Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 449



98 Ia 449

71. Arrêt du 3 février 1972 dans la cause Rossier contre Conseil d'Etat
du canton de Genève. Regeste

    Art. 30 Abs. 1 und 161 Abs. 1 ZGB

    1.  Die der verheirateten Frau durch Art. 161 Abs. 1 ZGB auferlegte
Pflicht, den Familiennamen ihres Ehemanns zu tragen, verbietet es ihr,
wie ohne Willkür angenommen werden kann, für sich eine Änderung des
Familiennamens zu verlangen (Erw. 3).

    2.  Fehlen wichtiger Gründe im Sinne des Art. 30 Abs. 1 ZGB (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- La loi genevoise sur l'exercice des professions médicales et
des professions auxiliaires, du 11 décembre 1926, soumet l'exercice de
l'une de ces professions à la surveillance du Conseil d'Etat (art. 3),
ainsi qu'à l'inscription à un registre professionnel tenu à jour par
le département compétent et dans lequel figurent les noms, prénoms et
date de naissance des personnes intéressées, de même que l'indication
des diplômes et des pièces ayant motivé l'inscription (art. 7 et 8).
L'autorisation d'exercer une de ces professions, et notamment celle
de masseur et praticien en physiothérapie, qui en fait partie (art.
1er al. 5), est personnelle; l'usage d'un pseudonyme est interdit (art.11).

    B.- Florence Hainard, originaire de Genève et née dans cette ville le
11 mars 1922, a été autorisée le 17 mai 1946 à y pratiquer la profession
de masseuse par un arrêté du Conseil d'Etat. Elle s'est ensuite rendue
à l'étranger pour quelques années, puis elle est revenue à Genève où
elle s'est mariée, en 1956, à Gabriel Poupardin du Rivage et où elle
s'est derechef installée comme physiothérapeute. Elle a été réinscrite
au registre des professions sous le nom de Florence de Rivage en vertu
d'un nouvel arrêté du 3 mai 1963 modifiant celui du 17 mai 1946.

    Le 11 décembre 1968, le divorce des époux Poupardin du Rivage a
été prononcé, à la suite de quoi l'Institut d'hygiène du Département
genevois de la prévoyance sociale et de la santé publique a fait savoir,
le 25 avril 1969, qu'au vu de ce changement d'état civil, l'autorisation
d'exercer la profession de masseuse et de praticienne en physiothérapie
serait dorénavant accordée à Florence-Lise Hainard et non plus à Florence
de Rivage. Un sursis a toutefois été accordé à l'intéressée, qui annonçait
son prochain remariage avec le ressortissant genevois Claude Rossier. La
cérémonie ayant eu lieu en mars 1970, le Conseil d'Etat a rendu le 5 août
suivant un arrêté autorisant Florence Rossier (née Hainard) à exercer
sa profession dans le canton de Genève. Le registre de la profession de
physiothérapeute a été modifié en ce sens.

    C.- Par requête du 30 novembre 1971, dame Florence Rossier a demandé au
Conseil d'Etat l'autorisation de changer son nom de famille et de porter
à l'avenir celui de de Rivage. Elle soulignait que, dans la pratique
de tous les jours, elle avait continué à se faire appeler Florence de
Rivage, seul nom sous lequel elle est connue professionnellement tant
à Genève qu'à l'étranger et que, de ce fait, l'obligation d'abandonner
ce nom afin de se conformer aux dispositions légales lui causerait un
préjudice important. Elle estimait dès lors qu'il existait de justes
motifs pour autoriser le changement de nom requis. Par décision du 21
juin 1972, le Conseil d'Etat a rejeté cette requête comme mal fondée. Il
a estimé que la requérante était à même d'aviser de son récent remariage
tant sa clientèle que les médecins usant de ses services; de plus, la
femme mariée ayant l'obligation légale de porter le nom de son époux,
elle ne serait pas légitimée à demander un changement de nom pour elle.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit public, dame Florence
Rossier requiert l'annulation de cette décision et le renvoi de la cause
au Conseil d'Etat pour qu'il réexamine la requête en changement de nom
de la recourante et l'autorise à porter officiellement le nom de Florence
de Rivage. Elle expose en substance que la décision attaquée viole à son
préjudice l'art. 4 Cst., en considérant que l'art. 161 al. 1 CC est de
droit impératif, alors que les limitations imposées à la femme par les
art. 149 al. 1 et 161 al. 1 CC ne seraient plus du tout absolues, à la
suite de la grande évolution du statut de la femme, depuis la dernière
guerre. Elle se réfère en outre à diverses déclarations émanant de milieux
médicaux et selon lesquelles l'obligation, pour elle, d'abandonner le
nom sous lequel elle est professionnellement connue lui causerait un
dommage important.

    Dans sa réponse, le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours de droit public, sous réserve de quelques exceptions
dont les conditions ne sont pas réunies en l'espèce, n'a qu'une fonction
cassatoire et ne peut conduire qu'à l'annulation de la décision
attaquée. La cour de céans ne peut donc statuer sur les conclusions
plus étendues que forme dame Rossier. Dans l'hypothèse d'une admission
du recours, l'autorité cantonale devrait de toute manière prendre sa
nouvelle décision dans le sens des motifs développés dans l'arrêt du
Tribunal fédéral (cf. ATF Kacens c. Conseil exécutif du canton de Berne,
du 4 novembre 1970, p. 4).

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 30 al. 1 CC, le gouvernement du canton d'origine
peut, s'il existe de justes motifs, autoriser une personne à changer
de nom. La question de l'existence de justes motifs relève du pouvoir
d'appréciation de l'autorité cantonale. Une décision négative ne pourra
dès lors être taxée d'arbitraire et par conséquent annulée que si elle est
évidemment inconciliable avec les règles du droit et de l'équité (art. 4
CC), c'est-à-dire si l'importance des motifs invoqués est absolument
évidente et que l'autorité cantonale ne la conteste que pour des raisons
qui ne doivent manifestement jouer aucun rôle, ou tout au moins aucun
rôle décisif. La juridiction constitutionnelle n'interviendra donc que
si l'autorité cantonale excède son pouvoir d'appréciation ou en abuse (RO
70 I 219/220; ATF non publiés: Crétin c. Berne du 30 avril 1958, Taubert
c. Neuchâtel du 21 décembre 1967, Buillard c. Fribourg du 8 octobre 1970
(RO 96 I 429), Mirimanoff c. Genève et Kacens c. Berne du 4 novembre 1970).

    La notion de "justes motifs" est un concept indéterminé et la pratique
des gouvernements cantonaux est à cet égard fort variable. Le projet du
code civil suisse ne parlait que de "motifs suffisants" (cf. art. 31 du
projet de 1904). Le texte finalement adopté, qui marque une restriction
par rapport à celui qui était proposé, démontre que cette disposition
doit être appliquée avec retenue. En règle générale, on admet l'existence
de justes motifs pouvant fonder un changement de nom, lorsque le nom
légal cause à la partie requérante un préjudice sérieux et durable; il ne
s'agit cependant pas là d'une condition nécessaire, car l'autorisation de
changement de nom peut également être justifiée par des intérêts d'ordre
moral, spirituel ou affectif. Le fait d'être généralement connu depuis
un temps relativement long sous un nom autre que son nom légal peut donc
notamment constituer un juste motif suivant les circonstances. Encore
faut-il que cette situation n'ait pas été suscitée volontairement par
la partie requérante (cf. KRAFFT, Revue de l'état civil, 1934, cahier 1,
p. 23 ss. et 42 ss., 1951, p. 318; KRAFFT, Le nom des personnes physiques,
p. 15 et 16; JEQUIER, Revue de l'état civil, 1964, p. 359; FJS no 1167
a II p. 2 et 3; ATF Mirimanoff déjà cité, p. 4).

Erwägung 3

    3.- En vertu de l'art. 161 al. 1 CC, la femme porte le nom de son mari.
Dès la conclusion du mariage, la femme perd par ce fait même son propre nom
de jeune fille. Toutefois, selon EGGER, les conjoints peuvent, d'après le
droit coutumier, ajouter au nom du mari celui de la femme et former ainsi
un double nom. Demeure aussi réservé le droit de porter un pseudonyme ou
un nom d'artiste (cf. Commentaire du CC ad art. 161 no 2, 2e éd., p. 225;
LEMP, n. 2 ad art. 161 CC; GROSSEN, Schweiz. Privatrecht, p. 336). En
revanche si, durant la séparation de corps comme durant le veuvage,
la femme conserve le nom patronymique de son mari, elle doit reprendre,
une fois divorcée, le nom de famille qu'elle portait avant la célébration
du mariage (art. 149 al. 1 CC). Cette disposition est de droit strict.
L'autorisation donnée par le mari à la femme de continuer à porter son
nom après le divorce n'implique qu'une simple renonciation de sa part à
son droit de le lui faire interdire judiciairement; elle ne saurait avoir
d'effets à l'égard notamment des organes de l'Etat, en ce qui concerne la
tenue des registres d'état civil (RO 38 II 56). Il est des cas cependant
où les intérêts légitimes de la femme divorcée ne peuvent être suffisamment
protégés que si elle est en mesure de conserver le nom qu'elle avait acquis
par le mariage; elle doit alors recourir à la procédure du changement
de nom. Tel serait le cas par exemple d'une femme dirigeant une affaire
commerciale, qui ne serait connue que sous le nom acquis par le mariage
et dont l'abandon provoquerait une sérieuse perte de clientèle.

    Ces considérations font-elles brèche au principe posé à l'art. 161
al. 1 CC? Cette disposition, édictée dans l'intérêt de l'ordre public,
est de droit impératif. Elle est fondée sur l'essence du mariage qui est
constituée par l'union des conjoints en vue de la fondation d'une nouvelle
famille. L'obligation de porter un même nom de famille, celui du mari,
correspond aux exigences de la communauté matrimoniale (Lebensgemeinschaft)
créée par le mariage. Mais a-t-elle un caractère plus absolu que celle
résultant de l'art. 149 al. 1 CC? Dans son commentaire du code civil
suisse, CURTI-FORRER (n. 5 ad art. 30) souligne qu'au vu des prescriptions
des art. 161 et 270 CC imposant à la femme et aux enfants de porter le nom
du mari et du père, le gouvernement d'un canton ne pourra les autoriser
à prendre un autre nom, à moins que la chose ne soit justifiée par des
raisons péremptoires. Mais il précise aussitôt que, pour la femme du reste,
ces raisons seraient sans doute aussi une cause de divorce.

    KRAFFT, dans son étude sur le changement de nom publiée dans la Revue
de l'état civil de janvier 1934, cahier 1 (p. 24) et déjà citée ci-devant,
estime qu'une femme qui a épousé un étranger dont elle est séparée de
corps et qui a été réintégrée dans sa nationalité suisse n'a pas qualité
pour demander au gouvernement de son canton d'origine le changement de
son nom, le principe que les époux doivent porter le même nom ne devant
pas souffrir d'exception et la séparation de corps maintenant l'état de
mariage. Il en conclut dès lors qu'il serait contraire à l'ordre public
que les époux portent des noms de famille différents.

    Dans le fichier de documentation de la Commission internationale de
l'état civil, volume relatif au Droit des personnes et de famille, fiche
III: Suisse no A 5 sous rubrique: nom de la femme mariée, il est également
relevé que le fait de l'acquisition par la femme du nom de famille de
son mari, à la conclusion du mariage, constitue le signe apparent de
la communauté conjugale. Il est de plus spécifié que la femme mariée ne
perd pas le nom de famille du mari si elle est reconnue (par son père)
ou légitimée ou adoptée, mais qu'elle change de nom de famille si le nom
du mari change, celui-ci pouvant changer de nom de famille ensuite de
reconnaissance, légitimation ou adoption, ou autorisation en vertu de
l'art. 30 CC. En revanche, est-il précisé, la femme mariée ne peut pas
demander un changement de nom.

    L'autorité cantonale s'est en l'espèce expressément référée à ces
références de doctrine pour soutenir qu'au vu de son obligation légale
de porter le nom de son époux, la recourante n'était pas légitimée à
demander un changement de nom pour elle. On ne saurait dans ces conditions
prétendre qu'en lui déniant la qualité pour requérir un changement de nom,
le Conseil d'Etat genevois a interprété d'une manière manifestement erronée
ou insoutenable les dispositions du droit fédéral, notamment celles des
art. 161 al. 1 et 30 al. 1 CC.

Erwägung 4

    4.- De toute manière, la recourante ne peut en l'occurrence se
prévaloir de justes motifs. Il faudrait en effet pour cela que le nom dont
elle demande le changement lui cause un préjudice économique sérieux,
effectif et durable. Certes, elle se réfère à cet égard à un certain
nombre de déclarations émanant de professeurs de médecine et de médecins
et aux termes desquelles, dès lors qu'elle est connue dans le domaine
de la physiothérapie sous le nom de Madame de Rivage, un changement de
patronyme pourrait nuire à ses relations professionnelles. Toutefois,
ces déclarations constituent davantage une attestation de capacité qu'un
critère décisif d'appréciation concernant l'éventualité d'un préjudice. De
plus, en règle générale, les qualités professionnelles, dans un pareil
domaine, jouent à l'égard de la clientèle un rôle plus important que le
nom sous lequel le physiothérapeute exerce son activité. La recourante
pourrait donc éviter tout dommage, ainsi que le propose le Conseil d'Etat,
en avisant les médecins et les clients qui ont recours à elle de son
récent mariage et, partant, de son nouveau nom. Quant à la clientèle
future, son importance ne sera évidemment pas dépendante de l'ancien nom.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.