Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 V 144



98 V 144

37. Arrêt du 25 mai 1972 dans la cause W. contre Caisse-maladie de la
Fédération suisse des ouvriers sur métaux et horlogers et Cour de Justice
du canton de Genève Regeste

    Art. 30 und 30bis KUVG.

    Gegenseitige Beziehungen zwischen den in diesen Bestimmungen erwähnten
Rechtsmitteln.

    Art. 12, 67 und 98 KUVG.

    -  Wagnis und aussergewöhnliche Gefahr: Der Ausschluss von der
Versicherung unter einem dieser Titel setzt voraus, dass der Versicherte
nicht voll urteilsunfähig war (Bestätigung der Rechtsprechung).

    - Die Verweigerung sämtlicher Leistungen als Sanktion für
grobe Fahrlässigkeit ist nur zulässig, wenn sie den Grundsatz der
Verhältnismässigkeit wahrt.

Sachverhalt

    A.- W. a été soigné du 25 mai au 8 juin 1970 par le Dr M., psychiatre,
pour une dépression réactionnelle. Le 19 août 1970, il subit une grave
lésion de la colonne vertébrale, en tombant du 7e étage de l'immeuble
dans lequel il avait son logement. Le prénommé était alors en instance de
divorce, mais vivait cependant avec sa femme et ses deux fillettes. Comme
il menaçait de tout fracasser dans l'appartement, l'épouse avait appelé
la police. A l'arrivée des agents de la force publique, W., qui était
assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre à coucher, avait passé
à l'extérieur et s'était placé sur une corniche longeant la façade. Il
n'avait pas voulu donner suite aux injonctions des gendarmes et des
sapeurs-pompiers, venus sur les lieux entre-temps. Il était resté dans
cette position pendant près d'une heure, lorsqu'une pièce du store à
laquelle il se tenait avait soudainement cédé. Déséquilibré, il était
tombé dans un fleurier tendu par les sauveteurs. Il avait tout de même
été blessé. Durant son hospitalisation à la Clinique universitaire de
chirurgie, l'intéressé fut soigné par les médecins de la Polyclinique
universitaire de psychiatrie pour une "symptomatologie dépressive
réactionnelle". Par décision du 30 octobre 1970, la Caisse nationale
refusa ses prestations, estimant être en présence d'une entreprise
téméraire, voire d'un cas de résistance aux organes chargés de faire
respecter l'ordre, donc d'un risque exclu de l'assurance des accidents
non professionnels.

    B.- W. était aussi assuré auprès de la Caisse-maladie de la
FOMH. L'agence de cette dernière l'informa en date du 7 mai 1971 qu'elle
ne pourrait prendre le cas en charge, en application de ses statuts. Cette
communication ne mentionnait pas les voies de droit.

    Le prénommé, qui n'était pas d'accord avec ce refus, s'adressa
directement au Tribunal des assurances en invoquant l'art. 30bis
LAMA. Celui-citraita le cas comme un recours, qu'il rejeta par jugement
du 8 octobre 1971. Les premiers juges ont retenu en bref que, nonobstant
sa profession, le recourant avait bien commis un acte téméraire, exclu
de la garantie par les statuts de la caisse.

    C.- W. a déféré ce jugement au Tribunal fédéral des assurances. Il
allègue que le drame qu'il a vécu ne constituait qu'un épisode de ses
troubles psychiques, lesquels limitaient considérablement sa faculté de
jugement. Il conclut au versement des prestations légales et statutaires
sans aucune réduction.

    La caisse-maladie conclut au rejet du recours.

    L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à formuler une
proposition précise.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Comme le relève l'Office fédéral des assurances sociales dans
son préavis, la lettre du 7 mai 1971 de l'agence de la caisse-maladie
de la FOMH ne constituait pas une décision au sens de l'art. 30 al. 1er
LAMA. Rien ne s'opposait cependant en l'espèce à ce que les premiers
juges statuent sur le "recours", l'organe compétent de l'administration
pour rendre une décision ayant confirmé en cours de procédure les termes
du refus notifié par la section locale (v. p.ex. ATFA 1968 p. 153; 1967
pp. 57, 131; arrêt Praz du 22 décembre 1971 [RO 97 V 194]). Ce serait
faire preuve de formalisme excessif que d'imposer à l'assuré, dans de
telles circonstances, qu'il exige une décision en bonne et due forme
dont on sait d'ores et déjà qu'elle sera attaquée en justice. Cela ne
signifie toutefois pas que l'on soit en présence d'une action au sens
des art. 30 al. 3 ou 30bis al. 1er LAMA, dans une pareille hypothèse.
Une construction de ce genre serait en effet inconciliable avec le
système ressortant de l'art. 30 LAMA. On peut, en revanche, se demander
si le procédé de l'assuré, consistant à s'adresser au juge (en dehors du
cas visé à l'art. 30 al. 3 LAMA) avant d'avoir reçu communication d'une
décision susceptible de recours, a pour conséquence de soustraire le litige
au pouvoir de décision normal de l'administration (v. p.ex. RO 96 V 24;
ATFA 1968 p. 117; 1963 p. 179 consid. 5; 1962 p. 157). Cette question
souffre de rester indécise aujourd'hui. Il semble pourtant qu'une
caisse-maladie puisse avoir intérêt à rendre dans les trente jours une
décision formelle dont le contenu soit de nature à satisfaire l'assuré
et à lui épargner de poursuivre la procédure.

Erwägung 2

    2.- Quant au fond, le premier problème à examiner est celui de
savoir si le dommage résultant de l'événement du 19 août 1970 relève
d'une maladie ou d'un accident. La distinction est importante. En effet,
les statuts de l'intimée contiennent des règles différentes en matière
d'exclusion de la garantie, selon qu'on est en présence d'une maladie ou,
au contraire, d'un accident.

    a) Si la caisse assure les accidents, elle ne le fait que dans les
limites prévues à l'art. 56 des statuts, dont l'alinéa 2 précise qu'elle ne
paie "aucune prestation en cas d'accidents selon l'art. 67 LAMA (dangers
extraordinaires et entreprises téméraires), de même que lorsque l'assuré
est lui-même responsable de l'accident dans une forte mesure".

    Le Tribunal fédéral des assurances a récemment jugé que les caisses
ne peuvent faire de la faute grave de l'assuré une cause générale
d'exclusion des accidents, s'agissant donc de définir l'étendue du
risque d'accident qu'elles assurent. Elles sont en revanche autorisées
à refuser de couvrir des risques objectifs extraordinaires ou clairement
définis (p.ex. la pratique d'activités sportives déterminées ou même les
entreprises téméraires au sens de l'art. 67 al. 3 LAMA; arrêt Vernez du
24 janvier 1972 [RO 98 V 8]). Dans ces conditions, la dernière partie de
la règle sus-mentionnée des statuts de l'intimée est illicite, en tant
qu'elle exclut systématiquement le versement de toutes prestations dès
que l'assuré "est responsable de l'accident dans une forte mesure". Mais
la jurisprudence précitée n'interdit pas aux caisses-maladie de refuser
de cas en cas leurs prestations à titre de sanction pour faute grave,
à condition qu'une telle mesure soit compatible, dans l'espèce, avec le
principe de la proportionnalité (v. p.ex. RO 96 V 1). La chose est même
possible en l'absence de règle statutaire sur le sujet, a dit la Cour de
céans dans l'arrêt Vernez, car il s'agit d'un principe général du droit
des assurances sociales (v. art. 98 LAMA, 7 al. 1er LAM, 7 al. 1er LAI,
18 al. 1er LAVS).

    b) Quant au risque de maladie, les statuts de la caisse intimée ne
contiennent aucune clause excluant les affections consécutives à un acte
pouvant être qualifié d'entreprise téméraire. L'art. 62 lit. q dispose
cependant que les prestations ne sont pas accordées "pour les maladies
imputables à une faute grave de l'assuré".

    Il n'est pas nécessaire d'examiner aujourd'hui si les caisses reconnues
ont la possibilité de refuser d'intervenir en cas d'entreprise téméraire,
dans l'assurance-maladie. Il faut par contre décider si la disposition
statutaire rappelée ci-dessus est compatible avec le droit fédéral,
en tant qu'elle exclut de la garantie toute maladie due à une faute
grave. Il n'en est rien, vu ce qui a été dit dans l'arrêt Vernez. Cela ne
veut pas dire qu'un refus de toutes prestations ne soit jamais possible
à titre de sanction. Qu'on songe en particulier à l'acte volontaire
qui, ne constituant jamais un accident, relève toujours en principe de
l'assurance-maladie (v. RO 97 V 1).

Erwägung 3

    3.- En l'espèce, il est indéniable que l'assuré a été victime
d'un accident. Car il n'est pas douteux que le recourant n'a pas voulu
délibérément se jeter par la fenêtre et se blesser. S'il a fait une chute,
c'est parce qu'une pièce du store à laquelle il se tenait a brusquement
cédé. C'est bien l'art. 56 des statuts qu'il faut donc appliquer en
l'occurrence. Il eût pu en aller autrement si, sans être incapable de
discernement, l'assuré avait sauté par la fenêtre à l'arrivée des agents
de la force publique dans l'intention de mettre fin à ses jours.

    Il est vrai que l'assuré allègue que son cas relève de
l'assurance-maladie, parce que son attitude, et la chute qui s'en est
suivie, constituaient un épisode de ses troubles psychiques. Le Tribunal
fédéral des assurances a cependant déjà jugé que la nature de l'atteinte à
la santé n'est pas en soi un critère pour mettre un sinistre à la charge
de l'assurance-maladie plutôt qu'à celle de l'assurance-accidents. C'est
la cause immédiate de cette atteinte et la façon dont elle est survenue
qui sont déterminantes. Afin de délimiter les domaines respectifs des
deux branches d'assurance sus-mentionnées, sans que cela conduise à des
lacunes de l'assurance, il faut, a dit la Cour de céans, considérer comme
maladie toute atteinte dommageable à la santé physique ou psychique qui
n'est pas due à un accident ou à ses conséquences directes. Un événement
répondant à la définition de l'accident ne saurait dès lors être indemnisé
comme maladie; il doit l'être à titre d'accident (RO 97 V 1).

Erwägung 4

    4.- Dans ces conditions, il faut examiner si l'assuré a été blessé lors
d'une entreprise téméraire ou d'une exposition à un danger extraordinaire
exclues de l'assurance.

    a) Les statuts de la caisse-maladie renvoient en l'occurrence à
la notion d'entreprise téméraire et de danger extraordinaire valable
dans l'assurance-accidents obligatoire. Dans ce domaine, constituent
des entreprises téméraires les actes par lesquels un assuré s'expose
sciemment à un danger particulièrement grave, pouvant résulter soit
de l'acte lui-même, soit de la manière dont il est accompli, soit des
circonstances concomitantes, soit de la personnalité de l'assuré (Guide
de l'assurance obligatoire contre les accidents, 18e édition, p. 22;
RO 97 V 72). Si certaines entreprises tombent dès l'abord sous le coup
de cette exclusion, d'autres en revanche doivent être considérées comme
téméraires au regard des circonstances concrètes du cas, par exemple
des qualités personnelles de l'assuré, de son équipement, de la façon
dont l'acte est effectué (RO 97 V 72). Cependant, pour que le risque
soit exclu de l'assurance, il faut que l'assuré ait eu pour intention
de défier le danger, donc qu'il ait connu ou dû connaître le caractère
téméraire de l'action projetée. La jurisprudence en a déduit qu'une
personne totalement irresponsable ne peut pas se livrer à une entreprise
téméraire, au sens de l'art. 67 al. 3 LAMA (v. p.ex. l'arrêt non publié
Santangelo du 29 décembre 1967; MAURER, "Recht und Praxis", 1963, pp. 150
ch. 2 lit. d; 151 et 152 ch. 4 lit. a et b; pour les actes délictueux,
v. ATFA 1966 p. 5 et la jurisprudence citée). Est-ce à dire que l'assuré
partiellement responsable de ses actes qui se lance dans une entreprise
téméraire doive toujours être privé de tout droit aux prestations? Le
Tribunal fédéral des assurances a tranché la question par l'affirmative
(arrêt Santangelo précité). Un nouvel examen du problème n'a pas conduit
la Cour plénière à modifier cette jurisprudence. Tout au plus sied-il de
se demander s'il ne serait pas préférable, dans ce domaine, de rechercher
s'il y a incapacité de discernement (plutôt qu'irresponsabilité), seule une
personne capable de discernement pouvant ainsi commettre un acte téméraire,
du point de vue de la LAMA: l'assuré totalement privé de discernement ne
le peut pas et, par la force des choses, une réduction pour faute grave
suivant l'art. 98 al. 3 LAMA ne sera pas non plus possible à son égard
(le cas de celui qui se prive de discernement par sa propre faute étant
toutefois réservé; cf. p.ex. ATFA 1936 p. 91).

    b) En l'espèce, on ne saurait admettre que l'assuré jouissait au moment
déterminant d'une capacité de discernement intacte. Il souffrait en effet
de troubles psychiques qui avaient nécessité et ont justifié encore par la
suite un traitement médical. Mais rien n'autorise à penser que l'intéressé
ait été totalement privé de la faculté d'apprécier le caractère téméraire
de ses actes et de celle de se déterminer selon cette appréciation. On
est donc bien en présence d'un risque exclu de l'assurance, au sens des
dispositions internes de la caisse.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: Le recours
est rejeté.