Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 513



99 Ia 513

62. Arrêt du 21 novembre 1973 dans la cause Sun'Store SA contre Conseil
d'Etat du canton de Fribourg. Regeste

    Art. 31 BV.

    Kassatorische Natur der staatsrechtlichen Beschwerde; Ausnahme
(Erw. 1). Art. 64 des Freiburger Gesundheitspolizeigesetzes, wonach nur
em patentierter Apotheker Eigentümer einer öffentlichen Apotheke sein kann,
verstösst gegen Art. 31 BV (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Par lettre du 6 décembre 1972, Sun'Store S. A., dont le siège
social est à Sion, a demandé au Département de la santé publique du
canton de Fribourg l'autorisation d'ouvrir dans la région de Fribourg
une pharmacie publique, exploitée par un pharmacien responsable.

    Le 17 janvier 1973, la Direction de la santé publique a refusé
d'accorder cette autorisation, en relevant que selon la loi fribourgeoise
sur la police de santé seul un pharmacien diplômé peut être propriétaire
d'une pharmacie publique; ainsi, une telle pharmacie ne peut être exploitée
que par une personne physique, en raison individuelle, et non par une
personne morale. La société anonyme Sun'Store ne remplissait donc pas les
conditions légales pour être autorisée à exploiter une pharmacie publique,
même avec le concours d'un pharmacien responsable.

    B.- Le 5 février 1973, Sun'Store S. A. a recouru contre cette
décision au Conseil d'Etat fribourgeois, en expliquant qu'elle désirait
ouvrir une pharmacie dans le nouveau centre commercial en construction à
Avry-sur-Matran et qu'un pharmacien patenté assumerait la responsabilité
de l'exploitation de ce commerce. Elle invoquait à l'appui de son recours
le principe constitutionnel de la liberté du commerce.

    Par décision du 28 août 1973, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a
rejeté le recours. Il considère que le refus opposé à Sun'Store S. A. est
justifié au regard de l'art. 64 de la loi fribourgeoise sur la police
de santé (ci-après: LPS) dans son texte modifié le 11 mai 1967. Il
explique que le législateur cantonal a estimé nécessaire d'exiger que le
propriétaire d'une pharmacie publique soit un pharmacien patenté, afin
d'éviter une spéculation portant atteinte à la profession de pharmacien
et afin d'empêcher la commercialisation de la vente des médicaments;
pour qu'un pharmacien puisse remplir son rôle dans la lutte contre l'abus
généralisé des médicaments, il faut lui assurer l'indépendance nécessaire,
qui ne peut exister lorsque la pharmacie est exploitée à des fins purement
commerciales.

    Le Conseil d'Etat fribourgeois admet que la question de la
constitutionnalité de ces dispositions légales se pose, au vu de la
jurisprudence du Tribunal fédéral; mais il estime qu'il n'a pas qualité
pour trancher cette question et qu'il doit se borner à appliquer la loi.

    C.- Par acte du 1er octobre 1973, Sun'Store S. A. forme un recours de
droit public contre cette décision, concluant à l'annulation de celle-ci
et à l'octroi de l'autorisation d'ouvrir, en qualité de propriétaire,
une pharmacie publique au centre commercial d'Avry-sur-Matran. Elle
soutient, en substance, que l'art. 64 LPS, tel qu'il a été voté le 11
mai 1967 et tel que l'applique la décision attaquée, est manifestement
contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie consacré
par l'art. 31 Cst.; que l'entrave qu'il apporte à l'exercice de cette
liberté dépasse de beaucoup ce que justifieraient la protection de la
santé publique et la sauvegarde de la profession de pharmacien; qu'il
apparaît que le législateur fribourgeois a été essentiellement conduit par
des considérations de politique économique et par la volonté de protéger
une catégorie déterminée de citoyens.

    D.- Le Ministère public de l'Etat de Fribourg, représentant le
Conseil d'Etat, conclut au rejet du recours. Il fait observer, en bref,
que les dispositions légales dont se plaint la recourante répondent au
souci du Grand Conseil fribourgeois de limiter les points de vente des
médicaments et de ne les confier qu'à des personnes compétentes, cela
afin de protéger la santé publique.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Bien que le recours de droit public soit en principe une voie de
cassation seulement, celui qui se plaint du refus d'une autorisation de
police peut demander au Tribunal fédéral d'enjoindre à l'autorité cantonale
de délivrer l'autorisation (RO 95 I 343 consid. 5 et les arrêts cités;
cf. RO 98 Ia 457 consid. 1.). Les conclusions du présent recours sont
recevables dans cette mesure. Elles ne le sont pas, en revanche, en tant
qu'elles demandent au Tribunal fédéral de délivrer lui-même l'autorisation.

Erwägung 2

    2.- L'art. 64 LPS, dans la teneur qui résulte de la loi du 11 mai
1967, dispose:

    "Seul un pharmacien patenté peut être propriétaire d'une pharmacie
publique.

    Il peut être dérogé à ce principe dans les deux cas suivants:

    a) la veuve d'un pharmacien peut rester propriétaire de la pharmacie
sa vie durant;

    b) l'hoirie d'un pharmacien décédé peut rester propriétaire de la
pharmacie jusqu'à ce que celle-ci puisse être reprise par un descendant
titulaire du diplôme fédéral, à la condition que ce descendant se trouve,
au moment du décès de son ascendant, au moins au stade des études
secondaires.

    Dans les cas visés par les litt. a et b, la gérance de la pharmacie
doit être assurée par un pharmacien patenté."

    La recourante ne conteste pas, avec raison, que la décision attaquée
soit conforme à cette disposition. Elle soutient que la loi elle-même
est contraire à la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce
et de l'industrie (art. 31 Cst.). Ce moyen est recevable (RO 97 I 915
consid. 4 a, 780, 29 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral l'examine
avec plein pouvoir.

    a) Dans une espèce analogue, à propos de la législation tessinoise,
le Tribunal fédéral a admis ce qui suit (RO 91 I 308 ss.). La préparation
et la vente de médicaments ont un caractère scientifique et commercial
et jouissent donc de la liberté du commerce garantie par l'art. 31
Cst. Toutefois, ces activités sont sujettes à des restrictions de droit
cantonal dans deux sens: en tant qu'elles se déroulent dans la sphère
d'une profession libérale, leur exercice peut être subordonné par les
cantons à un certificat de capacité (art. 33 Cst.); en tant qu'elles sont
l'objet d'une entreprise commerciale, elles peuvent être assujetties à
des prescriptions de police, pour la protection de l'ordre, de la santé
et de la sécurité du public (RO 79 I 121). Au contraire, la protection
d'une catégorie sociale ne justifie pas une limitation de la liberté du
commerce (RO 80 I 126 dernier alinéa, 143-144).

    On ne voit pas pourquoi on sauvegarderait mieux la sécurité et la santé
publique en exigeant que le pharmacien responsable soit propriétaire de
son entreprise. On pourrait tout aussi bien soutenir que les pharmacies
qui appartiennent à une personne autre que le pharmacien responsable
offrent de plus grandes garanties d'un sain exercice de la profession,
surtout si le propriétaire est une personne morale; ce serait l'effet de
la surveillance réciproque exercée par les intéressés et des possibilités
accrues de contrôle offertes à l'autorité de surveillance. Quoi qu'il en
soit, même si une telle exigence de la loi offrait des avantages, ceux-ci
ne seraient pas proportionnés à la grave limitation ainsi apportée à la
liberté du commerce. Vu l'importante mise de fonds qu'exige l'acquisition
ou l'ouverture d'une pharmacie, il ne se justifie pas, par exemple, de
fermer à un pharmacien diplômé la possibilité d'exploiter une pharmacie
qu'un tiers mettrait à sa disposition.

    En réalité, de telles prescriptions ne peuvent être dictées que par
des considérations de politique économique et par le souci de protéger
une catégorie sociale, ce qui ne saurait justifier une restriction à la
garantie donnée par l'art. 31 Cst.

    b) Il n'y a pas de raisons de revenir sur les principes ainsi
posés. Bien que le législateur fribourgeois ait connu cette jurisprudence
lorsqu'il a adopté la règle contestée, ni la décision attaquée, ni
la réponse déposée au nom du Conseil d'Etat n'apportent aucun argument
nouveau de quelque poids en faveur de cette règle. Sans doute peut-on
craindre, avec les autorités cantonales, que la multiplication des
points de vente ne favorise l'abus des médicaments, au détriment de
la santé publique. Mais ce risque ne justifie pas l'introduction,
par des voies détournées, d'un numerus clausus (cf. RO 79 I 339 et les
citations). Il incombe à l'Etat d'y parer en instituant une surveillance
efficace sur l'exercice de la profession. A cet effet il peut exiger que
chaque pharmacie soit exploitée personnellement et de façon permanente
par un pharmacien diplômé responsable. Mais on ne voit pas en quoi un
pharmacien propriétaire offrirait forcément plus de garanties qu'un
pharmacien gérant. Le propriétaire doit aussi exploiter sa pharmacie
de manière commercialement rentable. Il va de soi que l'on ne saurait
limiter le nombre des officines à la seule fin d'en faciliter le contrôle.

    La décision attaquée repose ainsi sur une norme inconstitutionnelle
et doit être annulée. Il n'apparaît pas cependant, en l'état, que le
refus de l'autorisation ne puisse se fonder sur aucun motif compatible
avec la garantie constitutionnelle. Le Tribunal fédéral n'invitera donc
pas l'autorité cantonale à délivrer cette autorisation. Il incombera à
ladite autorité de rendre une nouvelle décision tenant compte des motifs
du présent arrêt (RO 98 Ia 451 consid. 1).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours en tant qu'il est recevable et annule l'arrêté
attaqué.