Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 99 IA 110



99 Ia 110

14. Arrêt du 31 janvier 1973 dans la cause Etat de Neuchâtel contre Barret.
Regeste

    Der Staat ist nicht legitimiert, staatsrechtliche Beschwerde zu erheben
gegen einen kantonalen Entscheid, mit dem der Betrag festgesetzt wird, den
er einem Grundeigentümer aufgrund des kantonalen Rechts als Entschädigung
für materielle Enteignung zu bezahlen hat.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Actionné devant la Commission cantonale d'estimation en matière
d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'Etat de Neuchâtel a été
condamné à payer à dame Barret un montant de 70 106 fr. à titre d'indemnité
pour l'expropriation matérielle découlant d'un plan de protection des
sites. Sur recours de l'Etat, le Tribunal cantonal a réduit le montant
de l'indemnité à 59 020 fr. et rejeté toutes autres conclusions.

    Agissant par la voie du recours de droit public, l'Etat de Neuchâtel
requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal et
de n'accorder à dame Barret que la somme de 9784 fr.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels des citoyens est destiné essentiellement à protéger
les particuliers, personnes physiques ou morales, contre les abus
du pouvoir. Cette voie de droit n'est donc pas ouverte en principe
aux détenteurs de la puissance publique - Etat, communes et autres
collectivités de droit public - lesquels ne sont en principe pas titulaires
des droits constitutionnels des citoyens dont le recours de droit public
a pour mission d'assurer la protection (RO 95 I 45, 93 I 66, 88 I 108, 83
I 269 et les arrêts cités). Il faut faire une exception pour les communes
qui, en tant que détentrices de la puissance publique, défendent contre
l'Etat leur autonomie, leur existence même ou l'état de leur territoire (RO
98 I a 431, 94 I 455 et les arrêts cités). D'autre part, les corporations
de droit public peuvent avoir qualité pour recourir lorsqu'elles agissent,
non pas en tant que détentrices de la puissance publique, mais en vertu
du droit privé et qu'elles sont placées sur le même pied que d'autres
sujets de droit; dans ces cas, la décision d'une autorité - judiciaire
ou administrative - peut en effet les atteindre de la même façon qu'une
personne privée. La jurisprudence estime que cette condition est remplie
notamment lorsque sont mis en question les droits et obligations d'une
collectivité publique en tant que propriétaire de son patrimoine privé
(biens fiscaux et financiers) ou de ses biens affectés à un service public,
savoir ses biens administratifs, (cf. notamment RO 97 I 640 ss., 95 I 43,
88 I 109).

Erwägung 2

    2.- Le recourant connaît cette jurisprudence. Sans prétendre avoir
agi en vertu du droit privé et sans invoquer en sa faveur la garantie
de la propriété, il soutient néanmoins que si les prétentions de dame
Barret, ainsi que celles des autres propriétaires de vignobles protégés
dans cette région et dans d'autres, étaient admises par les tribunaux, il
serait appelé à débourser des sommes de plusieurs millions et risquerait
ainsi d'être atteint de manière considérable dans son patrimoine fiscal.

    Ce point n'est cependant nullement déterminant. Si le Tribunal
fédéral a admis la qualité pour recourir d'une corporation de droit public
en tant que propriétaire, c'est dans des cas où étaient en question le
droit de propriété ou d'autres droits réels sur des immeubles appartenant
au patrimoine financier ou administratif d'une telle corporation et où
était invoquée la garantie de la propriété, comme elle aurait pu l'être
de la part de n'importe quel propriétaire (RO 97 I 640 s., 90 I 337, 74 I
52). La qualité pour recourir n'est pas reconnue en revanche à une telle
corporation lorsque, en tant que détentrice de la puissance publique, elle
recourt contre une décision cantonale qui statue sur sa créance fiscale
(RO 60 I 231, 65 I 132; cf. aussi 68 I 86) ou fixe l'indemnité qu'elle
doit payer dans une procédure d'expropriation cantonale (RO 93 I 66) ou
en vertu de la responsabilité qu'elle encourt du fait de ses organes (RO
66 I 74). Or les indemnités à payer en tant qu'expropriante ou en vertu
de sa responsabilité, de même que les montants d'impôts dont elle est
éventuellement privée, peuvent être également très élevés et l'atteindre
de façon considérable dans son patrimoine fiscal. Ce n'est pas une raison
pour permettre à une collectivité de droit public d'utiliser contre de
telles décisions la voie du recours de droit public, dont la mission
essentielle est de protéger les particuliers (personnes physiques ou
morales) contre les abus du pouvoir étatique.

    Ce qui vaut pour l'expropriation formelle vaut également pour
l'expropriation matérielle. L'indemnité à payer est fondée sur le droit
public: si l'Etat est appelé à indemniser les propriétaires touchés
de façon analogue à une expropriation formelle, c'est en raison des
restrictions de droit public qu'il peut imposer à la propriété privée
en vertu de son imperium. Le fait que l'indemnité soit fixée, comme en
cas d'expropriation formelle, au cours d'une procédure dans laquelle
l'expropriant et l'exproprié ont des droits égaux ne change rien à
l'affaire: l'expropriant ne cesse pas pour autant d'agir en tant que
détenteur de la puissance publique (RO 93 I 66). On ne saurait donc
reconnaître à l'Etat la qualité pour recourir dans un tel cas.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Déclare le recours irrecevable.