Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 325



99 Ia 325

35. Arrêt du 19 septembre 1973 dans la cause Gregor contre Bureau de
l'assistance judiciaire du canton de Vaud Regeste

    Unentgeltliche Rechtspflege. Willkür. Art. 4 BV.

    Zulässigkeit der Beschwerde (Erw. 1a, b). Wann kann der
Beschwerdeführer eine Ergänzung der Beschwerde einreichen? (Art. 93 Abs. 2
OG; Erw. 1c).

    Es ist willkürlich, demjenigen, der an einem andern Orte als vor
seinem natürlichen Richter Prozess führt, die unentgeltliche Rechtspflege
zu verweigern mit der Begründung, es handle sich nicht um den ordentlichen
Richter im Sinne des kantonalen Rechts (Erw. 3).

    Diese Verweigerung verletzt auf alle Fälle den unmittelbar aus Art. 4
BV folgenden Anspruch auf unentgeltliche Rechtspflege (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Otto Gregor, domicilié à Elgg (Zurich), a été assigné devant la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, en paiement de 130 000 fr. Il
a soulevé le déclinatoire, prétendant n'être pas lié par la clause
de prorogation de for du contrat qu'il a conclu avec les demandeurs,
clause prévoyant la compétence des tribunaux de Lausanne. Sa requête a
été rejetée par décision du 23 mars 1973, entrée en force.

    Le 27 avril 1973, Gregor a demandé au Bureau vaudois de l'assistance
judiciaire (ci-après: le Bureau) de le mettre au bénéfice de cette
assistance, en particulier de le dispenser de l'avance des émoluments de
justice et de lui désigner un avocat d'office. Il s'est heurté à un refus,
notifié le 14 mai 1973. L'autorité cantonale donnait pour seul motif que la
juridiction saisie n'est pas "la juridiction ordinaire" au sens de l'art.
1er de la loi cantonale du 2 décembre 1947 sur l'assistance judiciaire
gratuite en matière civile (LAJ). Priée par Gregor de reconsidérer sa
décision, elle s'y est refusée.

    B.- Gregor forme un recours de droit public. Il se plaint de diverses
violations de l'art. 4 Cst. et requiert le Tribunal fédéral d'annuler
la décision du Bureau et de prononcer qu'il doit être mis au bénéfice
de l'assistance judiciaire gratuite dans le procès ouvert devant la Cour
civile vaudoise.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Le Bureau statue sur les demandes d'assistance judiciaire
en unique instance cantonale. Le présent recours est ainsi recevable au
regard de l'art. 87 OJ (arrêt du 10 septembre 1965 dans la cause Pelet,
consid. 1, non publié au RO 91 I 161 ss.).

    b) Le recours de droit public est en principe une voie de cassation
seulement; dans la mesure où elles tendent à ce que le Tribunal fédéral
accorde lui-même l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale,
les conclusions du recourant sont irrecevables (RO 89 I 2; 85 I 3).

    c) En vertu de l'art. 93 al. 2 OJ, un délai peut être imparti au
recourant pour présenter un mémoire complétif lorsque les considérants à
l'appui de la décision attaquée ne sont énoncés que dans la réponse de
l'autorité. En l'espèce, si la décision attaquée est très sommairement
motivée, le recourant a néanmoins eu connaissance de l'essentiel des
arguments exposés dans la réponse au recours par la lettre rejetant sa
demande de reconsidération. Il a pu en tenir compte dans la rédaction de
son recours. Le dépôt d'un mémoire complétif ne se justifie pas.

Erwägung 2

    2.- Selon une jurisprudence bien établie, la personne impliquée dans
un procès civil, dont les conclusions ne sont pas dépourvues de chances
de succès et qui ne peut couvrir les frais de ce procès sans entamer le
minimum nécessaire à son entretien et à celui de sa famille, a le droit,
découlant directement de l'art. 4 Cst., d'obtenir que le juge agisse
sans que les frais de procès soient versés d'avance ou garantis; elle
a droit également à l'assistance gratuite d'un avocat, si celle-ci est
nécessaire à la défense de ses intérêts (RO 78 I 195 et les arrêts cités,
notamment 57 I 343 ss.; 85 I 3; 89 I 2, 161; 95 I 415; 98 Ia 341/2).

    Le droit à l'assistance judiciaire est cependant prévu par toutes
les lois cantonales. Il est loisible à celui auquel cette assistance est
refusée de se plaindre que ce refus procède d'une application arbitraire
du droit cantonal. C'est ce que le recourant soutient en l'espèce à
titre principal. Conformément à sa pratique (cf. RO 95 I 121 consid. 2),
le Tribunal fédéral examinera tout d'abord ce moyen.

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'art. 1er al. 1 LAJ, l'assistance judiciaire
gratuite est accordée pour les procès ouverts devant la juridiction
ordinaire. Cette expression désigne généralement la juridiction de droit
commun (ordentliche Gerichtsbarkeit) par opposition aux tribunaux spéciaux
(cf. PICCARD/THILO/STEINER, Dictionnaire juridique français-allemand,
vo juge, vo juridiction; RENNER/HAENSCH/CAMPART DE KOSTINE, Terminologie
juridique, vo juge, vo tribunal). Elle aurait pu avoir ce sens dans la loi
vaudoise. En effet, l'organisation judiciaire de ce canton ne connaissait
en 1947 qu'une seule catégorie de tribunaux spéciaux, stricto sensu,
les Conseils de prud'hommes, devant lesquels la procédure était gratuite
et l'assistance d'un mandataire professionnel prohibée (art. 36 et 77 de
la loi du 24 août 1911 sur les Conseils de prud'hommes). Dans la faible
mesure où la question de l'assistance judiciaire pouvait s'y poser - soit
en matière de débours -, elle était réglée par la loi organique elle-même
(art. 77), de sorte que l'application de la loi sur l'assistance judiciaire
pouvait effectivement être exclue. Cependant l'expression de juridiction
ordinaire n'est pas suffisamment précise pour que l'on ne puisse lui
attribuer un autre sens.

    b) De l'avis de l'autorité cantonale, qui dit se fonder sur l'exposé
des motifs de la loi de 1919, que la loi de 1947 devait remplacer,
cette expression doit s'entendre en ce sens que sont exclues du
bénéfice de l'assistance toutes les personnes qui plaident devant une
"juridiction conventionnelle". Reconnaissant que cet exposé des motifs
ne mentionne expressément que l'arbitrage conventionnel, elle considère
qu'il serait abusif d'en tirer la conclusion que les autres "juridictions
conventionnelles" - par quoi elle entend notamment les juges étatiques
statuant en vertu d'une convention de prorogation de juridiction - sont
des juridictions ordinaires au sens de la loi. A son avis, le bénéfice
de l'assistance judiciaire est exclu, dans ce dernier cas, pour maintenir
dans des limites supportables la charge financière résultant pour l'Etat
de l'assistance judiciaire gratuite.

    Ce raisonnement n'est pas soutenable. Si l'exposé des motifs de la loi
de 1919 par le d'arbitrage conventionnel et non pas seulement d'arbitrage,
c'est sans aucun doute pour l'opposer au cas de l'arbitrage légal,
qu'il mentionne aussi expressément, à côté des tribunaux et des juges
de paix, et pour lequel la loi s'applique. Le canton de Vaud connaît
en effet, dans un certain nombre de causes spéciales, un arbitrage
légal, consacré lors de l'adoption des deux lois de 1919 et de 1947 sur
l'assistance judiciaire par l'art. 499 du code de procédure civile de
1911 (cf. CONTINI, Contribution à l'étude de l'arbitrage en procédure
civile vaudoise, thèse Lausanne 1951, p. 23, 28 ss.), et actuellement
par l'art. 425 PC. Rien, dans cet exposé des motifs, n'autorise à étendre
l'exception à ce que le Bureau appelle les juridictions conventionnelles,
soit aux tribunaux étatiques statuant en vertu d'une clause de prorogation
de juridiction. L'exposé des motifs de la loi de 1947 n'apporte aucun
appui non plus à cette thèse. Il précise au contraire que l'on entend par
juridiction ordinaire "toutes les instances prévues par une loi vaudoise
pour trancher des litiges de nature civile" (Bulletin du Grand Conseil,
séance du 26 novembre 1947, p. 371). Quant au motif d'économie qui, de
l'avis du Bureau, justifierait la restriction qu'il veut introduire,
on n'en trouve aucune trace dans la loi, dans l'exposé des motifs ou
dans le compte rendu des débats. Le rapporteur de la commission du Grand
Conseil relève que les dépenses et le manque à gagner de l'Etat du chef
de l'assistance judiciaire ont atteint ensemble, en 1945, moins de 60 000
fr., ce qui est modeste (Bulletin du Grand Conseil, p. 381). Sans doute la
nouvelle loi devait-elle entraîner une augmentation; mais manifestement,
on l'acceptait comme la conséquence nécessaire du perfectionnement
de l'institution, clairement voulu (ibid.). Rien n'autorisait donc le
Bureau à voir dans l'expression de "juridiction ordinaire" une clause
restrictive introduite à des fins d'économie. Certes, il est vraisemblable
que les frais de l'assistance judiciaire ont augmenté considérablement
jusqu'à aujourd'hui. Mais l'autorité d'application de la loi ne saurait
donner à celle-ci une interprétation que rien ne justifie, à la seule
fin de réduire les dépenses qu'elle entraîne. Enfin, l'exclusion de
l'assistance judiciaire en matière d'arbitrage est conforme à la nature de
l'institution: l'Etat n'a pas à faciliter l'accès à des tribunaux qui ne
dépendent pas de lui. En revanche, en refusant le bénéfice de l'assistance
à celui qui plaide devant une juridiction étatique, mais compétente en
vertu d'une convention entre parties, on restreint la portée normale
de cette institution. On doit admettre que le législateur de 1947, qui
n'a pas méconnu la nature de l'assistance judiciaire (cf. rapport de la
commission du Grand Conseil, loc.cit., p. 375), se serait exprimé plus
clairement s'il avait voulu introduire une telle restriction.

    Il en irait peut-être autrement si le Bureau avait interprété
constamment la loi de 1919 dans le sens qu'il donne à la loi de 1947. On
pourrait alors soutenir que le législateur, en reprenant l'expression de
"juridiction ordinaire", a sanctionné cette pratique, supposé encore qu'il
en ait eu connaissance. Mais le Bureau ne fait état d'aucun précédent. Il
est du reste peu vraisemblable que des cas analogues à celui du recourant
se soient présentés assez souvent pour donner lieu à une véritable
pratique constante.

    Reposant sur une interprétation insoutenable du droit cantonal
applicable, la décision attaquée est arbitraire et doit être cassée.

Erwägung 4

    4.- Bien que cela ne soit pas nécessaire à la solution du litige, le
Tribunal fédéral examinera encore si la décision attaquée est compatible
avec le droit à l'assistance judiciaire découlant directement de l'art. 4
Cst.

    Tel qu'il a été défini par la jurisprudence (cf. consid. 2 cidessus),
ce droit est une conséquence du principe d'égalité et de la prohibition du
déni de justice. L'Etat doit assurer l'accès de ses tribunaux à tous les
justiciables sans égard à leurs ressources. L'assistance judiciaire est le
moyen de garantir cet accès aux plaideurs démunis. Aussi incombe-t-elle
à la collectivité publique dont les tribunaux sont saisis et non pas
à celle qui est chargée de l'assistance aux indigents. Dans la mesure
où un tribunal ne peut décliner sa compétence s'il est saisi par des
plaideurs capables d'assumer les frais de procès, l'Etat dont dépend ce
tribunal ne saurait en fermer l'accès à des plaideurs indigents en leur
refusant l'assistance judiciaire, à peine de commettre une inégalité de
traitement et un déni de justice formel. Il s'ensuit que, même si elle
pouvait se fonder sans arbitraire sur le droit cantonal, la décision
attaquée violerait l'art. 4 Cst.

    Il est vrai que, contrairement à ceux de la plupart des cantons
suisses, les tribunaux vaudois ne peuvent décliner leur compétence
lorsqu'ils sont élus par les parties (cf. FISCHER, Les conventions de
prorogation de for..., thèse Lausanne 1969, p. 143 ss.), de sorte que des
abus ne sont pas exclus. Mais on ne saurait en tout cas, par crainte
d'abus possibles, refuser systématiquement l'assistance judiciaire au
défendeur qui a renoncé à son for naturel, sans même examiner les motifs
de cette renonciation.

    Le Bureau relève avec raison que le législateur fédéral refuse le
bénéfice de l'assistance judiciaire en cas de prorogation de juridiction
(art. 152 al. 1 in fine OJ). Le Tribunal fédéral n'est cependant pas lié
par cette disposition en dehors de son champ d'application propre. Au
demeurant, la situation qu'elle vise n'est pas identique à celle de
la présente espèce. Ici, sans la convention des parties, le tribunal
saisi serait incompétent ratione loci; là, il serait incompétent ratione
materiae.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours en tant qu'il est recevable et annule la décision
attaquée.