Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IV 19



98 IV 19

4. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 mars 1972 dans la cause
Babey contre Procureur général du canton de Berne. Regeste

    Art. 137 und 143 StGB.

    1.  Wer jemandem, für dessen Gläubiger er sich hält, um sich schadlos
zu halten, einen Gegenstand wegnimmt, dessen Wert den Betrag seiner
Forderung nicht übersteigt, begeht keinen Diebstahl (Erw. 1 und 2).

    2.  Hingegen fällt sein Verhalten unter Art. 143 StGB (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- En novembre 1970, Babey, qui travaillait au service de l'Entreprise
générale de construction SA, fut congédié sans délai pour avoir refusé de
réparer une machine de chantier sans l'aide d'un autre ouvrier et s'être,
en signe de protestation, absenté plusieurs heures. Par la suite, il
réclama en vain à son employeur le salaire qui lui était dû pour les
premiers jours de novembre, ainsi que pour 10 jours de vacances. Il
entreprit alors des démarches auprès du Tribunal des prud'hommes, qui
n'était pas compétent, la somme réclamée dépassant 1200 fr. Babey renonça,
à cause des frais, à agir devant les tribunaux civils.

    En vue de se payer, il s'introduisit, l'après-midi du 19 avril 1971,
dans le dépôt de son ancien employeur, à Glovelier. Il s'empara d'une
caisse métallique contenant deux boîtes dans lesquelles se trouvaient des
pièces d'outillage d'une valeur de 150 fr. d'après lui, de 600 fr. selon
le lésé.

    B.- Le 19 août 1971, la Première Chambre pénale de la Cour suprême
du canton de Berne a infligé à Babey, pour vol, 30 jours d'emprisonnement.

    C.- Contre cet arrêt, le condamné se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Il conclut à libération, subsidiairement à l'octroi du sursis.

    Le Procureur général conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Comme l'abus de confiance et l'escroquerie, le vol est un
délit d'enrichissement: il suppose que l'auteur a agi en vue de se
procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (NOLL,
RPS 1956 p. 148). En 1893 déjà, Stoos a introduit cet élément dans la
définition du délit, parce que, selon le sentiment populaire, l'essence
du vol consiste dans un enrichissement aux dépens d'autrui. Les membres
de la 1re commission d'experts savaient que, selon cette conception,
le créancier qui se paie par un acte de justice propre n'était pas un
voleur (Exposé des motifs, p. 38, procès-verbal I 368, 369). Le projet
d'avril 1908 se place sur le même terrain. L'art. 83, consacré au vol,
y est toutefois complété, dans la partie relative aux contraventions,
par un art. 250 conçu en ces termes:

    "Arbitraire du créancier

    Celui qui, pour se faire payer une créance ou pour se procurer une
garantie, aura arbitrairement soustrait ou retenu un objet appartenant
à son débiteur sera, en cas de plainte, puni de l'amende."

    Sur proposition de Lang, la 2e commission d'experts a biffé cette
disposition, non pas dans l'idée que le créancier qui agit ainsi devrait
être condamné pour vol, mais en raison de la difficulté de distinguer
entre les actes licites (art. 52 CO) et les actes illicites de justice
propre (procès-verbal VI, 239; VII, 323). Ensuite et jusqu'à l'adoption
du Code pénal, cette question n'a plus été discutée. L'exigence du
dessein d'enrichissement illégitime ayant été maintenue, la doctrine à
peu près unanime ne tient pas pour un voleur le créancier qui, pour se
désintéresser, soustrait à son débiteur un objet dont la valeur n'excède
pas le montant de la créance (HAFTER, Bes. Teil, I, 244; THORMANN/
OVERBECK, n. 18 ad art. 137; LOGOZ, Partie spéciale, I, 101; SCHWANDER,
no 536, p. 329; GERMANN, Das Verbrechen, Vb. zu Art. 137-172, N 43,
p. 255; SCHULTZ, RPS 1959 p. 272). Seule la voix de NOLL est en partie
discordante. Il écrit (RPS 1956 p. 154):

    "Der Dieb kann sehr wohl Gläubiger des Geschädigten und trotzdem Dieb
sein. Andernfalls wäre z.B. der Dienstherr am Zahltag schutzlos allerlei
Beutezügen seiner Angestellten auf sein Vermögen preisgegeben. Hier
zeigt sich nun die subjektive Komponente der Bereicherungsabsicht. Der
Gläubiger, der mit Aneignungsvorsatz seinem Schuldner eine Sache wegnimmt,
begeht einen Diebstahl, wenn er sich damit unrechtmässig bereichern will,
und dies selbst dann, wenn ihm seine Gläubigereigenschaft bekannt ist
und der weggenommene Wert den geschuldeten nicht übersteigt. (Il est peu
vraisemblable que, en pareil cas, l'auteur se propose un enrichissement
illégitime.) Die Absicht unrechtmässiger Bereicherung liegt aber nicht
vor, sofern er subjektiv mit dem Zweck handelt, sich für seine Forderung
zu befriedigen."

    Par cette dernière phrase, NOLL finit par se rallier à l'opinion
dominante. Certes si un employeur, dans la situation décrite ci-dessus,
était réellement dénué de protection (schutzlos), on hésiterait à suivre
la doctrine. Il serait choquant qu'un créancier puisse impunément, pour
se payer, soustraire un objet à son débiteur. Mais une telle conséquence
n'est pas à craindre, car il tombe sous le coup de l'art. 143 CP. La cour
de céans s'est d'ailleurs déjà prononcée dans ce sens (RO 85 IV 20).

Erwägung 2

    2.- Selon l'arrêt attaqué, la créance de Babey contre l'Entreprise
générale de construction SA n'est pas certaine, mais seulement
vraisemblable. Peu importe: il n'est pas contesté que le recourant la
tenait pour réelle. Supposé qu'elle n'ait pas existé, il aurait agi
sous l'influence d'une appréciation erronée des faits et devrait être
jugé d'après cette appréciation (art. 19 CP). Il s'agirait en revanche
d'une erreur de droit si Babey s'était représenté la situation telle
qu'elle est réellement (par hypothèse, inexistence de la créance) mais
s'était néanmoins cru en droit d'agir comme il l'a fait (RO 82 IV 203);
cette éventualité n'est manifestement pas réalisée. Il s'ensuit que,
s'étant emparé d'une caisse d'outillage en vue d'éteindre une créance
à la réalité de laquelle il croyait, le recourant n'a pas agi dans un
dessein d'enrichissement illégitime.

    La cour bernoise objecte que sa créance n'était pas susceptible
de compensation. Cela est possible, mais indifférent. Le caractère
légitime ou illégitime de l'enrichissement ne dépend pas in casu de
cette circonstance. Celui qui, n'étant pas juriste, s'empare, pour se
désintéresser, d'un objet appartenant à son débiteur ne se demande pas
si les art. 120 ou 125 CO s'opposent à la compensation. Il est exempt
du dessein de se procurer un enrichissement illégitime s'il avait une
créance d'un montant au moins égal à la valeur de la chose soustraite et
qu'il ait agi en vue de se payer.

Erwägung 3

    3.- La soustraction commise par Babey était punissable en vertu
de l'art. 143 CP. Toutefois le délit réprimé par cette disposition ne
se poursuit que sur plainte. Or le directeur de l'Entreprise générale de
construction SA a retiré, le 17 mai 1971, la plainte qu'il avait portée.

    Les juridictions bernoises doivent-elles prononcer un non-lieu ou
libérer le recourant? La question dépend de la procédure cantonale (RO
80 IV 5).

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision.