Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IB 396



98 Ib 396

58. Arrêt de la Ire Cour civile du 12 décembre 1970 dans la cause
Canguilhem contre Bureau fédéral de la ropreté intellectuelle. Regeste

    Erfindunspatente.

    Begriff der Erfindung, Art. 1 PatG (Erw. 3).

    Ein Verfahren, das subjektive Begriffe zu messen und durch den Computer
auszuwerten bestimmt ist, kann sowenig wie ein Computer-Programm patentiert
werden (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Jean-François Canguilhem a déposé le 16 décembre 1966 auprès du
Bureau fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après le Bureau) une
demande de brevet intitulée "Procédé de mesure pour la quantification
de notions subjectives multidimensionnelles et dispositifs pour la
mise en oeuvre de ce procédé, constitués de programmes de calculateur
électronique". La demande comportait une revendication, où le
procédé de mesure était dénommé "Syntèse dimensionnelle", et trois
sous-revendications. Par notification du 29 septembre 1967, confirmée
le 19 juillet 1968, le Bureau a informé le requérant que le procédé
pour lequel il demandait la protection n'appartenait pas au domaine de
la technique et ne constituait dès lors pas une invention au sens de
l'art. 1er LBI; il l'invitait en conséquence à retirer sa demande.

    Le 19 février 1969, le requérant a déposé une description modifiée
dans laquelle il formulait une nouvelle revendication, portant sur une
machine informatique pour la mise en oeuvre du procédé dénommé "Synthèse
dimensionnelle". Le Bureau a déclaré, par notifications des 11 juin
1970 et 9 juin 1971, que cette nouvelle revendication ne définissait
aucune invention brevetable et a derechef invité le requérant à retirer
sa demande.

    Le 9 décembre 1971, Canguilhem a envoyé au Bureau une description
modifiée où il formulait une revendication et 7 sous- revendications. La
revendication définit un "procédé pour obtenir une information de
valorisation d'une entité à caractère industriel au moyen d'un ordinateur
et à partir de grandeurs quantitatives attribuées aux éléments dont est
composée cette entité, caractérisé en ce que l'on attache à chaque élément
un vecteur à N dimensions où N est le nombre de grandeurs attribuées à un
même élément, en ce que ces vecteurs sont additionnés de manière pondérée
et que le vecteur résultant est comparé à un vecteur de référence, la
norme de la différence de ces deux vecteurs représentant l'information
de valorisation de l'entité considérée". Les sous-revendications 1 et 2
définissent chacune un choix possible d'une unité de longueur. Les sous-
revendications 3 à 7 donnent des formules permettant de calculer certaines
grandeurs utiles.

    B.- Par décision du 5 juillet 1972, le Burea u a rejeté la demande
de brevet selon l'art. 59 al. 1 LBI par le motif qu'il n'y avait pas
invention au sens de l'art. 1er al. 1 LBI.

    C.- Jean-François Canguilhem recourt au Tribunal fédéral contre
cette décision. Il conclut à son annulation, le Bureau étant tenu de
poursuivre la procédure d'examen de la demande, et se déclare prêt à
rédiger la revendication sous une nouvelle forme, selon le "libellé des
revendications allemande et anglaise correspondantes", "si le Tribunal
fédéral l'estime préférable".

    Le Bureau propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'offre du recourant de modifier la rédaction de sa revendication
dans le sens des demandes soumises aux autorités allemande et anglaise
est irrecevable. L'invention dont le déposant requiert la protection se
trouve définie dans la revendication (art. 51 LBI). Le juge administratif
appelé à statuer sur la brevetabilité d'une invention, pas plus que le juge
civil saisi d'une action en nullité d'un brevet, ne saurait substituer
une autre revendication à celle que le déposant a soumise à l'examen du
Bureau (cf. RO 92 II 56 consid. 6a et 287 consid. 3a).

    Le recourant déclare que les "revendications allemande et anglaise
correspondantes... revendiquent au début de texte tout l'ordinateur". Or
la demande litigieuse porte sur un procédé permettant de quantifier des
notions à caractère subjectif et muldimensionnel, de façon à les rendre
saisissables "dans les processus de traitement de l'information par
calculateur". L'ordinateur lui-même, qui est réputé connu et n'est pas
décrit dans la demande, ne fait pas partie de l'invention. Rédigée sous
la forme proposée à titre subsidiaire par le recourant, la revendication
définirait ainsi une invention différente de celle qu'il a soumise à
l'examen du Bureau.

Erwägung 2

    2.- Le procédé dont le requérant demande la protection est destiné à
mesurer des notions qualifiées de subjectives - telles que la difficulté,
l'urgence, la compétence, la qualité -, selon leur degré d'importance
déterminé dans chaque cas particulier, pour permettre leur traitement par
ordinateur. Il consiste à attribuer une certaine valeur mesurable en temps
et en longueur à tous les facteurs pris en considération, qui peuvent
ainsi être représentés en paramètres graphiques, eux-mêmes transformés
en formules mathématiques selon certains critères mis au point par le
requérant. Ces données sont alors programmées pour pouvoir alimenter
ensuite un ordinateur connu.

    Ce procédé, qui constitue une méthode abstraite d'évaluation et de
combinaison des divers facteurs pris en considération, ne répond pas à
la définition de l'invention en droit suisse des brevets.

Erwägung 3

    3.- Selon la doctrine et la jurisprudence, on se trouve en présence
d'une invention lorsque, grâce à une idée créatrice, une combinaison
nouvelle et originale des forces de la nature, dans l'acception la
plus large de cette expression, aboutit à un effet technique utile,
constituant un progrès notable (RO 95 I 581 et les arrêts cités;
cf. TROLLER, Immaterialgüterrecht; 2e éd. 1968, p. 165; BLUM/PEDRAZZINI,
n. 5-6 ad art. 1er LBI, I p. 72 ss.). L'invention n'est ni la force
naturelle comme telle, ni le produit de son utilisation. C'est la règle
abstraite dont la répétition conduit à un résultat technique déterminé,
susceptible d'application industrielle. Elle indique comment maîtriser
les forces de la nature pour les soumettre à l'homme. N'appartiennent
pas à la technique et ne constituent dès lors pas des inventions au
sens de la loi des instructions qui prescrivent à l'homme un certain
comportement et produisent un résultat déterminé, sans intervention
directe des forces de la nature. Ne sont par conséquent pas brevetables,
par exemple, des systèmes de loteries, de comptabilité ou de sténographie,
des règles de jeu, méthodes d'enseignement, tables de logarithmes (RO 95
I 581 et citations).

Erwägung 4

    4.- La notion de l'invention en droit suisse des brevets est ainsi
telle qu'une méthode constituée par un ensemble de règles ou de directives
abstraites s'adressant à l'esprit de l'homme ne ressortit pas à la
technique et n'est partant pas brevetable si elle ne fait pas intervenir
les forces de la nature pour obtenir un effet technique. Peu importe que
la méthode ait un caractère scientifique, qu'elle utilise des formules
mathématiques ou nécessite l'emploi d'un ordinateur. L'application de
ces principes conduit à dénier au procédé mis au point par le requérant
le caractère d'une invention brevetable au sens de l'art. 1er LBI. Il
n'en irait pas différemment si ledit procédé équivalait à un programme
d'ordinateur, comme le soutient le requérant dans son recours. Un tel
programme n'est en effet pas un procédé technique, car il ne met pas en
oeuvre les forces de la nature. Comme le relève à juste titre le Bureau,
l'établissement du programme d'ordinateur constitue une performance
purement intellectuelle. La protection de la LBI doit lui être refusée,
comme elle l'a été à un procédé de calcul de l'armature d'un bâtiment
à l'aide d'un ordinateur (cf. décision du Bureau du 3 septembre 1968,
dans Feuille suisse des brevets, dessins et marques du 29 novembre 1968,
p. 53) et à un procédé planifiant l'aménagement des réseaux de distribution
d'énergie électrique (RO 95 I 579).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.