Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 594



99 Ia 594

73. Arrêts du 10 octobre 1973 dans la cause Section vaudoise de
l'association suisse des vignerons-encaveurs et consorts contre Conseil
d'Etat du canton de Vaud. Regeste

    Kantonale Abgaben. Art. 4 und 32quater BV. Art.  19 KV Waadt.

    Beschwerdelegitimation (Erw. 1).

    Gegenstand und Gründe der Beschwerde (Erw. 2).

    Rechtliche Natur der Abgabe, die von den Winzern zur Deckung der Kosten
einer Werbezentrale für Erträgnisse der Rebberge erhoben wird (Erw. 3).

    Die Erhebung dieser Abgabe verletzt Art. 32quater Abs. 3 und 4 BV nicht
(Erw. 4).

    Die Delegation der Befugnis, den Betrag der Abgabe festzusetzen, an den
Staatsrat verletzt Art. 19 der waadtländischen Verfassung nicht (Erw. 5 a).

    Hingegen widerspricht sie dem aus Art. 4 BV abgeleiteten
Legalitätsgrundsatz (Erw. 5 b).

Sachverhalt

    A.- La loi vaudoise de 1924 sur la viticulture, modifiée et complétée à
plusieurs reprises, prescrit ce qui suit à son art. 53: "L'Etat coordonne
les actions collectives ou individuelles ayant pour but d'améliorer les
méthodes de vinification, de faciliter une politique rationnelle des
prix et d'assurer une propagande fructueuse en faveur des produits du
vignoble vaudois. Il le fait entre autres par les moyens indiqués aux
articles suivants."

    Parmi ces moyens, figurent la création d'une Commission cantonale
d'économie vinicole, l'encouragement à la création de centrales vinicoles
de producteurs, le warrantage d'excédents en stocks, la mise à disposition
des centrales vinicoles et des exploitations privées encavant au moins 50
000 litres de moût par an, de conseillers oenologues, d'experts comptables
ou commerciaux (art. 53ter à 53quinquies). En outre, l'art. 54 prévoit
que l'Etat organise et surveille un office central de propagande en faveur
des produits du vignoble vaudois. Constitué par arrêté du Conseil d'Etat
du 7 mars 1941, sous le nom d'Office de propagande pour les vins vaudois,
cet organisme est devenu en 1969 l'Office des vins vaudois.

    Les dépenses résultant de l'application de la loi sont couvertes
par le Fonds vinicole cantonal et par un crédit annuel porté au budget
(art. 55). Ce Fonds vinicole cantonal est alimenté comme il suit,
selon l'art. 55bis:

    "...

    a) par une contribution annuelle des propriétaires de vignes;

    a bis) par une taxe annuelle à l'encavage;

    b) par les émoluments prévus à l'art. 53 quinquies;

    c) par des recettes diverses...

    d) par des dons ou cotisations volontaires...".

    L'art. 55quater ajoute que le Fonds vinicole cantonal sert à couvrir en
tout ou partie les dépenses résultant de l'application des art. 53quinquies
et 54.

    La taxe à l'encavage a été introduite par la loi du 15 septembre 1971,
pour contribuer à couvrir les besoins croissants de l'Office des vins
vaudois. A son sujet, l'art. 55ter al. 2 dispose ce qui suit:

    "La taxe à l'encavage est fixée annuellement par le Conseil
d'Etat. Elle est due par la personne qui presse la vendange. Elle est
calculée sur le poids de la vendange pressée selon les attestations
officielles du contrôle de la vendange ou par d'autres moyens
d'appréciation si un contrôle satisfaisant n'a pu être effectué. Son
montant peut être ajouté au prix de vente ou de revente."

    B.- Se référant aux art. 55bis et 55ter al. 2 tels qu'ils ont été
modifiés par la loi du 15 septembre 1971, le Conseil d'Etat du canton de
Vaud, par arrêté du 5 novembre 1971, a fixé la taxe à l'encavage pour
l'année 1971 à 1 fr. par quintal de vendange pressée, les éléments
nécessaires de calcul de cette taxe étant fournis par le contrôle
officiel de la vendange institué par un arrêté du 9 juillet 1954. Chargé du
recouvrement de cette taxe, le Service cantonal de la viticulture a notifié
aux intéressés les bordereaux y relatifs, en date du 3 décembre 1971.

    La Section vaudoise de l'Association suisse des vigneronsencaveurs
et un certain nombre de viticulteurs-encaveurs ont recouru au Conseil
d'Etat, par acte du 13 décembre 1971, en concluant à l'annulation des
bordereaux en question. Le Conseil d'Etat a rejeté tous les recours,
par décision du 24 janvier 1973, motivée en substance comme il suit:

    La taxe à l'encavage, telle qu'elle est instituée par l'art.
55bis lit. a bis de la loi sur la viticulture, n'est pas un impôt, mais
une charge de préférence. L'Office des vins vaudois est une institution
de droit public ayant pour mission de faire de la propagande générale
en faveur des produits du vignoble vaudois. Il répond donc aux intérêts
généraux de l'économie vaudoise, ce qui permet de considérer ses frais de
fonctionnement comme des frais d'installations déterminées réalisées par
la corporation pubhique dans l'intérêt général, la notion d'installation
pouvant notamment couvrir une activité telle que la publicité en faveur
d'une branche de l'économie. Les personnes redevables de la taxe d'encavage
tirent certainement un avantage particulier de l'activité de cet office
qui, par sa publicité, facilite la commercialisation de leurs vins. Enfin,
l'importance de la taxe calculée proportionnellement au poids de la
vendange pressée est bien en rapport direct avec les profits particuliers
retirés par les encaveurs de la propagande faite, ces profits variant
en fonction de la quantité de vin à commercialiser et donc du poids de
la vendange pressée. Etant affectée tout entière au paiement d'une part
des frais de l'Office des vins vaudois, elle est également calculée sur
la base des dépenses prévisibles de cet office.

    Comme charge de préférence, la taxe contestée n'est pas incompatible
avec l'art. 32quater al. 4 Cst., lequel ne vise que des impôts spéciaux ou
d'autres restrictions, à l'exclusion notamment des charges de préférence.
Elle n'est pas davantage incompatible avec l'art. 19 al. 2 Cst. vaud., qui
n'a en vue que les impôts proprement dits et non les autres redevances.
Certes, les charges de préférence comme les émoluments sont soumis au
principe de la légalité, selon la jurisprudence fédérale. Mais il n'est
pas certain que celle-ci exclue une délégation législative au gouvernement
cantonal pour la détermination du montant de ces contributions. De toute
manière, en matière d'émoluments et de charges de préférence, l'exigence
d'une base légale formelle ne s'étend pas à la détermination du montant,
du taux ou même du chiffre maximum de la contribution, les principes de
la proportionnalité et de la couverture des frais assurant des garanties
suffisantes aux débiteurs de cette contribution. L'argumentation tirée
d'un prétendu défaut de base légale suffisante est donc également infondée.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, les encaveurs
déboutés, ainsi que la Section vaudoise de l'Association suisse des
vignerons-encaveurs, demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision
du Conseil d'Etat du 24 janvier 1973 et, en conséquence, les bordereaux
notifiés aux recourants pour la taxe à l'encavage 1971. Ils soutiennent que
cette taxe constitue un impôt spécial ou d'affectation, dans la mesure où
elle est destinée à couvrir d'autres dépenses que celles de l'Office des
vins vaudois, en particulier les mesures de l'art. 53quinquies de la loi
sur la viticulture ou des subsides à la Fédération vaudoise des vignerons.
Dans cette mesure, la taxe incriminée serait contraire aux art. 32quater
Cst., 19 al. 2 (légalité de l'impôt) et 30 al. 2 (séparation des pouvoirs)
Cst. vaud., subsidiairement 4 Cst.

    D.- Dans sa réponse, le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours
de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'Association suisse des vignerons-encaveurs et la Section
vaudoise de cette association ont notamment pour but, selon l'art. 3 de
leurs statuts, de sauvegarder les intérêts légitimes de leurs membres et
de défendre leurs droits constitutionnels. Les autres recourants, tous
membres de ladite section vaudoise, sont astreints au paiement de la taxe
litigieuse et seraient lésés dans leurs intérêts juridiquement protégés
si elle était inconstitutionnelle, ainsi qu'ils le soutiennent. L'une et
les autres ont qualité pour former un recours de droit public, en vertu
de l'art. 88 OJ (cf., en ce qui concerne l'association, RO 94 I 4; 93 I
44, 127).

Erwägung 2

    2.- Il n'est pas contesté que le Conseil d'Etat disposait d'un plein
pouvoir pour l'examen des recours déposés devant lui. Sa décision a donc
remplacé, tout en les confirmant, les bordereaux de taxation notifiés
par le Service cantonal de la viticulture. Elle peut seule être attaquée
par la voie du recours de droit public, à l'exclusion desdits bordereaux
(RO 99 I a 148 consid. 2).

    Les recourants soutiennent que l'art. 55bis lit. a bis, instituant une
taxe à l'encavage, est contraire à la constitution. Ils sont recevables
à le faire. Certes, le délai légal étant expiré, la disposition
légale incriminée ne peut plus être attaquée comme telle. Mais son
inconstitutionnalité peut être invoquée dans un recours formé contre une
décision d'application (RO 98 I a 164; 97 I 334, 347).

Erwägung 3

    3.- L'autorité cantonale considère que la taxe à l'encavage, instituée
en septembre 1971 par la modification de l'art. 55bis de la loi sur la
viticulture, constitue une charge de préférence, alors que les recourants
soutiennent qu'il s'agit bien davantage d'un impôt spécial.

    a) L'impôt est la contribution versée par un particulier à une
collectivité publique pour participer aux dépenses résultant des tâches
générales dévolues à cette dernière en vue de la réalisation du bien
commun. Il est perçu sans conditions, non pas comme contrepartie d'une
prestation de l'Etat ou d'un avantage particulier, mais en fonction d'une
certaine situation économique réalisée en la personne de l'assujetti.

    En revanche, l'émolument ou taxe se présente comme le prix de
droit public imposé unilatéralement au citoyen pour un certain recours
à l'administration publique ou à un service public. La quotité d'une
taxe doit être directement en rapport avec l'avantage retiré par le
redevable. Si et dans la mesure où son montant excède le coût de la
prestation étatique, la taxe devient un impôt.

    Enfin, la "charge de préférence", troisième forme de contribution
publique, est une participation aux frais d'installations déterminées
réalisées par une corporation publique dans l'intérêt général,
participation mise à la charge des personnes ou groupes de personnes
auxquels ces installations procurent des avantages économiques
particuliers. Elle est calculée d'après la dépense à couvrir et mise
à la charge de celui qui profite des installations réalisées, dans
une proportion correspondant à l'importance des avantages économiques
particuliers qu'il en retire. Elle se distingue de l'impôt d'affectation
ou de dotation (Zwecksteuer) en ce sens que si celui-ci est, lui aussi,
destiné à couvrir des dépenses déterminées, il est perçu en revanche auprès
de tous les contribuables et non pas seulement auprès de ceux auxquels les
dépenses à payer procurent des avantages (RO 95 I 506/7 et les citations).

    b) La taxe à l'encavage alimente - avec d'autres ressources - le
Fonds vinicole cantonal, lequel doit couvrir, concurremment avec un crédit
budgétaire, les dépenses résultant de la loi sur la viticulture (art. 55 et
55bis lit. a bis de ladite loi). Plus précisément (art. 55quater), ce fonds
couvre en tout ou partie les dépenses résultant de l'application des art.
53quinquies et 54 de la loi, prévoyant l'un que l'Etat met des experts -
oenologues et commerciaux - à la disposition des encaveurs importants,
l'autre qu'il est constitué un office de propagande en faveur des produits
du vignoble vaudois. Si les experts sont payés par l'Etat, celui-ci perçoit
pour leurs services des émoluments versés dans le Fonds vinicole cantonal
(art. 53quinquies al. 2). On ignore dans quelle proportion ces émoluments
couvrent la rémunération des experts. Mais le Conseil d'Etat affirme
dans sa réponse que les frais résultant de l'application de ce dernier
article sont supportés par le budget de l'Etat. Il en résulte que la
taxe à l'encavage sert essentiellement à couvrir les besoins de l'Office
des vins vaudois. Ce sont du reste uniquement les besoins de cet office
qui justifiaient, selon l'exposé des motifs de la loi du 15 septembre
1971, l'introduction de cette taxe. Il s'agissait de fournir au fonds
les ressources nécessaires pour porter de 480 000 fr. à 700 000 fr. son
versement annuel à l'office, afin de permettre à celui-ci d'intensifier sa
propagande en faveur des produits du vignoble vaudois. Le Conseil d'Etat
ajoute encore qu'en 1971, au taux de 1 fr. par quintal de vendange pressée
adopté cette année-là, la taxe à l'encavage a produit 252 045 fr. 95,
après déduction des frais de perception, ce qui représente un montant
d'environ 1,07 ct. par litre de vin produit dans le canton.

    La viticulture est une branche importante de l'économie vaudoise; en
faisant connaître ses produits et en contribuant ainsi à sa prospérité,
l'Office des vins vaudois agit dans l'intérêt général du canton. Mais son
activité profite aussi et tout d'abord directement aux producteurs et aux
commerçants en vins, qui en retirent un avantage économique. On doit en
conclure que telle qu'elle a été prélevée pour l'année 1971, la seule en
cause en l'espèce, la taxe à l'encavage réunissait tous les caractères de
la charge de préférence. Perçue auprès des encaveurs, qui bénéficient de
la propagande faite par l'Office des vins vaudois, elle a produit un peu
plus du tiers seulement des frais de cet office et ne représente qu'une
charge d'un peu plus de 1 ct. par litre de vin produit, ce qui n'est
certainement pas supérieur aux avantages d'ordre économique procurés
aux encaveurs. Même ceux qui pratiquent surtout la vente directe à une
clientèle privée bénéficient dans cette mesure au moins de l'augmentation
de la demande qu'entraîne l'activité de l'office. Le critère de répartition
apparaît judicieusement choisi, les avantages retirés de l'activité de
l'office étant plus ou moins proportionnels à la quantité de vin à mettre
dans le commerce. Sans doute ce critère est-il schématique. Mais c'est
pratiquement inévitable, si l'on ne veut pas compliquer démesurément la
perception (cf. RO 93 I 114 et les citations; 94 I 278). Le montant de la
taxe est au demeurant fort modeste - les recourants eux-mêmes l'admettent
-, de sorte que des critères de répartition plus différenciés n'auraient
guère de raison d'être, supposé qu'ils puissent être définis.

    Il n'est pas décisif, pour déterminer la nature de la contribution,
que l'Office des vins vaudois ne soit pas une installation technique,
comme une station d'épuration des eaux (cf. RO 93 I 106 ss.; 94 I 270
ss.) ou une route (cf. RO 98 I a 169 ss.). Ainsi, le Tribunal fédéral
a admis qu'une contribution aux frais de défense contre l'incendie,
destinée à couvrir une partie des dépenses résultant de l'entretien d'un
corps de sapeurspompiers, était une charge de préférence ((RO 86 I 97 ss.;
cf. RO 70 I 124).

    Enfin il importe peu, pour définir la nature de la taxe à l'encavage,
que les encaveurs qui sont en même temps propriétaires de vignes paient
en outre une contribution calculée en fonction de la surface viticole et
versée dans le même fonds vinicole.

Erwägung 4

    4.- De l'avis des recourants, la taxe à l'encavage viole les droits
que leur confère l'art. 32quater al. 3 et 4 Cst.

    a) Contrairement à ce qu'affirme le Conseil d'Etat dans sa réponse,
la disposition invoquée confère bien à l'individu des droits qu'il peut
faire valoir par la voie du recours de droit public. Le Tribunal fédéral a
certes admis qu'il n'en était rien (cf. RO 83 I 245), mais il se référait
uniquement aux al. 1 et 2, ainsi que le démontre la suite des considérants
de cet arrêt. En revanche, les al. 3 et 4 s'adressent incontestablement à
l'individu comme tel. Leur texte clair ne permet aucun doute sur ce point.

    b) L'art. 32quater al. 3 Cst. prohibe la perception, sur la vente de
boissons spiritueuses non distillées, d'impôts spéciaux autres que les
droits de patente. La taxe litigieuse, qui n'a pas le caractère d'un impôt
au sens strict, mais bien celui d'une charge de préférence, ne tombe pas
sous le coup de cette interdiction. Ce premier moyen est ainsi mal fondé.

    c) En vertu de l'art. 32quater al. 4 Cst., les producteurs de vm et
de cidre peuvent, sans autorisation et sans payer de droit, vendre le
produit de leur propre récolte par quantité de deux litres ou plus. Les
recourants en déduisent que toute contribution quelconque est contraire à
la constitution, et partant que la taxe litigieuse est mconstitutionnelle
même si elle constitue une charge de préférence.

    Cette interprétation ne s'impose nullement. La disposition de l'art.
32quater al. 4, 2e phrase, Cst. doit bien plutôt s'entendre comme une
restriction de la compétence que l'art. 32quater al. 2 confère aux
cantons. Ainsi que le relève le Message du Conseil fédéral, le régime
alors en vigueur, permettant à chacun de vendre sans contrôle vin, bière et
cidre, à condition de le faire par quantités non inférieures à 2 litres,
prêtait le flanc à des critiques justifiées. On a donc entendu permettre
aux cantons de soumettre au régime de l'autorisation la vente par quantités
de 2 à 10 litres. Toutefois, pour respecter une coutume bien établie dans
les pays de vignobles, ainsi que dans les régions fruitières de Suisse
orientale, les producteurs vendant leur propre récolte ont obtenu le
droit de le faire par quantité de 2 litres au moins, sans autorisation
(FF 1926 I 326-328). En revanche, il n'est nullement question dans ce
même message d'une exemption de toute contribution, quelle qu'elle soit,
en faveur de ces mêmes producteurs. Il faut en conclure que le "droit"
dont il est question à l'al. 4 est le "modeste émolument" de l'al. 2,
dont les producteurs sont exonérés en même temps que de l'obligation
de se munir d'une autorisation. Le texte allemand use du reste dans ces
deux alinéas du même mot "Gebühr". Sans doute est-il impropre, comme le
relève BURCKHARDT (Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, 3e éd.,
p. 273): le Message précise que l'émolument d'autorisation "ne devrait
pas avoir un caractère fiscal accusé", ce qui signifie déjà qu'il n'est
pas nécessairement un pur émolument au sens étroit et peut constituer
pour partie un impôt. Mais la reprise du même terme confirme que le
constituant n'a pas voulu viser autre chose à l'alinéa 2 et l'alinéa 4. Le
texte constitutionnel a donc exclu, en ce qui concerne les producteurs
vendant leur propre récolte, les impôts spéciaux (al. 3) d'une part, et le
"modeste émolument" d'autorisation ou "droit" (al. 2 et 4) d'autre part. Il
ne prohibe pas la contribution sui generis qu'est la charge de préférence.

    Les recourants soutiennent cependant encore que la perception de
la taxe à l'encavage les soumet à un contrôle officiel et de caractère
fiscal dont la constitution fédérale doit précisément les exempter. On
ne peut les suivre sur cette voie. Sans doute la dispense d'autorisation
implique-t-elle que l'autorité de police ne peut exercer de contrôle
permanent sur les ventes du producteur (BURCKHARDT, loc.cit.). Mais on ne
voit pas en quoi un contrôle à but fiscal de la quantité récoltée serait
prohibé. Lors même qu'elle aurait accessoirement un tel but, ce qui n'est
nullement démontré, la perception de la taxe à l'encavage ne violerait
pas l'art. 32quater al. 4 Cst.

    Le second moyen déduit de cet article constitutionnel est ainsi mal
fondé lui aussi.

Erwägung 5

    5.- Les recourants soutiennent qu'en laissant au C nseil d'Etat
le soin de fixer le montant de la taxe annuelle à l'encavage, l'art.
55ter al. 2 nouveau, introduit dans la loi sur la viticulture par la
modification du 15 septembre 1971, viole le principe de la légalité de
l'impôt, consacré tant par l'art. 19 al. 2 Cst. vaud. que par l'art. 4 Cst.

    a) L'art. 19 al. 2 Cst. vaud. dispose que la loi peut seule instituer
les impôts et qu'elle en fixe l'objet et les modalités en fonction des
facultés économiques des contribuables. Il en résulte clairement que
les impôts proprement dits sont seuls visés, car eux seuls sont fixés
en fonction des facultés économiques du contribuable. Or la taxe à
l'encavage, telle qu'elle a été prélevée en 1971, seule année en cause,
est une charge de préférence. La constitution cantonale ne prohibe pas
la délégation législative en cette matière. Les recourants, qui s'en
prennent à une décision et non à l'acte normatif comme tel, ne peuvent
mettre en cause la constitutionnalité de celui-ci que dans la mesure où
il leur a été appliqué (RO 93 I 101; 92 I 364; 91 I 459 s.; 90 I 79,
91). N'étant pas frappés d'un impôt au sens strict, ils ne peuvent se
plaindre d'une violation de l'art. 19 al. 2 Cst. vaud.

    b) Le Tribunal fédéral admet que le principe de la légalité s'applique,
en vertu de l'art. 4 Cst., à toutes les contributions publiques, à la
seule exception des simples émoluments de chancellerie (RO 97 I 804 et les
citations). Si la délégation législative n'est pas exclue, la loi formelle
doit définir les limites dans lesquelles l'autorité délégataire pourra user
de son pouvoir. Elle doit déterminer au moins les conditions générales de
la perception et le montant maximum de la contribution (RO 97 I 804, 347).

    L'art. 55ter al. 2 de la loi vaudoise sur la viticulture ne satisfait
pas à cette exigence. S'il détermine la personne du contribuable et
l'assiette de la contribution, il ne fixe pas le montant maximum de la
taxe. Il ne constitue donc pas une base légale suffisante, même pour la
perception d'une charge de préférence.

    Le Tribunal fédéral s'est demandé il est vrai, dans les deux arrêts
précités, s'il ne conviendrait pas d'assouplir l'exigence d'une base légale
formelle en matière d'émoluments, soumis de plein droit aux principes
de la couverture des frais et de la proportionnalité, qui assurent déjà
une protection efficace au contribuable. La même question pourrait se
poser en matière de charges de préférence, soumises à des principes
semblables. Mais elle peut rester indécise en l'espèce. Il incombait
à l'autorité législative elle-même de fixer au moins la proportion dans
laquelle les frais de l'Office des vins vaudois devaient être supportés par
les encaveurs, par le moyen de la taxe à l'encavage. Or la loi cantonale
se borne à prévoir que le Fonds vinicole couvre tout ou partie des frais
de cet office et d'autres dépenses encore. Il n'y a donc pas de relation
nécessaire entre les frais de l'office et la taxe. Certes, l'exposé des
motifs établissait cette relation. Mais elle n'a pas trouvé son expression
dans la loi. Le Conseil d'Etat eût pu, sans excéder les limites de la
délégation, instituer une contribution ayant, en partie en tout cas,
le caractère d'un impôt d'affectation. Une délégation aussi vague n'est
pas compatible avec le principe de légalité. Des précisions s'imposaient
d'autant plus qu'il est difficile de fixer objectivement la valeur des
avantages procurés aux encaveurs par l'activité de l'office. De plus,
les frais de cette activité peuvent varier dans une mesure beaucoup
plus grande que ceux d'une installation technique, de sorte qu'il
eût peut-être été opportun de fixer le maximum de la taxe en valeur
absolue plutôt qu'en proportion des dépenses de l'office. Il y avait
une décision politique à prendre, décision que l'autorité législative
pouvait arrêter librement, mais dont elle ne pouvait se décharger en
donnant un blanc-seing à l'autorité exécutive. Sans doute celle-ci n'en
a-t-elle pas abusé. La décision attaquée n'en repose pas moins sur une
base légale insuffisante. Elle doit être annulée dans la mesure où elle
concerne les recourants.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours dans le sens des considérants et annule la décision
attaquée.