Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 V 210



97 V 210

51. Arrêt du 3 novembre 1971 dans la cause Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents contre N. et Tribunal des assurances du
canton de Berne Regeste

    Art. 98 Abs. 3 KUVG.

    -  Wer die Herrschaft über sein Fahrzeug infolge übersetzter
Geschwindigkeit auf verschneiter und kurvenreicher Strasse verliert,
handelt grobfahrlässig im Sinne des Sozialversicherungsrechts.

    - Die Beurteilung der Fahrlässigkeit durch den Strafrichter bindet
den Versicherungsrichter nicht (Bestätigung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- Le 6 décembre 1969 vers 0 h. 40, André N., né en 1949, apprenti,
célibataire, descendait au volant de son automobile le chemin de Domont
en direction de Delémont, ayant à bord du véhicule deux passagers. Dans
un tournant, l'automobile dérapa sur la neige, quitta la route et termina
sa course contre un arbre. Alors que N. et B. étaient blessés, H., né en
1949, devait décéder à son arrivée à l'hôpital des suites d'une fracture
du crâne. L'enquête a révélé qu'au moment de l'accident, le conducteur
roulait en deuxième vitesse, à environ 50-55 km/h, et que sa voiture
était équipée de pneus à neige à l'avant et de pneus à carcasse radiale
à l'arrière.

    Reconnu coupable d'homicide par négligence, N. a été condamné par
le Président du Tribunal du district de Delémont à une peine de 30 jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

    B.- Par décision du 7 avril 1970, la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents, estimant que N. avait commis une faute
grave au sens de l'art. 98 al. 3 LAMA, a réduit de 20% l'ensemble des
prestations qu'elle lui servait.

    La Caisse nationale constatait notamment:

    "D'après les renseignements dont nous disposons, vous avez causé
votre accident du 6 décembre 1969 par une faute grave: vous avez perdu la
maîtrise de votre automobile parce que vous n'avez pas adapté sa vitesse
aux conditions de la route. Nous devons donc réduire nos prestations
conformément à la loi."

    C.- L'assuré recourut contre cette décision par l'intermédiaire de
Me J. Par jugement du 11 décembre 1970, le Tribunal des assurances du
canton de Berne annula la décision de la Caisse nationale du 7 avril 1970
(avec suite de frais et dépens). Les premiers juges ont estimé qu'aucune
faute grave ne pouvait être mise à la charge de N., du fait de son manque
d'expérience.

    D.- Contre ce jugement, la Caisse nationale recourt en temps utile
au Tribunal fédéral des assurances. Elle fait valoir que N. a réellement
commis une faute grave en n'ayant pas adapté sa vitesse aux circonstances
et conclut au rétablissement de la décision du 7 avril 1970.

    Alors que le Tribunal cantonal des assurances ne s'est pas déterminé
sur le recours, l'intimé, dans sa réponse, argue d'une faute légère et
des circonstances particulières de l'accident pour conclure au rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 98 al. 3 LAMA dispose que, si l'assuré a causé l'accident
par une faute grave, les prestations assurées autres que les frais
funéraires sont réduites dans une mesure répondant au degré de la faute.

    Agé de vingt ans et titulaire d'un permis de conduire depuis 17
mois seulement, l'intimé avait à bord de sa voiture deux passagers de
ses amis. De ce fait déjà, il était tenu de faire preuve d'une attention
particulière et l'on pouvait raisonnablement attendre de lui une prudence
accrue en raison des circonstances.

    Le chemin de Domont est une route carrossable reliant le château du
même nom à la ville de Delémont. Au moment de l'accident, la chaussée était
recouverte d'une couche de neige verglacée la rendant très glissante,
ce d'autant plus qu'elle décrit à cet endroit un virage à droite et
présente une déclivité d'environ 4% dans le sens Domont-Delémont. Elle
était en outre bordée d'un rempart de neige des deux côtés et sa largeur
se trouvait réduite à 4.30 m.

    L'enquête pénale a établi que, circulant au volant d'une voiture
automobile de marque Austin, à traction avant, N. roulait en deuxième
vitesse, à fond, soit, selon ses propres déclarations, à quelque 50-55
km/h. Au commencement d'un léger tournant, les roues arrière du véhicule,
équipées de pneus à carcasse radiale, dérapèrent et l'automobile fut
déportée sur la gauche, mais néanmoins maintenue sur la route grâce à
une banquette de terre recouverte de neige. La voiture fit une nouvelle
embardée par suite d'une manoeuvre du conducteur et quitta la chaussée
pour se fracasser contre un arbre.

Erwägung 2

    2.- Au sens de la jurisprudence, la faute grave est une omission des
règles de prudence élémentaire, que tout homme raisonnable eût observées
dans la même situation et dans les mêmes circonstances, afin d'éviter
des conséquences dommageables prévisibles dans le cours naturel des
choses (ATFA 1956 p. 207, 1959 p. 101, cf. RO 95 II 340). L'intimé ne
conteste nullement avoir commis une faute en roulant, de nuit et sur route
verglacée et sinueuse, à environ 55 km/h. Cette faute, que le juge pénal
a qualifiée de moyenne en tenant compte de l'inexpérience du conducteur,
est d'autant plus grave au regard du droit des assurances sociales que
l'intimé savait ou devait savoir, s'il avait fait preuve de l'attention
que les circonstances permettaient d'exiger de lui, quel est le danger
particulier des routes d'hiver. Un conducteur "raisonnable" aurait, dans
ces conditions, roulé plus lentement que ne l'a fait N., d'autant plus
que sa voiture - à traction avant - n'était équipée de pneus à neige qu'à
l'avant, et aurait par ailleurs engagé la troisième vitesse de manière à
épargner aux roues motrices des impulsions et de brusques freinages. En
négligeant ces précautions, l'intimé a commis une faute grave, que ni sa
jeunesse ni son manque d'expérience ne sauraient excuser. Peu importe que,
comme il le prétend, la voiture qui le précédait ait ou non roulé aussi
rapidement que lui, car ce véhicule était muni de quatre pneus à clous
et n'est, de surcroît, pas impliqué dans l'accident.

    A l'appui de son recours, la Caisse nationale conteste que l'intimé
puisse se fonder sur les considérants du jugement pénal, à savoir que la
faute commise n'est "ni grave, ni lourde", mais qu'"il s'agit d'une faute
moyenne qui a provoqué un accident mortel". Effectivement, l'appréciation
du juge pénal ne saurait lier le juge des assurances, ainsi qu'il ressort
de la jurisprudence (ATFA 1961 p. 111, RO 96 I 774 [consid. 5]). Quant
au lien de causalité entre la faute commise et le résultat dommageable,
il est prouvé que la perte de maîtrise du véhicule, laquelle constitue
en soi une infraction au sens des art. 31 al. 1er et 32 al. 1er LCR,
imputable à un excès de vitesse, a directement entraîné l'accident en
cause. C'est donc à bon droit que la Caisse nationale a fait application
de l'art. 98 al. 3 LAMA...

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: I. Le recours
est admis.

    II.  Le jugement attaqué est réformé, la décision de la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents du 7 avril 1970 étant
rétablie et la cause, renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle
statue à nouveau sur les frais et dépens de première instance en tenant
compte de l'issue du procès.