Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 345



98 Ia 345

56. Arrêt de la IIe Cour civile statuant comme chambre de droit public
du 29 juin 1972 dans la cause Kun contre Zufferey et Tribunal cantonal
du canton du Valais. Regeste

    Kantonales Einführungsgesetz zum ZGB. Willkür.

    Es ist willkürlich, eine an der Grenze der Liegenschaft zur Schaffung
eines Vorplatzes erstellte Stützmauer nicht einer Einfriedungsmauer
gleichzustellen.

Sachverhalt

    A.- André Kun, domicilié à Genève, est propriétaire à Randogne d'un
chalet entouré d'un terrain, sis en contrebas, à l'est, d'une parcelle
contiguë, propriété d'Alphonse Zufferey, entrepreneur à Sierre. Zufferey a
sur sa parcelle un chalet et, devant, un terrain exigu. La configuration
des lieux est telle que, par rapport à l'axe général de la pente, en gros
nord-sud, perpendiculaire à la vallée du Rhône, le fonds Zufferey domine à
l'ouest, d'une dizaine de mètres, le terrain et le chalet de Kun. Du côté
de la parcelle Kun, le fonds Zufferey se présentait comme un talus boisé,
relativement escarpé.

    Le 24 avril 1967, la commune de Randogne a autorisé Alphonse Zufferey à
clôturer sa propriété "conformément à la loi cantonale en la matière". Au
lieu d'une clôture, Zufferey a construit à la limite, qui longe la partie
inférieure du talus, un mur de béton, d'une hauteur variant de Im 40 à
3 m, derrière lequel il a remblayé, après avoir arraché les arbres et
arbustes. Il a ainsi constitué devant son chalet une esplanade plane. Du
côté Zufferey, le haut du mur est au niveau du sol. Il est surmonté d'une
barrière de bois à claire-voie, d'une hauteur de 70 à 80 cm.

    Kun protesta vainement. Aucun arrangement n'ayant pu intervenir,
il a assigné Zufferey devant le Tribunal cantonal du Valais, concluant
principalement à la démolition du mur et au rétablissement de l'état
antérieur, réserve faite d'une clôture telle qu'autorisée par la commune,
subsidiairement au paiement d'une indemnité de 10 000 fr., portée à 15
000 fr. en cours d'instance.

    B.- Par jugement du 9 septembre 1971, le Tribunal cantonal du Valais
a rejeté la demande. Ce jugement est motivé en bref comme suit, en ce
qui concerne les conclusions principales:

    La seule règle de droit civil qui puisse être prise en considération
est l'art. 171 al. 2 de la loi cantonale d'application du Code civil
(LACC). Cette disposition limite à 1,5 m la hauteur des clôtures
autres que les haies vives, soit les haies mortes, palissades ou murs,
lorsqu'elles sont établies à la limite. Si ces clôtures dépassent 1,5 m,
elles doivent être reculées de la limite à une distance égale à la moitié
de ce surplus. Mais le mur litigieux n'est pas une clôture. C'est un mur
de soutènement. Il ne tombe pas sous le coup de l'art. 171 LACC. Aucune
règle de droit civil n'a ainsi été violée et le Tribunal cantonal, dont
la compétence est limitée aux contestations civiles, ne peut ordonner la
démolition du mur.

    C.- Kun a formé contre ce jugement, outre un recours en réforme,
un recours de droit public fondé sur l'art. 4 Cst. Il se plaint
essentiellement d'une application arbitraire de l'art. 171 LACC.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

    L'art. 171 al. 2 LACC dispose:

    "Pour les autres clôtures (que les haies vives, réd.) telles que haies
mortes, palissades ou murs, qui ne dépassent pas la hauteur de 1 m 50,
le propriétaire peut les établir sur les confins mêmes de son fonds et
il a le droit d'y placer des espaliers."

    La Cour cantonale qualifie de "mur de soutènement" le mur construit
par le défendeur. Selon elle, la législation cantonale, en particulier
l'art. 171 LACC, ne limiterait en rien la construction de tels murs et
s'en remettrait aux règles de droit public des règlements communaux,
qui peuvent s'adapter mieux à la nature des lieux, en particulier aux
vignobles en terrasses; le règlement communal de Randogne ne contenant
aucune règle et cette absence de règle n'étant pas une lacune, rien ne
s'oppose à l'érection à la limite d'un mur de soutènement.

    a) On peut certes admettre que l'art 171 LACC ne vise pas les murs
de soutènement tels qu'on les établit pour les cultures en côtes. Il y a
cependant une différence essentielle entre un mur de soutènement destiné à
prévenir l'écroulement d'un terrain en forte pente et qui procure ainsi des
avantages aux deux parties, d'une part, et la construction d'une terrasse,
d'autre part. Si Zufferey avait par son mur entendu consolider le talus,
la thèse de la Cour cantonale serait admissible, et cela même s'il avait
quelque peu remblayé derrière le sommet du mur. Mais tel n'est pas le
cas. Le talus, arborisé, n'avait nul besoin de soutènement. Désireux
d'agrandir la surface utilisable de son jardin par la création d'une
esplanade, l'intimé a élevé un mur qui ne soutenait rien du tout. Il a
remblayé, créant une surface plane. C'est un remblai artificiel d'une
largeur de 4 à 6 m que le mur soutient maintenant.

    Or la règle de l'art. 171 LACC, comme les dispositions analogues
de nombreuses lois cantonales d'application du Code civil, relative
aux distances, à la hauteur et à la nature des clôtures, a pour but de
protéger le voisin. Celui-ci ne doit pas être gêné par l'établissement,
à sa limite, de clôtures telles que sa vue soit masquée et l'insolation
de son fonds compromise. Une interprétation raisonnable de ces règles
doit s'inspirer de cet axiome élémentaire.

    On ne saurait dès lors admettre qu'il suffit au propriétaire qui
construit un mur à sa limite de remblayer le terrain derrière son mur
pour échapper aux limitations légales de hauteur et élever ainsi ce
mur à son gré, aveuglant le fonds voisin. C'est jouer sur les mots
que de prétendre qu'il ne s'agit plus alors d'une clôture, mais d'un
soutènement. Pour le voisin, les inconvénients du mur comme tel sont
les mêmes, quelle que soit la fonction de ce mur. Lorsque l'ouvrage
soutient une esplanade surélevée, amenant le terrain au haut du mur et
permettant la vue plongeante sur le terrain voisin dès la limite, il
entraîne des inconvénients supplémentaires, sans cesser de présenter
ceux qui découleraient de la présence d'un simple mur de clôture.
En suivant la Cour cantonale, on devrait admettre que, dans une zone de
chalets et de résidence, chaque propriétaire serait en droit d'infliger
à son voisin, à sa limite, l'érection d'un mur de plusieurs mètres de
hauteur pour transformer en esplanade un terrain en pente, alors que la
loi interdirait à ce même propriétaire d'établir à sa limite une simple
palissade à claire-voie de 1 m 60. Une telle interprétation de l'art. 171
al. 2 LACC est à tel point en contradiction avec le but de la disposition
qu'elle doit être taxée d'arbitraire. Partant, le recours de droit public
doit être admis et le jugement attaqué annulé.

    b) On peut relever au surplus, encore que cela ne soit pas
décisif, que Zufferey a lui-même considéré que son mur constituait une
clôture. Prévoyant l'aménagement de la terrasse, déjà dans l'acte par
lequel il achetait le terrain, il a demandé à la commune "l'autorisation de
clôturer" sa parcelle. Telle était aussi l'opinion de l'autorité communale.