Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 560



97 I 560

77. Arrêt de la Ire Cour civile du 29 juin 1971 dans la cause Société des
produits Nestlé SA contre Bureau fédéral de la propriété intellectuelle.
Regeste

    Art. 16bis Abs. 1 MSchG. Löschung eines Markeneintrages von Amtes
wegen.

    Art. 16bis Abs. 1 MSchG ist eine Ausnahmebestimmung, die nur anwendbar
ist, wenn das öffentliche Interesse eine unverzügliche Löschung gebietet;
es genügt nicht, dass die Voraussetzungen, eine Eintragung zu verweigern,
gegeben sind. Löschung im vorliegenden Fall nicht zugelassen.

Sachverhalt

    A.- La Société des produits Nestlé SA a fait enregistrer auprès du
Bureau fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après désigné: le Bureau)
les 7 marques suivantes:

    a)  le 3 mars 1960 la marque No 179 687 constituée de caractères
arabes signifiant selon déclaration de la déposante "NESCAFE",

    b)  le 14 mai 1962 les marques Nos 192 032, 192 412, 192 983,
contenant, outre un élément figuratif, les indications "NESCAFE NESTLE",

    c)  le 1er mars 1965 la marque No 208 758 purement verbale "NES-CAFE",

    d)  le 2 juillet 1965 la marque No 212 005 "NESCAFE" apposée sur
une étiquette,

    e)  le 4 mars 1966 la marque No 216 385 "NESCAFE GOLD".

    Ces marques ont en commun le terme "Nescafé". Elles ont été
enregistrées pour divers produits alimentaires et boissons, dont les
"cafés et extraits de cafés" et les "succédanés de cafés et extraits de
succédanés de cafés".

    B.- Le 15 septembre 1970 le Bureau a avisé la titulaire que ses
marques, contenant le terme générique "café", étaient trompeuses en tant
qu'elles couvraient des "succédanés de cafés et extraits de succédanés
de café" et par là contraires à l'art. 14 al. 1 ch. 2 et 3 al. 4 LMF,
et que le "Bureau n'aurait pas dû procéder à l'enregistrement", effectué
"par erreur". Il l'invitait à éliminer ces mentions, faute de quoi il
procéderait à une radiation partielle d'office en application de l'art.
16bis LMF.

    La Société des produits Nestlé SA s'étant opposée à cette manière de
voir, le Bureau a introduit la procédure de radiation d'office par l'envoi
au Département fédéral de justice et police d'une lettre accompagnée d'un
projet de décision.

    C.- Statuant le 4 mars 1971, le Département fédéral de justice
et police a ordonné la radiation des mentions "succédanés de café et
extraits de succédanés de café" pour les 7 marques enregistrées contenant
l'indication "Nescafé", en application des art. 16bis al. 1 et 14 al. 1
ch. 2 LMF.

    D.- La Société des produits Nestlé SA recourt au Tribunal fédéral
contre cette décision, dont elle requiert l'annulation.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la décision attaquée, les marques litigieuses seraient
contraires aux bonnes moeurs en tant qu'elles couvrent des succédanés de
café et extraits de succédanés de café. "Nescafé", élément essentiel de
ces marques, désigne dans ses deux dernières syllabes un produit naturel,
le café, dont la dénomination est phonétiquement la même dans les trois
langues nationales. Le consommateur suisse serait dès lors trompé si cette
indication couvrait une marchandise contenant des succédanés de café ou
des extraits de ceux-ci. Les marques litigieuses sont encore contraires
à l'art. 15 al. 1 ODA; le terme "Nescafé" doit en effet être réservé,
en vertu de la législation sur les denrées alimentaires, au café exempt
de tout succédané. Le Bureau n'aurait par conséquent pas dû procéder à
l'enregistrement de ces marques, opéré par erreur, pour des succédanés de
café et extraits de ceux-ci. Les marques en question étant initialement
entachées de nullité pour ces produits, il n'y a aucun motif de les
maintenir dans le registre des marques. La sauvegarde du consommateur
contre toute tromperie impose en l'espèce la radiation partielle selon
l'art. 16bis LMF, disposition applicable dès lors que deux des trois
motifs de refus d'enregistrement prévus par l'art. 14 al. 1 ch. 2 LMF
peuvent être invoqués à l'encontre des marques litigieuses.

    La recourante fait valoir notamment que l'emploi de la marque
"Nescafé" pour des produits contenant des succédanés de café ne serait
pas nécessairement trompeur ni contraire à la législation sur les denrées
alimentaires. Même si tel était le cas, les conditions d'une radiation
partielle pendant la période de protection ne seraient pas remplies. Une
telle radiation ne devrait en effet constituer qu'une mesure tout à
fait exceptionnelle, seules des raisons péremptoires, ici inexistantes,
pouvant justifier l'intervention de l'autorité administrative.

Erwägung 2

    2.- L'art. 16bis LMF a été introduit lors de la revision du 21 décembre
1928 par les Chambres fédérales (Bull. stén. du Conseil des Etats 1928,
p. 248). Il accorde au Département fédéral de justice et police la
faculté, et non l'obligation, d'ordonner d'office la radiation d'une
marque indûment enregistrée. Ce pouvoir, conféré dans l'intérêt public,
peut constituer pour le titulaire une atteinte très grave à ses intérêts
économiques. Aussi la doctrine et la jurisprudence admettent-elles que
l'on se trouve en présence d'une disposition de caractère exceptionnel,
dont l'application ne doit intervenir que dans les cas d'une gravité
particulière, à savoir lorsque la marque est manifestement contraire aux
bonnes moeurs et que pour ce motif l'intérêt général exige impérieusement
une radiation immédiate; un changement de pratique ne saurait suffire
(RO 69 I 121, 70 I 199 s.; DAVID, Kommentar zum Schweizerischen MSchG,
2e éd., ad art. 16bis n. 1 et 4; MATTER, Kommentar zum MSchG, ad art.
16bis p. 180 ch. 3). L'exigence de la sécurité du droit commande la plus
grande circonspection dans l'application d'une disposition légale qui
peut léser des intérêts économiques légitimes et importants (RO 69 I 121).

    Le Bureau, dont la décision attaquée a repris le point de vue,
considère à tort qu'une radiation d'office peut intervenir dès que les
conditions d'un refus de l'enregistrement sont réalisées. Le droit suisse
diffère sur ce point du droit allemand: l'art. 10 de la loi allemande sur
les marques de fabrique confère à l'administration, soit au Patentamt
lui-même, le droit de corriger ses propres décisions (cf. TETZNER,
Kommentar zum Warenzeichengesetz, Heidelberg 1958, ad art. 10 n. 5;
VON GAMM, Kommentar zum Warenzeichengesetz, München und Berlin 1965,
ad art. 10 n. 11-12). En droit suisse, l'administration doit procéder
dans le doute à l'enregistrement de la marque et laisser la décision
définitive aux tribunaux ordinaires appelés à statuer sur un procès
au fond. La faculté de radier d'office une marque entregistrée n'est
destinée qu'à permettre l'élimination de marques évidemment choquantes,
dont l'intérêt public exige la radiation immédiate. L'adoption de la thèse
du Bureau aurait pour conséquence de lui imposer l'obligation de procéder
régulièrement à l'examen critique de toutes les marques enregistrées
et d'introduire devant le Département une procédure en radiation totale
ou partielle, ou en limitation de la liste des produits protégés, chaque
fois qu'une inscription lui paraîtrait contraire aux bonnes moeurs ou à la
législation. Il lui incomberait alors d'examiner si chaque marque n'est
pas déceptive pour certains des produits protégés. Cela impliquerait
un personnel scientifique qualifié nombreux qui fait manifestement
défaut. On ne saurait par ailleurs admettre que le Bureau ne recoure à
cette procédure que sur dénonciation d'un tiers intéressé, comme cela
paraît avoir été le cas en l'espèce. Un système de délation ouvrirait
la porte à l'arbitraire et serait incompatible tant avec le principe
de la bonne foi, qui doit régir également les rapports de droit public,
qu'avec celui de la sécurité du droit. Il permettrait à un tiers d'obtenir
l'annulation d'une marque en éludant les voies de la procédure civile et
pénale ouvertes par les art. 24 ss. LMF.

    Aux termes de l'art. 13 al. 2 LMF, l'enregistrement a lieu aux risques
et périls du requérant. Il n'engage donc pas la responsabilité du Bureau
et n'a aucun effet constitutif (DAVID, op.cit., ad art. 13 n. 27). Il
n'a qu'un effet déclaratif, en ce sens que le premier déposant est
présumé être le véritable ayant droit à la marque (art. 5 LMF). Seuls les
tribunaux ordinaires sont habilités à décider si ce droit lui appartient
effectivement (RO 74 II 186). Il était loisible au concurrent déçu par
le refus de sa propre marque en l'occurrence d'actionner en justice la
titulaire en annulation partielle de ses marques, s'il l'estimait opportun.

Erwägung 3

    3.- Au cas particulier, aucun intérêt public impérieux ne commande
l'élimination de la liste des produits couverts par les marques litigieuses
des succédanés de café et de leurs extraits. Le public n'est pas trompé sur
la qualité de la marchandise mise dans le commerce, puisqu'il est constant
que le "Nescafé" est maintenant un extrait de café pur. Le recours doit
dès lors être admis, sans qu'il soit nécessaire de trancher la question du
caractère illicite ou contraire aux bonnes moeurs des marques en question
au regard des art. 3 et 14 LMF, ni d'examiner si le Bureau a modifié sa
pratique depuis le dépôt de ces marques, ou s'il avait alors commis une
erreur comme il l'affirme.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision du 4 mars 1971 du Département
fédéral de justice et police.