Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IV 106



98 IV 106

20. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 2 juin 1972 dans
la cause Spicher contre Procureur général du canton de Genève. Regeste

    Art. 291 und 292 StGB; Prüfung durch den Strafrichter der
Rechtmässigkeit der amtlichen Verfügung.

    Der Strafrichter kann eine Verfügung nicht überprüfen, deren
Rechtmässigkeit durch ein Verwaltungsgericht festgestellt worden ist;
wenn hingegen dieses Gericht nicht angerufen wurde oder noch nicht
geurteilt hat, ist er an die Verfügung nicht gebunden bei offensichtlicher
Rechtsverletzung oder Ermessensmissbrauch; er hat freie Prüfungsbefugnis,
wenn keine Beschwerde an ein Verwaltungsgericht möglich ist (Erw. 3).

    Art. 52 StGB, BG vom 18. März 1971, III Ziff. 3 Abs. 3: Einstellung
in der bürgerlichen Ehrenfähigkeit, Verweisungsverfügung.

    Der gemäss Art. 52 StGB in der bürgerlichen Ehrenfähigkeit eingestellte
Verurteilte hat diese am 1. Juli 1971 wieder erlangt; deshalb ermangelt
seit diesem Tag eine Verfügung über den Entzug des Niederlassungsrechts
im Sinne von Art. 45 Abs. 2 BV der gesetzlichen Grundlage (Erw. 4 und 5).

Sachverhalt

    A.- Déjà condamné plusieurs fois à des peines privatives de liberté,
notamment pour détournement d'objets mis sous main de justice et violation
d'une obligation d'entretien, Spicher, originaire du canton de Fribourg,
s'est vu infliger, le 31 août 1967, par le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne 18 mois de réclusion et 5 ans de privation des
droits civiques pour vols en qualité d'affilié à une bande et par métier,
dommage à la propriété, recel et violation d'une obligation d'entretien.

    Par arrêté du 12 mai 1970, notifié le 29 du même mois, le Département
cantonal de justice et police du canton de Genève a ordonné son expulsion
du territoire genevois, en vertu de l'art. 45 al. 2 Cst. Le Conseil d'Etat
a rejeté, le 6 octobre 1970, un recours formé contre ce prononcé. Peu
après Spicher a quitté le canton de Genève. Il y est revenu quelques
jours plus tard; depuis lors, il a vécu et travaillé à Genève.

    B.- Le 15 décembre 1971, le Tribunal de police l'a frappé de dix
jours d'emprisonnement pour rupture de ban.

    Sur appel du condamné, la Cour de justice a, le 20 mars 1972, réduit
la peine d'emprisonnement à trois jours.

    C.- Contre cet arrêt, Spicher se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Il se plaint de la violation de l'art. 2 al. 2 CP: l'abrogation,
dès le 1er juillet 1971, de l'art. 52 CP, disposition qui est à la base,
avec l'art. 45 al. 2 Cst., de l'arrêté d'expulsion rendu contre lui,
exclut, du moins à partir de cette date, le délit de rupture de ban.

    D.- Le Procureur général conclut au rejet du pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1 et 2. - (Détermination de l'objet du recours).

Erwägung 3

    3.- L'abrogation de l'art. 52 CP affecte-t-elle les décisions
d'expulsion motivées par la privation des droits civiques? La Cour
genevoise répond en l'espèce négativement, parce que l'arrêté d'expulsion
concernant le recourant n'a pas été révoqué.

    Une question préalable se pose: appartient-il au juge pénal appelé
à appliquer les art. 291 ou 292 CP d'examiner la légalité de la décision
à laquelle le prévenu ne s'est pas conformé?

    a) Préconisé par BLUNTSCHLI en 1885 déjà (Allgemeines Staatsrecht, 6e
éd., p. 366, n. 5 i.f.), un tel contrôle prédominait dans les cantons avant
l'entrée en vigueur du Code pénal suisse (IMBODEN, RPS 75 p. 146). Dans
son message du 27 mars 1925 relatif au projet d'arrêté énumérant diverses
attributions de la Cour administrative, le Conseil fédéral expose que, dans
les cas où une injonction est adressée au citoyen par l'administration en
vertu d'une loi de police de la Confédération et où la contravention est
passible non d'une amende disciplinaire, mais d'une peine, il n'y a pas
lieu de prévoir un recours à la Cour administrative, car il appartient au
tribunal répressif de vérifier la légalité de la décision administrative
(FF 1925 II 332/333; dans le même sens RUCK, Schweiz. Verwaltungsrecht
I p. 235).

    La Cour de céans s'est néanmoins montrée très réservée. D'après la
jurisprudence, le juge pénal qui va appliquer les art. 291 ou 292 CP
se borne à s'assurer que la décision satisfait aux exigences de forme,
émane d'une autorité compétente et est entrée en force; en revanche, il
n'a pas à en contrôler la légalité (RO 71 IV 220, 73 IV 256). Ce dernier
arrêt invoque ZÜRCHER, qui, dans l'Exposé des motifs d'avril 1908, se
contente d'affirmer que le juge ne se prononce ni sur la légalité ni
sur l'opportunité de la mesure prise (p. 366). Les arrêts postérieurs
(RO 78 IV 118 et 90 IV 81) mentionnent simplement les précédents.
THORMANN/OVERBECK (n. 4 ad art. 292), LOGOZ (n. 2 i.f. ad art. 292),
SCHWANDER (no 750) reprennent cette opinion, qui, en définitive, n'a pas
été motivée. Dans l'arrêt Rosset et consorts du 13 décembre 1961, la Cour
de céans a cependant laissé entendre qu'elle pourrait être modifiée.

    Plusieurs auteurs l'ont critiquée, pour des motifs en partie différents
(HAFTER, partie spéciale, p. 726; ROOS, ZbJV 79 p. 496-498, 86 p. 441;
LOEPFE, Ungehorsam gegen amtliche Verfügungen, p. 68 ss.; ROTH, RSJ
48 p. 33 ss.; NOLL, RPS 72 p. 366/367; IMBODEN, RPS 75 p. 139 ss., en
particulier 148-151).

    b) En vérité, elle ne soutient pas l'examen. Certes, les art. 291 et
292 CP exigent que la décision à laquelle le prévenu n'a pas obtempéré
ait été prise par une autorité compétente. Mais on déduirait à tort
de cette précision qu'elle interdit au juge de contrôler d'autres
points. Comme l'écrit IMBODEN, "Dass die Bestrafung auf Grund einer
unzuständigerweise erlassenen Verfügung ausgeschlossen wird, kann nicht
besagen, dass alle anderen Mängel eine Bestrafung zulassen" (RPS 75
p. 149). La jurisprudence admet, maintenant déjà, que le contrôle peut
porter sur le caractère obligatoire de la décision (RO 71 IV 219) et sur
le respect des formalités (RO 90 IV 81).

    L'idée qu'un inculpé puisse être puni pour avoir désobéi à un ordre
illégal est presque insupportable (ROOS, ZbJV 79 p. 496). Or, ce résultat
n'est pas inévitable. Tenu d'appliquer la loi, le juge pénal ne saurait
être lié par des décisions administratives qui la violent. En accordant la
protection du droit pénal à des décisions illégales, c'est la loi elle-même
qu'il transgresserait indirectement; il manquerait ainsi à son devoir d'en
assurer le respect (ROTH, RSJ 48 p. 34). Le Tribunal fédéral a toujours
tenu le juge pour habile à vérifier si une ordonnance du Conseil fédéral
et de ses départements est conforme à la loi (RO 94 I 88 consid. 1, 396
consid. 3; 95 I 405 consid. 4 et les références). Il n'en va pas autrement
dans les causes pénales (RO 84 IV 75 consid. II, 1; 85 IV 71; 87 IV 33 ss.;
92 IV 109/110; 96 IV 33 consid. 3). On ne voit pas pourquoi le pouvoir du
juge serait moins étendu à l'égard d'une décision d'un rang inférieur. Il
serait paradoxal que le défaut de légalité d'une ordonnance gouvernementale
ou départementale entraîne la libération du prévenu accusé de l'avoir
enfreinte, alors qu'un vice identique entachant la décision d'espèce d'un
service subordonné ou l'ordre d'un fonctionnaire de police demeurerait
inopérant (NOLL, RPS 72 p. 366/367). Le contrôle de la légalité des
décisions administratives est le seul moyen d'empêcher que les tribunaux
répressifs ne se trouvent dans la situation - incompatible avec l'essence
d'un Etat de droit - de devoir condamner contrairement à leur conviction
(ROOS, ZbJV 86 p. 441). Il est d'autant moins critiquable que, ne portant
pas sur les questions d'opportunité (la doctrine est unanime à cet égard),
il ne limite en rien la latitude de l'administration d'agir selon son
appréciation; il vise uniquement les actes illégaux, c'est-à-dire ceux
que, par définition, elle n'a pas le droit d'accomplir. Il est d'ailleurs
exclu, dans certains cas, par une disposition expresse (art. 60ter al. 3
et 105 LAMA, 101 al. 3 LD, 305 al. 2 PPF); ces règles spéciales engagent,
elles aussi, à le tenir pour légitime dans les autres domaines.

    c) Par contre, il cesse de se justifier, malgré l'opinion de KIRCHHOFER
(Die Verwaltungsrechtspflege beim Bundesgericht, p. 72), quand un tribunal
administratif s'est assuré de la légalité de la décision (ROOS, ZbJV 86
p. 443). En effet, si l'autorité normalement compétente pour résoudre la
question à titre principal s'est déjà prononcée, le juge pénal n'a plus
de motifs de s'en occuper.

    d) Qu'en est-il lorsque le prévenu qui en avait la possibilité n'a pas
déféré à une juridiction administrative l'injonction ou l'interdiction
à laquelle il ne s'est pas soumis? L'absence d'une décision de cette
juridiction serait une raison d'admettre le contrôle du juge pénal. On
pourrait assurément défendre la solution inverse, en relevant qu'il
incombait à l'intéressé de saisir une telle autorité de la question. Mais
si l'on considère que, souvent, il ne mesure pas immédiatement toute la
portée de la décision qui le concerne et qu'il ne serait pas satisfaisant
de lier le juge pénal à un prononcé administratif qui lui paraît nettement
illégal, il convient de permettre, dans ce cas également, le contrôle
judiciaire, par voie incidente, de la décision administrative, en le
limitant toutefois à la violation manifeste de la loi et à l'abus du
pouvoir d'appréciation (cf. art. 104 litt. a OJ). Une solution identique
s'impose lorsque le prévenu avait formé un recours de droit administratif
contre l'injonction à laquelle il a désobéi, mais que le sort n'en est
pas encore connu au moment où le juge pénal statue.

    e) Quand la décision à laquelle le prévenu ne s'est pas conformé émane
d'une autorité judiciaire (par exemple en matière de mesures protectrices
de l'union conjugale, de mesures provisoires durant une procédure de
divorce ou de protection de la propriété et de la possession) la légitimité
et la nécessité du contrôle de sa légalité, à titre préjudiciel, par le
tribunal répressif sont moins évidentes. La cour de céans réserve son
opinion à ce sujet.

    f) En résumé, le juge pénal ne saurait revoir la décision (au sens
des art. 291 et 292 CP) dont la légalité a été constatée par un tribunal
administratif. Si une telle autorité n'a pas été saisie de la question
ou qu'elle ne l'ait pas encore résolue au moment où il statue, il n'est
pas lié en cas de violation manifeste de la loi ou d'abus du pouvoir
d'appréciation. Si la question de la légalité ne pouvait pas être déférée
à une juridiction administrative, il exerce librement son contrôle.

    g) Les développements précédents ont trait au juge pénal en général. Le
pouvoir d'examen de la Cour de cassation reste circonscrit par l'art. 269
al. 1 PPF. En d'autres termes, chaque fois que la décision administrative
dont le juge pénal est appelé à sanctionner l'inobservation est fondée
sur le droit cantonal, la question de sa légalité échappe à la censure
de la cour de céans. Mais en l'occurrence, la décision à laquelle le
recourant a désobéi repose sur le droit fédéral.

Erwägung 4

    4.- Le législateur ne s'est pas contenté, le 18 mars 1971, d'abroger
l'art. 52 CP. Il a édicté une disposition transitoire (III ch. 3 al. 3),
qui énonce:

    "Les privations des droits civiques prononcées dans des jugements
antérieurs cessent leurs effets avec l'entrée en vigueur de la présente
loi en tant qu'elles ne concernent pas l'éligibilité à la charge de membre
d'une autorité ou à une fonction."

    Il s'ensuit d'abord que tous les condamnés qui avaient été privés de
leurs droits civiques en vertu de l'art. 52 CP (mais non de l'art. 39 CPM,
qui est encore en vigueur) les ont recouvrés le 1er juillet 1971; puis
qu'une autorité administrative n'a plus le droit de retirer l'établissement
selon l'art. 45 al. 2 Cst. en raison d'une privation des droits civiques
prononcée avant cette date; enfin que les décisions d'expulsion prises
avant le 1er juillet 1971 en vertu de l'art. 45 al. 2 Cst. sont devenues
caduques.

    Les travaux préparatoires n'éclairent pas sur la portée de la
disposition transitoire précitée. Le rapporteur au Conseil des Etats
a simplement déclaré qu'elle répondait à la logique (Bull. st. 1970,
p. 135). Or les conséquences dégagées plus haut sont toutes trois
commandées par la logique. Certes, d'un point de vue formaliste,
on pourrait exiger que le condamné qui se propose de pénétrer sur le
territoire du canton qui lui a retiré l'établissement en vertu de l'art. 45
al. 2 Cst. invite au préalable l'autorité compétente, en invoquant le
ch. III, 3 al. 3 de la loi du 18 mars 1971, à rapporter la décision
d'expulsion. Il n'en reste pas moins que, depuis le 1er juillet 1971,
ce condamné jouit à nouveau de ses droits civiques, de sorte que, dès
ce jour, cette décision manque de base (cf. RO 74 I 25 no 8). Le juge
pénal n'est pas tenu d'attendre que l'autorité qui l'a prise constate
sa caducité. Il doit en tirer lui-même les conséquences, en refusant la
protection de l'art. 291 CP.

Erwägung 5

    5.- Il n'y a donc plus eu rupture de ban à partir du 1er juillet
1971. En tant qu'elle considère la prévention comme établie pour la période
postérieure au 30 juin 1971 - ce qui revenait à déclarer Spicher coupable
de rupture de ban du 1er juillet au 13 septembre 1971 - la Cour genevoise
a violé le droit fédéral. Bien que cette violation n'ait apparemment pas
influé sur la décision, elle en impose l'annulation (RO 96 IV 66 ss.). La
cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle libère
le recourant de la prévention de rupture de ban après le 30 juin 1971 et
fixe à nouveau la peine.

Entscheid:

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à la
juridiction cantonale pour nouvelle décision.