Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 98 IA 220



98 Ia 220

33. Arrêt du 2 février 1972 dans la cause Procureur général du canton de
Genève contre Auditeur en chef de l'armée. Regeste

    Kompetenzkonflikt gemäss Art. 223 MStG. Widerruf des bedingten
Strafvollzugs.

    Trotz dem revidierten Art. 41 Ziff. 3 Abs. 3 StGB ist zum Entscheid
über den Widerruf des bedingten Strafvollzugs aufgrund der Verurteilung
durch ein Militärgericht wegen eines während der Probezeit begangenen
Delikts nicht die Militärbehörde zuständig, sondern der ordentliche
Richter, der den bedingten Strafvollzug angeordnet hat.

Sachverhalt

    A.- X. a été condamné le 16 septembre 1970, par le Tribunal de
police de Genève, à 10 jours d'emprisonnement (sous déduction d'un jour
de détention préventive), pour contravention à la loi fédérale sur les
stupéfiants; il a été mis au bénéfice du sursis avec délai d'épreuve
de trois ans. Le 22 juin 1971, le Tribunal militaire de division 1 l'a
condamné, par défaut, à deux mois d'emprisonnement, pour insoumission
intentionnelle commise le 23 novembre 1970. Le Bureau central suisse de
police a annoncé le cas de récidive au Procureur général du canton de
Genève, à l'intention du Tribunal de police, pour que celui-ci statue
sur la question de la révocation du sursis accordé par le jugement du
16 septembre 1970. Le Procureur général a fait observer qu'en vertu des
nouvelles dispositions du Code pénal suisse (CP), en vigueur dès le 1er
juillet 1971, c'était le Tribunal militaire qui était compétent pour
statuer sur cette question. Le Bureau central suisse de police lui a
renvoyé l'avis de récidive, en lui faisant part des motifs pour lesquels,
selon lui, l'affaire relevait de la compétence du Tribunal de police de
Genève. Le Procureur général a transmis l'avis de récidive au Tribunal
de division l'en le priant de statuer sur la question de la révocation du
sursis. Le Grand Juge du Tribunal de division 1 s'est adressé à l'Auditeur
en chef de l'armée, qui informa le Procureur général de Genève, par lettre
du 23 novembre 1971, que l'affaire relevait, selon son point de vue,
du Tribunal de police de Genève.

    B.- Par requête du 1er décembre 1971 fondée sur l'art. 223 du Code
pénal militaire (CPM), le Procureur général du canton de Genève demande
au Tribunal fédéral de déclarer que le Tribunal militaire de division 1
est compétent pour statuer sur la question de la révocation du sursis. Les
motifs de sa requête seront repris ci-dessous, dans la mesure utile.

    L'Auditeur en chef de l'armée conclut à ce que le Tribunal de police
de Genève soit déclaré compétent.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 223 al. 1 CPM, le Tribunal fédéral statue
souverainement en cas de conflit de compétence entre la juridiction
ordinaire et la juridiction militaire. Un tel conflit existe en l'espèce,
où l'une et l'autre des juridictions refusent de se saisir du cas.

    Saisi des cas de conflit visés par l'art. 223 CPM, le Tribunal
fédéral examine librement non seulement les questions de droit, mais
aussi les questions de fait, dans la mesure tout au moins où elles sont
déterminantes pour trancher la question de compétence (RO 97 I 147).

Erwägung 2

    2.- a) La loi fédérale du 18 mars 1971 relative à la modification
du Code pénal suisse est entrée en vigueur le 1er juillet 1971, à
l'exception de quelques dispositions qui n'entrent pas en considération
en l'espèce. Elle a modifié notamment l'art. 41 CP.

    Selon l'ancien texte du chiffre 3 de l'art. 41 CP, le juge qui
prononçait une condamnation avec sursis était aussi compétent pour
prononcer la révocation du sursis, c'est-à-dire ordonner l'exécution de la
peine, lorsque survenait un motif légal de révocation; c'était notamment
le cas lorsque le condamné commettait intentionnellement un crime ou un
délit pendant le délai d'épreuve. Selon le texte revisé (art. 41 ch. 3
al. 3), ce n'est plus le premier juge (savoir, celui qui a prononcé la
condamnation avec sursis) qui est compétent pour statuer sur la question
de la révocation du sursis, mais le second juge, c'est-à-dire celui qui
est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit commis pendant le délai
d'épreuve. La raison de cette modification est évidente: le second juge,
qui doit de toute façon se préoccuper de la personnalité de l'accusé
avant de prononcer son jugement, est mieux à même que le premier juge de
décider si le sursis doit être révoqué ou si la peine doit éventuellement
être remplacée par d'autres mesures prévues à l'art. 41 ch. 3 al. 2 CP. Le
premier juge en effet devrait réétudier tout le dossier; bien souvent, il
ne parviendrait qu'avec peine à se faire une image exacte des circonstances
personnelles actuelles du condamné, que le second juge vient justement
d'approfondir. Sous l'empire de l'ancienne réglementation, le tribunal
qui avait accordé le sursis n'avait souvent connaissance de la nouvelle
infraction qu'après plusieurs années et devait alors fonder sa décision
uniquement sur les pièces du dossier (Bull. stén. CE 1967, p. 56 ss.,
CN 1969, p. 108 ss.; GERMANN, Zeitschrift für schweiz. Strafrecht, vol.
87 année 1971, p. 349 s., ainsi que dans Etudes en l'honneur de Jean
Graven, Genève 1969, p. 70 ss.).

    Il s'agit d'examiner si la nouvelle réglementation de l'art. 41 ch. 3
al. 3 CP s'applique également dans les rapports entre la juridiction
ordinaire et la juridiction militaire, notamment s'il appartient à un
tribunal militaire, appelé à statuer sur une infraction commise pendant
le délai d'épreuve, de décider si le sursis prononcé par un tribunal
ordinaire doit être révoqué ou non.

    b) L'Auditeur en chef de l'armée soutient qu'une telle question ne se
pose pas en l'espèce, où le Tribunal de division 1 a rendu son jugement
avant le 1er juillet 1971, soit à un moment où le texte de l'art. 41 CP
revisé n'était pas encore en vigueur. Ce dernier point n'aurait pas à être
tranché s'il se révélait que la nouvelle réglementation ne s'applique
de toute façon pas aux rapports entre la juridiction ordinaire et la
juridiction militaire.

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 32 ch. 3 al. 1 CPM prévoit qu'en cas de commission
intentionnelle d'un crime ou d'un délit pendant le délai d'épreuve,
comme dans les autres cas qui peuvent justifier la révocation du sursis,
il appartient au Département militaire fédéral d'ordonner l'exécution de
la peine.

    Il s'agit d'examiner comment il faut interpréter cette prescription
en fonction de la nouvelle disposition de l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP, tant
que le Code pénal militaire n'aura pas été adapté au Code pénal suisse
revisé (cf., par exemple, art. 32 ch. 1 al. 1 CPM et art. 41 ch. 1 al. 1
CP revisé, au sujet de la durée de la peine en rapport avec l'octroi
du sursis), adaptation dont les travaux préparatoires sont actuellement
en cours.

    Si, en cas d'infraction intentionnelle commise pendant le délai
d'épreuve, c'était toujours le second juge qui était déclaré compétent
pour statuer sur la révocation du sursis, alors on pourrait penser
que le premier juge n'a plus à s'occuper de cette question; mais tel
n'est pas le cas. La loi suisse ne peut pas, par exemple, conférer des
tâches à un juge étranger; si le second juge est un tribunal étranger,
la compétence de statuer sur la. question de la révocation du sursis
appartiendra néanmoins, en dépit de la formulation générale du texte de
l'art. 41 ch. 3 al. 3 revisé, au juge suisse qui aura accordé le sursis.

    Il n'en va pas autrement dans les cas où le premier juge est un
tribunal ordinaire et le second un tribunal militaire. Il n'y a pas de
doute que l'art. 32 ch. 3 al. 1 CPM ne s'applique qu'à la révocation
du sursis par un tribunal militaire. Il est également clair qu'en
vertu de cette disposition, seule l'autorité militaire est compétente
pour faire exécuter une peine prononcée avec sursis par un tribunal
militaire. Si l'on voulait interpréter l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP en ce
sens qu'un tribunal militaire devrait statuer sur l'exécution d'une peine
prononcée précédemment avec sursis par un tribunal ordinaire, on aurait
comme conséquence qu'un tribunal militaire pourrait révoquer le sursis
accordé par un tribunal ordinaire, alors qu'un tribunal ordinaire ne
pourrait pas révoquer le sursis accordé par un tribunal militaire. Une
telle solution ne serait pas judicieuse. Si le législateur avait eu dans
l'idée que l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP devrait aussi s'appliquer dans les
rapports entre la juridiction ordinaire et la juridiction militaire, il
aurait dû en toute logique créer une réglementation applicable d'un côté
comme de l'autre, et non pas seulement de façon unilatérale. Mais alors, il
aurait dû modifier le Code pénal militaire en même temps que le Code pénal
suisse. Or il ne l'a pas fait, mais il a au contraire laissé subsister la
réglementation du CPM, qui lui était connue, ce qui par le en faveur de
la thèse selon laquelle l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP ne s'applique pas dans
les rapports entre la juridiction ordinaire et la juridiction militaire.

    Cette conception est encore étayée par un autre argument. Selon
l'art. 32 ch. 3 CPM, l'autorité compétente pour ordonner l'exécution
d'une peine prononcée avec sursis par un tribunal militaire n'est pas ce
tribunal lui-même, mais le Département militaire fédéral (respectivement
l'Auditeur en chef de l'armée, selon l'art. 17 bis lettre g de l'ordonnance
concernant la justice pénale militaire, du 29 janvier 1954, RS 322.2). Si
l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP s'appliquait également aux rapports entre
la juridiction ordinaire et la juridiction militaire, la conséquence
serait que la révocation du sursis accordé par un tribunal militaire
serait prononcée par le Département militaire fédéral, respectivement
l'Auditeur en chef, tandis que la révocation du sursis accordé par un
tribunal ordinaire serait prononcée par un tribunal militaire. Celui-ci
pourrait donc révoquer un sursis prononcé par un tribunal ordinaire, mais
non pas un sursis prononcé par lui-même. De ce point de vue également,
l'opinion selon laquelle l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP s'appliquerait aussi
aux rapports entre la juridiction ordinaire et la juridiction militaire
ne peut pas correspondre au sens de la loi.

    La situation est au fond simplement la suivante: le législateur
fédéral, au moment où il a revisé le code pénal suisse, a laissé
subsister le Code pénal militaire dans son ancienne teneur et en a
renvoyé la revision à une date ultérieure. Cette remarque vaut aussi pour
l'exécution des peines prononcées avec sursis: dans ce domaine également,
on en reste - pour le moment du moins - à l'ancienne réglementation. Les
attributions confiées aux tribunaux militaires et le droit qu'ils doivent
appliquer sont déterminés par la législation militaire, non par le Code
pénal suisse. L'art. 41 ch. 3 al. 3 n'apporte pas d'exception à cette
règle. Il ne confère aux tribunaux militaires aucune tâche qui ne leur est
pas attribuée par le Code pénal militaire. Si le législateur fédéral veut
accorder aux tribunaux militaires la compétence d'ordonner l'exécution de
peines prononcées avec sursis par les tribunaux ordinaires, il le fera
lors de la revision du CPM en cours. Il pourra à cette occasion choisir
une solution correspondant à celle de l'art. 41 ch. 3 al. 3 CP. Mais il
est également libre de maintenir la réglementation actuelle.

    En conclusion, la requête du Procureur général du canton de Genève
doit être rejetée et le Tribunal de police de Genève déclaré compétent
pour statuer sur l'exécution de la peine de 10 jours d'emprisonnement
(sous déduction d'un jour de détention préventive) prononcée avec sursis
contre X.

    Il résulte des considérations ci-dessus que les tribunaux ordinaires ne
sont en revanche pas compétents, dans l'état actuel de la législation, pour
prononcer la révocation du sursis accordé par les tribunaux militaires.

    Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'examiner si la requête
du Procureur général ne devrait pas être rejetée déjà pour le motif que le
jugement du Tribunal de division 1 a été rendu avant le 1er juillet 1971,
c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du Code pénal suisse revisé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Déclare le Tribunal de police de Genève compétent pour statuer sur
l'exécution de la peine de 10 jours d'emprisonnement avec sursis infligée
à X. par jugement du 16 septembre 1970.