Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 467



98 Ia 467

74. Arrêt du 4 octobre 1972 dans la cause X. contre Commission scolaire
de Z. et Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel. Regeste

    Willkür. Amtsenthebung eines Lehrers.

    1.  Darf der Regierungsrat selber materiell entscheiden, wenn er,
auf Beschwerde hin, den Entscheid einer vorschriftswidrig besetzten
Gemeindebehörde aufhebt? (Erw. 3).

    2.  Darf ein Lehrer, der auf Ende der Kündigungsfrist (und unter
Weiterbezahlung des Gehalts während dieser Frist) seines Amtes enthoben
wird, angewiesen werden, den Unterricht in der Gemeinde wegen Zerstörung
des Vertrauensverhältnisses sofort abzubrechen? (Erw. 4).

    3.  Der Grundsatz der Nichtrückwirkung wird nicht verletzt, wenn der
Regierungsrat die Kündigungsfrist mit dem vorausgegangenen Entscheid der
Gemeinde beginnen lässt, obwohl er diesen Entscheid aufgehoben und in
der Sache selber entschieden hat (Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- Instituteur dans la commune neuchâteloise de Z. depuis 1948,
X. dirigeait la seule et unique classe du village. Membre du Conseil
communal depuis 1961, il a présidé cette autorité de 1961 à 1968 et
en a été le vice-président dès 1968; il a été mêlé de près aux luttes
politiques, notamment lors des élections communales de 1964 et 1968,
ce qui l'a entraîné dans des conflits personnels avec un certain nombre
de citoyens de la commune, notamment avec son successeur à la présidence.
En automne 1971, il a rédigé deux pamphlets adressés, l'un à la Société de
jeunesse du village, l'autre au Conseil général, à qui il a été envoyé le
20 novembre 1971; dans ce dernier texte en particulier, comprenant plus
de quatre-vingts pages, X. prend à partie les autorités communales et
de nombreuses personnes de la commune, dans des termes souvent injurieux
et diffamatoires.

    B.- Ayant pris connaissance de ces documents, la Commission
scolaire de Z. a informé X., par lettre du 1er décembre 1971 remise
personnellement en main de l'intéressé, qu'il n'était plus possible de
compter sur sa collaboration et qu'elle résiliait, avec effet immédiat,
sa fonction de maître primaire à Z, en l'invitant à prendre possession
de ses effets dans la salle de classe et à évacuer l'appartement dans
les plus brefs délais. Par lettre du 1er décembre également, signée des
présidents et secrétaires de la Commission scolaire, du Conseil général
et du Conseil communal, la commune de Z. a fait part de cette décision
au chef du Département de l'instruction publique, en précisant qu'elle
avait été prise d'entente avec le bureau du Conseil général et les
membres du Conseil communal et que X. n'avait jamais pris au sérieux
les avertissements donnés par l'inspecteur scolaire et les autorités;
elle priait le chef du Département de noter qu'en cas de recours, la
position des autorités resterait inchangée.

    C.- Le 10 décembre 1972, X. a, d'une part adressé au chef du
Département de l'instruction publique un recours tendant à l'annulation
de la décision attaquée, d'autre part demandé à la Commission scolaire
de revenir sur sa décision ou, à défaut, d'indiquer les motifs du
licenciement, d'observer le délai légal de six mois prévu par l'art. 88
de la loi cantonale sur l'enseignement primaire du 18 novembre 1908 (en
abrégé: LEP) et de mentionner le délai de recours auprès du Conseil d'Etat.

    Par lettre du 14 décembre 1971, la Commission scolaire a confirmé
sa précédente décision et en a donné les motifs, en disant notamment:
"Le fait de s'en prendre à une partie importante de la population, sur
le plan politique comme sur celui de la vie privée, en termes injurieux
et diffamatoires, empoisonne la vie générale de la collectivité, rompt
d'une manière irréparable les rapports de confiance qui doivent exister
entre l'instituteur, les autorités scolaires et politiques, les parents
et la population en général d'un petit village."

    L'autorité cantonale chargée de l'instruction du recours a donné
à X. un délai pour compléter son mémoire à la suite de la réponse de
la Commission scolaire du 14 décembre, en lui communiquant également le
dossier de l'affaire avec possibilité de se déterminer à son sujet. Dans
un mémoire complémentaire du 28 janvier 1972, le recourant a relevé
la violation de diverses règles de procédure (notamment composition
irrégulière de la Commission scolaire et violation du droit d'être
entendu), taxé de mal fondée la décision de la Commission scolaire et
allégué la violation du principe de la proportionnalité.

    D.- Statuant le 21 mars 1972, le Conseil d'Etat a annulé la décision
de la Commission scolaire, en raison de la composition irrégulière de
cette dernière; puis, statuant lui-même sur le fond, il a résilié, pour
justes motifs, les fonctions d'instituteur de X. au 1er décembre 1971,
avec effet au 1er juin 1972, précisant que le recourant n'était plus
autorisé à exercer son activité scolaire dans la commune de Z. dès le
1er décembre 1971.

    Se fondant sur cette décision, le Département de l'instruction
publique a informé X., par lettre du 24 mars 1972, que son traitement lui
serait versé par la commune jusqu'à fin mai 1972, que son droit de faire
valoir ses titres d'enseignement dans toutes les localités du canton,
à l'exception de la commune de Z., n'était pas mis en cause et qu'il
avait la possibilité de faire acte de candidature lors des prochaines
mises au concours.

    E.- Agissant par la voie du recours de droit public, X. demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat du 21 mars 1972 et
de renvoyer la cause à ce dernier pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Il allègue à titre préjudiciel la violation de l'autonomie
communale et soutient que la décision attaquée est arbitraire, qu'elle
viole le texte clair de la loi subordonnant la résiliation pour justes
motifs à un avertissement de six mois au moins (art. 88 LEP), qu'elle
viole les principes de la proportionnalité et de la nonrétroactivité
des décisions administratives, ainsi que le droit du recourant d'être
entendu. Ses arguments seront repris ci-dessous dans la mesure utile.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Procédure).

Erwägung 2

    2.- Le recourant allègue, à titre préjudiciel, la violation de
l'autonomie communale, en soutenant que le Conseil d'Etat s'est arrogé un
pouvoir - le droit de résilier les fonctions d'un instituteur - réservé
exclusivement à l'autorité scolaire par l'art. 88 LEP. En principe,
le recourant a qualité pour soulever un tel grief (RO 94 I 131, 91
I 412). Cependant, comme le Tribunal fédéral ne peut examiner que sous
l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des
dispositions sur l'autonomie contenues dans une loi ou un règlement (RO
97 I 513 consid. 2, 521 s. et les arrêts cités), le grief de violation
de l'autonomie communale se confond avec celui d'application arbitraire
de l'art. 88 LEP.

Erwägung 3

    3.- Le recourant conteste que le Conseil d'Etat ait été compétent
pour prononcer lui-même, en statuant sur un recours, la résiliation prévue
par l'art. 88 LEP.

    a) Il est vrai que le texte de l'art. 88 LEP met dans la compétence
de l'autorité scolaire la résiliation, pour justes motifs, des fonctions
d'un instituteur. Mais cette même disposition réserve le recours au
Conseil d'Etat. Or, le recourant n'a pas cité de disposition légale qui
ne donnerait au Conseil d'Etat, saisi d'un recours contre la décision d'une
autorité communale, qu'un simple pouvoir de cassation et qui l'empêcherait
de statuer luimême sur le fond lorsqu'il annule la décision communale. En
l'absence d'une disposition légale expresse sur ce point, il n'est pas
arbitraire d'admettre que le Conseil d'Etat peut rendre lui- même une
nouvelle décision, en tout cas lorsque l'affaire s'y prête et qu'elle
est en état d'être jugée au fond. Il est d'autant moins arbitraire de le
faire que l'art. 6 de la loi sur les communes (LC), du 21 décembre 1964,
place les communes "sous la surveillance directe du Conseil d'Etat" et que
l'art. 9 LC, s'il prévoit que le Conseil d'Etat peut inviter une autorité
communale à retirer une décision illégale ou manifestement contraire à
l'intérêt général ou même à l'annuler lui-même en cas de refus, réserve
expressément les cas de recours prévus par la législation cantonale:
bien que cette disposition ne soit ni très explicite, ni très claire,
on peut admettre qu'en cas de recours, elle permet a contrario au Conseil
d'Etat d'aller plus loin que la simple annulation d'une décision.

    D'autre part, la décision attaquée a, en quelque sorte, substitué
de nouveaux motifs de droit à la décision précédente; or la substitution
de motifs par une autorité de recours n'est pas exclue en principe sous
l'angle de l'art. 4 Cst. (cf. RO 96 I 549 consid. 3).

    Par ailleurs, l'art. 90 LEP donne au Conseil d'Etat le droit de
prononcer lui-même directement la suspension, la destitution et le retrait
du droit d'enseigner dans les écoles publiques. Il n'est pas arbitraire
d'en déduire, en vertu du principe in majore minus, qu'il peut également
prononcer lui-même la résiliation lorsqu'il est saisi par voie de recours.

    b) Quoi qu'il en soit, les circonstances de l'espèce justifient la
façon de procéder du Conseil d'Etat, ou tout au moins la mettent à l'abri
du reproche de violation de l'art. 4 Cst.

    Le Conseil d'Etat a reconnu que la Commission scolaire de Z.,
composée de trois membres alors que l'art. 31 de la loi sur les communes
du 21 décembre 1964 a porté le nombre minimum de membres à cinq, n'était
pas régulièrement composée pour rendre sa décision; il a dès lors annulé
cette décision. S'il avait renvoyé l'affaire à la Commission scolaire pour
qu'elle statue à nouveau dans sa composition régulière, il aurait fallu
que l'autorité de nomination (savoir le Conseil général, art. 25 ch. 1
lettre b LC) procède d'abord à la nomination de deux nouveaux membres de
ladite commission. Intervenant en vue de la nouvelle décision à prendre
au sujet de l'instituteur - alors qu'elle doit se faire normalement au
début de chaque période administrative, pour quatre ans (art. 25 ch. 1
lettre b LC) -, une telle nomination n'aurait pas manqué d'éveiller le
soupçon de partialité. Il était dès lors particulièrement opportun que
le Conseil d'Etat, qui avait relevé "le climat troublé de la commune de
Z. et la double fonction de conseiller communal et d'instituteur assumée
par le recourant", statue lui-même sur le fond; le recourant a d'autant
moins de raisons de s'en plaindre que cette décision lui est plus favorable
que la précédente.

    D'autre part, les autorités communales avaient clairement fait savoir,
dans leur lettre au Département du 10 décembre 1971, que leur position
resterait inchangée, en dépit d'un recours. Il apparaissait donc que la
seule façon de faire adopter la solution jugée convenable par le Conseil
d'Etat était qu'il statue luimême sur le fond.

Erwägung 4

    4.- Le recourant relève que, si le Conseil d'Etat s'est appuyé
sur l'art. 88 LEP pour résilier son contrat d'engagement, on ne sait
en revanche pas sur quelle disposition légale il s'est fondé pour lui
interdire d'exercer son activité scolaire à Z. dès le 1er décembre 1971,
alors que l'art. 88 LEP subordonne la résiliation pour justes motifs à
un avertissement de six mois au molns.

    Il faut noter à ce propos que la résiliation pour justes motifs
prenait effet au 1er juin 1972, ce qui veut dire que le recourant avait
droit à son traitement jusqu'à cette date. D'autre part, il conservait
le droit de faire valoir ses titres d'enseignement dans toutes les autres
localités du canton; il pouvait notamment faire acte de candidature lors
des prochaines mises au concours d'avril et de mai 1972. Ainsi ses intérêts
pécuniaires et professionnels étaient sauvegardés au maximum.

    En raison de l'état de tension créé dans la commune par les pamphlets
du recourant, qui "a mis en péril le déroulement de son activité
pédagogique en soulevant contre lui toute une partie de la population
communale", comme le relève le Conseil d'Etat dans la décision attaquée,
on conçoit facilement que la reprise de l'activité pédagogique du recourant
à l'école de Z. devait être évitée, pour le bien même des élèves.

    En évoquant une autre affaire de résiliation des fonctions d'un
instituteur, où l'autorité de recours avait relevé l'analogie entre
le droit cantonal et les dispositions du CO sur le congé dans le cadre
du contrat de travail, le Conseil d'Etat a peut-être entendu s'inspirer
également de la pratique courante en droit privé où l'employeur congédie un
employé avec effet immédiat, mais lui paie le salaire complet dû pendant
le délai de résiliation. Si l'application des règles de droit privé
à la résiliation d'un contrat régi par le droit public est discutable,
elle n'est cependant pas insoutenable et échappe en tout cas au reproche
d'arbitraire. Du moins le recourant n'a-t-il pas cité de disposition légale
neuchâteloise qui interdise une telle manière de faire ou garantisse
expressément à un fonctionnaire, outre son droit au traitement - non
contesté en l'espèce -, le droit d'exercer effectivement, pendant la durée
du délai de résiliation, la fonction pour laquelle il avait été engagé.

    La mesure décidée en l'espèce représente en quelque sorte un moyen
terme entre la solution de l'art. 88 et celle de l'art. 90 LEP. Si
elle n'est pas prévue expressément par la loi, elle n'est pas non plus
prohibée. Se révélant au surplus la mesure la plus opportune, elle résiste
au grief de violation de l'art. 4 Cst.

Erwägung 5

    5.- Le recourant soutient également que la décision attaquée viole le
principe de la proportionnalité des mesures administratives. Il invoque
expressément à cet effet l'arrêt publié au RO 81 I 239, où le Tribunal
fédéral a annulé la révocation prononcée contre un fonctionnaire par la
Direction générale des CFF et transformé cette révocation en une mise au
provisoire avec déplacement dans une autre fonction.

    Il faut relever tout d'abord que le Tribunal fédéral était alors
saisi d'un recours de droit administratif contre une décision frappant un
fonctionnaire fédéral, qu'il disposait donc d'un pouvoir de libre examen
et qu'il devait assurer la juste application du droit fédéral, tandis
qu'en l'espèce, il lui incombe simplement d'examiner si une décision
cantonale appliquant le droit cantonal est compatible avec l'art. 4 Cst.

    Or on constate qu'en l'espèce le Conseil d'Etat a également remplacé
une décision de révocation par une décision de résiliation pour justes
motifs, avec droit au traitement pendant six mois et possibilité de faire
acte de candidature dans d'autres communes, ce qui se rapproche d'une
mesure de déplacement dans une autre fonction.

    La référence à l'arrêt cité ne fournit donc pas d'argument déterminant
en faveur de la thèse du recourant.

    Quant à l'avertissement qui devrait précéder la mesure prise
pour qu'elle respecte le principe de la proportionnalité, la décision
attaquée relève qu'il n'y a pas eu d'avertissement formel de la part de
la Commission scolaire; mais, dans leur lettre commune du 1er décembre
1971 au Département de l'instruction publique, les autorités communales
(savoir: la Commission scolaire, le Conseil communal et le Conseil général)
font état de divers avertissements donnés sans succès à l'instituteur X.,
aussi bien par l'inspecteur scolaire que par elles-mêmes. Il y a tout
lieu de croire que X. a reçu des avertissements; du moins n'est-il pas
arbitraire de l'admettre.

    Quoi qu'il en soit, la décision attaquée ménage au maximum - on l'a vu
ci-dessus - les intérêts tant pécuniaires que professionnels du recourant.
Comme, après l'envoi des pamphlets, il était exclu d'envisager que le
recourant poursuive son activité à l'école de Z., cette décision apparaît
comme la mesure la moins sévère qui pouvait être prise pour la sauvegarde
des intérêts généraux de la commune et des élèves, d'une part, et de ceux
du recourant, d'autre part.

    Le grief de violation du principe de la proportionnalité doit ainsi
être rejeté.

Erwägung 6

    6.- Le recourant allègue encore que la décision attaquée viole le
principe de la non-rétroactivité des décisions administratives.

    Sans doute la décision attaquée date-t-elle du 21 mars 1972. Mais
elle a été prise à la suite du recours formé contre la décision du 1er
décembre 1971. Il ne pourrait éventuellement s'agir de rétroactivité
que si la première décision avait été nulle de plein droit. Or, selon
la doctrine et la jurisprudence, même la décision prise par une autorité
composée irrégulièrement n'est en principe pas nulle de plein droit, mais
seulement annulable (cf. IMBODEN, Schweiz. Verwaltungsrechtsprechung,
3e éd., no 326 II; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 199 ss.,
205). Le recourant n'a pas prétendu que seraient réalisées en l'espèce
les conditions posées par la doctrine pour qu'une telle décision puisse
être déclarée, exceptionnellement, nulle de plein droit. Il a d'ailleurs
lui-même implicitement admis qu'elle était simplement annulable, puisque
son recours au Conseil d'Etat tendait expressément à l'annulation de la
décision de la Commission scolaire du 1er décembre 1971.

    Comme c'est cette dernière date, et non pas une date antérieure,
qui a été prise par le Conseil d'Etat comme point de départ du délai de
résiliation, le grief de violation du principe de la non-rétroactivité
des décisions administratives se révèle mal fondé.

Erwägung 7

    7.- Avant de rendre la décision attaquée, le Conseil d'Etat a donné au
recourant la possibilité de compléter son recours et lui a remis le dossier
de l'affaire pour lui permettre de faire part de ses observations. Il a
ainsi réparé les éventuelles violations de règles de procédure dont le
recourant aurait pâti. D'autre part, comme il annulait la décision de
la Commission scolaire et statuait lui-même sur le fond, il n'avait pas
besoin d'examiner les autres moyens de preuve invoqués par le recourant
en vue de l'annulation de ladite décision.

    Le grief de violation du droit d'être entendu est également mal fondé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.