Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 V 155



97 V 155

37. Arrêt du 8 septembre 1971 dans la cause Froidevaux contre Caisse de
compensation du canton de Berne et Tribunal administratif du canton de
Berne Regeste

    Art. 9 Abs. 1 IVG: medizinische Behandlung im Ausland.

    -  Entschuldbarer Irrtum des Versicherten bezüglich der in der Schweiz
gebotenen therapeutischen Möglichkeiten.

    - Wenn die Invalidenversicherung eine Behandlung im Ausland übernehmen
muss, darf sie in der Regel ihre Leistungen nicht auf den Betrag der
Kosten, die in der Schweiz entstanden wären, begrenzen.

Sachverhalt

    A.- Joëlle Froidevaux, née en 1954, domiciliée chez ses parents,
souffre depuis 1961 d'infiltrations centrales de la cornée, d'origine
inconnue. Soignée sans résultat par quelques oculistes, elle a finalement
été adressée en juillet 1963 au Prof. S., à Lausanne, comme étant le seul
spécialiste capable de l'opérer. Ce praticien pratiqua une kératoplastie
lamellaire le 3 avril 1964 à l'oeil droit et le 18 juin 1964 à l'oeil
gauche, sans obtenir de succès. Après des interventions supplémentaires, il
s'avéra en automne 1969 qu'il était indispensable de réopérer. Entre-temps,
la vue de la patiente ne cessait de se détériorer. Dès avril 1964, Joëlle
Froidevaux bénéficie des mesures médicales prévues par l'art. 12 LAI.

    B.- Ayant perdu confiance dans le Prof. S., Louis Froidevaux, père
de Joëlle, écrivit le 19 octobre 1969 à la Commission cantonale bernoise
de l'assurance-invalidité:

    "Soucieux de la gravité du cas de notre fille, nous avons consulté
le 13 octobre écoulé un éminent spécialiste de Lyon, le Dr C., élève
du Prof. P. Lui aussi diagnostique l'opération dans les plus brefs
délais. Il a toutefois préconisé un traitement préalable (culture de
larmes et cryothérapie) qui sera terminé le mardi 21 courant à Belfort.

    En conséquence nous vous supplions d'examiner le cas avec une attention
particulière. Nous demandons l'autorisation d'effectuer ces délicates
reprises de greffes chez ce grand chirurgien."

    La Commission cantonale bernoise de l'assurance-invalidité demanda
un rapport au Dr C., qui, le 24 octobre 1969, donna un tableau alarmant
de l'état de la malade. Atteinte de maladie bilatérale du greffon et
de conjonctivite tarsale printanière, elle ne voyait plus que dans
la proportion de 1/10 à droite et de 1/20 à gauche et ne pouvait
plus fréquenter l'école. Le médecin ajoutait: "Traitement médical en
cours. Traitement chirurgical à envisager."

    La Commission cantonale bernoise de l'assurance-invalidité soumit le
cas à l'Office fédéral des assurances sociales, le 2 février 1970.

    Le 20 mars 1970, le dit office répondit:

    "Le traitement entrepris en France ne diffère pas sensiblement de
celui qui a été fait en Suisse. Il s'agit également de faire des greffes,
mais après un traitement par le froid (cryothérapie). L'expérience a
montré que les résultats obtenus à Lyon ne sont pas supérieurs à ceux
observés en Suisse et les échecs relatifs du Prof. S. ne tiennent pas à sa
méthode opératoire, mais à la difficulté du cas. Si les parents manquent
de confiance dans le Prof. S., ils peuvent choisir un autre spécialiste
en Suisse. Il n'y a donc pas de raison médicale déterminante pour que
l'assurance-invalidité prenne en charge le traitement de cette assurée
à Lyon."

    En conséquence, la Caisse de compensation notifia le 25 juin 1970 à
l'assurée une décision de refus, fondée sur un prononcé du 29 avril 1970
de la Commission cantonale bernoise de l'assurance-invalidité.

    C.- Louis Froidevaux recourut, en alléguant que, désespéré de constater
que sa fille perdait la vue, il avait consulté un spécialiste français
des greffes de la cornée, le Dr R., oculiste à Belfort; que ce médecin
avait refusé d'entreprendre une opération aussi difficile et lui avait
indiqué le Dr C. comme étant l'un des seuls en Europe apte à la réussir;
qu'effectivement une opération sur l'oeil gauche entreprise le 8 janvier
1970 à Lyon par le Dr C., après un traitement préparatoire spécial,
avait obtenu un beau succès. Il produisit un certificat, du 19 août 1970,
du Dr R., selon lequel l'acuité visuelle de l'oeil avait alors passé à
6/10 faible et la tension intra-oculaire était normale.

    Le 17 décembre 1970, le Tribunal administratif du canton de Berne
rejeta le recours. Selon les premiers juges, il n'était objectivement
pas indispensable d'opérer en France: il existait "incontestablement
en Suisse divers médecins spécialistes capables d'exécuter les mesures
médicales nécessaires en l'espèce..."

    D.- Agissant au nom de sa fille Joëlle, Louis Froidevaux a formé en
temps utile un recours de droit administratif à l'encontre du jugement
cantonal. Il conclut derechef à ce que l'assurance-invalidité se charge
des frais du traitement en France. Parlant du traitement du Dr C., il
considère comme un exploit remarquable le succès "de ces opérations",
ce dont on peut inférer que l'oeil droit a été opéré à son tour.

    La Caisse cantonale bernoise de compensation conclut au rejet du
recours.

    Dans son préavis, l'Office fédéral des assurances sociales déclare
qu'à sa connaissance, à part le Prof. S., un autre spécialiste au moins,
le Prof. K., à Zurich, aurait été en mesure d'exécuter le traitement en
Suisse. Il propose aussi de rejeter le recours.

    Louis Froidevaux s'est déterminé sur le préavis de l'Office fédéral
des assurances sociales en même temps que sur l'offre du Tribunal fédéral
des assurances d'assister aux délibérations. Il affirme n'avoir obtenu,
malgré les nombreuses démarches faites, aucune adresse de médecin en
Suisse autre que celle du Prof. S., et que l'Office fédéral des assurances
sociales ne lui a jamais communiqué le nom du Prof. K.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 9 al. 1er LAI, les mesures de réadaptation
sont appliquées en Suisse ou, mais seulement à titre exceptionnel, à
l'étranger. Le Tribunal fédéral des assurances a défini les circonstances
dans lesquelles, exceptionnellement, une mesure médicale en soi justifiée
est applicable à l'étranger: il est nécessaire qu'en toute objectivité
elle ne puisse pas être exécutée en Suisse, à cause de son caractère
particulier ou insolite (ATFA 1966 p. 99).

Erwägung 2

    2.- Il importe donc de déterminer d'abord si, objectivement, la ou
les greffes de la cornée opérées par le Dr C., à Lyon, auraient pu être
exécutées en Suisse; avec des chances de succès sensiblement égales,
comme l'a déjà précisé la Cour de céans dans l'arrêt non publié Wicki du
8 octobre 1962.

    Il est notoire que le Prof. S., à Lausanne, est un spécialiste des
greffes de la cornée. Aussi bien l'assurance-invalidité n'at-elle fait
aucune difficulté pour lui confier l'exécution de cette mesure médicale,
dont il n'est pas nécessaire de se demander si elle constituait bien
une mesure de réadaptation, au sens de l'art. 12 LAI: cette question
souffre de demeurer indécise en l'occurrence, vu les particularités de
la présente espèce. Mais l'échec du traitement entrepris, assumé par
l'assurance-invalidité, de juillet 1963 à septembre 1969, autorisait les
parents de la recourante à chercher ailleurs les secours qu'ils attendaient
de la Faculté, alors même que cet échec n'était pas imputable à une
faute du médecin. Après plus de six ans de patience, le désir des parents
Froidevaux d'essayer d'un autre médecin n'était point déraisonnable. Ni
l'administration ni les premiers juges ne le contestent, mais les uns
et les autres affirment qu'il y a en Suisse des spécialistes aptes à
intervenir dans un cas tel que celui de la recourante avec autant de
sécurité et d'efficacité que le Dr C.

    Ce qui frappe à ce sujet, c'est que la demande de Louis Froidevaux,
de faire traiter sa fille à Lyon, date du 19 octobre 1969 en tout cas. Or,
pendant des mois, les organes de l'assurance-invalidité, de même que
la commission de recours, se sont bornés à alléguer qu'il existait
"incontestablement en Suisse divers médecins spécialistes capables
d'exécuter les mesures médicales nécessaires en l'espèce", sans citer
les noms de ces médecins. Il fallut attendre le 16 juin 1971 pour que,
dans son préavis sur le recours de droit administratif, l'Office fédéral
des assurances sociales mentionnât enfin le Prof. K., de Zurich. Il
est permis d'en conclure qu'en Suisse le nombre des dits spécialistes
est en réalité très faible: une ou deux personnes peut-être, outre le
Prof. S. Selon l'Office fédéral des assurances sociales, la méthode et
l'adresse du Prof. K. offriraient sensiblement la même sécurité que
celle du Dr C. Il n'est pas nécessaire de vérifier cette allégation; car
le recours devrait être admis même dans l'hypothèse où le Prof. K. ne le
cèderait en rien au Dr C., comme il va être exposé ci-après.

Erwägung 3

    3.- En effet, les époux Froidevaux affirment avoir cru qu'il n'existait
en Suisse aucune possibilité de traiter leur fille aussi bien qu'elle
l'a été en France. La correspondance figurant au dossier ne permet pas de
douter de cette affirmation, cela d'autant moins que, comme on vient de
le voir, si les parents se sont trompés en cela, l'existence éventuelle
en Suisse d'un ou deux spécialistes compétents était loin d'être de
notoriété publique. Saisie le 19 octobre 1969 d'une demande de traitement
à l'étranger, dans un cas grave et relativement urgent, la Commission
cantonale bernoise de l'assurance-invalidité aurait pu se renseigner
dans un délai raisonnable sur les possibilités qu'offrait la Suisse et en
avertir l'assurée. Car les mesures médicales constituent des prestations en
nature, qu'il appartient en principe à l'assurance-invalidité d'ordonner
- et d'ordonner à temps - (art. 60 LAI et 78 al. 1er RAI), sous réserve
des dispositions sur le libre choix du médecin (art. 26 al. 1er LAI),
d'une part, et sur l'exécution anticipée (art. 48 al. 2 LAI), d'autre
part. En réalité, bien qu'informée des intentions du père de l'assurée,
la Commission cantonale bernoise de l'assuranceinvalidité n'a écrit que
le 2 février 1970 à l'Office fédéral des assurances sociales, qui lui a
répondu le 20 mars 1970, tandis que la décision de refus est intervenue le
25 juin 1970. Une opération avait déjà eu lieu à Lyon le 8 janvier 1970.

    Par conséquent, à supposer que les parents de la recourante se
soient trompés sur les ressources médicales disponibles en Suisse,
ils ont été entretenus dans cette erreur par le silence des organes de
l'assurance-invalidité, dont le devoir aurait été - dans un cas aussi
particulier - de les conseiller et de les guider.

    Or, en édictant la règle jurisprudentielle concernant le caractère
objectif de l'impossibilité de l'exécution en Suisse, le Tribunal fédéral
des assurances n'a pas entendu ne jamais tenir compte de l'erreur de fait
dans laquelle un assuré se trouverait sans sa faute sur l'existence d'une
telle impossibilité. Dans l'arrêt Wicki précité (v. aussi ATFA 1966 p. 99
consid. 3), la Cour de céans a mis à la charge de l'assurance-invalidité
une opération "à coeur ouvert" pratiquée en France sur un mineur,
parce que les parents Wicki croyaient, à tort mais sans qu'il y ait
faute de leur part, l'opération impossible ou trop risquée en Suisse
et que les organes de l'assurance-invalidité les avaient laissés dans
l'ignorance des solutions qui en réalité s'offraient au pays. Le cas
Froidevaux est analogue. Ici aussi il serait choquant que les parents de
la recourante soient pénalisés pour avoir dû prendre seuls une décision
qui au premier chef aurait incombé à la Commission cantonale bernoise
de l'assuranceinvalidité.

    Il n'est certes pas question, par là, d'adresser des reproches à
l'administration, qui en général s'est montrée soucieuse des intérêts de
Joëlle Froidevaux, entre autres en matière de subsides pour la formation
professionnelle initiale. Sans doute la lacune relevée en l'occurrence
est-elle imputable à l'excès de travail. Mais c'est une circonstance dont
ni la recourante ni ses parents n'ont à répondre.

Erwägung 4

    4.- Dès lors que l'assurance-invalidité se charge d'une mesure médicale
exécutée à l'étranger, doit-elle en assumer les frais sans autre limite
que celles de l'art. 14 LAI ou faut-il encore que ces frais ne dépassent
pas ceux qui auraient été encourus si le traitement ou un traitement
semblable avait eu lieu en Suisse? Le Tribunal fédéral des assurances a
adopté le second terme de l'alternative dans l'arrêt Wicki, a refusé de
le faire dans un arrêt Chamay, du 28 mai 1963, et a déclaré la solution
incompatible avec la nature des mesures médicales et admissible uniquement
dans des cas extrêmement exceptionnels dans un arrêt plus récent (ATFA
1966 p. 99 consid. 3). Dans ces trois affaires, le traitement en cause
aurait objectivement pu être suivi en Suisse. Les réserves formulées après
l'arrêt Wicki conduisent à renoncer en l'espèce à limiter les prestations
de l'assurance-invalidité au montant qu'elles auraient atteint en Suisse.

    Le recours doit dès lors être admis, sans frais (art. 134 OJ).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: I. Le recours
est admis.

    II.  La décision et le jugement attaqués sont réformés, dans ce sens
que le traitement que la recourante a suivi à Lyon auprès du Dr C. incombe
à l'assurance-invalidité.

    III.  La cause est renvoyée à la Commission cantonale bernoise de
l'assurance-invalidité, afin qu'elle détermine les prestations à la charge
de l'assurance et qu'elle suscite une nouvelle décision, conformément
aux considérants.