Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 616



97 I 616

86. Extrait de l'arrêt du 24 septembre 1971 dans la cause Cherix contre
Tribunal d'accusation du canton de Vaud. Regeste

    Art. 4 BV. Anspruch des Angeschuldigten auf rechtliches Gehör in einem
Strafverfahren, wenn dieses wegen Unzurechnungsfähigkeit eingestellt und
in Verbindung damit die Verwahrung des Angeschuldigten in einer Heil-
oder Pflegeanstalt angeordnet wird.

Sachverhalt

    Hélène Cherix a fait l'objet d'une enquête pénale pour exercice
illégal de la médecine et lésions corporelles graves par négligence
(art. 125 al. 2 CP). Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a mis fin à la procédure engagée, considérant que l'inculpée était
irresponsable et a ordonné son internement dans un hôpital ou un hospice,
parce qu'elle compromettait la sécurité ou l'ordre publics (art. 14 CP).

    Hélène Cherix a formé, contre cet arrêt, un recours de droit public
pour violation du droit d'être entendu (art. 4 Cst.).

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1, 2 et 3. - ...

Erwägung 4

    4.- Au fond, la recourante allègue la violation du droit d'être
entendu, parce que, dit-elle, l'autorité cantonale a ordonné son
internement sans lui avoir donné l'occasion de s'exprimer à ce sujet.

    Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral en matière civile
et pénale, les parties ont un droit tout à fait général et inconditionnel
à être entendues (RO 92 I 187 et les arrêts cités). Le même principe doit
s'appliquer aux procédures pénales qui se terminent par des ordonnances de
non-lieu, dans la mesure où elles portent préjudice à l'inculpé. Tel est le
cas dans la présente espèce, car l'autorité cantonale n'a pas uniquement
mis fin à la procédure à cause de l'irresponsabilité de l'inculpée, elle
a aussi ordonné l'internement de celle-ci conformément aux art. 14 CP
et 288 PP vaud., ce que le droit fédéral lui donnait le pouvoir de faire
(RO 72 IV 1). Elle aurait dès lors dû donner à la recourante l'occasion
de se prononcer sur la mesure envisagée. Car, de même que la personne
menacée d'un internement administratif doit être entendue sur les motifs
de la décision à prendre (RO 83 I 241), de même il faut entendre l'inculpé
avant le prononcé d'un non-lieu accompagné d'un renvoi dans un hôpital ou
un hospice et lui permettre de faire ses objections à une telle mesure. Il
est vrai que l'art. 288 PP vaud. ne contient aucune disposition dans ce
sens. Mais, pour l'inculpé, le droit d'être entendu découle directement
de l'art. 4 Cst. lorsque, comme en l'espèce, la protection accordée par
le droit cantonal est insuffisante (RO 92 I 186).

    Le juge informateur avait sans doute communiqué à la recourante
"l'ordonnance à suivre" prononcée par lui, le 1er mars 1971, et lui avait
fixé un délai pour y répondre par un mémoire; sans doute aussi s'était-il,
dans cette ordonnance, référé à une expertise psychiatrique ordonnée dans
une procédure précédente et avait-il cité l'art. 10 CP (art. 277 et
278 PP vaud.). Etant donné, cependant, que ladite expertise constatait
que la recourante, bien qu'irresponsable, ne compromettait ni l'ordre,
ni la sécurité publics et que le juge informateur n'avait pas proposé
l'internement, la recourante n'avait aucune raison de se prononcer à ce
sujet. Aussi bien est-ce seulement dans le préavis du Ministère public
sur la décision à prendre que l'on trouve contredite pour la première
fois l'opinion exprimée par le psychiatre sur le caractère dangereux de
la recourante. C'est le même préavis qui, pour la première fois, propose
l'internement et le motive. Le Tribunal d'accusation n'en a pas donné
connaissance à la recourante et ne l'a pas mise à même de se défendre
sur ce point. Il a, de ce fait, violé le droit d'être entendu.

    Le Ministère public objecte en vain que la recourante a eu l'occasion
de s'expliquer sur ses actes devant la police et le juge informateur. Selon
les procès-verbaux d'interrogatoire, Hélène Cherix a été interrogée en
détail sur son activité de guérisseuse, en particulier sur l'affaire
Benoît. Mais, dans ces procès-verbaux, on ne trouve pas le plus petit
indice que la recourante, qui ne connaît pas le droit, ait été rendue
attentive au fait qu'elle était dangereuse pour l'ordre et la sécurité
publics et que, dès lors, elle devait compter qu'une mesure d'internement
pourrait être prise contre elle en vertu de l'art. 14 CP. Or, il va de
soi que, dans un Etat fondé sur le droit, l'inculpé a le droit d'être
entendu et de présenter ses objections, au sujet non seulement des actes
punissables qui lui sont imputés, mais aussi des sanctions qu'envisagent
les autorités pénales (peines et mesures). L'autorité cantonale l'a
méconnu et a ainsi violé l'art. 4 Cst.