle-ci aux conditions de l'art. 5 LDAU, se réservant
de demander judiciairement la rescision des conventions du 12 octobre et
du 22 décembre 1967 pour le cas où le Département persisterait à appliquer
cette disposition.

    Par lettre du 20 mars 1972, Righi s'est engagé à édifier au moins
un tiers des logements projetés aux conditions prévues par la loi du 26
septembre 1969 concernant l'encouragement de la construction de logements
destinés à la classe moyenne, à la condition de n'être soumis en rien aux
dispositions de l'art. 5 LDAU. En même temps, il remettait au Département,
"pour information", le plan financier provisoire pour les bâtiments
projetés. Ce plan prévoyait que la vente des appartements laisserait, après
déduction du coût de construction, un bénéfice d'environ 8% de ce coût.

    E.- Répondant à ces deux lettres, le Conseil d'Etat chargé du
Département des travaux publics a écrit le 29 mars 1972 au conseil de
Righi une lettre dans laquelle il était dit notamment:

    "Au terme de notre examen, nous vous informons que, sur avis de la
délégation du logement, entériné par le Conseil d'Etat en séance du 29
mars 1972, il ne peut être envisagé que les bâtiments prévus au plan
d'aménagement rappelé en titre soient soustraits à l'application de
l'art. 5 de la loi du 29 juin 1957.

    Les services compétents demeurent en revanche prêts à étudier, dans le
cadre de cette disposition, tout projet tendant à lier une opération HCM,
au sens de la loi du 26 septembre 1969, avec la construction de logements
comportant des loyers ou des prix d'un niveau approprié.

    Cette perspective implique toutefois que la structure financière de ces
projets se distingue sensiblement du plan provisoire joint à votre lettre
du 20 mars 1972, dont les données - excessives - ne sont pas admissibles."

    Interpellé par le conseil de Righi, le Conseil d'Etat du canton de
Genève lui a confirmé le 26 avril 1972 que la lettre du 29 mars 1972
valait décision du Conseil d'Etat.

    F.- Agissant par la voie du recours de droit public, Righi demande
au Tribunal fédéral de casser la décision rendue le 29 mars 1972 par le
Conseil d'Etat de Genève et appliquant aux constructions projetées par
lui le régime restrictif de l'art. 5 LDAU. Il demande en outre que le
Tribunal fédéral invite le Département des travaux publics de Genève à
accorder au recourant, pour les susdites constructions, dans la mesure où
elles ne prétendent au bénéfice d'aucun régime de subventionnement public,
les autorisations nécessaires de construire sans procéder à aucun contrôle
préalable ou a posteriori des loyers ni des prix de vente.

    G.- Dans sa réponse, le Conseil d'Etat du canton de Genève conclut
à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours.

    H.- Autorisé à présenter un mémoire complétif, en vertu de l'art. 93
al. 2 OJ, le recourant a fait usage de cette faculté, persistant dans
ses conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    I. Recevabilité

Erwägung 1

    1.- Le recours, fondé sur l'art. 84 al. 1 lettre a OJ, remplit les
conditions générales de recevabilité des art. 88 à 90 OJ.

    En revanche, on peut se demander si le recourant a bien épuisé
les moyens de droit cantonal (art. 86 al. 2 OJ) et si, ayant reçu une
décision du Département des travaux publics, il n'aurait pas dû adresser
son recours au Conseil d'Etat, ou à la Commission de recours instituée
par la loi sur les constructions et installations diverses, compétente
pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions du Département
des travaux publics (art. 7 LDAU) et dont les décisions sont elles-mêmes
susceptibles de recours au Tribunal administratif (art. 9 de la loi sur
le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits). Mais en réalité,
ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat dans sa lettre du 26 avril 1972,
la lettre signée le 29 mars 1972 par le chef du Département des travaux
publics ne fait que notifier une décision prise le même jour par le
Conseil d'Etat, seul compétent, à l'exclusion du Département, pour fixer
les conditions auxquelles est subordonnée l'application des normes de la
3e zone à un projet déterminé (art. 6 al. 6 LDAU; cf. aussi art. 20 du
règlement d'application). Le présent recours est ainsi dirigé contre une
décision du Conseil d'Etat lui-même, décision contre laquelle aucune voie
de droit cantonale n'est ouverte. Il est dès lors recevable au regard de
l'art. 86 al. 2 OJ.

Erwägung 2

    2.- Par exception au principe selon lequel le recours de droit public
n'est qu'une voie de cassation, celui qui se plaint qu'une autorisation
de police lui a été refusée en violation de la constitution peut demander
au Tribunal fédéral d'inviter l'autorité cantonale à délivrer le permis
(RO 95 I 343 consid. 5 et les arrêts cités). Mais encore faut-il qu'il
apparaisse clairement que toutes les conditions nécessaires sont d'ores
et déjà réunies. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Les autorités de la
police des constructions n'ont pas encore eu l'occasion de prendre position
d'une façon définitive sur les projets de construction du recourant. Cet
examen est resté en suspens, le recourant n'ayant pas fourni les plans
financiers requis et ayant ensuite contesté son obligation de se soumettre
aux conditions restrictives de l'art. 5 LDAU. Si le présent recours
devait être admis au fond, le Tribunal fédéral ne pourrait ordonner au
Département des travaux publics de délivrer le permis, ce d'autant plus
que ce n'est pas une décision de ce Département, mais bien une décision
du Conseil d'Etat qui est en cause. Au demeurant, si le recourant a
gain de cause, l'annulation de la décision attaquée et l'obligation de
l'autorité cantonale de tenir compte, dans sa nouvelle décision, des
motifs de l'arrêt du Tribunal fédéral suffiront à rétablir une situation
conforme à la constitution.

    Le second chef de conclusions du recours n'est donc pas recevable.

    II. La liberté du commerce et de l'industrie

Erwägung 3

    3.- Sur le fond, le recourant soutient principalement que la décision
attaquée repose sur une disposition - l'art. 5 LDAU - contraire à la
constitution, soit à l'art. 31 al. 1 Cst.

    Datée du 29 mars 1972, la décision attaquée a été prise sous
le régime de la loi ancienne, soit de l'art. 5 LDAU dans sa teneur
résultant de la loi du 16 novembre 1962 et qui était applicable jusqu'au
7 avril 1972. Le délai de recours contre les lois du 29 juin 1957 et du
16 novembre 1962 étant échu depuis longtemps, le recourant ne peut en
demander l'annulation. Il est en revanche en droit d'en faire examiner la
constitutionnalité à l'occasion d'une décision d'application, qui le lèse
directement dans un intérêt juridique qui lui est propre et qui correspond
au droit constitutionnel dont il allègue la violation (RO 97 I 915). Le
Tribunal fédéral examinera donc à titre préjudiciel la constitutionnalité
de l'art. 5 LDAU. S'il juge cette norme inconstitutionnelle, il annulera
non pas la norme elle-même, mais la décision d'espèce.

    Dans le cas particulier, cet examen portera sur l'art. 5 LDAU dans
sa teneur de 1962, qui a seule été appliquée au recourant, et non sur
la version nouvelle qui n'était pas encore en vigueur. Au demeurant,
cette version nouvelle ne s'écarte guère de l'ancienne, si ce n'est
qu'elle comporte plus de détails et qu'au lieu de permettre à l'autorité
d'imposer au constructeur des conditions restrictives, elle l'oblige à
appliquer ces conditions.

Erwägung 4

    4.- Le recourant soutient que le législateur cantonal ne pouvait, sans
violer l'art. 31 Cst., imposer aux constructeurs l'obligation d'édifier
"des logements dont le nombre et le type correspondent aux besoins et à
l'intérêt général" (art. 5 LDAU). Seules des conditions touchant à la
police des constructions seraient admissibles, à l'exclusion de toute
mesure relative à la politique du logement.

    a) Le Tribunal fédéral a eu à s'occuper à diverses reprises de mesures
de lutte contre la pénurie de logements. Dans son arrêt Dafflon, il a
considéré qu'une loi permettant à l'Etat d'exercer un droit de préemption
ou d'exproprier certainss terrains en vue de la construction de logements
à loyers modérés constitue une "mesure générale de politique sociale et
économique" touchant à l'intérêt public. La collectivité tout entière est
intéressée à la solution du problème du logement, surtout lorsqu'il s'agit
de la construction d'habitations à loyers modérés. En effet, la création de
tels logements contribue notamment à maintenir la paix sociale et à lutter
contre la hausse du coût de la vie (RO 88 I 254). Cette appréciation a été
confirmée, notamment dans l'arrêt S.I. Rue du Puits-St-Pierre 2 (RO 89 I
461), où le Tribunal fédéral a jugé que le législateur genevois pouvait,
en raison de l'intérêt public que revêt le maintien des immeubles anciens,
interdire leur démolition, ainsi que dans les arrêts S.I. Rue de l'Ecole
de Médecine et S.I. Toepffer-Galland, du 6 octobre 1971. Dans ses arrêts
S.I. Alopex (RO 98 Ia 199) et S.I. Résidence Miremont, du 16 février 1972,
le Tribunal fédéral, se fondant sur des considérations analogues, s'est
prononcé sur l'art. 5 LDAU et a admis la constitutionnalité de cette
disposition au regard de la garantie de la propriété. Il s'est inspiré
de considérations semblables dans les arrêts S.I. Chailly-Vallon, du 3
mai 1972 (RO 98 Ia 497) et Hausbesitzer-Verein Basel, du 24 janvier 1973
(RO 99 Ia 39).

    Le recourant n'ignore pas cette jurisprudence. Mais il fait
observer que si dans plusieurs des causes qui ont fait l'objet des
arrêts susmentionnés, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur le grief
de la violation de la garantie de la propriété qui avait été soulevé, en
revanche il ne s'est pas prononcé expressément sur le grief, qui n'avait
généralement pas été soulevé, de violation de la liberté du commerce
et de l'industrie. Il admet expressément qu'il ne peut attaquer la
disposition qu'il critique ni sous l'angle du principe de la légalité ni
sous celui de l'égalité de traitement, ni de la proportionnalité ou de la
subsidiarité. Mais il soutient que la règle selon laquelle les logements à
construire doivent répondre aux besoins et à l'intérêt général constitue
une "clause de besoin" telle que celle qui est prévue à l'art. 31 ter
Cst. concernant les cafés et restaurants. Une telle clause ne serait pas
conforme à la constitution, faute de pouvoir s'appuyer sur une disposition
spéciale de cette dernière, dérogeant à la liberté du commerce et de
l'industrie. Toujours selon le recourant, l'Etat ne pourrait fixer,
en matière de constructions, que des règles d'esthétique, de sécurité
ou de salubrité, ainsi que des règles qui intéressent le coefficient
d'édificabilité, c'est-à-dire la densité des bâtiments et l'aménagement
des services publics. Les autres règles, appartenant à la politique du
logement, destinées à faire en sorte que les constructions satisfassent
aux besoins et soient conformes à l'intérêt général, ne pourraient être
prises en considération par l'Etat, car celui-ci devrait s'en remettre
"en principe aux mécanismes autorégulateurs de la concurrence pour assurer
la coordination des activités économiques individuelles et la maximation
du produit social".

    b) En introduisant dans la constitution fédérale l'art.  22 quater,
qui prévoit que les cantons doivent établir des plans d'aménagement en vue
d'assurer une utilisationjudicieuse du sol et une occupation rationnelle du
territoire, le constituant a voulu précisément que ces plans permettent
la satisfaction des besoins et de l'intérêt général. Or les cantons
possédaient eux-mêmes, déjà avant l'adoption de l'article constitutionnel,
la compétence d'établir des plans de zones afin d'assurer cette utilisation
judi cieuse du sol et l'occupation rationnelle du territoire (voir par
exemple RO 84 I 172; cf. déclaration de M. von Moos, Conseiller fédéral,
au Conseil des Etats, Bulletin officiel, Conseil des Etats, 1967 p. 403;
FF 1967 II p. 139 et 1972 I p. 1445). Comme l'affirme le Conseil fédéral
dans son Message du 30 juin 1971 relatif à l'insertion dans la constitution
fédérale des nouveaux art. 34 sexies et 34 septies, l'aménagement du
territoire fait partie de la politique du logement, prise au sens large
(FF 1971 I 1965). Si l'on suivait le recourant, qui conteste le droit pour
les cantons de se préoccuper en cette matière des besoins et de l'intérêt
général, les plans d'aménagement que les cantons ont incontestablement
le droit - et que, sur la base de la future législation fédérale, ils
auront l'obligation - d'édicter manqueraient en grande partie leur but et,
partant, perdraient leur justification.

    c) La règle contestée constitue dès lors une restriction de droit
public à la propriété répondant en tous points aux exigences de l'art. 22
ter Cst. La base légale en est claire. Les motifs d'intérêt public qui la
justifient ne sont pas contestés. Ils pourraient d'autant moins l'être
qu'il s'agit de terrains déclassés: compte tenu de l'intérêt public à
la stabilité du régime de la construction dans une zone déterminée, le
déclassement ne se justifiera généralement que s'il permet de construire
des logements d'un type correspondant aux besoins les plus pressants. Le
principe de la proportionnalité et celui de la subsidiarité ne sont
pas violés. Enfin, le recourant ne prétend pas non plus que de telles
restrictions entraîneraient une expropriation matérielle - expropriation
matérielle à laquelle il n'est du reste nullement interdit aux cantons
de procéder, mais qui, au sens de l'al. 3 de l'art. 22 ter Cst., ouvre
droit à une indemnité. Le recourant ne conteste pas, au demeurant, que
l'opération envisagée n'entraînerait pour lui aucun préjudice matériel,
mais pourrait au contraire être la source de substantiels bénéfices,
même si l'on applique les conditions restrictives que le Conseil d'Etat
entend imposer.

    Sans doute la règle critiquée sort-elle du domaine étroit de la police
des constructions. Mais on admet depuis plusieurs années déjà que les
restrictions de droit public à la propriété foncière peuvent revêtir un
autre aspect que celles qui étaient autrefois habituelles en Suisse (RO
81 I 31). De plus en plus, les nécessités de l'aménagement du territoire
ont conduit les cantons à prévoir des restrictions tendant à soumettre
à des mesures de planification l'usage de la propriété (MEIER-HAYOZ,
Sachenrecht, Syst. Teil, p. 122 et 146). Il ne s'agit plus seulement
de mesures de sécurité ou de salubrité ni de mesures d'esthétique ou
d'alignement des constructions. Les mesures d'aménagement du territoire,
au lieu de n'instituer que des interdictions, consistant notamment dans
l'exclusion de bätiments indésirables, créent des obligations positives
au propriétaire. Elles tendent à assurer les meilleures possibilités de
développement pour l'individu et la société, et à cet effet elles imposent
une certaine manière de construire les bâtiments et d'utiliser le sol,
ce qui, par voie de conséquence, signifie que ce n'est pas seulement la
construction comme telle qui est réglementée, mais aussi son utilisation
subséquente. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de relever qu'une
telle obligation de l'utilisation de la propriété dans un but social ne
peut se réaliser qu'à l'aide d'institutions juridiques nouvelles ou en
tout cas rénovées; elle repose en dernière analyse sur une conception
nouvelle de la propriété (arrêts du 11 mai 1960 dans les causes Keller et
Meier, ZBl 1961, p. 75). Cette jurisprudence, antérieure à l'adoption de
l'art. 22 quater, ne peut qu'être confirmée à la suite de l'introduction
de cette disposition constitutionnelle qui fait aux cantons l'obligation
de prévoir des plans d'aménagement du territoire.

    On peut du reste constater que les dispositions genevoises ici en cause
ont un effet analogue à celui de la règle du prélèvement de la plus-value
(Mehrwertabschöpfung) du projet de loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (FF 1972 I 1482, 1510 et 1534).

    d) C'est dès lors manifestement à tort, en jouant sur les mots,
que Righi fait état, à propos de l'art. 5 LDAU, d'une clause du besoin.
Cette règle n'a en aucune façon pour but, ni pour effet de restreindre
l'accès à une actilvité économique déterminée, ni même de diriger la
"production" de logements dans une direction définie. Sous réserve des
mesures fédérales sur la stabilisation du marché de la construction, le
recourant est parfaitement libre d'édifier et de vendre des logements de
luxe, s'il trouve dans une zone appropriée du terrain pour le faire. Il
ne saurait en revanche prétendre édifier de tels logements n'importe
où sans mettre en question l'aménagement du territoire. Le sol n'est
pas une marchandise ordinaire et toutes les mesures de planification
territoriale emportent une restriction de la liberté économique
du propriétaire. Mais celle-ci n'est garantie que sous réserve des
dispositions restrictives de la constitution et de la législation qui en
découle (art. 31 al. 1 Cst.), et cette réserve s'étend aux art. 22 ter
al. 2 et 22 quater Cst. Les différentes normes constitutionnelles doivent
être coordonnées et non subordonnées, à moins que le constituant lui-même
n'ait institué un ordre hiérarchique déterminé. Le problème des rapports
entre les mesures d'aménagement et l'art. 31 Cst. est en définitive plus
apparent que réel. Si de telles mesures portaient atteinte à la libre
concurrence, pour assurer ou favoriser certaines branches de l'économie ou
certaines formes d'exploitation et tendaient à diriger, par le biais de
l'aménagement du territoire, l'activité économique selon un certain plan
(cf. RO 97 I 504), elles s'écarteraient des objectifs prévus par l'art. 22
quater Cst. et partant violeraient la garantie de la propriété elle-même
(art. 22 ter Cst.) en même temps que l'art. 31 Cst. Mais tant qu'elles
se tiennent dans une relation suffisamment étroite avec ces objectifs -
ce qui est incontestablement le cas en l'espèce -, l'atteinte portée à
la liberté économique du propriétaire doit être réputée acceptée par le
constituant. Sans doute l'exception ne doit-elle pas vider la règle de
sa substance. Mais en l'espèce, il n'en est rien. Le recourant commet
l'erreur de raisonner comme si tout un domaine de l'activité économique
- la construction et la vente de logements de luxe - lui était fermé.
Contrairement à la loi qui faisait l'objet de l'arrêt Schneiter (RO 66 I
23) et qui interdisait la création de locaux commerciaux lorsque ceux-ci
étaient déjà en nombre suffisant dans le voisinage, l'art. 5 LDAU n'a ni
un tel but, ni un tel effet.

Erwägung 5

    5.- Invoquant sous un deuxième aspect la liberté du commerce et de
l'industrie, le recourant s'en prend tout spécialement aux dispositions
contenues dans l'art. 5 al. 1 lit. a et b LDAU, qui instituent des
restrictions quant au montant des loyers et quant au prix de vente des
appartements. Cette critique, qui s'adresse au texte de 1972, doit, pour
les raisons qui ont déjà été exposées, être transposée au texte de 1962,
en vigueur lors de l'adoption de l'arrêté attaqué. Elle s'applique dès lors
à l'art. 5 al. 1 lettre b LDAU (version de 1962), qui permet au Conseil
d'Etat de faire aux propriétaires l'obligation de stipuler et de percevoir,
pour les logements construits au bénéfice des dispositions de la loi,
pendant une période de 10 ans, des loyers ne dépassant pas des normes
fixées en fonction de la situation de ces logements, des besoins et de
l'intérêt général, et de manière à couvrir les intérêts et les charges
usuels des capitaux investis. Elle s'applique également à l'art. 24 A du
règlement d'exécution, ainsi conçu:

    "Les dispositions relatives à la limitation des loyers sont
applicables, par analogie, aux cas d'aliénation de logements par cession
de droits de propriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions ou de
parts sociales."

    et dont la conformité avec la garantie de la propriété a déjà été
vainement contestée devant la cour de céans (cf. arrêts S.I. Alopex et S.I.
Résidence Miremont précités, RO 98 Ia 199).

    a) Le recourant soutient que les dispositions qui viennent d'être
mentionnées violent tout particulièrement la liberté du commerce et de
l'industrie, car toute intervention du législateur cantonal en cette
matière serait contraire à cette liberté.

    L'argument pris de l'art. 31 Cst. a plus de poids sous cet aspect
que sous celui qui était précédemment invoqué. Le recourant peut se dire
affecté en qualité de "promoteur immobilier" - qu'il n'est peut-être
pas encore, mais qu'il entend devenir, occasionnellement en tout cas,
en construisant des bâtiments d'habitation et en mettant en vente des
appartements sur le terrain qu'il possède - par des mesures qui le
limitent dans sa liberté d'action économique, ces mesures s'appliquant
en fait dans l'exercice d'un commerce ou d'une industrie.

    Cependant, la liberté du commerce et de l'industrie n'a pas
un caractère absolu. Selon l'art. 31 al. 1 Cst., elle est garantie
sous réserve des dispositions restrictives de la constitution et de la
législation qui en découle; selon l'al. 2 de cet article, les prescriptions
cantonales sur l'exercice du commerce et de l'industrie sont réservées.

    Le Tribunal fédéral a admis que les mesures de politique sociale prises
par les cantons, tant qu'elles n'ont pas pour objectif d'intervenir dans la
libre concurrence, sont compatibles avec l'art. 31 Cst., à la condition
naturellement qu'elles se conforment aux principes constitutionnels
auxquels doivent obéir toutes les restrictions des libertés individuelles,
savoir la légalité, l'intérêt public, la proportionnalité et l'égalité
de traitement. Sont prohibées en revanche les prescriptions qui ont
pour but d'entraver la libre concurrence ou d'en atténuer les effets
(RO 97 I 504). Le fait que des mesures de ce genre ont un but social,
reconnu d'intérêt public, suffit à les justifier au regard de l'art.
31 Cst., du moment qu'il n'apparaît pas manifestement secondaire.

    Si la jurisprudence a admis que les mesures tendant à faire bénéficier
de jours de repos certaines personnes qui ne sont pas assujetties à la loi
sur le travail poursuivent un tel but social, justifié au sens de cette
disposition constitutionnelle, il n'y a certainement aucune raison de
statuer différemment lorsqu'il s'agit de mesures qui tendent à combattre
la pénurie de logements. Ainsi que cela a déjà été relevé, les mesures
prises dans ce sens présentent un intérêt public éminent. Le besoin de
logement est un besoin essentiel de l'homme, dont la Confédération a tenu
compte depuis plusieurs années en prévoyant des mesures de protection
spéciales en faveur des locataires. Elle l'a fait notamment dans l'arrêté
du Conseil fédéral du 15 octobre 1941, instituant des mesures contre la
pénurie de logements, puis dans les différents additifs constitutionnels
sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit, enfin par
l'art. 34 septies Cst. Cela ne signifie naturellement pas que le canton
pourrait prendre n'importe quelle mesure de protection des locataires et
qu'il pourrait notamment introduire de son propre chef un contrôle général
des loyers, qui constituerait une intervention générale de l'Etat selon
un plan. Dans le cas présent, l'intervention du canton est limitée. Elle
l'est dans le temps, toute restriction cessant après dix ans. Mais surtout,
elle est en rapport étroit avec l'obligation faite au propriétaire de
construire des habitations répondant aux besoins et à l'intérêt général
(art. 5 al. 1 lettre a LDAU), obligation dont la compatibilité avec
l'art. 22 ter Cst. ne peut être mise en doute. Si, en visant des buts
qui relèvent de la politique d'aménagement du territoire, l'Etat accorde
certaines facilités, encore faut-il qu'il soit certain que les logements
qui seront construits grâce à celles-ci seront effectivement offerts aux
conditions envisagées.

    b) Ici encore, le recourant voudrait donner la prééminence à la
liberté du commerce et de l'industrie sur les autres dispositions
de la constitution et restreindre aux prescriptions de police au sens
étroit la faculté pour les cantons de déroger à cette liberté au sens de
l'art. 31 al. 2 Cst. Mais rien ne justifie une telle prééminence, comme
l'admet généralement la doctrine (cf. GYGI, RDS 1970, II p. 362; HUBER,
Gewerbefreiheit und Eigentumsgarantie, in Jus et Lex, p. 537 ss.; contra:
JUNOD, RDS 1970, II p. 634 et 685). En tant qu'elle est indispensable
pour assurer le plein effet de mesures d'aménagement du territoire
conformes aux art. 22 ter et 22 quater Cst., la norme critiquée peut
valablement restreindre la liberté du commerce et de l'industrie. Sans
doute ne pourrait-elle pas aller jusqu'à la vider pratiquement de sa
substance. Mais, pour les raisons déjà exposées, tel n'est évidemment pas
le cas en l'espèce. Les mesures prises par le Conseil d'Etat aux termes
de la loi sur le développement n'ont pas pour objectif d'intervenir dans
la libre concurrence, et le recourant ne se trouve pas défavorisé sur le
marché à l'égard de concurrents.

    Les rapports entre la liberté du commerce et de l'industrie et la
garantie de la propriété ont été examinés aussi par le Conseil fédéral dans
son Message du 15 août 1967, par lequel il proposait à l'Assemblée fédérale
les nouvelles dispositions constitutionnelles sur le droit foncier. Il y
constatait que la Confédération n'a pas besoin d'une autorisation expresse
pour déroger à la liberté du commerce et de l'industrie en matière de
commerce et de courtage professionnels d'immeubles, étant donné qu'on
peut admettre que cette autorisation est implicitement contenue dans
la nouvelle disposition attributive de compétence (FF 1967 II 143). Ce
qui est vrai de la Confédération l'est aussi pour les cantons, parce que
l'art. 22 ter Cst. permet à l'une et aux autres de restreindre le droit
de propriété pour des motifs d'intérêt public.

    Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne permet
donc pas au recourant de s'opposer avec succès à l'application par le
Conseil d'Etat de l'art. 5 lit. b LDAU et de l'art. 24 A du règlement
d'application.

    III. La force dérogatoire du droit fédéral

Erwägung 6

    6.- Dans un deuxième moyen, le recourant affirme que l'art. 5 LDAU
viole la force dérogatoire du droit fédéral.

    a) Il se demande tout d'abord si cette disposition est compatible avec
l'arrêté fédéral du 25 juin 1971 concernant la stabilisation du marché de
la construction (ASMC) qui était en vigueur lors de la décision attaquée
et qui a été remplacé depuis lors par l'arrêté fédéral du 20 décembre 1972
sur le même objet. Par l'une et l'autre norme, dit-il, l'Etat s'efforce,
en raison de la pénurie de logements à loyers modérés et de l'épuisement de
la capacité de production de l'industrie suisse du bâtiment, d'orienter la
production vers la construction de tels logements, au détriment notamment
des "maisons à appartements résidentiels et propriétés par étage de luxe"
(art. 4 lit. h ASMC).

    En réalité, rien ne permet de dire que l'arrêté fédéral du 25 juin
1971 interdise aux cantons d'adopter ou de maintenir des dispositions
telles que celles de la loi sur le développement. Si dans une certaine
mesure ils déploient leurs effets dans le même domaine, les deux
actes ont des buts essentiellement différents. L'arrêté fédéral tend
à stabiliser le marché de la construction, en influençant la demande,
aux fins d'empêcher de nouvelles vagues de renchérissement dans un
secteur économique particulièrement vulnérable à ce genre de phénomènes
(Message du Conseil fédéral, FF 1971 I 1143). Il était normal que ces
mesures conjoncturelles fussent atténuées à l'égard de la construction de
logements à loyers modérés, pour éviter que les effets de l'interdiction
de construire se fassent sentir précisément dans ce secteur plutôt que
dans celui de la construction de logements de luxe, dont le besoin est
beaucoup moins pressant. En revanche, la loi genevoise n'a pas pour
but premier d'enrayer le renchérissement de la construction, mais bien
d'organiser l'aménagement du territoire, en encourageant la construction
tout en luttant contre la spéculation sur les terrains. On a voulu
en particulier obtenir qu'une partie de la plus-value consécutive au
déclassement profite à la collectivité, soit sous forme de cession de
terrains pour des buts d'intérêt public, soit sous forme de création de
logements à des conditions raisonnables (cf. rapport de la Commission du
Grand Conseil, Mémorial 1957, p. 1390). Il s'ensuit que, comme dans la
cause Fondation Nordmann (RO 91 I 19 ss.), les mesures cantonales n'ont
nullement pour but ni pour effet de contrecarrer l'action entreprise
par le législateur fédéral. Elles la complètent au contraire et peuvent
subsister concurremment avec le droit fédéral.

    Le recourant voit une différence entre la cause Fondation Nordmann
et la présente espèce, parce que, contrairement à l'arrêté fédéral du 13
mars 1964, alors visé, l'arrêté fédéral du 25 juin 1971 ne s'applique pas
à tout le territoire de la Confédération, mais seulement aux régions où
l'industrie de la construction est mise à trop forte contribution. Mais il
n'explique pas en quoi cette différence jouerait un rôle dans la solution
du présent litige.

    b) Le recourant soutient que l'institution d'un contrôle cantonal des
loyers entre en conflit avec ce qu'il dénomme "le contrôle fédéral des
loyers" résultant de l'art. 267 a al. 4 CO. Se référant à une consultation
donnée par le professeur Huber au Conseil d'Etat de Genève, il affirme
qu'une réintroduction du contrôle général des loyers dans le canton de
Genève serait contraire au droit fédéral.

    Le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer sur les conclusions du
professeur Huber, qui ne sont du reste pas exactement celles que le
recourant lui prête. En l'espèce, il ne s'agit nullement de dispositions
propres à assurer la protection permanente de tous les locataires contre
la hausse abusive des loyers, mais uniquement de déterminer les conditions
imposées aux propriétaires désireux de profiter du déclassement de leur
terrain, que la loi cantonale leur permet de demander. Ce déclassement doit
se justifier par un intérêt public prépondérant, qui ne sera généralement
satisfait, vu la pénurie de logements à loyers modérés, que si de tels
logements sont construits. Il est donc normal que le canton prenne les
mesures nécessaires pour que ce but soit réellement atteint.

    Le canton n'institue pas, par la loi sur le développement, une
procédure qui serait ouverte au locataire et le mettrait au bénéfice d'un
contrôle des loyers. Il s'agit de dispositions de pur droit administratif
et la sanction de toute contravention aux dispositions légales et
réglementaires ou aux conditions fixées pour le déclassement consiste
en une amende administrative. Ce système n'emporte pas d'effet direct,
mais seulement un effet indirect sur les rapports de droit civil entre
bailleur et preneur, ou entre vendeur et acheteur. Le locataire n'a pas
- à l'encontre des parties au contrat de travail (art. 342 al. CO) -
d'action civile pour contraindre directement le bailleur à respecter
son obligation de droit public. Il n'a pas, en particulier, le droit
d'être maintenu dans son bail. Cela étant, le régime de la loi sur le
développement ne contrecarre en aucune façon l'application du droit civil
fédéral en matière de bail à loyer.

    c) De l'avis du recourant, le régime de la loi sur le développement est
en contradiction avec le système de la liberté contractuelle et notamment
avec l'art. 19 al. 1 CO.

    Il convient de rappeler que la liberté contractuelle n'est pas
absolue, ainsi que cela résulte déjà de l'art. 19 al. 2 CO. Par les
règles de droit public qu'ils peuvent édicter en vertu de l'art. 6 CC,
les cantons peuvent instituer dans certaines limites des restrictions
à la liberté contractuelle. La jurisprudence l'a admis à de nombreuses
reprises en matière de contrat de travail (cf. notamment RO 87 I 188)
et récemment en matière de contrat de bail (RO 98 Ia 497).

    Dans son avis de droit auquel le recourant se réfère, le professeur
Huber relève qu'on peut à juste titre se demander si la protection des
locataires, au moins dans certains centres urbains et industriels, n'est
pas devenue aussi nécessaire qu'autrefois la protection des ouvriers ou,
autrement dit, si la protection des locataires modestes n'est pas une des
formes actuelles de la protection de l'ouvrier. Cette réflexion, dit-il,
paraît d'autant plus juste que les baux sont aujourd'hui en grande partie
des contrats uniformes ou "de série", comme les contrats de travail. Dans
ce cas, la liberté de contracter comme liberté individuelle joue un rôle
réduit et risque de devenir partiellement fictive. Cette opinion est
certainement exacte. Si, comme l'admet cet auteur, une réintroduction
véritable et complète du contrôle des loyers excéderait sans doute
les limites que les cantons doivent observer en restreignant le champ
d'application du droit privé fédéral, les règles de droit public que le
législateur genevois a adoptées et qui sont critiquées par le recourant
demeurent dans des limites admissibles. Les motifs qui conduisent au
rejet du recours au regard de la liberté du commerce et de l'industrie
conduisent également à son rejet au regard de la violation de la liberté
de contracter.

    d) Le recourant voit encore une contradiction entre la législation
genevoise et le droit fédéral du fait de la volonté manifestée par le
constituant fédéral lors du démantèlement progressif du contrôle des
loyers, mais il ne motive pas plus avant cette affirmation. Il se borne
à dire qu'il ne saurait se rallier à cet égard à l'opinion du professeur
Huber. Or, celui-ci déclare qu'une volonté du législateur n'ayant pas pris
la forme d'une règle de droit ou de plusieurs prescriptions n'est pas de
nature à obliger les cantons, car elle reste un phénomène de caractère
politique et non juridique. On ne voit pas en quoi cette affirmation
serait inexacte et le recourant ne tente aucune démonstration.

    e) Righi fait observer cependant qu'actuellement la controverse sur ce
point a perdu de son intérêt par suite de l'adoption de l'art. 34 septies
Cst. et de la volonté clairement manifestée par le constituant de ne pas
permettre aux cantons d'instituer euxmêmes un contrôle des loyers, cette
volonté ayant trouvé sa traduction dans le libellé de l'art. 34 septies.

    La décision attaquée date du 13 mars 1972, alors que l'art. 34 septies
Cst. est entré en vigueur à la suite du vote de l'Assemblée fédérale
du 29 juin 1972 constatant le résultat de la votation populaire. Mais,
conformément à cet arrêté fédéral (art. 1er), l'art. 34 septies prend
effet le 5 mars 1972, jour de la votation. La décision attaquée devra
donc être annulée si elle est contraire à l'art. 34 septies.

    Cette dernière disposition prévoit, à son al. 2, que la Confédération
légifère pour protéger les locataires contre les loyers abusifs et autres
prestations exigées par les propriétaires. Or, à la date du 13 mars 1972,
la Confédération n'avait pas fait usage de ce droit de légiférer, dont
l'existence n'a été constatée par l'Assemblée fédérale que le 29 juin
1972, même si l'effet au 5 mars 1972 a été prévu. Il ne suffit pas que
la Confédération reçoive, par un amendement constitutionnel, compétence
pour légiférer dans une matière déterminée, ni qu'elle reçoive mandat de
le faire, pour que les cantons soient par là privés de toute compétence
pour légiférer en la matière. Le canton n'est privé effectivement de sa
compétence, dans des cas de ce genre, que dès l'entrée en vigueur de la
législation fédérale relative à la nouvelle disposition constitutionnelle
et dans la mesure seulement où cette législation est exhaustive, qu'elle
réglemente entièrement la matière et qu'elle ne réserve pas expressément
ou implicitement une compétence cantonale, ou encore que cette compétence
ne puisse résulter d'une autre disposition, par exemple de l'art. 6 CC
(RO 97 I 503; FLEINER-GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 98 ss.;
AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. 1, 244).

    C'est par l'arrêté fédéral du 30 juin 1972, instituant des mesures
contre les abus dans le secteur locatif, paru au Recueil officiel des
lois fédérales du 7 juillet 1972 et entré en vigueur, selon son art. 35,
à la date de sa publication, que la Confédération a adopté des mesures
d'exécution de l'art. 34 septies Cst. Le Tribunal fédéral, qui doit
se placer dans la situation de fait et de droit qui existait lors de
l'adoption de la décision attaquée, soit le 29 mars 1972, n'a pas à tenir
compte de dispositions législatives qui ont été adoptées ultérieurement
(RO 82 I 250). Il n'a donc pas à examiner si, depuis l'entrée en vigueur
de l'arrêté, la loi cantonale doit céder la place à la norme du droit
fédéral en vertu de l'art. 2 Disp. trans. Cst.

    Cependant, pour des raisons pratiques, soit pour éviter qu'à la suite
d'une nouvelle décision d'application de l'art. 5 LDAU, le recourant
ne soit amené à former un nouveau recours de droit public, fondé cette
fois sur la force dérogatoire du droit fédéral tel qu'il résulte de
l'arrêté fédéral du 30 juin 1972, il convient d'examiner d'ores et déjà
ce moyen. Les parties ont déjà pu prendre position à ce sujet: le mémoire
de l'Etat de Genève est daté du 7 juillet 1972, soit dujour même de la
publication de l'arrêté fédéral adopté par les Chambres, mais cet arrêté
était déjà connu de l'intimé, qui s'y réfère. Quant au recourant, il a
pu répondre au mémoire de l'Etat dans sa réplique du 16 octobre 1972.

    Les règles contenues dans l'arrêté fédéral sont en partie des
règles de droit civil et en partie des règles de droit public. Mais il
s'agit avant tout, en ce qui concerne non pas le "contrôle des loyers",
qui n'est pas réintroduit par cet arrêté (cf. FF 1972 I 1222), mais la
protection contre les abus, de dispositions de droit civil, modifiant
temporairement les règles du code des obligations relatives au bail à
loyer. Elles sont certes renforcées par des dispositions de droit pénal,
mais celles-ci ne touchent que des situations spéciales, soit le cas où
une personne aura menacé le preneur de certains désavantages, tels que la
résiliation du bail, ou aura imposé ou tenté d'imposer de manière illicite
les loyers ou d'autres prétentions du bailleur rejetées par l'autorité
compétente. La fixation même du loyer est régie essentiellement par des
procédés de droit civil.

    Les règles fixées par le législateur cantonal étant incontestablement
des règles de droit public, qui sont motivées par un intérêt public
pertinent, le canton a en principe le droit de les édicter en vertu de
l'art. 6 CC, si le législateur fédéral n'a pas entendu réglementer la
matière d'une façon exhaustive et si ces règles n'éludent pas le droit
civil fédéral et n'en contredisent pas le sens ou l'esprit (RO 98 Ia 495).

    En l'espèce, la législation fédérale est exhaustive en ce sens
que le canton ne pourrait pas compléter les dispositions fédérales en
prévoyant d'autres règles sur les rapports directs entre bailleur et
locataire. C'est ce que démontre notamment l'art. 6 al. 2, qui prévoit
que les cantons peuvent compléter les dispositions de l'art. 6 al. 1,
relatives aux sûretés fournies par le preneur. A contrario ne peuvent-ils
pas compléter les autres dispositions de l'arrêté, relatives aux rapports
entre bailleur et locataire, cette même faculté ne leur ayant pas été
réservée à l'égard de ces autres dispositions.

    Mais la loi genevoise se place dans un autre cadre, celui des
conditions imposées à un constructeur de bâtiments en cas de déclassement,
cas dans lequel des engagements spéciaux sont demandés audit constructeur,
engagements qu'il doit remplir vis-à-vis de l'Etat. Il s'agit d'un domaine
dans lequel le législateur fédéral n'intervient pas. Il ne pourrait,
semble-t-il, pas intervenir en la matière en vertu de l'art. 34 septies
al. 2 Cst., mais en vertu de l'art. 22 quater, dans la mesure où la
Confédération a compétence pour édicter à cet égard des principes que
les cantons seraient tenus d'appliquer en vue d'assurer une utilisation
judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire. Il ne l'a
pas fait, et le législateur cantonal ne s'est donc mis en contradiction
avec aucune règle du droit fédéral. Les règles du droit cantonal,
prises dans un domaine différent de celui qu'a abordé le législateur
fédéral, ne peuvent que renforcer la protection des locataires voulue
par le droit fédéral. Pour reprendre l'expression de l'arrêt Fondation
Nordmann, elles ne contrecarrent pas l'arrêté fédéral, elles ne font
qu'en accroître l'efficacité. L'application de la loi genevoise doit
donc être indépendante de celle de l'arrêté fédéral, qui concerne des
rapports de droit différents, alors même qu'elle peut se rapporter au même
loyer. Enfin, la loi genevoise a une portée plus large, puisqu'elle ne
concerne pas seulement la location, mais aussi la vente d'appartements. Le
contrôle des loyers d'appartements ne constitue qu'une partie d'un système
plus complet, limité à la zone de développement, mais y touchant à la fois
la location et la vente. Les dispositions de la loi sur le développement
(dans sa version de 1972) peuvent sans aucun doute s'appliquer à la
vente d'appartements, puisqu'à cet égard il ne peut en aucun cas y avoir
contradiction avec l'arrêté fédéral. Il serait illogique de considérer
que les dispositions sur le contrôle des loyers devraient, elles, être
abrogées comme contraires au droit fédéral. On ne saurait donc tirer une
telle conséquence de l'adoption de l'arrêté fédéral.

    IV. Arbitraire

Erwägung 7

    7.- Le recourant reproche au Conseil d'Etat, à titre très subsidiaire,
d'avoir pris à son endroit une décision arbitraire et violant donc
l'art. 4 Cst.

    Le caractère arbitraire de cette décision ressortirait de
la convention du 12 octobre 1967, c'est-à-dire plus précisément des
sacrifices consentis par lui-même à cette époque en faveur de l'Etat
de Genève et de la conviction qui était la sienne que, pour ces motifs,
il ne serait pas soumis aux restrictions prévues à l'art. 5 LDAU.

    a) Le recourant reconnaît tout d'abord que si l'on admet
la constitutionnalité de l'art. 5 LDAU, l'application de cette
disposition à un constructeur, en mars 1972, n'était en elle-même pas
entachée d'arbitraire. Ledit art. 5 autorisait le Conseil d'Etat à faire
application des restrictions qu'il prévoyait, et le Grand Conseil venait
de voter le 25 février 1972, soit un mois avant la décision attaquée,
une novelle obligeant le Conseil d'Etat à appliquer aux constructeurs,
dans la zone de développement, les restrictions instituées par l'art. 5.

    b) En revanche, le recourant soutient que la décision du Conseil
d'Etat est entachée d'arbitraire, parce qu'elle ignore, contrairement
à la bonne foi, les sacrifices consentis par luimême en faveur de la
collectivité. Lorsqu'il a cédé "gratuitement" une partie importante de
ses fonds à l'Etat de Genève, il comptait, dit-il, que la mise en valeur
des terrains restants compenserait ce sacrifice et il partait de l'idée
que ses futures constructions ne seraient pas soumises aux restrictions
prévues par l'art. 5 LDAU. Il affirme que le Département des travaux
publics avait à l'époque éveillé sa confiance et le lui avait laissé
croire, notamment en attirant son attention sur les taxes d'équipement
prévues par l'art. 4 LDAU, mais non sur les restrictions de l'art. 5. En
décevant cette confiance, le Conseil d'Etat serait tombé dans l'arbitraire.

    c) La jurisprudence admet que le principe de la bonne foi, posé par
l'art. 2 CC, ne vaut pas seulement en droit civil, mais s'applique aussi,
comme principe général, aux autres domaines du droit (RO 83 II 349),
notamment au droit administratif (RO 98 Ia 462/463). L'administré est, à
certaines conditions, protégé dans la confiance qu'il voue aux assurances
que lui a données l'autorité.

    En l'espèce, c'est le recourant lui-même - soit la société Marcaure,
dont il était l'unique actionnaire - qui a demandé à l'administration
d'étudier l'aménagement de ses terrains en fonction de la loi du 29 juin
1957. Il reconnaît expressément qu'il n'a jamais, au cours des pourparlers,
demandé à être mis au bénéfice d'une exonération des conditions prévues à
l'art. 5 LDAU. Il reconnaît aussi que jamais le Département des travaux
publics ne lui a déclaré qu'il serait mis au bénéfice d'une telle
exonération. Il ne prétend pas que le Conseil d'Etat l'ait fait. Or
celui-ci est seul compétent pour fixer les conditions auxquelles est
subordonnée l'application des normes de la 3e zone (cf. consid. 1
ci-dessus). Même une assurance formelle du Département des travaux
publics ne l'eût pas engagé (cf. RO 98 Ia 433/434). A plus forte raison ne
peut-on rien déduire du silence du Département. Le fait que les services
de celui-ci ont, lors des pourparlers, attiré l'attention du recourant
sur le montant des taxes d'équipement (art. 4 LDAU) qu'il devrait payer,
sans lui parler de l'art. 5 LDAU, ne modifie pas la situation. On pouvait
attendre de Righi, qui est entrepreneur et qui était accompagné lors de ces
pourparlers d'un architecte et d'un expert-comptable, qu'il se renseigne
sur le contenu de la loi dont il demandait lui-même l'application et il lui
appartenait, s'il voulait être exonéré des conditions que l'Etat impose
en vue du déclassement, de soulever lui-même la question. Cela étant,
la décision du Conseil d'Etat ne porte pas atteinte au principe de la
bonne foi.

    Au reste, le recourant ne conteste pas que l'opération, telle qu'elle
est autorisée, est de nature à lui procurer des bénéfices substantiels. Il
refuse de discuter les calculs présentés par l'Etat, en soutenant que la
constitutionnalité d'une intervention n'est point fonction du caractère
plus ou moins lucratif de l'opération économique qu'elle vise. Mais là
n'est pas la question. Le grief de violation du principe de la bonne
foi eût peut-être été fondé si l'opération avait été si peu rentable
que l'erreur du recourant n'eût pu échapper aux services de l'Etat, qui
auraient alors dû le détromper. Mais le recourant ne prétend pas que
ce soit le cas et s'il dit que les calculs de l'Etat sont partiellement
inexacts, il s'abstient de les contester avec précision.

    Il faut relever en outre que l'attitude du recourant en cours de
procédure affaiblit singulièrement sa thèse. Si réellement il croyait que
l'autorité cantonale avait entendu l'exonérer de l'application de l'art. 5
LDAU, en raison des cessions de terrains qu'il avait consenties, il n'eût
pas manqué de le dire à réception de l'autorisation préalable adressée
à son mandataire, l'architecte Erb, le 25 mars 1969 et qui précisait que
l'opération était soumise au contrôle des loyers. C'est après réception
de cette lettre que les autorisations définitives ont été demandées. Par
la suite, invité à déposer des plans financiers, Righi s'est contenté de
solliciter des délais, sans protester. Ce n'est que le 13 mars 1972, soit
trois ans après réception de l'autorisation préalable, qu'il a prétendu
pour la première fois avoir cru qu'il serait exonéré de l'application
des règles restrictives de l'art. 5 LDAU. Il apparaît évident que si
vraiment il avait cru que l'accord passé avec l'Etat entraînait une telle
exonération, il n'eût pas manqué de le dire avant de déposer ses demandes
d'autorisations définitives.

    d) Enfin, le recourant ne prétend pas être victime d'une inégalité
de traitement en ce sens que d'autres propriétaires, placés dans la même
situation que lui, auraient été exonérés des restrictions prévues par
l'art. 5 LDAU. Certes, il affirme avoir consenti des cessions de terrain
exceptionnellement élevées, dépassant celles de propriétaires voisins. Mais
cela ne suffit pas à rendre arbitraire la décision de lui appliquer,
comme à ces autres propriétaires, les conditions prévues par l'art. 5 LDAU.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours en tant qu'il est recevable.