Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 629



97 I 629

89. Extrait de l'arrêt du 10 novembre 1971 dans la cause Tundo contre
Carlino et Tribunal cantonal neuchâtelois. Regeste

    Rechtsgleichheit bei der Rechtsetzung. Art. 4 BV.

    Eine kantonale Bestimmung, welche die im Kostenerlass prozessierende
Partei davon befreit, der obsiegenden Gegenpartei die von dieser bezahlten
Gerichtskosten zu ersetzen, aber die Rückerstattung derselben durch den
Staat nicht vorsieht, verletzt den Art. 4 BV.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Selon la loi neuchâteloise du 14 avril 1925 sur l'assistance judiciaire
en matière civile (LAJ), la partie qui a obtenu le bénéfice de l'assistance
judiciaire totale ou partielle est dispensée de fournir caution et libérée
définitivement de l'obligation de payer les frais et dépens de l'autre
partie, quelle que soit l'issue du procès; l'Etat lui fait remise de tous
les frais; il avance les débours judiciaires pour l'instruction de la cause
(art. 4 LAJ).

    L'enfant Paolo Carlino, représenté par son curateur l'avocat Béguin,
à Neuchâtel, a ouvert action en paternité contre Paolo Tundo; il a obtenu
le bénéfice de l'assistance judiciaire totale. Le défendeur a conclu
au rejet de la demande. Paolo Carlino s'est désisté de sa demande par
exploit du 15 avril 1971.

    S'étant vu réclamer 44 fr. de frais judiciaires, Tundo a demandé
au Tribunal cantonal de Neuchâtel de mettre ces frais à la charge du
demandeur ou de l'Etat. Par ordonnance du 21 avril 1971, le Tribunal
cantonal a rejeté la requête, en se fondant sur l'art. 4 LAJ.

    Agissant par la voie du recours de droit public, Tundo a requis le
Tribunal fédéral de casser cette ordonnance.

    Le Tribunal Fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 4

    4.- Il reste à examiner si la réglementation neuchâteloise telle
qu'elle a été appliquée sans arbitraire est en elle-même contraire à
l'art. 4 Cst.

    Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le droit à
l'assistance judiciaire découlant de l'art. 4 Cst. ne libère la partie
indigente que de l'obligation d'avancer ou de garantir les fraisjudiciaires
et les dépens de la partie adverse (RO 89 I 161 consid. 2; 95 I 415
consid. 2). Il ne lui confère pas le droit d'être libérée définitivement
de ces frais (RO 67 I 68; 85 I 3). Cependant, le législateur cantonal peut
lui accorder ce droit, quel que soit le sort final de ses conclusions. Un
tel complément de la garantie minimum résultant du droit fédéral peut
être opportun: tout procès comporte des risques et le plaideur indigent,
qui s'expose en cas d'échec à se priver du nécessaire pour en payer les
frais, hésitera à faire valoir son droit même s'il est dispensé de fournir
dépôt ou caution.

    Toutefois, le législateur cantonal ne peut, s'il entend faciliter
ainsi au plaideur sans ressources la poursuite de son droit, disposer
que de ses propres créances et non pas de celles de la partie adverse. La
cour de céans n'a pas à revenir aujourd'hui sur une question à laquelle
un ancien arrêt répond par la négative (RO 29 I 136 consid. 1) et à
décider si l'art. 4 Cst. impose au législateur cantonal de prévoir le
remboursement, par la partie qui succombe à la partie victorieuse, des
frais de justice avancés par cette dernière. Il suffit de constater que
le droit neuchâtelois prévoit cette obligation de remboursement en règle
générale (art. 364 PC). L'indigence de la partie qui succombe n'est pas
une raison suffisante de déroger à ce principe, même si, en fait, une
créance contre cette partie n'a pas grande valeur. Certes, la Chambre de
droit public a jugé dans son arrêt Späni c. Tribunal d'appel du canton de
Bâle-Ville, du 19 mai 1971, que la règle du droit bâlois, selon laquelle
le plaideur au bénéfice de l'assistance judiciaire est dispensé de payer,
s'il succombe, les honoraires de l'avocat de la partie adverse, n'était
pas contraire à l'art. 4 Cst. Selon cette jurisprudence, le recourant
ne pourrait se plaindre de n'avoir pas obtenu le remboursement de ses
honoraires d'avocat. Il ne le fait pas du reste. Mais ce qui vaut pour ces
honoraires, dus par le plaideur en vertu d'un mandat qu'il confère de sa
propre volonté, ne s'applique pas aux frais de justice, que le plaideur est
contraint par l'Etat lui-même de payer, sous peine de se voir refuser le
concours des tribunaux et de perdre son procès. L'application de l'art. 4
LAJ équivaut à faire supporter les frais de l'assistance judiciaire par
un particulier. Elle aboutit à un traitement discriminatoire de la partie
non assistée victorieuse, traitement qui ne trouve pas de justification
suffisante dans la différence des situations de fait. L'ordonnance
attaquée doit ainsi être annulée. Le législateur cantonal aurait pu ne
point poser la règle de l'art. 4 LAJ et se borner, conformément au principe
déduit de l'art. 4 Cst., à dispenser le plaideur indigent de l'avance des
frais du procès. Il pouvait aussi lui faire remise de ces frais à titre
définitif. Il pouvait encore le libérer de l'obligation de supporter,
en cas d'échec, les honoraires d'avocat de la partie adverse. Mais s'il
voulait le libérer, de plus, de l'obligation de rembourser, dans le même
cas, les frais de justice payés par la partie victorieuse, il devait mettre
ce remboursement à la charge de l'Etat. La situation faite à l'adversaire
victorieux d'un plaideur assisté est d'autant moins équitable que l'Etat
se réserve de poursuivre le remboursement des frais avancés ou remis,
si la partie assistée revient à meilleure fortune (art. 17 LAJ), alors
que la partie victorieuse est totalement privée de tout droit contre le
plaideur assisté ou contre l'Etat.

    Tant que l'art. 4 LAJ ne sera pas revisé, il appartiendra aux autorités
cantonales chargées de l'appliquer de choisir, entre les diverses solutions
compatibles avec l'ordre constitutionnel, celle qui leur paraîtra la plus
conforme à la volonté du législateur.