Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IB 329



98 Ib 329

48. Arrêt du 31 octobre 1972 dans la cause Lanz contre Etat de Vaud.
Regeste

    Enteignung. Art. 19 EntG.

    Wertverminderung des verbleibenden Grundstücks?

    Schaden infolge Verlegung einer Strasse?

Sachverhalt

    A.- Dame Georgette Lanz est propriétaire, à Corsy s/La Conversion
(commune de Lutry), de la parcelle no 1844 située au sud de la route
cantonale menant de Lutry et Paudex par La Conversion à la route Belmont-La
Croix-sur-Lutry. Sur cette parcelle est construite une villa, dont les
pièces de travail et de séjour sont exposées au sud, tandis qu'au nord,
du côté de la route, se trouvent la cuisine et la salle de bain.

    Dans le cadre de l'aménagement du réseau routier cantonal en relation
avec l'autoroute du Léman, l'Etat de Vaud a prévu le déplacement de cette
route cantonale étroite et sinueuse, qui passera dorénavant au sud de
la parcelle Lanz et aura une largeur de 15 m, avec trois pistes et deux
trottoirs.

    L'exécution des travaux rend nécessaire l'expropriation de 40 m2 de
la parcelle Lanz.

    B.- Georgette Lanz a réclamé une indemnité de 100 fr. le m2 pour
le terrain exproprié et de 80 000 fr. pour la dépréciation de la partie
restante. A l'audience de conciliation, l'Etat de Vaud a offert 50 fr. le
m2 pour le terram exproprié et 16 000 fr. pour la dépréciation de la
parcelle restante, soit 10% de la valeur de la villa.

    La tentative de conciliation ayant échoué, la Commission fédérale
d'estimation a autorisé l'envoi en possession anticipé pour le 1er janvier
1970. La route est aujourd'hui pratiquement terminée.

    En procédure d'estimation, dame Lanz a porté de 80 000 fr. à 90
000 fr. sa prétention à indemnité pour la dépréciation de la partie
restante, en se fondant sur l'expertise d'un architecte, déposée avec
sa demande. L'Etat de Vaud a répondu que la propriétaire n'avait droit
à aucune indemnité en plus de la valeur du terrain cédé, la dépréciation
alléguée étant la conséquence non pas de l'expropriation (surface minime
de 40 m2), mais du déplacement d'une route; un tel dommage ne donne droit
à réparation qu'aux conditions posées par l'arrêt Werren, lesquelles ne
sont pas réalisées en l'espèce. Cependant, pour ne pas retirer complètement
son offre initiale de 16 000 fr., il l'a ramenée à 10 000 fr. Quant à la
valeur du terrain, l'Etat a proposé de la fixer à 60 fr. le m2.

    C.- Statuant le 21 mars 1972, la Commission d'estimation a alloué
à dame Lanz une indemnité de 75 fr. le m2 pour le terrain exproprié,
mais a refusé toute indemnité pour dépréciation de la parcelle restante.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, dame Lanz
requiert le Tribunal fédéral de fixer à 90 000 fr. l'indemnité pour la
dépréciation de la partie restante; elle ne conteste plus, en revanche,
le prix fixé pour la partie expropriée. Elle soutient que la solution
adoptée heurte très violemment le sens de l'équité, d'autant plus qu'elle
avait construit sa villa de façon à avoir la route cantonale derrière elle,
qu'elle se trouvera désormais à proximité de trois routes, y compris la
bretelle conduisant à Lausanne-Sud, que la nouvelle route cantonale sera
plus fréquentée que l'ancienne et que sa propriété sera désormais privée de
la tranquillité recherchée lors de la construction. A titre subsidiaire,
elle soutient que la triple condition de spécialité, d'imprévisibilité
et de gravité du dommage est réalisée.

    E.- Une délégation du Tribunal fédéral, assistée d'un membre de la
Commission supérieure d'estimation à titre d'expert, a procédé à une
inspection locale en présence des parties. Après délibération de la
délégation avec l'expert, le juge délégué a communiqué oralement aux
parties les conclusions de la délégation du Tribunal fédéral: estimant
que les trois conditions de spécialité, d'imprévisibilité et de gravité,
prévues par la jurisprudence pour fonder le droit à une indemnité,
n'étaient pas réalisées, elle a proposé de rejeter le recours.

    Dans le délai de réflexion qu'elle avait demandé, la recourante a
déclaré maintenir son recours et désiré le voir trancher par le Tribunal
fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans les arrêts Werren (RO 94 I 301 ss. consid. 8 b et 9) et Reich
(RO 95 I 493 ss.), où les fonds des recourants n'étaient pas expropriés,
mais se trouvaient à proximité de l'ouvrage, le Tribunal fédéral a déclaré
que le propriétaire n'avait un droit à être indemnisé que lorsque le
dommage était à la fois spécial, imprévisible et grave; il a ajouté
(RO 94 I 303 consid. 9 d) que ces règles s'appliquaient non seulement
au cas où, sans être privé d'une partie de son terrain, le propriétaire
se borne à faire valoir un droit découlant des rapports de voisinage,
mais aussi dans l'éventualité où, sa propriété ayant été amputée par
l'expropriation, il invoque ces mêmes rapports pour obtenir réparation
du dommage causé à la partie restante par des immissions excessives.

    Ce dernier principe peut paraître trop absolu, dans la mesure où
le dommage se trouverait aggravé par l'expropriation d'une portion de
terrain qui, si elle était restée en mains de son propriétaire, aurait
permis à celui-ci de maintenir une distance respectable entre sa maison
et la nouvelle route, alors que l'expropriation partielle rapproche cette
route et aggrave ainsi le dommage.

    Mais en l'espèce, la question ne se pose pas. En effet, la propriété
de la recourante - d'une superficie de 1048 m2 et d'une largeur de 30 m
environ dans sa partie sud - n'est amputée que d'une surface minime de 40
m2. Le terrain exproprié n'est occupé que par un talus et un trottoir, et
non pas par la chaussée elle-même, qui se trouve en dehors des anciennes
limites de la propriété. Ainsi la surface expropriée n'aurait pas permis
d'éloigner de la villa Lanz la route proprement dite, dont le trafic accru
va troubler, selon la recourante, la tranquillité qu'elle avait recherchée
en construisant au sud d'une route jusqu'ici peu fréquentée; tout au plus
aurait-elle permis d'éloigner l'ensemble de l'ouvrage (talus et trottoir
compris), d'un à deux mètres au maximum, ce qui est insignifiant. On doit
en conclure que, même sans expropriation, la recourante aurait dû subir
de la même façon les inconvénients dont elle se plaint.

    La modicité de la surface expropriée, qui ne représente que 1/26 de
la surface totale primitive de la parcelle, exclut également l'existence
d'une dépréciation due au morcellement.

    Dans ces conditions, c'est uniquement en fonction des critères posés
par l'arrêt Werren que la prétention à indemnité de dame Lanz doit être
examinée et tranchée.

Erwägung 2

    2.- Le dommage que peut provoquer à la propriété de la recourante
la proximité de la nouvelle route n'est spécial ni quant au bruit et aux
émanations (il ne s'agit que d'une voie d'accès locale à une demi-jonction
d'autoroute), ni quant au mode d'utilisation de l'immeuble, qui n'en
sera pas rendu impossible, ni quant au mode d'implantation de l'ouvrage,
dont le niveau est bien en dessous du niveau inférieur de la villa.

    La condition d'imprévisibilité du dommage n'est pas non plus
réalisée. En raison des concentrations urbaines et de l'intense
développement du trafic automobile, tout propriétaire de villa dans un
large rayon autour d'une importante agglomération doit, aujourd'hui,
s'attendre à voir les routes régionales déplacées, améliorées et
développées dans son voisinage immédiat. En l'espèce, l'ancienne route
cantonale était étroite, sinueuse et rendue difficile par l'étranglement
de Corsy; ne correspondant plus aux exigences actuelles du trafic, elle
aurait dû de toute façon être déplacée un jour ou l'autre, même sans la
construction de l'autoroute.

    Quant à la condition de gravité, l'arrêt Reich a admis qu'un dommage
évalué à 15% pouvait déjà être qualifié de grave. En l'espèce, l'expert
a fixé, par appréciation, à 10-15% le montant du dommage, de sorte que,
par son maximum, ce montant remplirait tout juste la condition de gravité
requise. Mais cela ne suffit pas pour entraîner l'obligation d'indemniser,
car les deux autres conditions ne sont, elles, certainement pas réalisées;
or c'est bien la réunion cumulative des trois conditions qui est exigée
par la jurisprudence pour que le dommage doive être réparé.

    Il faut relever par ailleurs que l'amélioration sensible du réseau
routier dans la région et la proximité d'un point d'accès à l'autoroute
entraînent une plus-value indéniable pour les propriétés, encore que
cette plus-value ne soit, pour la propriété Lanz, pas aussi forte qu'elle
l'aurait été dans l'hypothèse du maintien de la route cantonale au nord
de la parcelle.

    Quoi qu'il en soit, la Commission fédérale d'estimation a appliqué
correctement les principes posés par la jurisprudence, de sorte que le
recours doit être rejeté.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.