Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 423



99 Ia 423

50. Arrêt du 17 octobre 1973 dans la cause Société vaudoise et romande
de secours mutuels contre Schenk SA et Cour des poursuites et faillites
du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Regeste

    Art. 30 KUVG, 80-81 SchKG.

    Kollektive Krankenversicherung. Anwendung des Art. 30 KUVG auf
Verfügungen über die Bezahlung von Beiträgen, die der Arbeitgeber für
seine versicherten Angestellten schuldet? (Erw. 1 und 2). Der Richter,
der über ein Rechtsöffnungsbegehren zu entscheiden hat, das sich auf
eine solche Verfügung stützt, kann sie nur auf ihre Vollstreckbarkeit
hin überprüfen (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels (SVRSM),
caisse-maladie reconnue par la Confédération au sens de l'art. 1er al. 3
LAMA, a conclu un contrat d'assurancemaladie collective avec le Conseil
professionnel paritaire de la branche des vins à Lausanne, en faveur du
personnel des entreprises de cette branche.

    Le 2 février 1970, la maison Schenk SA, à Rolle. dont le personnel est
assuré auprès de la SVRSM en vertu dudit contrat d'assurance collective,
a adressé à cette caisse un décompte de cotisations relatif à l'assurance
de son personnel pour l'année 1969. Ce décompte comportait un montant
total de 15 564 fr. 55, dont Schenk SA déduisait un montant de 1829
fr. 95, représentant la "ristourne de la part de cotisation (3é) payée en
trop en 1964/1965 sur les salaires de bureau qui ne sont pas soumis à la
participation au Fonds de secours du Conseil professionnel paritaire". Par
lettre du 27 février 1970, la SVRSM a contesté cette déduction, déclarant
que le remboursement de la somme qui aurait été payée en trop devait
être réclamé au Fonds de secours. Sur refus de Schenk SA, la SVRSM a
confirmé par lettre recommandée du 9 juin 1970 sa prétention tendant au
paiement de la somme retenue et a ajouté: "Si vous n'êtes pas d'accord
avec cette décision, vous pouvez l'attaquer en justice dans les 30 jours
de sa notification devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud."

    Le 9 juillet 1970, la SVRSM a fait notifier à Schenk SA un commandement
de payer le montant de 1829 fr. 95, plus intérêts à 5% du 1er janvier 1970,
avec la mention: "Collectivité no 272. Solde compte courant arrêté au 31
décembre, selon n/lettre du 1.6.1970" (poursuite no 61 421). La poursuivie
a formé opposition totale.

    Ayant reçu le commandement de payer en retour, la SVRSM a rappelé à
Schenk SA par lettre du 27 juillet 1970 que la somme réclamée représentait
le solde du compte courant arrêté au 31 décembre 1969; elle faisait suivre
sa lettre de l'indication des moyens de droit déjà contenue dans sa lettre
du 9 juin. Elle a fait notifier le 19 octobre 1970 à Schenk SA un nouveau
commandement de payer, pour le même montant que le précédent (poursuite
no 61 842), avec la mention: "Collectivité no 272. Selon notre lettre
du 2 juin 1970 et notre décision du 9 juin 1970 passée en force." La
poursuivie ayant derechef formé opposition totale, la SVRSM a requis du
Président du Tribunal du district de Rolle la mainlevée de l'opposition à
la poursuite no 61 842, en application de l'art. 80 LP. Par prononcé du
12 novembre 1970, le Président du Tribunal de Rolle a rejeté la demande
de mainlevée en considérant que la requérante, si elle avait produit ses
lettres des 2 juillet (recte: 2 juin) et 9 juin 1970, n'avait pas produit
sa "décision" du 9 juin.

    B.- Le 30 novembre 1970, la SVRSM a adressé à Schenk SA une nouvelle
lettre demandant le paiement de 1866 fr. 55, frais compris. Cette lettre,
tout en rappelant les motifs de la réclamation, contenait elle aussi
l'indication des moyens de droit: "Si vous n'êtes pas d'accord avec
cette décision, vous pouvez l'attaquer en justice dans les 30 jours de
sa notification devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud."

    Le 8 janvier 1971, la SVRSM faisait notifier à Schenk SA un troisième
commandement de payer (no 62114) pour le montant de 1866 fr. 55, plus
intérêts à 5% du 1er décembre 1970, avec la mention: "Collectivité no
272. Cotisations antérieures dues plus frais, selon notre décision du 30
novembre 1970 passée en force." Elle a requis du Président du Tribunal
du district de Rolle la mainlevée de l'opposition formée contre cette
poursuite. Le 28 janvier 1971, le Président du Tribunal a rejeté la requête
par le motif qu'en l'état on ne pouvait considérer la lettre du 30 novembre
1970 de la SVRSM comme une décision au sens de l'art. 30 al. 4 LAMA;
qu'en effet, dans cette lettre, la poursuivante estime simplement que
Schenk SA lui doit un certain montant, mais qu'on ignore sur quelle base
cette décision a été prise, aucun décompte ne figurant dans les pièces
produites; que, dans ces conditions, la demande de mainlevée doit être
rejetée, les éléments prouvant l'existence de la créance faisant défaut.

    Par décision du 1er avril 1971, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal vaudois a rejeté un recours formé par la SVRSM contre
le jugement de première instance. Elle considère que Schenk SA, preneur
d'assurance, n'étant ni candidat à l'assurance ni assuré, l'art. 30 LAMA
n'est pas applicable en l'espèce. Il est par ailleurs douteux, ajoute le
Tribunal cantonal, que la lettre du 30 novembre 1970 puisse être considérée
en la forme comme une décision; on peut en effet difficilement considérer
que cette lettre énonce de façon suffisamment claire le fait qu'à défaut
de recours la décision deviendra définitive et exécutoire.

    La SVRSM a formé contre cette décision un recours de droit public,
retiré parce que tardif, et un recours de droit administratif adressé
au Tribunal fédéral des assurances. Par arrêt du 25 janvier 1972, le
Tribunal fédéral des assurances a décidé de ne pas entrer en matière
sur le recours, dirigé contre une décision judiciaire prise au cours
d'une procédure étrangère en soi à l'assurance sociale, le moyen tiré
de la violation de l'art. 4 Cst. n'ouvrant alors que la voie du recours
de droit public. Le Tribunal fédéral des assurances n'a cependant pas
transmis le recours au Tribunal fédéral.

    C.- Le 22 mars 1972, à la requête de la SVRSM, l'Office des poursuites
de Rolle a notifié à Schenk SA un quatrième commandement de payer
(poursuite no 64 205), pour le même montant que celui figurant sur le
troisième, avec la mention: "Collectivité no 272. Selon notre décision
du 30 novembre 1970 entrée en force." Le 29 juin 1972, le Président
du Tribunal du district de Rolle a prononcé la mainlevée définitive de
l'opposition formée contre cette poursuite, estimant notamment que "la
lettre du 30 novembre 1970 remplit toutes les conditions pour que l'on
soit en présence d'une décision au sens où l'entend l'art. 30 LAMA".

    Saisie d'un recours de Schenk SA, la Cour des poursuites et faillites
du Tribunal cantonal vaudois, statuant le 23 août 1972, a réformé le
prononcé de première instance et rejeté la requête de mainlevée. Elle a
considéré qu'il n'y avait pas lieu de modifier la jurisprudence résultant
de son arrêt du 1er avril 1971.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, la SVRSM requiert
le Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle invoque une violation de
l'art. 4 Cst.

    La Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal se réfère
aux considérants de son arrêt.

    L'intimée conclut au rejet du recours.

    E.- Le Président de la Chambre de droit public a demandé l'avis du
Tribunal fédéral des assurances sur le point de savoir si la requête de
mainlevée pouvait être rejetée pour le motif que la poursuivie n'était
ni assurée ni candidate au sens de l'art. 30 al. 1 LAMA, alors que
celle-ci n'a pas utilisé le délai de 30 jours prévu par l'art. 30 al. 2
pour attaquer la décision. Le Tribunal fédéral des assurances a répondu
que la majorité de ses membres était d'avis que la caisse-maladie avait
procédé d'une manière valable, mais qu'une minorité pensait au contraire
qu'elle aurait dû agir par voie d'action judiciaire. L'Office fédéral
des assurances sociales, également consulté, s'est rangé à l'avis de la
majorité du Tribunal fédéral des assurances.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 30 al. 1 LAMA, lorsque l'assuré ou le candidat
n'accepte pas une décision de la caisse, celle-ci doit la lui communiquer
par écrit dans les trente jours, avec indication des motifs, des voies de
recours et du délai de recours. Cette décision peut être attaquée dans les
trente jours devant le Tribunal cantonal des assurances (al. 2). Elle passe
en force de chose jugée à défaut de recours dans ce délai; les décisions
qui portent sur un paiement en argent sont, lorsqu'elles ont passé en
force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP
(al. 4).

    En l'espèce, la recourante affirme que l'intimée est "preneur
d'assurance", mais elle produit uniquement la copie d'une convention
d'assurance collective, non signée, passée avec le "Conseil professionnel
paritaire de la branche des vins", qui est probablement un organe commun
d'associations d'employeurs et de travailleurs. Les pièces du dossier ne
permettent pas de savoir si l'intimée est assujettie à cette convention
en tant que membre d'une association patronale ou si elle est directement
liée à la recourante par un contrat qui n'a pas été produit (art. 3 de
l'ordonnance II sur l'assurance-maladie). Mais il n'est pas nécessaire de
compléter le dossier pour éclaircir ce point: l'intimée n'a pas contesté
être tenue de payer des cotisations en qualité d'employeur assujetti à un
contrat d'assurance collective au sens de l'art. 5bis LAMA; le Tribunal
fédéral doit d'autre part statuer sur la base du dossier soumis à la
juridiction cantonale, qui ne semble pas avoir eu en main d'autres pièces
que celles produites en instance fédérale.

Erwägung 2

    2.- Le Tribunal cantonal a considéré que la poursuivie n'était ni
assurée ni candidate à l'assurance au sens de l'art. 30 LAMA; cette
disposition ne mentionnant pas l'employeur, elle n'est pas applicable au
présent litige, et la décision du 30 novembre 1970 ne vaut pas titre de
mainlevée définitive.

    L'art. 30 LAMA ne vise expressément que les décisions de la caisse
qui concernent l'assuré ou le candidat. Dans son message du 5 juin 1961
à l'appui d'un projet de loi modifiant la loi sur l'assurance en cas de
maladie et d'accidents, le Conseil fédéral avait intentionnellement limité
l'application de la disposition proposée aux contestations entre caisses
et assurés ou candidats, estimant notamment qu'"en cas de contestations
des caisses... avec, par exemple, des preneurs d'assurance lorsqu'il y
a contrat d'assurance collective, des dispositions sur les décisions des
caisses ne sont pas nécessaires" (FF 1961 I p. 1473). Les textes allemand
et italien de l'art. 30bis LAMA laissent en revanche entendre que les
"décisions" peuvent toucher des tiers en général et non seulement des
assurés ou des candidats; son alinéa 2 prévoit comme for (alternatif) le
lieu où l'assuré ou le tiers est domicilié au moment du dépôt du recours
(Beschwerde, ricorso). Or le "recours" suppose une décision préalable.

    La décision concerne ici des cotisations que l'employeur devait
payer en lieu et place des assurés. La majorité du Tribunal fédéral
des assurances et l'Office fédéral des assurances sociales sont d'avis
que la caisse-maladie est fondée à procéder en pareil cas conformément à
l'art. 30 LAMA, tandis que la minorité du Tribunal fédéral des assurances
estime qu'elle doit procéder par voie d'action judiciaire. Cette dernière
opinion est également soutenue par BRIDEL (L'autorité des décisions des
caisses privées dans l'assurance contre la maladie, in Der Staat als
Aufgabe, Gedenkschrift für Max Imboden, p. 69).

    Dans son arrêt Société genevoise de secours mutuels en cas de maladie
contre Association des anciens membres de l'Union des travailleurs du
canton de Genève, du 26 mars 1969, le Tribunal fédéral des assurances
ajugé qu'en ouvrant directement action devant le Tribunal des assurances
du canton de Genève, la caisse s'était conformée à l'art. 30bis LAMA,
car "l'art. 30 LAMA n'obligeait pas la recourante à rendre une décision
à l'endroit d'une association n'ayant ni la qualité d'assuré, ni celle
d'un candidat à l'assurance" (consid. 1); la créance litigieuse reposait
sur une disposition contractuelle selon laquelle le preneur d'assurance
s'engageait à couvrir un éventuel déficit. Dans l'arrêt SVRSM contre
Comand du 9 juin 1971, la chambre de céans a abordé sans la résoudre la
question de l'application de l'art. 30 al. 4 LAMA s'agissant du paiement
de cotisations dues par le défendeur en sa qualité d'employeur.

    En tranchant cette question controversée dans le même sens que la
minorité du Tribunal fédéral des assurances et que Bridel, le Tribunal
cantonal n'a pas interprété de façon insoutenable l'art. 30 LAMA. Il
n'est partant pas tombé dans l'arbitraire.

Erwägung 3

    3.- Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au tribunal saisi
d'une requête en mainlevée d'opposition dans une poursuite notifiée
sur la base d'un jugement exécutoire ou d'une décision administrative
assimilée à un tel jugement d'examiner le bien-fondé de la décision ni la
compétence de l'autorité qui l'a rendue. Le tribunal ne peut examiner que
le caractère exécutoire du jugement et il doit prononcer la mainlevée de
l'opposition si le débiteur n'a valablement soulevé aucune des exceptions
prévues par l'art. 81 LP, à la condition toutefois que la décision émane
d'une autorité qui a un pouvoir général de décision dans le domaine dont
il s'agit (RO 61 I 352, 77 I 18; BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 532,
n. 2 ad art. 162).

    Or le Tribunal cantonal a précisément nié la compétence de la
recourante pour prendre la décision sur laquelle était fondée la poursuite,
alors qu'elle était habile à rendre des décisions en matière de cotisations
d'assurance-maladie. L'intimée aurait pu, en formant dans le délai utile
un recours devant le Tribunal cantonal des assurances, contester tant la
compétence de la caise-maladie pour prendre une décision à son égard que
le montant des cotisations qui lui étaient réclamées. Elle ne l'a pas fait.

    Il est vrai que BRIDEL (op. cit., p. 70-72), envisageant cette
hypothèse, considère que la "décision" n'a que des effets civils et
que le juge doit dès lors constater qu'elle ne constitue pas un des
documents prévus aux art. 80 et 81 LP et refuser en conséquence de
prononcer la mainlevée de l'opposition; il serait erroné, dit-il,
d'attacher aux décisions des caisses privées la même présomption de
légalité qu'aux actes de l'administration. Mais ce point de vue est
incompatible avec l'art. 30 al. 4, 2e phrase, LAMA, aux termes duquel
les décisions portant sur un paiement en argent sont, faute de recours,
"assimilées à des jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP" On ne
saurait introduire ici une distinction entre décisions administratives
et jugements exécutoires que la loi exclut expressément.

    La décision sur laquelle était fondée la poursuite litigieuse
n'ayant pas été attaquée dans le délai utile, elle était définitive et
exécutoire. Le Tribunal cantonal était dès lors tenu de prononcer la
mainlevée définitive de l'opposition formée par l'intimée, en vertu des
art. 80 et 81 LP. En déniant à la décision de la recourante le caractère
d'un titre de mainlevée définitive, il a fait une application arbitraire
de ces dispositions ainsi que de l'art. 30 al. 4 LAMA. Sa décision doit
partant être annulée.

Erwägung 4

    4.- Les arguments invoqués par l'intimée dans sa réponse au recours
ne sont pas de nature à justifier une solution différente. Le fait que
la recourante a rendu deux décisions successives dans la même affaire est
sans pertinence: seule la seconde décision, rendue le 30 novembre 1970 et
sur laquelle est fondée la poursuite no 64 205 litigieuse, est soumise à la
chambre de céans; au demeurant, c'est la position prise par le Président du
Tribunal de Rolle le 12 novembre 1970 qui a amené la recourante à rendre
une nouvelle décision. Le moyen tiré du caractère prétendument exécutoire
de l'arrêt du 1er avril 1971 du Tribunal cantonal vaudois est également
mal fondé: le prononcé qui rejette une demande de mainlevée n'acquiert
pas force de chose jugée quant à l'existence de la créance litigieuse;
il n'empêche pas le requérant d'introduire une nouvelle procédure de
mainlevée (RO 65 III 51, 98 Ia 535).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.