Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 158



99 Ia 158

19. Extrait de l'arrêt du 31 janvier 1973 dans la cause Hoirs Perrier
contre Commission neuchâteloise de recours en matière d'améliorations
foncières. Regeste

    Landumlegung. Wert der abgetauschten Grundstücke.

    1.  Anfechtbare Entscheidungen (Erw. 1).

    2.  Vergleich der Werte zweier, beidseits einer Autobahn gelegenen
Grundstücke in bezug auf ihre mögliche spätere Verwendung. (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Les hoirs de Charles-Eugène Perrier sont propriétaires, dans
le périmètre d'aménagement et d'améliorations foncières de Montmirail
(comprenant les communes de Marin-Epagnier, de Thielle-Wavre et de
Cornaux), de deux parcelles situées sur la commune de Marin, l'une (no
1832 de 82 048 m2, au lieu dit "Les Bourguignonnes") au sud de l'actuelle
route cantonale St-Blaise-Thielle, l'autre (no 1643 de 42 050 m2, au
lieu-dit "Les Perveuils") au nord de cette même route. Ces terrains,
actuellement cultivés comme champs, sont situés dans la zone rurale du
plan d'aménagement de la commune de Marin.

    B.- Le tracé de la RN 5, qui emprunte en cet endroit le tracé de
l'actuelle route cantonale St-Blaise-Thielle, rend nécessaire l'acquisition
d'une surface d'environ 3800 m2 de la parcelle des Bourguignonnes, au sud
de cette route. Dans le projet de nouvel état mis à l'enquête publique en
été 1968, les hoirs Perrier se sont vu attribuer une surface équivalente
de 3800 m2, située au nord de ladite route et jouxtant la parcelle des
Perveuils. Ils ont formé une réclamation contre cette attribution, estimant
qu'un échange pur et simple de plusieurs milliers de m2 de terrain situé
aux Bourguignonnes, savoir dans la zone d'expansion des constructions de
la commune de Marin, contre la même surface en zone agricole au nord de
la RN 5 constituait une atteinte à leur droit de propriété.

    La Commission d'experts s'est déclarée prête à revoir les conditions
du transfert contesté, si les réclamants pouvaient produire une déclaration
du Conseil communal de Marin confirmant que la parcelle des Bourguignonnes
serait ouverte à la construction dans un avenir très proche. Une telle
déclaration n'ayant pas été produite, la Commission d'experts a confirmé
le projet de nouvelle attribution par décision du 25 janvier 1969. Tout en
admettant que le terrain des Bourguignonnes est, en puissance, du terrain à
bâtir, la Commission relevait qu'elle n'était pas habilitée à modifier les
zones fixées par l'autorité communale, ni à prendre à cet égard des options
pour l'avenir, et qu'elle devait dès lors, en application de l'art. 39 de
la loi sur les améliorations foncières du 21 mai 1958 (en abrégé: LAF),
procéder à la répartition des terrains sur la base des zones actuelles.

    C.- Les hoirs Perrier ont recouru contre cette décision auprès de
la Commission cantonale de recours en matière d'améliorations foncières
(en abrégé: CCR), en prétendant que, contrairement à la prescription de
l'art. 39 LAF, le terrain attribué au nord de la route cantonale n'était
ni de même nature, ni de même valeur que celui des Bourguignonnes, situé,
au sud de cette route, dans la zone d'expansion de la commune de Marin.

    Statuant le 26 juin 1969 après avoir entendu les témoins cités à la
demande des recourants, la CCR a déclaré le recours mal fondé dans toutes
ses conclusions.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, les hoirs Perrier
requièrent le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission
cantonale de recours du 26 juin1969 et celle de la Commission d'experts
du 25 janvier 1969. Ils se plaignent de déni de justice, d'arbitraire,
de violation de la garantie de la propriété et d'inégalité de traitement,
en invoquant notamment l'art. 4 Cst. et les dispositions de la LAF. Leurs
arguments seront repris ci-dessous, dans la mesure utile. La CCR conclut
au rejet du recours.

    E.- Le juge délégué à l'instruction de la cause a désigné, avec
l'accord des parties, un expert en vue d'apprécier la valeur comparative
des terrains situés au nord et au sud de la future route nationale.

    Une délégation du Tribunal fédéral a procédé à une inspection locale
en présence des parties et de l'expert, qui a déposé son rapport après
avoir pris des renseignements auprès de divers services cantonaux et
communaux. L'occasion a été donnée aux parties et à la CCR de prendre
position à l'égard de ce rapport.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Lorsque l'autorité cantonale de recours jouit d'un plein pouvoir
d'examen, sa décision remplace celle de l'autorité inférieure et peut seule
être attaquée par la voie du recours de droit public (RO 97 I 119 et les
arrêts cités, 94 I 462). Tel est le cas en l'espèce où la Commission
cantonale de recours, qui peut notamment ordonner l'administration
de tous les moyens de preuves utiles (art. 52 al. 2 LAF), jouit d'un
pouvoir d'examen qui n'est limité par aucune disposition légale. En tant
qu'il conclut à l'annulation de la décision de la Commission d'experts,
le recours est dès lors irrecevable.

    Si le recours est admis, l'affaire sera replacée en l'état où elle se
trouvait avant que ne soit rendue la décision attaquée, et la CCR devra
statuer à nouveau sur le recours dont elle a été saisie, en tenant compte
des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.

Erwägung 2

    2.- (Griefs relatifs à des questions de procédure cantonale).  3. -
Sur le fond, les recourants soutiennent que la CCR a abusé de son pouvoir
d'appréciation et interprété arbitrairement l'art. 39 LAF en prétendant
que le terrain des Bourguignonnes n'a pas une valeur supérieure à celle
du terrain des Perveuils.

    a) Selon l'art. 39 LAF, chaque propriétaire doit recevoir autant que
possible, en échange des parcelles qu'il abandonne, des terrains de même
nature, de même contenance et de même valeur; si cela n'est pas possible,
l'inégalité en plus ou en moins est compensée en argent (art. 39 al. 2
LAF). Ces dispositions sont conformes aux principes qui découlent de la
garantie de la propriété, notamment au principe de la pleine compensation
réelle qui régit le droit des remaniements parcellaires. Selon la
jurisprudence, le large pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité
cantonale ne la dispense pas de peser avec soin les arguments soulevés
par les propriétaires contre la nouvelle répartition; elle doit comparer
la situation ancienne avec celle qui découle du projet de nouvel état,
en tenant compte de tous les éléments en présence (RO 95 I 524).

    b) La CCR a constaté que tant le terrain des Bourguignonnes que celui
des Perveuils étaient situés en zone agricole dans le plan d'aménagement
communal de Marin. Elle a cependant admis que le terrain des Bourguignonnes
serait probablement destiné à la construction dans un avenir plus ou moins
proche, tandis que celui des Perveuils resterait sûrement plus longtemps
voué à l'agriculture. Mais elle a estimé qu'elle n'avait pas à tenir
compte de cette différence, du moment qu'aucun projet de construction
n'avait encore été déposé et que, selon les autorités communales de Marin,
le plan de zones en vigueur devait encore suffire pour une quinzaine
d'années et que les investissements nécessaires pour équiper de nouveaux
terrains dépassaient pour l'instant les possibilités financières de
la commune. La Commission concluait que le terrain des Bourguignonnes,
n'étant pas équipé, ne pouvait être considéré comme du terrain à bâtir,
de sorte que les surfaces échangées constituaient des terrains de même
nature et de même valeur.

    c) L'expert reconnaît qu'à courte échéance, les surfaces échangées ont
la même valeur; mais il estime qu'elles ne peuvent plus être considérées
comme étant de valeur égale, si l'on tient compte de leur destination
future possible à longue échéance.

    Le terrain des Bourguignonnes est situé directement à la limite de
la zone industrielle de Marin, au sud de la future route nationale no 5;
il est attenant à la parcelle sur laquelle est construite la fabrique
de machines Dubied. Tandis que le terrain des Perveuils se trouve, lui,
au nord de la future route nationale, qui le sépare en fait des zones
de construction de Marin, alors même qu'un pont sur la RN 5 assurera
la liaison; ce dernier terrain est en revanche très éloigné des zones
actuelles de construction de St-Blaise, et si le plateau de Wavre peut un
jour s'ouvrir à la construction, il ne pourra l'être que dans un avenir
beaucoup plus éloigné. L'expert en infère que le terrain des Bourguignonnes
est celui qui va subir la pression d'achat la plus directe et la plus
forte et qui sera très certainement urbanisé en priorité.

    En ce qui concerne l'équipement des terrains, l'expert constate que le
plan directeur des égouts de la commune de Marin, établi en 1965, prévoit
les canalisations nécessaires sur le terrain des Bourguignonnes, alors
que rien n'est prévu sur celui des Perveuils. D'autre part, une conduite
d'eau de 200 mm a été posée récemment le long de la future route nationale,
côté sud, soit le long du terrain des Bourguignonnes, ce qui permettrait
d'alimenter en eau d'éventuelles constructions sur cette parcelle, alors
que rien de semblable n'existe pour les Perveuils. Il en est de même pour
l'alimentation en électicité: des conduites électriques souterraines se
trouvent dans la route, côté Dubied, au sud de la RN 5, soit à proximité
du terrain des Bourguignonnes, ce qui n'est pas le cas pour les Perveuils.

    Ces différentes constatations permettent à l'expert de retenir que le
terrain des Bourguignonnes, sans être directement équipé, a sur place
des possibilités de raccordement sans trop de frais, ce que n'a pas
la parcelle des Perveuils. Il précise en outre qu'en avril 1968, une
proposition avait été faite d'échanger les terrains d'Ebauches SA avec
ceux des hoirs Perrier aux Bourguignonnes, en vue de grouper les zones
industrielles et d'habitation en deux emplacements plus grands et mieux
répartis; si cette proposition n'a pas abouti, elle démontre cependant,
selon l'expert, que la pression d'achat s'exerçait déjà à cette date sur
le terrain des Bourguignonnes.

    L'expert arrive ainsi à la conclusion que, aujourd'hui déjà, la
valeur du terrain des Bourguignonnes est supérieure à celle du terrain
des Perveuils.

    d) Dans ses observations relatives au rapport d'expertise, la CCR
relève notamment que les perspectives différentes pour l'utilisation
des deux terrains à long terme ne lui ont pas échappé, mais qu'elles ne
pouvaient entrer en considération dans une décision qui doit se fonder
sur une situation réelle; elle estime que si l'on devait tenir compte des
éléments hypothétiques énumérés par l'expert, s'agissant de l'urbanisation
à long terme, aucun aménagement ne serait plus possible.

    Mais il faut reconnaître que, même si le terrain des Bourguignonnes
n'était pas voué à la construction avant quinze ans, les éléments objectifs
qui le différencient déjà du terrain des Perveuils sont suffisamment
importants pour lui donner dès maintenant une valeur supérieure dont il
serait arbitraire de ne pas tenir compte dans l'échange des parcelles.

    Si une entreprise privée voulait acquérir le terrain des Bourguignonnes
dans un proche avenir en vue de le réserver pour une construction future,
elle devrait y consacrer un prix qui se déterminerait non pas d'après la
valeur agricole du terrain, mais bien d'après les éléments d'appréciation
retenus ci-dessus. Il en irait de même si la collectivité publique devait
acquérir ce terrain par la voie de l'expropriation. La décision attaquée
relève d'ailleurs qu'un des témoins entendus - fonctionnaire au Service
des ponts et chaussées - a admis que la vente des terrains au nord et au
sud s'est traitée à des prix différents.

    En ne tenant pas compte de ces différences qui distinguent le terrain
des Bourguignonnes de celui des Perveuils, l'autorité cantonale a apprécié
arbitrairement les critères entrant en considération pour l'estimation
des parcelles échangées et a méconnu les exigences de l'art. 39 LAF et du
principe de la compensation réelle. Sa décision est dès lors insoutenable
au regard de l'art. 4 Cst., ce qui conduit à son annulation.

    Appelée à statuer sur un recours de droit public qui n'a en principe -
sauf exceptions non réalisées en l'espèce - qu'un caractère cassatoire,
la cour de céans n'a pas à déterminer elle-même la différence de valeur
des terrains en question; il appartiendra aux autorités cantonales de
le faire, en fonction des différents éléments relevés ci-dessus; elles
jouissent, dans ces limites, d'un large pouvoir d'appréciation.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Admet le recours dans la mesure
où il est recevable et annule la décision de la Commission cantonale de
recours en matière d'améliorations foncières du 26 juin 1969.