Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 491



98 Ia 491

77. Arrêt du 3 mai 1972 dans la cause SI Chailly Vallon A SA et consorts
contre Grand Conseil du canton de Vaud. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Art. 2 Ueb. Best.  BV.

    1.  Die Kantone überschreiten ihre Kompetenz nicht, wenn sie im
öffentlichen Interesse liegende, öffentlichrechtliche Vorschriften
erlassen, soweit das Bundeszivilrecht das Gebiet nicht abschliessend regelt
(Erw. 3).

    2.  Das waadtländische Gesetz über die Garantiehinterlagen bei
Mietverträgen verstösst nicht gegen das Bundeszivilrecht; es verletzt
weder den Grundsatz der Vertragsfreiheit (Art. 19 OR), noch Art. 481 OR
(depositum irregulare) noch die Art. 884 ff. ZGB (Fahrnispfand) (Erw. 4
und 5).

    3.  Das Gesetz verstösst auch nicht gegen das öffentliche Recht
des Bundes, insbesondere nicht gegen die Art. 151 ff. SchKG über
diePfandverwertungsbetreibung, die auf alle Fälle anwendbar bleiben. Wird
in einer Betreibung nicht Rechtsvorschlag erhoben, so gilt die Verfügung
des Betreibungsamtes als gerichtlicher Entscheid im Sinne des Art. 3
Abs. 1 des angefochtenen Gesetzes (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- La loi vaudoise du 15 septembre 1971 "sur les dépôts de garanties
en matière de baux à loyer" (en abrégé: LDG) contient les dispositions
suivantes: Dépôt obligatoire des garanties

    "Article premier. - Le bailleur ou son représentant qui reçoit, à
raison du bail, des espèces à titre de garantie doit les déposer dans les
10 jours, sur un livret établi au nom du locataire par un établissement
soumis à la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, du 8
novembre 1934, ayant son siège ou une agence dans le canton de Vaud ou
par un autre établissement autorisé par le Conseil d'Etat. Le livret doit
être déposé dans l'un de ces établissements.

    Le bailleur ou son représentant qui, dans les mêmes conditions, reçoit
un livret ou une autre valeur, doit le déposer dans les 10 jours dans l'un
des établissements mentionnés à l'alinéa 1 ci-dessus. Certificat Frais

    Art. 2. - Un certificat mentionnant le motif du dépôt est établi en
deux exemplaires par le dépositaire qui remet l'un au bailleur et l'autre
au locataire.

    Les frais du dépôt sont à la charge du bailleur.  Retraits et revenus

    Art. 3. - Le retrait de tout ou partie des sommes ou

    valeurs déposées, à titre de garantie, ne peut être effectué que
sous la double signature du bailleur et du locataire ou en vertu d'une
décision judiciaire.

    Les revenus du dépôt peuvent être touchés sous la seule signature
du locataire. Sous-location

    Art. 4. - Les dispositions de la présente loi sont aussi applicables
aux garanties fournies par les souslocataires. Dispositions pénales

    Art. 5. - Celui qui contrevient aux dispositions de la présente loi
est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à deux mille francs.

    Si le contrevenant a agi par cupidité, le juge ne sera pas lié par
ce maximum.

    Si les actes commis constituent une infraction prévue par le code
pénal, les dispositions de ce code sont réservées.

    Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne
morale, d'une société de personnes dépourvue de la personnalité juridique
ou d'une maison à raison individuelle, les sanctions sont applicables
aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom.

    La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise
individuelle répondent solidairement de l'amende et des frais.
Disposition transitoire

    Art. 6. - Les espèces ou valeurs visées à l'article premier et reçues
avant l'entrée en vigueur de la loi doivent faire l'objet d'un dépôt
conforme à cette dernière, dans les trois mois suivant cette même entrée
en vigueur."

    La loi a été mise en vigueur par le Conseil d'Etat dès le 5 octobre
1971 et publiée le même jour dans la Feuille des avis officiels du canton
de Vaud.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la société anonyme
"S. I. Chailly Vallon A", la société en commandite "Gérance Seilaz et Cie",
Henri et Jean-Pierre Seilaz, la "Gérance Paul Cordey SA" et la société
anonyme "S. I. Le Rossignol", tous à Lausanne, requièrent le Tribunal
fédéral d'annuler la loi du 15 septembre 1971, subsidiairement ses art. 2
al. 1 et 2, 3 al. 1 et 2, et 6. Ils allèguent la violation de la force
dérogatoire du droit fédéral, du principe de la proportionnalité, de la
garantie de la propriété et de la liberté du commerce et de l'industrie.
Leurs motifs seront repris ci-dessous dans la mesure utile.

    C.- Agissant au nom de l'Etat de Vaud, le Conseil d'Etat conclut au
rejet du recours.

    Les recourants ont été autorisés à déposer un mémoire complétif,
en application de l'art. 93 al. 2 OJ.

    D.- Par décision du 23 novembre 1971, le Président de la Chambre
de droit public a accordé l'effet suspensif au recours, sauf en ce qui
concerne l'art. 3 al. 1 de la loi attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    I. Recevabilité

Erwägung 1

    1.- a) Les différents recourants sont soit des propriétaires
d'immeubles locatifs - sis dans le canton de Vaud - qu'ils donnent à bail,
soit des sociétés qui s'occupent de la régie d'immeubles. La loi attaquée
impose des obligations aussi bien aux bailleurs qu'à leurs représentants
et prévoit des sanctions pénales qui visent les uns et les autres. Ils
peuvent donc tous se prétendre lésés par la loi du 15 septembre 1971
qu'ils jugent inconstitutionnelle. La condition de recevabilité prévue
par l'art. 88 OJ est ainsi réalisée.

    b) Dans leur mémoire de réplique, les recourants ont soulevé certains
griefs qu'ils n'avaient pas invoqués dans leur recours. Or, selon l'art. 90
al. 1 lettre b OJ et la jurisprudence, les moyens invoqués à l'appui
d'un recours de droit public doivent être énoncés dans le délai de 30
jours de l'art. 89 OJ (BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, ad art. 93 p. 400;
RO 66 I 15), la réplique n'étant destinée qu'à permettre au recourant de
répondre aux arguments invoqués par l'autorité à l'appui de sa décision.

    Les griefs soulevés pour la première fois dans la réplique sont
dès lors irrecevables. De même, la Cour de céans ne peut prendre en
considération les pièces déposées avec le mémoire de réplique, dont le
dépôt n'est pas rendu nécessaire par des moyens nouveaux qu'aurait soulevés
l'intimé dans sa réponse et qui n'auraient pu être connus auparavant par
les recourants (cf. RO 79 I 124 s.).

    II. Force dérogatoire du droit civil fédéral

Erwägung 2

    2.- Les recourants font principalement grief à la loi attaquée de
violer l'art. 2 Disp. trans. Cst. Ils affirment en effet que cette loi
viole la force dérogatoire du droit privé fédéral, notamment dans son art.
1er, qui en est la disposition fondamentale, les autres articles étant au
premier chef des règles d'exécution du principe posé par lui. Le système
introduit par la loi serait contraire à différentes règles du droit privé
fédéral, soit notamment à celle qui proclame la liberté des conventions
(art. 19 CO), à celle qui institue le droit de disposition du dépositaire
en cas de dépôt irrégulier (art. 481 CO) et à celles qui réglementent
le gage mobilier (art. 884 ss. CC).

Erwägung 3

    3.- Aux termes de l'art. 6 al. 1 CC, les lois civiles de la
Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière
de droit public. Les dispositions de la loi vaudoise du 15 septembre 1971
ne sauraient donc violer la force dérogatoire du droit civil fédéral dans
la mesure où ces dispositions constituent des régles de droit public,
que le canton peut édicter en vertu de l'art. 6 CC, compte tenu de la
répartition des compétences entre Confédération et cantons résultant du
droit constitutionnel fédéral.

    a) Au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral, les cantons
n'excèdent pas leurs compétences s'ils édictent des règles de droit public
qui sont motivées par un intérêt public pertinent, dans la mesure où le
droit civil fédéral n'a pas entendu réglementer la matière d'une façon
exhaustive, en vue notamment de sauvegarder la liberté individuelle
et l'autonomie de la volonté; ces règles ne doivent d'autre part pas
éluder le droit civil fédéral ni en contredire le sens ou l'esprit (RO
91 I 198; cf. GRISEL, Des rapports entre le droit civil fédéral et le
droit public cantonal, RDS 1951 p. 293 ss.; HUBER, Kommentar, ad art. 6
rem. 174, 209 ss.).

    b) Contrairement à ce que pourrait faire croire son intitulé,
la loi attaquée ne vise pas tous les baux à loyer; elle ne s'applique
qu'aux rapports entre bailleurs et "locataires" (au sens étroit de ce
dernier terme, comme dans l'art. 274 CO ou dans le nouvel art. 34 septies
Cst.). Les mesures qu'elle prévoit visent à protéger les personnes qui
prennent à bail un logement et, sans doute aussi - vu les termes généraux
utilisés par le législateur -, celles qui prennent à bail des locaux
commerciaux ou industriels.

    c) Le projet de loi sur les dépôts de garanties en matière de baux
à loyer a été préparé par le Conseil d'Etat à la suite d'une décision du
Grand Conseil, du 23 novembre 1966, le priant de "rechercher la manière
la plus efficace d'éviter les abus concernant les dépôts de garantie que
les gérances exigent de certains locataires" (Bulletin des séances du
Grand Conseil, automne 1966, p. 427 et 439; septembre 1971, p. 1018).

    Les débats parlementaires ont largement fait état des abus constatés
en la matière. Dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat signale
aussi les nombreuses plaintes adressées au Département de l'agriculture,
de l'industrie et du commerce par des locataires victimes d'abus; il a
également déposé avec sa réponse un mémoire de l'Association vaudoise
des locataires relatif aux abus constatés dans ce domaine.

    Ainsi, la loi attaquée a été édictée en vue de protéger les locataires
contre des abus constatés tant par l'autorité exécutive que par l'autorité
législative et dont l'existence n'a pas été contestée devant le Grand
Conseil. Ces abus sont certainement favorisés par la pénurie de logements
qui sévit en tout cas à Lausanne, dans la région avoisinante et dans
la plupart des localités à caractère urbain: cela ressort tant des
statistiques fédérales (La Vie Economique, 1971, p. 64 et 1972, p. 73)
que du rapport du Conseil fédéral, du 3 septembre 1969, sur l'initiative
du canton de Vaud concernant la protection des locataires (FF 1969 II 926).

    d) Les recourants ne contestent pas sérieusement l'existence de
l'intérêt public qui sert de fondement à la loi attaquée. Ils affirment
seulement que les dépôts de garanties ne portent le plus souvent que sur
des montants peu élevés, que ces garanties ne sont, à leur connaissance,
exigées que dans certains cas spéciaux et qu'il n'est donc pas prouvé que
les abus invoqués soient fréquents. Ils contestent au surplus que des abus
puissent être reprochés à eux-mêmes: ils déclarent en effet appliquer le
principe fondamental établi par l'art. 1er de la loi attaquée, - sous la
seule réserve que les sommes remises par les locataires sont déposées,
d'après les pièces produites, sur des livrets d'épargne au porteur et non
sur des livrets nominatifs, et que ces livrets demeurent entre les mains
du bailleur ou de son représentant, qui peut ainsi prélever directement
les montants réclamés par lui.

    L'argumentation des recourants n'apparaît pas pertinente. Le fait
qu'eux-mêmes ne commettraient pas d'abus ne saurait être une raison
suffisante de dénier toute utilité à la loi attaquée. Le Conseil d'Etat et
la commission du Grand Conseil ont déclaré avoir connaissance de nombreux
abus, sans que cette déclaration ait été contestée au sein du Grand
Conseil. La Chambre immobilière vaudoise ne s'est elle-même pas opposée
à la loi, estimant justifié le principe essentiel posé par elle. Dans un
avis de droit demandé par les recourants au professeur Bridel - et joint
à leur recours -, l'auteur déclare qu'à son avis la loi vaudoise est de
droit public et qu'il serait aléatoire de contester l'existence et la
pertinence du motif d'ordre public qui lui sert de justification.

Erwägung 4

    4.- Le but général poursuivi par le législateur vaudois apparaissant
justifié par des motifs pertinents d'intérêt public, il convient d'examiner
si, comme l'affirment les recourants, les prescriptions de la loi seraient
incompatibles avec des dispositions du droit civil fédéral, notamment
avec la règle générale de la liberté des conventions, consacrée par
l'art. 19 CO.

    a) Les recourants s'en prennent avant tout à l'art.  1er LDG,
disposition fondamentale du système élaboré par le législateur vaudois.

    Les alinéas 1 et 2 de cet article sont destinés à éviter que le
bailleur ou le régisseur ne puisse disposer des sommes ou valeurs reçues et
les investir dans son exploitation. Elles doivent permettre au locataire
d'être crédité d'intérêts sur le montant qu'il a remis en garantie et
empêcher le bailleur ou son représentant de prélever de son propre chef sur
le montant remis en garantie des sommes qu'il prétendrait lui être dues.

    Ces différents motifs s'harmonisent parfaitement avec les buts généraux
poursuivis par le législateur en vue de lutter contre les abus que peuvent
commettre des propriétaires ou des régisseurs lorsqu'ils reçoivent des
dépôts de garanties des locataires.

    b) Si l'art. 19 CO dispose que l'objet d'un contrat peut être librement
déterminé dans les limites de la loi, cette disposition légale n'empêche
pas les cantons de faire usage du droit d'édicter des dispositions de droit
public, qui leur est reconnu par l'art. 6 CC; cela implique le droit de
limiter la liberté contractuelle, à défaut de quoi une telle disposition
n'aurait guère de sens (cf. KÄMPFER, Die Rechtsetzungskompetenz des
Bundes und der Kantone auf dem Gebiete des Arbeitsrechts, p. 197 ss.;
GRISEL, loc.cit., p. 303). Les recourants le reconnaissent d'ailleurs;
ils soutiennent cependant, en se référant au Commentaire de HUBER (ad
art. 6 rem. 182, 186-188), que les cantons ne sauraient porter atteinte
à la liberté des conventions sans d'impérieux motifs; ils ajoutent
qu'en dehors du domaine du contrat de travail, des dérogations de droit
public à la liberté des conventions n'ont été admises jusqu'ici que très
exceptionnellement.

    Quoi qu'il en soit de ces affirmations, on doit constater qu'en
l'espèce la restriction à la liberté des conventions se justifie, comme on
l'a vu ci-dessus, par des motifs d'intérêt public: pénurie de logements
et situation de dépendance dans laquelle se trouvent un grand nombre de
locataires, envers leur bailleur, par suite de cette pénurie.

    Le besoin de logement est un besoin essentiel de l'homme, dont la
Confédération elle-même tient compte depuis longtemps en prévoyant des
mesures de protection spéciale en faveur des locataires (cf. notamment ACF
du 15 octobre 1941 instituant des mesures contre la pénurie de logements,
puis les différents additifs constitutionnels - adoptés dès 1952 - sur
le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit; enfin l'art. 34
septies Cst., adopté en votation populaire le 5 mars 1972). Le besoin
de protection des locataires, dans les communes où sévit la pénurie de
logements, ne saurait être nié.

    Par ailleurs, le Tribunal fédéral a lui-même reconnu, il y a plusieurs
années déjà, que le problème du logement présente un caractère d'intérêt
public général et que les mesures prises pour le résoudre relèvent de la
préoccupation des pouvoirs publics d'assurer à chacun un logement décent
(RO 88 I 170, 254).

    De toute façon, les restrictions apportées par le législateur vaudois
à la liberté des conventions dans le domaine du contrat de bail sont
minimes; elles ne portent que sur des clauses accessoires du contrat,
où peuvent se manifester des abus contre lesquels le législateur entend
protéger les locataires. La libre conclusion du contrat lui-même n'est
nullement affectée par la loi attaquée.

    On ne saurait donc dire que l'art. 1er LDG, qui vise un but reconnu
d'intérêt public, constitue une dérogation inadmissible au principe de
la liberté des conventions posé par l'art. 19 CO.

Erwägung 5

    5.- Les recourants ne se bornent pas à critiquer l'art. 1er LDG par
rapport au principe général de la liberté des conventions; ils prétendent
encore que la disposition litigieuse est également contraire à des règles
particulières du droit civil fédéral: l'al. 1 serait contraire au droit de
disposition du dépositaire en matière de dépôt irrégulier (art. 481 CO), et
l'al. 2 contraire à la réglementation du gage mobilier (art. 884 ss. CC).

    a) L'art. 481 CO prévoit que le dépositaire d'une somme d'argent en a
les profits et les risques dans les cas où a été convenue la restitution
non des mêmes espèces, mais seulement de la même somme (al. 1), et qu'une
convention tacite se présume dans ce sens si la somme a été remise non
scellée et non close (al. 2). Les recourants estiment que le législateur
cantonal ne saurait porter atteinte au droit du créancier gagiste de
disposer des fonds confiés au titre de garantie, par des dispositions de
droit public ordonnant leur dépôt sur un livret nominatif.

    Dans la mesure où l'on admet que le législateur cantonal peut déroger,
dans les limites de l'art. 6 CC, au principe de la liberté des contrats,
on doit admettre nécessairement que les règles dispositives du droit
privé fédéral ne peuvent plus s'appliquer telles quelles aux rapports
juridiques réglés par la législation cantonale de droit public. Ce n'est
pas contredire ni éluder le droit civil fédéral que d'imposer certaines
règles aux parties à un contrat alors que le droit fédéral leur laisse la
liberté d'en prévoir d'autres et dispose simplement qu'à défaut d'accord
contraire, leur convention entraînerait certains effets juridiques.

    Les recourants se plaignent aussi de ce que les fonds remis par les
locataires ne puissent être placés sur des livrets d'épargne au porteur,
mais doivent l'être sur des livrets créés au nom des locataires.

    Tendant à prévenir les prélèvements effectués par le bailleur sans
l'accord du locataire - décision de justice réservée -, cette règle est
motivée par le but général auquel tend la loi. Elle ne s'oppose nullement
aux règles dispositives de l'art. 481 CO.

    b) Les recourants soutiennent que l'art. 1er al. 2 LDG prive le
créancier gagiste du droit - consacré par les art. 884 ss. CC - de
recevoir en nantissement et de conserver jusqu'à l'échéance les valeurs
mobilières données en gage; ils ajoutent que les dispositions du CC,
notamment l'art. 894 qui interdit le pacte commissoire, assurent une
protection suffisante au constituant du gage et ne laissent pas de place
à une réglementation de droit public cantonal.

    L'intimé répond notamment que la loi litigieuse a institué un dépôt à
fin de garantie, "dont la licéité au regard du droit privé ne saurait être
sérieusement contestée, ce d'autant moins que le droit créé dans le chef
du créancier par le moyen du dépôt auprès d'un tiers doit être regardé
comme un droit de gage, auquel s'appliquent par analogie la plupart des
dispositions du Code civil sur le gage mobilier" (cf. OFTINGER, Kommentar,
Syst. Teil, rem. 202 ss.).

    Les recourants ne contestent pas qu'il y aurait "consignation à fin
de sûreté", institution autorisée par le droit fédéral, si le livret
d'épargne constituait un papier-valeur, ce qu'il n'est pas, disent-ils;
le gage ne pourrait dès lors porter que sur la créance du locataire contre
la banque; mais alors la solution prévue par la loi ne satisfait pas aux
exigences de l'art. 900 CC, qui subordonne à la forme écrite la création
d'un gage sur une créance.

    Il n'appartient pas à la Cour de droit public de trancher le point
de savoir si un livret d'épargne peut constituer un papiervaleur -
la Ire Cour civile du Tribunal fédéral a laissé cette question ouverte
(RO 68 II 96, 89 II 95) -, ni si la consignation d'une somme en main
d'un tiers aux fins de sûreté comporte la création d'un droit de gage
sur cette somme au profit du créancier. Il suffit de constater que, selon
la loi attaquée, le dépôt du livret d'épargne ou d'une autre valeur doit
être effectué par le bailleur auprès d'une banque autorisée et qu'il sera
facile à cette dernière de prendre, au besoin sur requête du bailleur, les
mesures nécessaires pour que toutes garanties soient données aux parties,
notamment de faire signer par elles un acte répondant aux conditions de
l'art. 900 CC. Il ne saurait être question d'annuler la loi attaquée
parce qu'elle n'aurait pas prévu elle-même les précautions que le bailleur
ferait bien de prendre pour sauvegarder ses droits.

    On doit admettre en conclusion que l'al. 2 de l'art. 1er LDG, pas
plus que l'al. l'n'est en contradiction avec le droit civil fédéral. Les
bailleurs ne justifient d'aucun intérêt légitime à conserver par devers
eux les sommes remises par les locataires, tandis que le canton fait
valoir un intérêt public certain en assurant la protection de ces derniers.

    III. Force dérogatoire du droit public fédéral

Erwägung 6

    6.- a) En dehors de l'art. 1er LDG, les recourants s'en prennent tout
particulièrement à l'art. 3 al. 1, selon lequel le retrait de tout ou
partie des sommes ou valeurs déposées, à titre de garantie, ne peut être
effectué que sous la double signature du bailleur et du locataire ou en
vertu d'une décision judiciaire. Ils soutiennent que cette disposition
porte atteinte à la force dérogatoire du droit public fédéral, soit aux
art. 151 ss. LP relatifs à la poursuite en réalisation du gage.

    Le Conseil d'Etat répond que dans les cas où le commandement de
payer a été notifié au débiteur personnellement ou à la personne par lui
désignée, et qu'il n'a pas été formé opposition, on doit admettre que le
débiteur a donné son consentement à un retrait. Reste uniquement le cas,
rare, où une notification par voie édictale est admissible en vertu de
l'art. 66 al. 4 LP. Le Conseil d'Etat dit que, dans ce cas, il y a lacune
de la loi vaudoise, qu'il appartiendra à la jurisprudence de combler,
et il est vraisemblable, dit-il, qu'elle admettra comme suffisant un
consentement tacite et présumé.

    b) On ne peut pas, comme le Conseil d'Etat, prétendre que l'absence
d'opposition au commandement de payer vaut consentement au retrait,
alors que la loi par le expressément de signature; on ne peut pas
admettre non plus la manière de voir de cette autorité au sujet du
cas de l'art. 66 al. 4 LP. L'absence d'opposition peut tout au plus
être considérée comme une reconnaissance tacite de la part du débiteur
(FRITZSCHE, Schuldbetreibung, Konkurs und Sanierung, tome 1, p. 111);
elle ne constitue pas l'autorisation écrite exigée par l'art. 3 al. 1 LDG.

    La consignation du livret aux fins de sûreté a la fonction d'un gage;
il serait contraire au droit fédéral d'interdire au bailleur d'agir par
voie de poursuite. Ce serait violer la règle de la primauté du droit
fédéral sur le droit cantonal (RO 88 I 170 et les arrêts cités). Il
y aurait en effet contradiction entre une règle de droit fédéral,
en matière d'exécution forcée, et une règle cantonale qui exclurait
cette exécution forcée telle qu'elle est prévue par le droit fédéral
(FLEINER-GIACOMETTI, Schweiz. Bundesstaatsrecht, p. 95; AUBERT, Traité
de droit constitutionnel suisse, p. 251 no 660).

    En instituant la procédure de poursuite et en permettant au créancier
d'obtenir l'exécution forcée sans décision judiciaire, le législateur
fédéral a entendu faciliter au créancier cette exécution forcée sans
porter atteinte aux droits du débiteur, lorsque celui-ci ne s'oppose pas
aux mesures d'exécution. En pareil cas, et pour les fins de l'exécution,
la poursuite non frappée d'opposition a la même valeur qu'une décision
judiciaire et la remplace. Elle procure un titre exécutoire. Rien ne
justifie une disposition imposant au bailleur l'obligation d'intenter
une action devant les tribunaux. Mais si l'on comprend sous le terme
de "décision judiciaire" également l'ordre de l'office des poursuites,
la disposition litigieuse ne se révèle pas contraire au droit fédéral,
alors même qu'elle ne prévoit pas expressément la faculté pour le bailleur
d'agir par la voie de la poursuite. En effet, la banque dépositaire
des fonds ou des valeurs doit donner suite à l'ordre de l'office des
poursuites tout comme à celui du juge. Le législateur fédéral permettant
au créancier de se dispenser de recourir à l'action judiciaire proprement
dite par la procédure de l'exécution forcée, il convient d'admettre que
les ordres donnés par les autorités compétentes en matière de poursuite ou
de faillite sont, en vertu du droit fédéral, assimilables à une décision
judiciaire quant à l'obligation pour le tiers dépositaire de remettre
les fonds ou valeurs déposés auprès de lui.

    Sur ce point, le recours doit être écarté "au sens des considérants".

    IV. Principe de la proportionnalité

Erwägung 7

    7.- Les recourants soutiennent que la loi attaquée va nettement
au-delà de ce qui serait nécessaire pour éviter les abus invoqués par le
législateur et qu'elle viole ainsi le principe de la proportionnalité. Il
aurait suffi, disent-ils, de prohiber le dépôt de sommes d'argent aux
fins de garantie, les parties ayant la faculté de recourir notamment au
gage mobilier tel qu'il est réglementé par le droit fédéral.

    Cette argumentation est pour le moins surprenante; en effet,
une disposition légale qui interdirait le dépôt d'argent aux fins
de garantie et ne permettrait au bailleur d'accepter que des objets
mobiliers constituerait une restriction beaucoup plus grave à la liberté
des conventions.

    Répondant aux objections du Conseil d'Etat, les recourants déclarent
dans leur réplique qu'on aurait pu préciser que le locataire auquel une
garantie est demandée devrait remettre un livret d'épargne correspondant
au montant réclamé. Or cette faculté a été expressément prévue par le
législateur (art. 1er al. 2 LDG), qui permet cependant aussi aux parties
de prévoir le versement, par le locataire, d'une somme d'argent entre les
mains du bailleur ou de son représentant, qui doivent alors la déposer
à la banque. La loi n'interdit d'ailleurs pas au bailleur de demander au
locataire de lui remettre un livret d'épargne déjà créé.

    Mais il est manifeste que le dépôt obligatoire des fonds ou du livret
dans une banque assure beaucoup mieux la protection du locataire qu'une
solution où le bailleur conserve les fonds ou le livret par devers lui: il
constitue précisément la solution adéquate pour éviter les abus auxquels
le législateur veut parer, c'est-à-dire le prélèvement personnel des
fonds par le bailleur. Comme d'autre part il ne porte pas atteinte aux
intérêts légitimes de ce dernier, on ne saurait le taxer d'incompatible
avec le principe de la proportionnalité.

    V. Garantie de la propriété et liberté du dommerce

Erwägung 8

    8.- Dans la partie intitulée "Recevabilité du recours", les recourants
déclarent invoquer subsidiairement la garantie de la propriété (art.
22ter Cst.) et la liberté du commerce (art. 31 Cst.), en disant que la
loi attaquée "limite les garanties et droits contractuels dont peuvent
bénéficier les recourants en qualité de propriétaires d'immeubles locatifs,
restreignant ainsi leur droit de propriété constitutionnellement garanti"
et qu'elle "apporte des entraves de droit public aux régisseurs immobiliers
dans la pratique de leur profession, restreignant ainsi la liberté du
commerce dont ils bénéficient". Mais dans la partie intitulée "Motifs du
recours", ils ne reviennent pas sur ces griefs.

    Leur recours ne satisfait pas, sur ces deux points, aux conditions
de recevabilité posées par l'art. 90 al. 1 lettre b OJ: il n'indique pas
d'une façon précise quelles sont les dispositions légales qui violeraient
les droits constitutionnels invoqués, ni en quoi elles les violeraient.

    On ne voit d'ailleurs pas en quoi les propriétaires d'immeubles
seraient atteints dans leur droit de propriété du fait qu'ils devraient
déposer dans un établissement bancaire les fonds qu'ils reçoivent des
locataires à titre de garantie. On ne voit pas non plus en quoi la liberté
du commerce dont bénéficient les régisseurs serait violée par cette
obligation de caractère administratif à laquelle ils sont astreints. La
loi n'apporte aucune limitation au droit de conclure des baux à loyer et
de fixer librement avec les locataires les conditions de ces baux; elle
prévoit simplement l'obligation, pour les propriétaires et les régisseurs,
d'accomplir certaines formalités destinées à éviter les abus que peut
provoquer l'application de clauses accessoires des baux. Elle entre
ainsi, de toute évidence, dans le cadre des "prescriptions cantonales sur
l'exercice du commerce et de l'industrie" que réserve l'art. 31 al. 2 Cst.

    VI. Conclusions subsidiaires des recourants

Erwägung 9

    9.- Les arguments examinés ci-dessus sont dirigés contre les principes
essentiels de la loi attaquée et devraient, selon les recourants, conduire
à l'annulation de la loi dans son ensemble. A titre subsidiaire, ils
développent divers autres moyens qui ne concernent que des dispositions
particulières et accessoires de la loi.

Erwägung 10

    10.- Les recourants prétendent que l'art. 2 al. 1 LDG, qui prévoit
l'établissement et la remise aux parties d'un certificat mentionnant le
motif du dépôt, pose des exigences de forme au sujet du dépôt bancaire
prescrit par l'art. 1er; ils soutiennent que, selon la jurisprudence,
il appartient au législateur fédéral de prévoir des exigences de forme
en application de l'art. 11 CO et qu'une telle disposition, prévue par
le législateur cantonal, serait contraire à l'art. 2 Disp. trans. Cst.

    Or l'art. 2 al. 1 LDG ne pose pas une exigence de forme. En effet,
l'observation de cette disposition ne constitue nullement une condition de
validité du contrat. Il s'agit simplement d'une règle d'ordre, destinée
à assurer l'exécution de l'obligation essentielle résultant de l'art.
1er LDG. Elle s'adresse à l'établissement bancaire et est parfaitement
normale: le livret ou les autres valeurs étant déposés auprès de la banque,
il va de soi que les deux parties - bailleur et locataire - doivent avoir
en main un document qui leur permette de faire valoir leurs droits. Mais
le dépôt conserve ses effets de droit civil alors même que le certificat
n'aurait pas été délivré.

    Il est inutile de se demander si, comme le soutiennent les recourants,
les dirigeants de l'établissement bancaire sont passibles de poursuites
pénales s'ils n'accomplissent pas l'obligation prévue par l'art. 2 al. 1
LDG. Les recourants, agissant comme bailleurs ou régisseurs, n'ont pas
qualité pour invoquer un tel moyen, car ils ne sauraient être lésés par
la commination éventuelle de poursuite pénale à l'égard du banquier; ils
ne prétendent pas non plus avoir l'intention de créer un établissement
bancaire et être fondés à agir à ce titre (RO 86 I 102, 93 I 44; BONNARD,
Problèmes relatifs au recours de droit public, RDS 1962 II 435/436). De
toute façon, l'argumentation qu'ils développent ne permet pas de conclure
à l'annulation de l'art. 2 al. 1 LDG.

Erwägung 11

    11.- Les recourants critiquent également l'art. 2 al. 2 LDG, aux
termes duquel les frais du dépôt sont à la charge du bailleur. A leur
avis, aucun motif d'intérêt public ne justifie de mettre impérativement
ces frais à la charge du créancier; si le débiteur fournit sa garantie
au moyen d'un cautionnement, par exemple, c'est bien lui qui devra en
supporter les frais.

    Le Conseil d'Etat répond qu'il serait abusif que le propriétaire ou son
représentant, se trouvant en position de force, puisse, alors qu'il impose
un dépôt de garantie, en faire supporter les frais par le locataire. Il
y a là un besoin de protection du locataire, et ce besoin l'emporte sur
celui de sauvegarder la liberté des conventions. Il s'agit d'ailleurs de
montants de faible importance, comme le reconnaissent les recourants.

    Sur ce point, le grief des recourants est fondé. En effet, les frais
du dépôt étant minimes, il ne paraît pas qu'il y ait un intérêt public
à en imposer la charge au bailleur. Du moins, le Conseil d'Etat n'a-t-il
pas prouvé l'existence d'un tel besoin qui puisse justifier une atteinte
à la liberté des conventions.

    En l'absence d'un motif d'intérêt public pertinent, la disposition
de l'art. 2 al. 2 LDG excède la compétence cantonale et se heurte au
principe de la liberté des conventions consacré par l'art. 19 CO. Elle
doit donc être annulée comme contraire à l'art. 2 Disp. trans. Cst.

Erwägung 12

    12.- L'art. 3 al. 2 LDG dispose que les revenus du dépôt peuvent être
touchés sous la seule signature du locataire. Les recourants s'insurgent
contre le droit, qui serait reconnu impérativement au locataire, de
pouvoir retirer unilatéralement les intérêts avant l'échéance de la
garantie, solution qui prive abusivement le créancier de la garantie dont
il pourrait bénéficier sur les intérêts du dépôt, et qui permettrait de
compenser la dépréciation monétaire au cours des années. Ils affirment
que cette disposition, incompatible avec la liberté des conventions,
est en contradiction avec l'art. 892 al. 2 CC, aux termes duquel "sauf
convention contraire, le créancier rend les fruits naturels de la chose
au débiteur dès qu'ils ont cessé d'en faire partie intégrante".

    En réalité l'art. 892 al. 2 CC ne règle pas ce problème. Selon l'al. 3
de cet article, le gage s'étend aux fruits qui, lors de la réalisation,
font partie intégrante de la chose. Cette dernière disposition a servi
de base à l'interprétation que la jurisprudence a donnée de l'art. 904
CC, aux termes duquel le gage constitué sur des créances produisant des
intérêts ou d'autres revenus périodiques ne s'étend, sauf convention
contraire, qu'aux prestations courantes, à l'exclusion de celles qui
sont échues antérieurement. Il a été jugé, en application de ces deux
dispositions légales, que le droit de percevoir les intérêts demeure,
en règle générale, au propriétaire de la chose; ce principe, a dit le
Tribunal fédéral, découle de l'essence même du droit de gage (RO 41 III
456 ss.; 71 III 157; cf. aussi OFTINGER, op.cit., ad art. 904 rem. 9;
LEEMANN, Kommentar, IV, 2, ad art. 904 rem. 8-10). Contrairement à ce
que disent les recourants dans leur mémoire de réplique en se référant à
tort à Oftinger, l'art. 904 al. 1 CC ne prévoit pas que le droit de gage
sur une créance s'étend aux intérêts "postérieurs à sa constitution",
mais seulement aux intérêts non échus lors de la réalisation du gage.

    Certes, le droit civil fédéral ne s'oppose pas à une convention
contraire. Mais la disposition cantonale en cause n'est pas en opposition
avec le système du droit fédéral; elle est au contraire en harmonie
avec lui. En effet, le bail peut s'étendre sur une période très longue,
peut-être même sur la vie entière du locataire. Il n'est pas admissible
de priver le locataire, jusqu'à la fin effective du contrat de bail,
du montant des intérêts composés qui peuvent former avec le temps un
avoir relativement important. Si la garantie offerte par le dépôt se
trouve réduite, au cours des années, par la dépréciation de la valeur
de l'argent, le bailleur peut demander une augmentation de la garantie
à l'occasion d'un renouvellement du bail, comme le suggèrent d'ailleurs
les recourants eux-mêmes.

    Justifiée par des motifs pertinents d'intérêt public, la disposition
de l'art. 3 al. 2 LDG est en harmonie avec le système du droit civil
fédéral et n'a donc pas à être annulée.

Erwägung 13

    13.- Le dernier grief touche la disposition transitoire de l'art. 6
LDG, selon laquelle les espèces ou valeurs reçues par le bailleur ou son
représentant avant l'entrée en vigueur de la loi doivent faire l'objet
d'un dépôt conforme à cette dernière, dans les trois mois suivant cette
entrée en vigueur. Selon les recourants, ce délai est trop bref et heurte
le principe de la proportionnalité. Chaque régisseur aurait à modifier
de nombreux dépôts de garanties, ce qui suppose dans chaque cas l'accord
du locataire ou de l'établissement bancaire ainsi que la rédaction de
nouvelles formules et l'ouverture de nouveaux carnets nominatifs; il
serait exclu de le faire, surtout en fin d'année. (Il est rappelé que le
Conseil d'Etat avait mis la loi en vigueur avec effet au 5 octobre 1971.)

    Le délai de trois mois est sans doute bref, mais l'on ne saurait dire
qu'il soit d'une brièveté telle que la disposition de l'art. 6 LDG viole
le principe de la proportionnalité. De toute façon, l'effet suspensif a
été accordé au recours par l'ordonnance présidentielle du 23 novembre
1971, de sorte que le point de départ du délai de trois mois prévu à
l'art. 6 LDG est reporté à la date du présent arrêt. Les bailleurs ont
d'ailleurs eu le temps de préparer les actes qui doivent leur permettre
de procéder aux mesures exigées par la loi: les intéressés ont déjà dû
commencer leurs préparatifs pendant la période qui s'est écoulée du 5
octobre au 23 novembre 1971, date de l'ordonnance présidentielle.

    Le Conseil d'Etat relève que si les bailleurs ne peuvent pas, dans le
délai, mener à chef leurs démarches dans le sens voulu par la loi, quand
bien même ils auraient entrepris à cet effet les efforts que l'on peut
raisonnablement exiger d'eux, le retard serait considéré comme excusable
et ils n'auraient aucune poursuite pénale à redouter.

    Les recourants mettent en doute la valeur de la déclaration du Conseil
d'Etat, qui n'est pas habilité, disent-ils, à donner à la loi un sens
qu'elle n'a pas, en prétendant que les retardataires pourraient échapper
aux sanctions pénales.

    Il y a lieu de rappeler qu'en vertu des art. 4 et 6 de la loi vaudoise
sur les contraventions, du 18 novembre 1969, les peines prévues par la
loi attaquée ne peuvent être prononcées que si la contravention a été
commise intentionnellement ou par négligence. Le seul fait du retard
dans l'accomplissement des obligations prévues par la loi ne suffirait
donc pas pour qu'une peine pût être prononcée. Encore faudrait-il que la
personne poursuivie ait tout au moins commis une négligence telle qu'elle
est prévue par l'art. 18 ch. 3 CP.

    L'art. 6 LDG n'est donc pas contraire au principe de la
proportionnalité et la conclusion des recourants sur ce point doit être
rejetée, elle aussi.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours en ce sens que l'art. 2 al. 2 de la
loi vaudoise du 15 septembre 1971 sur les dépôts de garanties en matière
de baux à loyer est annulé;

    2. Pour le surplus, rejette le recours au sens des considérants,
dans la mesure où il est recevable.