Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 II 299



98 II 299

44. Arrêt de la I/e Cour civile du 14 novembre 1972 dans la cause
Laboratoires Procosa SA contre Beck. Regeste

    Art. 375 OR.

    Voraussetzungen der Anwendung (Erw. 2 und 3).

    Grundgedanke des Art. 375 Abs. 2 OR (Erw. 4 b).

    Die Auflösung des Vertrages gemäss Art. 375 Abs. 1 OR wirkt von seinem
Abschluss an (Erw. 4 c und 5).

Sachverhalt

    A.- Dès 1964, les Laboratoires Procosa SA, à Genève (ci-après:
Procosa), ont été en rapport avec Stéphane Beck, qui exploite un
atelier de mécanique à Nyon. Ils lui ont commandé une installation de
conditionnement comprenant notamment une machine à remplir les flacons
et une machine à capsuler et boucher. Beck et Procosa ont confirmé cette
commande respectivement les 27 et 29 janvier 1965. Le prix était "devisé"
à 39 000 fr., le paiement devait se faire selon entente et le délai de
livraison était de 6 mois.

    A plusieurs reprises, Procosa est intervenue auprès de Beck pour
obtenir livraison de la machine. En février 1966, Beck a déclaré qu'elle
serait prête quelques mois plus tard. Mais elle n'a jamais été livrée.

    A la demande de Procosa, Beck lui a adressé le 22 février 1967 une
"situation" qui indiquait des frais d'étude, d'outillage et de fabrication
déjà engagés par 57 143 fr. 95; le prix de revient de la machine à remplir
s'élevait à 76 000 fr. et celui de l'installation de bouchage et capsulage
à 26 000 fr.

    A cette époque, Procosa avait versé à Beck des acomptes à concurrence
de 38 000 fr. Elle s'est refusée à tout paiement supplémentaire. Les
parties ont envisagé l'annulation du contrat et le remboursement des
acomptes reçus par Beck. Celui-ci n'a pas accepté cette solution; il
a proposé à Procosa de renoncer à ses frais d'études, le "devis final"
ne s'élevant plus qu'à 102 000 fr. La machine n'était alors pas en état
de fonctionner et bien des problèmes techniques restaient à résoudre.

    En automne 1967, Procosa a commandé à une maison zurichoise une machine
remplissant des fonctions analogues à celle offerte par Beck. Livrée au
début de 1968, cette.machine a coûté environ 40 000 fr.

    B.- Par demande du 24 octobre 1967, Procosa a ouvert action contre
Beck en paiement de 38 000 fr. avec intérêts échelonnés du 29 janvier
1965 au 19 janvier 1967 selon la date de ses versements.

    Le défendeur a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement,
au paiement par la demanderesse de 1309 fr. 70 avec intérêt, soit le
solde des frais et débours engagés pour l'exécution de l'ouvrage après
déduction des acomptes reçus. Il demandait en outre qu'il lui fût donné
acte de ce qu'il tenait à disposition de Procosa l'ensemble du matériel
et des études acquis ou faits pour elle en vue de l'exécution du contrat.

    Par jugement du 1er mai 1972, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a condamné le défendeur à payer à la demanderesse 18 000 fr.
avec intérêt à 5% dès le 24 octobre 1967. Ses motifs sont en bref les
suivants:

    Les parties ont conclu un contrat d'entreprise avec devis approximatif.
Les conditions d'une résiliation de ce contrat par la demanderesse
selon l'art. 375 CO étaient réalisées, le prix de revient de la machine
dépassant de plus de 150% le montant fixé par le devis. En l'absence d'une
réglementation spéciale ou générale du code régissant les conséquences
de la résiliation en l'espèce, il y a lieu d'appliquer de manière
extensive le principe de l'allocation d'une indemnité équitable prévu par
l'art. 375 al. 2 CO. Compte tenu du travail du défendeur, de l'absence
d'enrichissement du maître et de l'imprudence dont l'entrepreneur a fait
preuve lors de l'estimation du coût de la machine, il y a lieu de fixer
ex aequo et bono à 20 000 fr. le montant de l'indemnité due au défendeur.

    C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral en reprenant
ses conclusions initiales.

    Le défendeur a formé un recours joint dans lequel il persiste
dans ses conclusions de première instance, à l'exception de sa demande
reconventionnelle.

    Chacune des parties propose le rejet des conclusions de son adversaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le jugement déféré est entré en force dans la mesure où il
a rejeté les conclusions reconventionnelles du défendeur. En effet,
celui-ci ne les reprend pas dans son recours joint.

Erwägung 2

    2.- La Cour cantonale a considéré avec raison que les parties
étaient liées par un contrat d'entreprise dont le prix avait été fixé
approximativement. La demanderesse admet implicitement, dans son recours,
cette qualification juridique de ses relations avec le défendeur. Celui-ci
ne la conteste pas non plus. Lorsqu'il fait valoir que l'ouvrage commandé
par la demanderesse était "une machine extrêmement compliquée", qu'"il
s'agissait d'inventer", il entend expliquer la durée et le coût des
travaux, sans déduire de ces affirmations des conséquences quant à la
nature juridique du contrat. Bien qu'il déclare dans son recours joint que
"vu l'article 373 CO dernier alinéa, le prix intégral est dû par Procosa à
Beck", il ne prétend pas que le prix de l'ouvrage ait été fixé à forfait
au sens de l'art. 373 al. 1 CO. Il considère au contraire que ce prix
doit être calculé selon l'art. 374 CO et se prévaut par ailleurs du
droit à une indemnité que confère à l'entrepreneur l'art. 375 CO.

Erwägung 3

    3.- Il est constant que selon la "situation" du 22 février 1967
adressée par le défendeur à la demanderesse, le prix de revient total de
la machine s'élevait à 102 000 fr. et que ce dépassement de plus de 150%
du devis approximatif arrêté par les parties n'était en rien justifié
par des exigences supplémentaires du maître de l'ouvrage.

    a) Dans ces conditions, la demanderesse avait le droit de se départir
du contrat selon l'art. 375 al. 1 CO. Le devis de 39 000 fr. sur la base
duquel le contrat avait été conclu était dépassé dans une mesure telle
que l'on peut admettre que le maître n'aurait pas chargé l'entrepreneur
d'exécuter l'ouvrage pour ce prix (BECKER, n. 2 ad art. 375 CO). Le
jugement déféré constate en effet qu'il existait depuis de nombreuses
années sur le marché des machines à remplir les flacons analogues, à
des prix divers; celle que la demanderesse a commandée en automne 1967 a
coûté environ 40 000 fr. La Cour cantonale a donc considéré avec raison
que les conditions d'une résiliation du contrat par la demanderesse,
selon l'art. 375 CO, étaient réalisées.

    b) Le défendeur invoque à tort l'art. 377 CO: la dénonciation du
contrat pour dépassement excessif du devis est régie par l'art. 375,
et l'application de l'art. 377 est exclue lorsque le maître est fondé à
se départir du contrat pour ce motif.

    Quant à l'art. 378 al. 2 CO, également cité par le défendeur, il
vise le cas où l'ouvrage n'a pu être exécuté par la faute du maître,
hypothèse qui n'est manifestement pas réalisée en l'espèce.

Erwägung 4

    4.- La Cour cantonale considère que l'art. 375 CO ne règle pas de
façon générale les conséquences d'une résiliation unilatérale du contrat
par le maître de l'oeuvre, mais qu'il se borne à traiter, à son al. 2,
du cas spécial de constructions élevées sur le fonds de celui-ci; les
art. 107 ss. CO ne conviennent guère à la résiliation d'un contrat
de longue durée, laquelle ne peut déployer que des effets ex nunc;
en l'absence de règles spéciales ou générales de la loi, il convient
de combler par voie jurisprudentielle la lacune qu'elle présente;
l'application par analogie des art. 422 et 423 CO doit être écartée;
pour combler la lacune de la loi, il y a lieu d'étendre l'application
de l'art. 375 al. 2 CO lorsque la restitution réciproque des prestations
n'est pas possible du fait qu'il s'agit d'un contrat de longue durée.

    a) Avec raison, la demanderesse objecte à cette argumentation que la
prestation de l'entrepreneur consiste non pas dans un travail, mais dans la
fourniture d'un objet, et que le critère de la durée du contrat est sans
pertinence. Le contrat d'entreprise a pour objet le résultat du travail,
et non pas le travail comme tel (RO 59 II 263). La réalisation de ce
résultat, en l'espèce la construction d'une installation de remplissage
de flacons, peut impliquer l'accomplissement d'actes préparatoires par
l'entrepreneur. Le fait que ces actes s'étendent sur plusieurs mois n'a
pas pour effet de faire du contrat d'entreprise un contrat de longue
durée. L'exécution de la prestation promise intervient au moment de la
livraison. La situation de l'entrepreneur qui n'a pas achevé l'ouvrage
est comparable à celle du vendeur qui n'a pas livré la chose.

    b) La réglementation particulière de l'art. 375 al. 2 CO est
justifiée par le fait que l'ouvrage érigé sur le fonds du maître devient
sa propriété au für et à mesure de l'avancement des travaux, en vertu du
principe superficies solo cedit consacré par les art. 642, 667 et 671 CC
(BECKER, n. 10 ad art. 375 CO; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 13-14 ad art. 375
CO; GAUTSCHI, n. 9 b ad art. 375 CO). En règle générale, l'enlèvement de
l'ouvrage, terminé ou non, est impossible ou excessivement dispendieux.
Limiter l'indemnisation de l'entrepreneur sans faute à l'enrichissement
du maître serait inéquitable en pareil cas (BECKER, loc.cit.).

    La solution de l'art. 375 al. 2 CO subordonnant le droit du maître
de se départir du contrat au paiement d'une indemnité équitable pour les
travaux exécutés ne se justifie en revanche nullement quand l'ouvrage
consiste dans la livraison d'une chose mobilière et que la matière
est fournie par l'entrepreneur. L'ouvrage commandé (terminé ou non)
reste la propriété de l'entrepreneur. L'opinion contraire du défendeur
selon laquelle il appartiendrait au maître dès avant sa livraison est
incompatible avec l'art. 714 al. 1 CC; seule la livraison de l'ouvrage
constitue la mise en possession au sens de cette disposition et, partant,
le transfert de la propriété au maître (GAUTSCHI, Vorbemerkungen ad
art. 363-379 CO, n. 25). A défaut de livraison, le maître, qui n'a
bénéficié d'aucune prestation de l'entrepreneur, n'est pas enrichi. S'il
a déjà payé tout ou partie du prix, il est en droit de répéter ce qu'il
a versé en vertu d'une cause qui a cessé d'exister (art. 62 al. 2 CO).

    c) L'examen de la nature juridique de la dénonciation du contrat
d'entreprise selon l'art. 375 al. 1 CO ne peut que confirmer le bien-fondé
de cette solution. L'art. 375 CO repose sur l'idée - déterminante
pour juger si le devis approximatif se trouve dépassé dans une mesure
excessive au sens de cette disposition (BECKER, n. 2 ad art. 375 CO) -
que le maître n'aurait pas commandé l'ouvrage s'il avait eu connaissance
lors de la conclusion du prix pour lequel il serait exécuté. Le maître
n'entend d'ordinaire engager que des frais raisonnables, en proportion
avec la valeur de l'ouvrage; il s'agit là d'un fait que la loyauté
commerciale permet de considérer comme un élément nécessaire du contrat;
si le maître s'oblige sur la base d'une représentation inexacte de cet
élément, il est fondé à invoquer l'invalidité du contrat selon l'art. 24
al. 1 ch. 4 CO et il n'est tenu qu'à concurrence de son enrichissement
(RO 92 II 333). L'art. 375 al. 1 CO peut apparaître ainsi comme la
réglementation d'un vice du consentement dans le domaine particulier
du contrat d'entreprise. Il permet la résolution du contrat avec effet
rétroactif: les parties se retrouvent dans la position qu'elles auraient
occupée en l'absence de convention, les prestations réciproques déjà
exécutées devant être restituées dans la mesure du possible. La remarque
de Gautschi (n. 1 ad art. 375 CO) relative aux effets ex nunc des causes
de fin du contrat d'entreprise ne doit pas être comprise en ce sens que la
dénonciation de ce contrat pour dépassement du devis approximatif déploie
toujours des effets ex nunc. Comme l'indique son titre, le passage en
question a trait à la fin des "Arbeitsverträge" (y compris le contrat
d'entreprise) en général. Examinant les conséquences de l'exercice par
le maître du droit de se départir du contrat selonl'art. 375, GAUTSCHI
(n. 9 a ad art. 375) considère qu'il peut en principe refuser l'ouvrage,
achevé ou non, sauf si celui-ci devient ipso facto sa propriété ou qu'il se
l'approprie à dessein. L'entrepreneur ne peut prétendre au remboursement
ou à la compensation des dépenses engagées pour l'exécution de l'ouvrage
qu'à la double condition que le maître s'approprie l'ouvrage, achevé ou
non, ou que celui-ci devienne ipso facto sa propriété, et qu'il se trouve
enrichi de ce fait (n. 9 d ad art. 375). Il découle de ces remarques du
commentateur qu'il y a des cas où l'ouvrage, achevé ou non, peut être
refusé, la dénonciation du contrat déployant alors ses effets ex tunc.

    La réglementation de l'art. 375 al. 1 CO s'intègre ainsi parfaitement
dans le système du CO et ne présente pas de lacune. En admettant le
contraire et en déclarant applicable en l'espèce l'art. 375 al. 2 CO,
la juridiction cantonale a violé les art. 375 al. 1 CO et 1 CC, ce qui
entraîne la réformation du jugement déféré.

Erwägung 5

    5.- Au cas particulier, il est constant que l'ouvrage commencé n'a pas
été livré à la demanderesse, qui ne s'est donc pas enrichie. Sur le prix
fixé approximativement à 39 000 fr., elle a versé 38 000 fr. au défendeur.

    La résolution du contrat selon l'art. 375 al. 1 CO entraîne la
restitution des prestations réciproques, sous réserve de l'allocation
de dommages-intérêts en cas de faute, qui ne sont pas réclamés ici. Le
maître, qui n'a pas reçu l'ouvrage et n'est pas enrichi, ne doit rien à
l'entrepreneur. Celui-ci a reçu 38 000 fr. d'acomptes en vertu d'une cause
qui a cessé d'exister. Il doit les restituer à la demanderesse en capital
et intérêt (art. 62 al. 2 CO). Il reste propriétaire de l'ouvrage non
terminé. A défaut d'une mise en demeure antérieure, l'intérêt à 5% sur
la somme de 38 000 fr. est dû à partir du jour de la demande, comme l'a
jugé l'autorité cantonale. Les conclusions de la demanderesse en paiement
d'intérêts échelonnés selon la date de ses versements, au demeurant non
motivées, doivent être rejetées.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet le recours principal et rejette le recours joint;

    2. Réforme le jugement attaqué en ce sens que la défendeur doit à la
demanderesse 38 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 24 octobre 1967.