Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 639



97 I 639

91. Extrait de l'arrêt du 17 mars 1971 dans la cause Commune de
Pully contre Commission vaudoise de recours en matière de police des
constructions. Regeste

    Eigentumsgarantie. Landschaftsschutz.

    1.  Legitimation der Gemeinde zur staatsrechtlichen Beschwerde
gegen einen kantonalen Entscheid, der sie als Eigentümerin ihres
Verwaltungsvermögens trifft (Erw. 2 b).

    2.  Gesetzliche Grundlage für eine öffentlichrechtliche
Eigentumsbeschränkung:

    a)  Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts (Erw. 6 a);

    b)  Auslegung einer Bestimmung über den Schutz des Orts- und
Landschaftsbildes (Erw. 6 b).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- La commune de Pully a reçu un legs destiné à la construction d'un
établissement pour personnes âgées. Sur proposition d'une commission ad
hoc, elle a choisi pour l'implantation de cet établissement une parcelle
de terrain dont elle est propriétaire et qui est située à l'extrémité
d'une zone de villas. Le bâtiment projeté devrait avoir trois étages sur
rez-dechaussée, plus une partie d'étage en attique, et mesurer environ
70 m. de long.

    Plutôt que d'agir par voie de dérogation - ce que permettait l'art. 71
de son règlement communal - elle a décidé d'établir, pour l'endroit en
question, un plan d'extension partiel avec réglementation spéciale. Mis à
l'enquête publique, ce plan a suscité plusieurs oppositions que le Conseil
d'Etat, sur proposition de la Municipalité, a écartées en donnant son
approbation au plan partiel et à sa réglementation spéciale. Un recours
de droit public de certains propriétaires a été écarté par le Tribunal
fédéral en 1969.

    B.- Dans la procédure de mise à l'enquête publique du projet
d'exécution en vue de l'obtention du permis de bâtir, plusieurs
propriétaires ont à nouveau fait opposition et, après rejet de leur
opposition et octroi du permis par la Municipalité, recouru à la Commission
cantonale de recours en matière de police des constructions, qui a admis
le recours et cassé la décision d'octroi du permis; ladite commission
s'est fondée sur l'art. 57 de la loi cantonale du 5 février 1941 sur les
constructions et l'aménagement du territoire (LCAT), qui interdit "toutes
constructions de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site,
d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou à nuire à l'aspect d'un
édifice de valeur historique, artistique ou pittoresque".

    La commune de Pully a formé un recours de droit public contre la
décision de la Commission cantonale de recours, en invoquant son autonomie,
la garantie de la propriété et l'art. 4 Cst.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- b) La commune de Pully se plaint aussi de la violation de la
garantie de la propriété. Il faut examiner si elle a qualité pour le faire.

    Actuellement, la parcelle en discussion appartient formellement
au patrimoine financier de la commune. Mais elle est destinée à la
construction d'un établissement à caractère hospitalier; il convient dès
lors de la considérer, aux fins de la présente cause, comme appartenant
déjà aux biens administratifs de la commune (cf. RO 96 I 468 s.).

    Dans sa jurisprudence antérieure à 1964, le Tribunal fédéral a
généralement considéré qu'une corporation de droit public a qualité pour
former un recours de droit public contre une décision qui la touche en tant
que propriétaire de ses biens fiscaux et administratifs (cf. RO 88 I 109 et
les arrêts non publiés qui y sont cités). Dans l'arrêt Affolter et consorts
du 16 décembre 1964 (RO 90 I 337), il a confirmé sa jurisprudence en ce qui
concerne la qualité de la corporation publique en tant que propriétaire de
ses biens fiscaux ou financiers, mais il a émis des doutes au sujet de sa
qualité pour recourir quant aux biens administratifs et au domaine public;
il a cependant laissé indécise cette dernière question. Mais dans les
arrêts Bedano du 2 avril 1969 (RO 95 I 46) et Pian Faloppia du 14 avril
1969 (non publié), où il s'est prononcé d'une façon toute générale sur le
problème de la qualité de la corporation publique pour former un recours
de droit public, il a confirmé sa jurisprudence antérieure et reconnu à
une telle corporation la qualité pour recourir tant en ce qui concerne
ses biens fiscaux que ses biens administratifs. Il s'est également tenu à
cette jurisprudence dans un arrêt du 24juin 1970 (Kirchgemeinde Selzach
c. Soleure, non publié au RO, mais dans ZBl 1971 p. 42), reconnaissant
à une paroisse, corporation de droit public cantonal, la qualité pour
recourir contre une décision classant comme monument historique une église
affectée au culte.

    En ce qui concerne le domaine public, en revanche, un arrêt du 3
juin 1970 (RO 96 I 466) a dénié à une commune la qualité pour recourir
contre une décision qui touchait ses biens affectés à l'usage commun, à
l'occasion d'un recours où elle se plaignait uniquement de la violation
de l'art. 4 Cst., sans invoquer son autonomie ni la garantie de la
propriété. A cette occasion, le Tribunal fédéral a réservé la solution
du problème pour le cas où une commune soulèverait également le grief de
violation de la garantie de la propriété. (Contrairement à ce qui est dit
au RO 96 I 329, l'arrêt précité n'a dénié à la commune la qualité pour
recourir qu'en ce qui concerne les choses affectées à l'usage commun,
et non pas son patrimoine administratif).

    Dans la présente espèce, c'est en sa qualité de propriétaire de biens
administratifs que la commune de Pully est touchée par l'application
d'une règle (art. 57 LCAT) relevant de la police des constructions. Elle
a donc, selon la jurisprudence confirmée récemment, qualité pour former
le présent recours.

Erwägung 6

    6.- La recourante reproche à la Commission d'avoir estimé à tort que
l'art. 57 LCAT s'appliquait en l'espèce. Elle conteste par là l'existence
d'une base légale suffisante pour la restriction qui lui est imposée.

    a) Cette question doit être examinée librement in casu.  Il est
vrai que, selon la décision attaquée, il n'est pas interdit à la
recourante d'édifier un home pour personnes âgées sur les parcelles
en question. Toutefois, les modifications du projet exigées par la
Commission sont si importantes (abandon de la construction compacte pour
une construction en pavillons, réduction massive du volume, déplacement
de la construction entraînant la démolition de la maison existante)
qu'elles auraient des répercussions financières graves, soit sur le
coût du bâtiment, soit sur les frais de gestion de l'établissement
para-hospitalier. La gravité de cette atteinte impose un examen libre.

    b) L'art. 57 LCAT, même examiné librement, constitue cependant une
base légale suffisante. En effet, ainsi que la Cour de céans l'a récemment
reconnu dans les affaires Esplanade de Montbenon (arrêt du 3 février
1971) et Zosso (arrêt du 17 février 1971), l'art. 57 LCAT contient une
règle particulièrement large du double point de vue des objets protégés
et de l'atteinte justifiant l'intervention du pouvoir étatique. Quant
aux objets de la protection, il ne se borne pas à indiquer les "sites"
comme tels, c'est-à-dire ces portions limitées du territoire d'une valeur
esthétique particulière et manifeste; il y ajoute, d'une façon plus
générale, l'aspect et le caractère d'une "localité", d'un "quartier",
d'une "rue", et cela sans poser des exigences particulièrement sévères
quant à leur valeur esthétique (pas de "besonderer Schönheitswert", par
exemple). Quant aux atteintes qui justifient l'intervention des pouvoirs
publics et l'imposition de limitations, l'art. 57 LCAT n'exige pas qu'elles
soient particulièrement qualifiées et graves: le terme de "compromettre",
tout en désignant une intervention préjudiciable, est plus large que les
formules adoptées dans d'autres législations cantonales, qui exigent
par exemple une "Verunstaltung" ou un "deturpamento", c'est-à-dire un
enlaidissement grave (cf. RO 82 I 108; 90 I 342 consid. 3 b).

    Cela ne signifie cependant pas que la formulation large de l'art. 57
LCAT permette à l'autorité de l'invoquer pour protéger des objets qui n'ont
aucune valeur esthétique contre des atteintes dépourvues de portée. Une
telle manière de faire reviendrait en effet à attribuer à la norme une
signification qui viderait de sa substance la garantie de la propriété;
une telle disposition serait alors en elle-même anticonstitutionnelle
(cf. RO 90 I 37 et 91 I 34 consid. 2).

    Par ailleurs, l'étendue de la base légale et le large éventail des
possibilités d'intervention des pouvoirs publics ne peuvent justifier a
priori n'importe quelle mesure. Une base légale large exige en effet que
l'on se montre particulièrement rigoureux dans la phase successive de la
pesée des intérêts en présence et dans l'examen de la proportionnalité de
la limitation par rapport au but poursuivi et à l'objet de la protection. A
ces conditions, une norme qui étend la protection à des aspects du
paysage auxquels on n'attribuait dans le passé qu'une importance relative,
peut néanmoms se justifier aujourd'hui, même s'imposer, par rapport au
déferlement des atteintes portées à l'environnement sous la pression du
développement technique. Une telle formule obéit d'ailleurs aux tendances
actuelles en matière de protection du paysage et des monuments, conçue
non seulement comme protection d'objets isolés de grande valeur, mais
comme protection d'ensembles.

    (Le Tribunal fédéral a néanmoins admis le recours, considérant que
l'intérêt public de la construction envisagée l'emportait sur l'intérêt
de la protection du paysage, peu important en l'espèce.)