Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 731



97 I 731

106. Extrait de l'arrêt du 22 novembre 1971 dans la cause Vigilance,
Mouvement politique genevois, contre Société suisse de radiodiffusion
et télévision et Département fédéral des transports et communications et
de l'énergie. Regeste

    Teilnahme einer politischen Bewegung an Fernsehsendungen betreffend
eidgenössische Wahlen.

    Die Verfügung des Departements, welche den der Bewegung von der
konzessionierten Gesellschaft erteilten abschlägigen Bescheid bestätigt,
unterliegt der Verwaltungsgerichtsbeschwerde (Erw. 1).

    Das Verwaltungsgericht kann nur einschreiten, wenn die konzessionierte
Gesellschaft das ihr in der Konzession eingeräumte Ermessenüberschritten
oder missbraucht hat, was im vorliegenden Fall nicht zutrifft (Erw. 3).

Sachverhalt

    Du 27 septembre au 28 octobre 1971, la "Société suisse de
radiodiffusion et télévision" (SSR) a consacré des émissions aux dernières
élections au Conseil national et au Conseil des Etats. Selon les directives
qu'elle a établies le 23 août 1971, le droit de participer aux émissions de
la "Radio- und Fernsehgesellschaft der deutschen und der rätoromanischen
Schweiz" et de la "Société de radiodiffusion et de télévision de la
Suisse romande" sur les élections proprement dites était accordé: 10
aux partis qui avaient formé un groupe aux Chambres fédérales pendant
la législature de 1967 à 1971; 2o aux partis, groupements de partis et
mouvements politiques qui déposaient, par région linguistique, une liste
dans deux cantons au moins.

    En août 1971, l'association "Vigilance, Mouvement politique genevois"
a demandé à la SSR de pouvoir participer aux émissions organisées durant la
campagne électorale. Elle s'est heurtée à un refus, motif pris qu'elle ne
présentait de candidats que dans le canton de Genève. Le 5 octobre 1971,
le Département fédéral des transports et communications et de l'énergie a
rejeté le recours que Vigilance lui avait adressé contre cette décision. Il
informait en même temps la recourante de son droit de recourir au Conseil
fédéral dans les 30 jours.

    Par le présent recours de droit administratif, Vigilance requiert
le Tribunal fédéral d'annuler le prononcé départemental et d'inviter la
SSR à faire une place à la recourante dans les émissions relatives aux
élections fédérales. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de l'affaire.

    Le Département des transports et communications et de l'énergie propose
le rejet du recours. Tout en contestant la compétence du Tribunal fédéral,
la SSR considère le recours comme mal fondé.

    Le Conseil fédéral ayant été également saisi d'un recours, le
Département fédéral de justice et police a engagé un échange de vues
avec le Tribunal fédéral. Il exprime l'avis que la cause ressortit à
l'autorité judiciaire.

    Le Tribunal fédéral admet sa compétence et rejette le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La décision attaquée se fonde sur la concession accordée le 27
octobre 1964 par le Conseil fédéral à la SSR, soit sur un texte qui
confie une tâche de droit public à une organisation indépendante de
l'administration; tranchant un cas d'espèce, elle rejette une demande qui
tend à l'attribution d'un droit; dès lors, elle répond à la définition
de l'art. 5 al. 1 LPA, ce qui implique qu'en principe, elle est sujette
au recours de droit administratif en vertu de l'art. 97 al. 1 OJ. De
plus, elle émane d'un département fédéral, c'est-à-dire qu'elle est
soumise à la même voie de droit d'après l'art. 98 lit. b OJ. Enfin,
elle ne tombe pas sous le coup des dispositions qui excluent le recours
de droit administratif; notamment, si l'art. 99 lit. d OJ soustrait à
ce moyen l'octroi ou le refus d'une concession à laquelle la législation
fédérale ne confère pas un droit, il ne vise pas les mesures prises dans
l'exercice d'une concession, tel le refus de mettre les installations du
concessionnaire à la disposition de tiers. Aussi, toutes les conditions
de recevabilité du recours de droit administratif étant remplies, le
Tribunal fédéral doit-il entrer en matière sur le présent recours.

    Point n'est besoin d'examiner si le Département des transports
et communications et de l'énergie a statué en tant qu'autorité de
surveillance ou à un autre titre; la question de recevabilité se
résout uniquement suivant les dispositions précitées, d'où résulte
une réponse affirmative. Il est en outre indifférent qu'aux termes de
l'art. 30 al. 4 de la concession du 27 octobre 1964, le droit de recourir
contre les décisions des organes de la SSR, des sociétés régionales et
des sociétés-membres soit réglé par les statuts et règlements de la
concessionnaire; quelles que soient les prescriptions statutaires et
réglementaires en vigueur, elles cèdent le pas devant les dispositions
revisées de la loi fédérale d'organisation judiciaire.

Erwägung 2

    2.- Conformément à l'art. 103 lit. a OJ, la recourante a qualité
pour agir. D'une part, elle est touchée par le refus que lui oppose la
décision attaquée. D'autre part, elle a un intérêt digne de protection
à l'annulation ou à la modification de cette décision. Sans doute,
les élections au Conseil national ayant déjà eu lieu, la recourante
ne peut-elle plus participer aux émissions qui devaient les précéder;
toutefois, il lui importe encore de savoir si ses droits ont été violés
dans une situation où elle se retrouvera peut-être ultérieurement.

    Contrairement à l'avis du Département des transports et communications
et de l'énergie, l'art. 13 al. 4 de la concession du 27 octobre 1964 ne
fait pas obstacle en l'espèce à l'exercice du droit de recours. Certes,
selon cette disposition, "nul n'a le droit d'exiger la diffusion, par
la radiodiffusion sonore ou par la télévision, d'oeuvres ou d'idées
déterminées, ni l'utilisation du matériel et des installations de la
SSR". Néanmoins, rien n'empêche la recourante de se fonder sur d'autres
clauses de la concession ou sur certaines règles juridiques pour invoquer
la violation des droits qu'elle prétend.

Erwägung 3

    3.- En premier lieu, la recourante reproche au Département des
transports et communications et de l'énergie d'avoir méconnu l'étendue des
devoirs que l'art. 13 al. 1 de la concession impose à la SSR en ces termes:
"Les programmes diffusés par la SSR doivent défendre et développer les
valeurs culturelles du pays et contribuer à la formation spirituelle,
morale, religieuse, civique et artistique. Ils doivent donner une
information aussi objective, étendue et rapide que possible, et répondre
au besoin de divertissement. Les programmes doivent servir l'intérêt
du pays, renforcer l'union et la concorde nationales et contribuer à
la compréhension internationale..." Fixant en termes généraux les buts
assignés à la SSR, cette clause lui accorde un pouvoir d'appréciation
au sens propre du terme. L'autorité judiciaire ne saurait se prononcer
librement sur la manière dont la SSR s'acquitte de sa tâche. Sans se
borner à faire preuve d'une simple retenue, elle n'interviendra qu'en
cas d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation.

    En adoptant le 23 août 1971 des directives en vue des émissions sur les
élections fédérales, la SSR n'a pas dépassé le cadre de ses pouvoirs et ne
les a pas exercés contrairement à leur but. En particulier, ce n'était pas
compromettre la formation civique ni répandre des informations dépourvues
d'objectivité que de réserver aux partis qui formaient un groupe à
l'Assemblée fédérale et aux mouvements politiques qui présentaient des
candidats dans plus d'un canton par région linguistique, le droit de
participer aux émissions. Les abonnés de la SSR appartenant à tous les
milieux, il s'impose d'avoir égard, dans la composition des programmes, à
la diversité des besoins qu'il s'agit de satisfaire. Aussi, même pendant
les semaines qui précédaient les élections, se justifiait-il de limiter
les émissions de nature politique pour continuer d'offrir d'autres
émissions aux auditeurs ou aux spectateurs. Dès lors, une trentaine de
groupements ayant déposé des listes de candidats au Conseil national,
il était admissible de n'accorder qu'aux plus importants d'entre eux la
faculté de prendre part aux émissions électorales. En outre, pour procéder
à un choix opportun, il convenait de tenir compte que les émissions des
sociétés de la Suisse allemande et de la Suisse française sont destinées
aux habitants de plusieurs cantons. Dans ces conditions, il n'était pas
déraisonnable de mettre les installations de la SSR, en Suisse allemande
et en Suisse française, à la disposition exclusive des mouvements prévus
dans les directives du 23 août 1971.

    Assurément, les critères utilisés sont contestables; peut-être même
ne sont-ils pas les plus judicieux. Ils eussent pu exclure un grand
mouvement dont les adhérents se recrutent dans un seul canton populeux,
et profiter en revanche à un groupement moins nombreux, mais implanté dans
deux petits cantons. Tel parti aurait pu être incité à déposer des listes
dans deux cantons au moins à la seule fin de participer aux émissions. Ces
considérations ne sont cependant pas décisives. Si discutables soientelles,
les solutions adoptées n'étaient pas dépourvues de justification; à tout
le moins, elles avaient l'avantage d'être facilement applicables. La SSR
échappe donc au grief d'excès ou d'abus de pouvoir.

    A la vérité, la SSR aurait manqué à son devoir d'objectivité en
ne faisant place qu'aux partis déjà représentés au Parlement. Ainsi,
la jurisprudence allemande tient un tel monopole pour incompatible
avec le principe de l'égalité des chances (Entscheidungen des
Bundesverfassungsgerichts 14, 137; 24, 345; Deutsches Verwaltungsblatt
1971 p. 73 ss.). Toutefois, au lieu de prononcer une exclusive à l'égard
des nouveaux partis, la SSR s'est mise à leur service à une condition
que, dans les limites de son pouvoir d'examen, le Tribunal fédéral doit
juger acceptable.