Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 455



98 Ia 455

72. Arrêt du 27 septembre 1972 dans la cause Amherd contre Conseil d'Etat
du canton du Valais. Regeste

    Nichtbewilligung einer Namensänderung. Willkür. Art. 30 ZGB und 4 BV.

    Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde. Im Falle der Gutheissung
derselben kann das Bundesgericht die kantonale Behörde einladen, die
Namensänderung zu bewilligen (Erw. 1).

    Ein wichtiger Grund für die Namensänderung kann darin liegen, dass der
gesetzliche Name lächerlich wirkt durch die Art, wie er in der Umgebung
des Gesuchstellers ausgesprochen wird. Bedeutung des Umstandes, dass der
Wohnsitz wechseln kann (Erw. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- Par acte du 18 mars 1970, intitulé requête en changement de nom,
les soeurs Elisabeth, Brigitte et Marie-Hélène Amherd, originaires de Glis
(Valais), ont requis le Conseil d'Etat de leur canton d'origine de les
autoriser à orthographier leur patronyme Amherdt. Elles exposaient qu'elles
étaient filles de feu le Dr Philippe Amherdt, dont le nom s'orthographiait
à l'origine Amherd, que pour une cause inconnue d'elles, l'usage du t final
s'était instauré et avait été adopté par tous leurs frères et soeurs,
que les documents officiels les concernant portaient tantôt Amherd et
tantôt Amherdt. Pour remédier à cette insécurité, elles requéraient
l'autorisation d'adopter officielle ment la forme Amherdt, avec t final.

    Le service cantonal de l'état civil leur ayant fait observer que la
forme Amherd était la seule utilisée dans le registre des familles de Glis,
qu'elle était confirmée par diverses publications, qu'elle était celle de
la plupart des inscriptions des registres particuliers de l'état civil
de Sion, et qu'en conséquence il entendait proposer de rectifier dans
ce sens les inscriptions faites en la forme Amherdt, les requérantes ont
complété leur requête par actes des 26 et 27 mai 1970. Dans le premier,
elles précisaient qu'elles demandaient un changement de nom, au sens de
l'art. 30 CC, fondé sur le fait qu'elles avaient toujours orthographié
leur nom avec "t" final. Dans le second, elles exposaient qu'elles
vivaient toutes trois dans des régions de langue française (Elisabeth
et Marie-Hélène à Genève et Brigitte à Paris), où leur patronyme dans sa
forme officielle prêtait au ridicule. Elles déclaraient que cette dernière
raison était le motif principal de leur requête.

    Le service de l'état civil, exprimant l'avis que ce dernier motif
pouvait avoir quelque chance de succès, a invité les requérantes à
fournir la preuve que tous les membres de la famille du Dr Amherdt
partageaient leur point de vue. Les requérantes ont donné suite à cette
invitation. Le service de l'état civil a alors requis le préavis de la
commune de Glis, qui s'est prononcée contre le changement, l'argument
principal des requérantes lui paraissant "tiré par les cheveux" (an den
Haaren herbeigezogen), puis il a avisé les requérantes qu'il formulerait
luimême un préavis négatif et leur a donné l'occasion de retirer leur
requête. Celle-ci ayant été maintenue, le Conseil d'Etat du canton du
Valais l'a rejetée par décision du 27 octobre 1971, motivée, en substance,
comme il suit.

    Tous les Amherd bourgeois de Glis sont inscrits dans le registre
des familles sans t final. Cette orthographe est confirmée par diverses
publications. Elle figure aussi dans les registres de l'état civil de
Sion pour le mariage du Dr Amherd en 1922, la naissance de trois de ses
enfants et le mariage de trois autres enfants. Le Département cantonal
de justice a ordonné, en 1962, la rectification - soit la suppression
du t final - en ce qui concerne Jean-Christophe, frère des requérantes,
et tous les autres membres de la famille auraient pu obtenir cette
rectification. Les requérantes allèguent que l'orthographe légale de leur
nom leur crée des difficultés évidentes du point de vue euphonique; mais
elles n'apportent pas la preuve de ces allégations. L'auraient-elles fait
que cela ne suffirait pas à justifier un changement de nom: le domicile
et le lieu de travail peuvent changer et la possession d'état ne vaut
juste motif que lorsqu'elle n'a pas été créée ou acceptée volontairement
par la personne qui sollicite le changement de nom. La requête est en
définitive essentiellement fondée sur des motifs de convenance personnelle.

    B.- Elisabeth, Brigitte et Marie-Hélène Amherd forment un recours
de droit public. Elles demandent que la décision du Conseil d'Etat soit
annulée et qu'elles soient autorisées à adjoindre à leur patronyme un
t final.

    C.- Le Conseil d'Etat du canton du Valais conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La décision attaquée ne peut faire l'objet ni d'un recours en
réforme, ni d'un recours de droit administratif. Le recours de droit
public, moyen subsidiaire, est en revanche recevable (cf. RO 96 I 427 s.).

    Les recourantes n'invoquent expressément aucune disposition
constitutionnelle. Il ressort cependant de leur argumentation qu'elles
se plaignent d'une violation de l'art. 4 Cst. Leur recours apparaît
suffisamment motivé au regard de l'art. 90 lit. b OJ.

    Règle générale, le recours de droit public n'est qu'un moyen de
cassation. En vertu de ce principe, il a été jugé que des conclusions
tendant à ce que le Tribunal fédéral autorise luimême le changement de
nom étaient irrecevables (RO 96 I 429 consid. 2 c). Cette jurisprudence
doit être précisée. En effet, le principe précité souffre une exception,
dans le cas où le rétablissement de l'ordre conforme à la constitution
exige une mesure positive (cf. RO 97 I 841 et les citations). S'il
constate que le refus de l'autorisation de changer de nom est contraire
à la constitution, le Tribunal fédéral pourra donc, en vertu de cette
exception, non pas certes ordonner lui-même le changement de nom, mais
enjoindre à l'autorité cantonale de l'autoriser. Les conclusions des
recourantes sont recevables dans cette mesure.

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 30 al. 1 CC, le gouvernement du canton d'origine
peut autoriser une personne à changer de nom s'il existe de justes motifs
("wichtige Gründe"). La question de l'existence de justes motifs relève
en définitive du pouvoir d'appréciation de l'autorité. Une réponse
négative ne peut être jugée arbitraire que lorsqu'elle est évidemment
inconciliable avec les règles du droit ou de l'équité (art. 4 CC),
c'est-à-dire lorsque l'importance des motifs invoqués est absolument
évidente et que l'autorité cantonale ne la conteste que pour des raisons
qui ne doivent manifestement jouer aucun rôle, ou tout au moins aucun
rôle décisif(RO 96 I 429 consid. 2; 70 I 219/220).

    En l'espèce, les recourantes font valoir que dans les milieux
francophones où elles vivent, leur nom, orthographié Amherd, donne lieu à
une plaisanterie triviale et partant, prête au ridicule. Or, il est admis
en jurisprudence (cf. arrêt non publié du 30 avril 1958 en la cause Crétin)
et en doctrine (EGGER, Kommentar, n. 5 ad art. 30 CC; TUOR/SCHNYDER, ZGB,
8e éd. p. 85; GROSSEN, Schweiz. Privatrecht II p. 342; KOLLBRUNNER, Die
Namensänderung nach Art. 30 ZGB, thèse Berne 1933 p. 40; ROGGWILLER, Der
"wichtige Grund" und seine Anwendung in ZGB und OR, thèse Zurich 1956,
p. 93) que le fait de porter un nom ridicule ou choquant est un juste
motif d'en changer. Il convient d'examiner si c'est pour des raisons qui
ne devaient manifestement jouer aucun rôle décisif que le Conseil d'Etat
a refusé de considérer comme de justes motifs, au sens de l'art. 30 CC,
les inconvénients dont se plaignent les recourantes.

Erwägung 3

    3.- Le Conseil d'Etat relève tout d'abord que les requérantes n'ont
pas prouvé que l'orthographe officielle de leur nom, Amherd, leur créerait
des difficultés "du point de vue euphonique". Mais, poursuit-il, même
si ce fait était établi, il ne justifierait pas un changement de nom,
car le domicile et le lieu de travail sont "dépourvus de stabilité".

    a) Il est exact que devant l'autorité cantonale les requérantes n'ont
pas offert de prouver leur allégation. Ce n'est du reste que devant le
Tribunal fédéral qu'elles ont exposé en termes précis qu'au lieu où elles
vivent, le public avait tendance à transformer leur nom en une exclamation
ordurière (ah! merde). Toutefois, les faits notoires, ou ceux qui se
déduisent de l'expérience générale de la vie, n'ont pas à être prouvés.
Or, s'il n'est pas exclu que, dans le Valais romand, où l'on est habitué
aux noms germaniques, que l'on ne prononce généralement pas purement à
la française, le public soit peu enclin à la plaisanterie triviale dont
se plaignent les recourantes, il est en revanche manifeste que dans les
milieux non familiarisés avec la langue allemande où celles-ci vivent,
le nom d'Amherd sera presque inévitablement prononcé comme l'exclamation
ordurière dont fait état le recours. Cela suffit pour que ce nom devienne
ridicule dans ces milieux. Les requérantes étaient donc fondées à penser
qu'aucune preuve supplémentaire n'était nécessaire et leurs écritures
sont manifestement inspirées de cette idée. Dans ces conditions, si le
Conseil d'Etat conservait des doutes sur les faits allégués, il devait
donner aux requérantes l'occasion de les prouver.

    b) Cependant, il ressort du dossier qu'en réalité, le Conseil d'Etat
ne met pas en doute les faits allégués par les recourantes. Ses services
eux-mêmes, lorsqu'ils ont demandé un préavis à la commune de Glis, ont
mentionné le terme trivial que les recourantes s'étaient jusqu'alors
contentées de suggérer. Il ne pourrait du reste nier qu'un nom prêtant
à pareille plaisanterie soit ridicule. Ce qui lui a paru déterminant,
c'est bien plutôt que le domicile et le lieu de travail sont "dépourvus
de toute stabilité". Or, de toute évidence, ce motif ne devait jouer, du
moins en l'espèce, aucun rôle décisif. Le Tribunal fédéral a déjà admis,
dans l'arrêt Crétin, précité, que l'on ne saurait justifier le rejet
d'une requête en changement de nom pour le motif que ce nom, bien que
ridicule, n'attire pas l'attention au lieu de domicile du requérant. Or,
en l'espèce, les recourantes vivent déjà dans des milieux francophones. Si
les noms germaniques sont fréquents à Genève et ne sont pas rares à Paris,
ils y sont généralement prononcés à la française. Le nom d'Amherd sera en
tout cas prononcé sans aspiration de la lettre h et avec un d final sonore
par les personnes qui ne connaissent pas du tout l'allemand et qui sont
certainement nombreuses à Paris et même à Genève, du moins dans les milieux
que la première et la troisième recourante fréquentent en raison de leur
travail dans les organisations internationales et à l'université. Rien
ne permet de penser que les recourantes aient l'intention de s'établir
prochainement dans des régions où leur nom ne provoquerait pas de
plaisanterie. Au reste, même si elles le faisaient, elles resteraient
vraisemblablement en contact avec des personnes francophones. Elles
conserveraient donc même dans ce cas un intérêt évident au changement
de nom qu'elles demandent. Il ne faut certes pas méconnaître l'intérêt
public et social au maintien du nom légal (cf. GROSSEN, op.cit.,
p. 342; ROGGWILLER, op.cit., p. 92). Mais en l'espèce, la modification
étant minime, cet intérêt ne peut en aucune façon l'emporter sur celui
des recourantes.

    Les autres motifs du Conseil d'Etat ne sont pas non plus décisifs. Ce
ne sont pas les recourantes elles-mêmes, mais bien leur père qui le
premier - selon toute vraisemblance déjà pour éviter les inconvénients
dont ses filles se plaignent aujourd'hui - a ajouté un t final à son
nom de famille. On ne saurait donc reprocher aux recourantes d'avoir
créé elles-mêmes la situation dont elles demandent aujourd'hui la
consécration; il est exclu aussi de leur imputer à faute le fait de
leur auteur. Enfin, l'on ne saurait invoquer, comme le fait le Conseil
d'Etat dans sa réponse, les risques d'erreur et de confusion dus à la
coexistence de deux orthographes du patronyme d'une même famille. Tout
d'abord, ce motif s'opposerait non pas à l'abandon du nom d'Amherd,
abandon que les recourantes ont le droit d'obtenir, mais à l'adoption
de celui d'Amherdt. Or, le désir des recourantes de n'apporter qu'une
modification peu importante au nom de leurs ancêtres est parfaitement
légitime, d'autant plus qu'elles ont été connues sous le nom d'Amherdt
pendant de longues années, sans qu'elles y fussent pour rien. En outre
et surtout, le minimum d'attention que l'on est en droit d'attendre des
fonctionnaires de l'état civil doit suffire à parer aux risques signalés.

    La décision attaquée apparaît ainsi fondée sur une acception des justes
motifs évidemment incompatible avec les règles du droit et de l'équité
(art. 4 CC). Elle viole donc l'art. 4 Cst. et doit être annulée. On ne
voit pas quels motifs pertinents, ou même non arbitraires, pourraient
être invoqués pour rejeter la requête des recourantes. Le Conseil d'Etat
doit ainsi être invité à y donner une suite favorable.