Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 241



98 Ia 241

36. Extrait de l'arrêt du 9 février 1972 dans la cause Bässler contre
Décoppet et Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Regeste

    Gesetzliches Pfandrecht der Handwerker und Unternehmer. Art. 839 und
961 ZGB.

    Vorläufige Eintragung: Geltungsdauer; Löschung durch den
Grundbuchverwalter, wenn die Geltungsdauer abgelaufen ist, ohne dass ein
Entscheid über die definitive Eintragung ergangen oder Fristverlängerung
verlangt worden ist.

Sachverhalt

    A.- Sur requête d'Horace Décoppet, architecte et entrepreneur général
à Yverdon, le Président du Tribunal civil du district de Grandson a
ordonné, le 24 décembre 1964, l'inscription provisoire d'une hypothèque
légale d'entrepreneur d'un montant de 210 000 fr., sur les immeubles
appartenant à Hermann Bässler et sis sur les territoires des communes de
Grandson et de Champagne; il a fixé à trois ans la durée de validité de
cette inscription et imparti à Décoppet un délai expirant le 31 mai 1965
pour ouvrir action en inscription définitive de l'hypothèque légale.
Décoppet a introduit cette action en temps utile, par demande déposée
auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois le 31 mai 1965,
le montant maximum de l'hypothèque légale étant ramené à 180 000 fr. Le
défendeur a conclu à libération. Appelée en cause par le demandeur, la
société Prefarm AG à Zoug est devenue partie au procès. L'instance a été
suspendue par décision du 11 novembre 1965, à la suite de la faillite de
Prefarm AG, prononcée le 21 octobre 1965.

    B.- Dans les premiers mois de 1968, Bässler a requis le conservateur du
registre foncier du district de Grandson de radier l'inscription provisoire
de l'hypothèque légale ordonnée le 24 décembre 1964. Le conservateur a
refusé de donner suite à cette requête. Consulté, le directeur du cadastre
a exprimé l'opinion que les autorités administratives ne procéderaient
pas à la radiation sans une décisionjudiciaire, puisqu'un procès était
en cours.

    Le 27 mars 1968, Bässler a demandé la radiation de l'inscription
provisoire de l'hypothèque légale au Président du Tribunal du district
de Grandson, qui l'a débouté par décision du 2 mai 1968. La Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de Bässler et
confirmé le prononcé du premier juge, par arrêt du 10 décembre 1968. Contre
cet arrêt, Bässler a interjeté un recours de droit public au Tribunal
fédéral, par acte du 9 janvier 1969, Dans une lettre du 17 février 1969,
le Président de la Chambre de droit public chargée des recours fondés sur
l'art. 4 Cst. a indiqué au recourant qu'il devait présenter au conservateur
du registre foncier une requête en radiation de l'inscription provisoire
de l'hypothèque légale, pour le motif que le délai de validité de trois
ans était échu, en invoquant l'art. 76 al. 1 ORF et en se référant à
l'arrêt publié au RO 53 II 219; il ajoutait que, si Bässler suivait la voie
proposée, la procédure du recours de droit public serait suspendue jusqu'à
ce qu'une décision définitive et exécutoire fût rendue sur sa requête.

    Donnant suite à la demande de Bässler, le conservateur du registre
foncier du district de Grandson, se référant à la lettre du président de la
Chambre de droit public, a radié l'inscription provisoire de l'hypothèque
légale d'entrepreneur en faveur de Décoppet, en date du 28 février 1969. Il
en a informé les parties et le Président de la Chambre de droit public
par lettre du 3 mars 1969. Sa décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

    Par acte du 3 mars 1969, Décoppet a demandé au Président de la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'ordonner la réinscription
provisoire de l'hypothèque légale. Sa requête a été rejetée par jugement
du 21 avril 1969.

    Le 9 juin 1969, Bässler a retiré son recours de droit public,
et l'affaire a été rayée du rôle par ordonnance présidentielle du. 12
juin 1969.

    C.- Par acte du 13 juin 1969, Décoppet a introduit contre Bässler,
devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, une action fondée
sur l'art. 975 CC, concluant à ce qu'il fût prononcé:

    "I. La radiation opérée au Registre foncier du district de Grandson
le 28 février 1969... de l'inscription provisoire d'une hypothèque légale
d'entrepreneur direct, ordonnée le 24 décembre 1964, et opérée en faveur
du demandeur sous No 85232 est nulle et de nul effet.

    II. En conséquence, dite inscription doit être rétablie sans délai.

    III. Sur le vu d'une expédition conforme du jugement, Monsieur
le Conservateur du Registre foncier du district de Grandson est tenu
d'annuler la radiation de l'inscription provisoire d'une hypothèque
légale d'entrepreneur direct en faveur du demandeur et de rétablir dite
inscription provisoire, le demandeur étant ainsi au bénéfice dès le 24
décembre 1964 d'une hypothèque légale d'entrepreneur direct du montant
maximum de 210 000 fr., grevant les immeubles dont le défendeur est
propriétaire..." (Suit la désignation cadastrale).

    Le défendeur a conclu au rejet de la demande.

    Par jugement du 2 septembre 1970, la Cour civile vaudoise a prononcé:

    "I. La radiation opérée au Registre foncier du district de Grandson
le 28 février 1969 de l'inscription provisoire d'une hypothèque légale
d'entrepreneur en faveur du demandeur Horace Decoppet, sous No 85232,
est nulle et de nul effet.

    II. Sur le vu du présent jugement, le Conservateur du Registre
foncier du district de Grandson réinscrira provisoirement avec effet dès
le 24 décembre 1964 une hypothèque légale d'entrepreneur au bénéfice du
demandeur au montant maximum de 210 000 fr. (deux cent dix mille francs),
grevant les immeubles dont le défendeur est propriétaire..." (Suit la
désignation cadastrale).

    "III. (Frais et dépens).

    IV. Toutes autres ou plus amples conclusions sont rejetées."

    D.- Contre le jugement de la Cour civile vaudoise du 2 septembre 1970,
Bässler a formé d'une part un recours en réforme, d'autre part un recours
de droit public.

    Le recours en réforme a été déclaré irrecevable par la IIe Cour civile,
le jugement attaqué n'étant pas une décision finale au sens de l'art.
48 al. 1 OJ, puisqu'il ordonnait seulement la réinscription provisoire
de l'hypothèque légale d'entrepreneur.

    Dans son recours de droit public, Bässler requiert le Tribunal
fédéral d'annuler le jugement attaqué et de prononcer que le conservateur
du registre foncier n'est pas autorisé à réinscrire provisoirement
l'hypothèque légale en question.

    L'intimé conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Selon l'art. 961 al. 3 CC, le juge qui ordonne l'inscription
provisoire d'un droit réel au registre foncier doit déterminer exactement
la durée et les effets de cette inscription et fixer, le cas échéant,
un délai durant lequel le bénéficiaire aura à faire valoir son droit en
justice. L'inscription provisoire d'un droit réel a le caractère d'une
annotation (HOMBERGER, n. 1 à l'art. 959 CC; OSTERTAG, n. 8 à l'art. 961
CC); l'art. 76 al. 1 ORF par le expressément de "l'annotation d'une
inscription provisoire"; la note marginale "2. Annotations", qui figure
à l'art. 959 CC, couvre cet article ("a. Droits personnels"), l'art. 960
("b. Restrictions du droit d'aliéner") et l'art. 961 ("c. Inscriptions
provisoires").

    L'art. 76 al. 1 ORF prescrit que l'annotation d'une inscription
provisoire doit être radiée d'office lorsque l'inscription définitive
correspondante a été effectuée ou lorsque le délai fixé par le conservateur
ou par le juge pour requérir cette dernière s'est écoulé sans avoir été
utilisé. La radiation devant être opérée d'office, le conservateur du
registre foncier y procède de son chef.

    La détermination exacte de la durée de validité de l'inscription
provisoire et la fixation, le cas échéant, d'un délai au bénéficiaire pour
faire valoir son droit en justice sont deux choses différentes. En vertu
de l'art. 961 al. 3 CC, le juge qui ordonne l'inscription provisoire est
tenu d'en déterminer la durée de validité; s'il l'a omis, il sera requis,
par le conservateur du registre foncier, de compléter son ordonnance et
de fixer la durée de validité de l'inscription provisoire (HOMBERGER,
n. 16 à l'art. 961 CC). En revanche, l'art. 961 al. 3 CC n'impose pas au
juge d'impartir au bénéficiaire de l'inscription provisoire un délai pour
faire valoir son droit en justice. Le juge ne fixe un tel délai que "le cas
échéant", c'est-à-dire si cela est nécessaire (HOMBERGER, loc.cit.). Il ne
le fera pas, par exemple, si un procès au sujet du droit réel allégué par
le bénéficiaire de l'inscription provisoire est déjà pendant. Le délai pour
agir en justice devra en revanche être imparti lorsqu'il y a contestation
sur le droit réel inscrit provisoirement et qu'une action n'a pas été
introduite avant que l'annotation soit ordonnée (HOMBERGER, loc.cit.).

    La durée de validité de l'inscription provisoire, que le juge est tenu
de déterminer exactement (art. 961 al. 3 CC), ne doit pas nécessairement
être limitée d'une manière fixe, par exemple à une date précise ou à tant
de mois ou d'années à compter de l'annotation. Sans prévoir de limite
fixe, le juge peut déterminer exactement cette durée en décidant que
l'inscription provisoire sera valable jusqu'à la solution définitive du
procès (RO 53 II 220 consid. 2; JAAC 1934, 8e fascicule, p. 84 n. 53)
ou mieux jusqu'à l'expiration d'un certain délai - par exemple 14 jours -
dès l'entrée en force du jugement dans le procès au fond (HOMBERGER, n. 16
ad art. 961 CC; JAAC, loc.cit.: trois mois après la solution définitive du
procès). Mais le juge peut aussi déterminer d'une manière fixe la durée
de validité d'une inscription provisoire, par exemple en ordonnant que
cette durée est de trois ans, comme l'a fait en l'espèce le Président du
Tribunal du district de Grandson. Rien ne s'y oppose du point de vue de
l'art. 961 al. 3 CC.

    A l'expiration de la durée de validité qui lui a été fixée,
l'inscription provisoire perd, sans autre, toute valeur, sauf si une
prolongation a été ordonnée et annotée au registre ou qu'il y ait eu
transformation en une inscription définitive (RO 53 II 219; 60 I 297/298
consid. 2). La décision de prolongation de la durée de validité de
l'inscription provisoire doit, pour produire ses effets, non seulement
être rendue par le juge mais encore être annotée au registre foncier
avant l'échéance du terme originaire (RO 53 II 219; 60 I 297/298).

    En vertu de l'art. 76 ORF, l'inscription provisoire d'une hypothèque
légale d'entrepreneur doit être radiée d'office par le conservateur
du registre foncier, lorsque le terme fixé pour la validité de cette
inscription est échu et qu'aucune prorogation n'a été annotée audit
registre avant cette échéance (RO 53 II 219/220; 60 I 297/298; HOMBERGER,
n. 25 à l'art. 961 CC; WIELAND, Les droits réels, vol. II, p. 515, n. 6
à l'art. 961 CC; WIEDERKEHR, Die vorläufige Eintragung im Grundbuch,
thèse Zurich 1932, p. 86). Si, avant l'expiration du délai primitivement
fixé par lui, le juge en prolonge la durée, mais que l'annotation de la
prolongation n'est pas opérée au registre foncier avant l'échéance du délai
initial, le conservateur du registre foncier est tenu de radier d'office
l'inscription provisoire (RO 53 II 220 avec référence au résumé des faits,
p. 217/218). Lorsque le conservateur du registre foncier n'a pas radié
d'office l'annotation d'une inscription provisoire d'une hypothèque légale
d'entrepreneur dont la durée de validité est échue, le juge ne peut pas
ordonner qu'elle sera maintenue jusqu'à l'expiration d'un nouveau délai
qu'il fixe, par exemple un mois après la prononciation du jugement au fond
(RO 60 I 298 consid. 3); une telle décision de maintien de l'inscription
provisoire est sans effet; le conservateur du registre foncier doit radier
cette inscription, la durée initiale de sa validité étant expirée (RO 60
I 298 consid. 3).

    b) En l'espèce, le Président du Tribunal civil du district de Grandson
a ordonné, le 24 décembre 1964, l'inscription provisoire d'une hypothèque
légale d'entrepreneur en faveur d'Horace Décoppet sur les immeubles
d'Hermann Bässler; il a fixé à trois ans la durée de validité de cette
inscription et imparti à Décoppet un délai jusqu'au 31 mai 1965 pour
ouvrir action en inscription définitive de l'hypothèque légale. Décoppet
a introduit cette action en temps utile devant la Cour civile du Tribunal
cantonal vaudois.

    A l'expiration de la durée de validité de l'inscription provisoire,
soit à fin décembre 1967, le procès en inscription définitive de
l'hypothèque légale était encore pendant et n'avait pas été jugé. Il avait
été suspendu le 11 novembre 1965 par décision du Président de la Cour
civile vaudoise, à la suite de l'ouverture de la faillite de Prefarm AG
qui, appelée en cause, était devenue partie. C'est par acte du 9 janvier
1969 que Décoppet a requis la reprise de ce procès.

    En revanche, Décoppet n'a pas demandé au juge compétent de prolonger
la durée de validité de l'inscription provisoire de son hypothèque
légale d'entrepreneur; partant, aucune prolongation n'a pu être annotée
au registre foncier avant l'expiration du délai de trois ans fixé par
l'ordonnance du 24 décembre 1964. Aussi ladite inscription provisoire
est-elle devenue caduque à l'expiration de ce délai, savoir vers fin
décembre 1967; elle devait donc être radiée d'office (RO 53 II 219, 60 I
298; HOMBERGER, n. 44 à l'art. 961). C'est dès lors avec raison que le
conservateur du registre foncier de Grandson, se conformant d'ailleurs à
la lettre que lui avait adressée le 17 février 1969 le Président de la
Chambre de droit public chargée des recours fondés sur l'art. 4 Cst.,
a procédé le 28 février 1969 à la radiation de l'inscription provisoire
de l'hypothèque légale.

Erwägung 3

    3.- La Cour civile du Tribunal cantonal prétend qu'en vertu de l'arrêt
de la Chambre des recours du Tribunal cantonal rendu le 10 décembre 1968
et passée en force, l'inscription devait demeurer au registre foncier,
bien que sa validité ait été limitée à trois ans.

    On ne saurait la suivre dans un tel raisonnement.

    Comme on l'a relevé ci-dessus (consid. 2), le conservateur du registre
foncier doit procéder d'office à la radiation d'une inscription provisoire
dont la durée de validité est expirée; il n'a pas besoin d'y être autorisé
par une décision judiciaire. La seule décision judiciaire qui pourrait lui
permettre de ne pas radier une telle inscription est celle qui, rendue
par l'autorité compétente et communiquée avant l'expiration du délai de
validité, prolongerait la durée de validité de l'inscription. Une décision
de l'autorité compétente rendue après cette expiration - ou même simplement
communiquée au registre foncier après cette expiration alors même qu'elle
aurait été rendue avant (RO 53 II 220) - est inopérante. En l'espèce,
le conservateur n'avait donc pas à tenir compte de la décision de la
Chambre des recours du 10 décembre 1968, contraire au droit fédéral. La
Cour civile ne pouvait pas davantage, dans le jugement attaqué rendu sur
une action en modification d'une inscription prétendument irrégulière,
prendre prétexte de la force de chose jugée de la décision de la Chambre
des recours pour prétendre que la radiation avait été opérée sans droit.

    Manifestement contraire au droit fédéral, le jugement attaqué est
insoutenable et, partant, arbitraire. Il doit dès lors être annulé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule le jugement attaqué.