Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 492



97 I 492

68. Extrait de l'arrêt du 7 juillet 1971 dans la cause Pittet contre
Commission centrale des améliorations foncières du canton de Vaud. Regeste

    Güterzusammenlegung und Innenkolonisation. Grundsatz von Treu und
Glauben.

    Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei staatsrechtlichen Beschwerden
wegen Verletzung des Art. 4 BV auf dem Gebiete der Güterzusammenlegung
(Bestätigung der Rechtsprechung; Erw. 1 b).

    Besondere Verhältnisse, die sich aus der Verbindung der
Güterzusammenlegung mit einer Aussiedelung ergeben können (Erw. 2).

    Wann verstösst die von den Organen der Güterzusammenlegung vorgenommene
Änderung an der im Aussiedelungsprojekt vorgesehenen Zuteilung gegen den
Grundsatz von Treu und Glauben? Verletzung dieses Grundsatzes in casu
bejaht (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- En mai 1960 s'est constitué dans la commune vaudoise de
Villars-le-Terroir un syndicat d'améliorations foncières ayant pour but
de réaliser un remaniement parcellaire.

    Clément Pittet est propriétaire, dans le périmètre du remaniement, de
22 parcelles très dispersées, d'une surface totale d'environ 8 hectares. Le
bâtiment principal de son exploitation, avec logement et locaux ruraux,
sis au centre du village, ayant été détruit par un incendie le 20 mai
1963, il accepta de transférer son exploitation en limite du territoire
communal, en relation avec le remaniement parcellaire. Selon le projet
de colonisation, approuvé par le Service cantonal et par l'Office
fédéral des améliorations foncières, il devait recevoir en propriété
une surface trapézoïdale d'un seul tenant, d'environ 8 hectares, située
aux confins sud-est du territoire communal, en bordure de la voie ferrée
Lausanne-Echallens-Bercher et en deçà, soit à l'ouest, de celle-ci. La
commune de Villars-le-Terroir, qui recevait pour sa part une parcelle
rectangulaire d'environ 6 hectares, juste en face de celle de Pittet et
à l'est de la voie ferrée, s'engageait à la donner à ferme à celui-ci
pour une durée minimum de vingt ans, afin de compléter la surface de 14
hectares jugée nécessaire à l'opération de colonisation. Les bâtiments
d'exploitation et d'habitation furent construits durant les années 1964
et 1965, à l'emplacement prévu par le projet de colonisation. Le canton
de Vaud et la Confédération allouèrent des subsides de 172 000 fr. au
total. Pittet conclut avec la commune de Villars-le-Terroir un bail à
ferme à long terme portant sur un terrain d'une surface de 58 656 m2
situé à l'est de la voie ferrée et englobé dans le remaniement.

    Selon le projet de remaniement mis à l'enquête publique du 12 juillet
au 8 août 1966, Clément Pittet se voyait attribuer deux parcelles de 32 786
et 50 705 m2. La plus petite des deux (no 122) comprenait les bâtiments
neufs. La plus grande (no 135) était située au-delà de la voie ferrée,
à peu près à l'endroit où était primitivement prévue la parcelle de la
commune. Celle-ci recevait, pour la donner à bail à Pittet, une longue
parcelle triangulaire de 5,9 hectares environ, s'étendant le long de la
voie ferrée au nord-est de la parcelle 135 de Pittet.

    Par lettre du 27 juillet 1966, Clément Pittet demanda à la Commission
de classification de modifier les limites de la parcelle 122, en l'étendant
de 50 m en direction du village de Villars-le-Terroir (nord-ouest) pour
dégager la ferme, et de 40 m en direction d'Echallens (sud-ouest) pour que
la vanne de sa conduite d'eau se trouve sur sa propriété, la parcelle 135
étant diminuée d'autant. La Commission de classification refusa de donner
suite à cette demande; à son avis, il était contraire aux principes de
la colonisation de diminuer la surface de la parcelle 135 et d'attribuer
une partie de cette surface à un propriétaire du village ou à la commune.

    Clément Pittet recourut contre cette décision à la Commission centrale
des améliorations foncières (ci-après: la Commission centrale), par un
mémoire du Ier février 1967, dans lequel il relevait que les propositions
faites lors du projet de colonisation n'avaient pas été respectées. La
Commission centrale se prononça, le 23 avril 1968, sur l'attribution des
nouvelles parcelles. Considérant qu'en matière de colonisation intérieure,
on devait s'efforcer de créer un domaine répondant aux exigences de
l'agriculture moderne et que dans cette optique les parcelles du recourant
étaient trop courtes, tandis que la parcelle louée était trop irrégulière,
elle annula le nouvel état dans toute une partie du périmètre et chargea
la Commission de classification d'établir un nouveau parcellement.

    La Commission de classification rendit sa nouvelle décision le 6
août 1968. Elle ne modifiait en rien le plan de parcellement. Saisie
d'un nouveau recours de Pittet, la Commission centrale l'admit sur un
point secondaire et le rejeta pour le surplus, maintenant la décision
de la Commission de classification pour ce qui concerne l'attribution
des nouvelles parcelles, moyennant l'aménagement d'un passage à niveau
adéquat sur la voie ferrée. Le prononcé du 1er septembre 1969 est motivé,
en substance, comme il suit:

    Les possibilités de revoir la répartition sont très réduites, car
il est exclu de modifier le réseau des chemins. Il n'est pas légalement
nécessaire que le domaine du colon réponde parfaitement aux exigences
de l'agriculture moderne. Il ne faut pas exagérer les inconvénients de
la voie ferrée. En définitive, les parcelles attribuées au recourant sont
admissibles. Si le projet de colonisation était plus favorable à Pittet, il
ne lie pas le syndicat, qui devait du reste attribuer à Pittet le terrain
audelà de la voie ferrée, en vertu même des prescriptions fédérales sur
la colonisation.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Pittet requiert
l'annulation du prononcé de la Commission centrale.

    Le Tribunal fédéral, après avoir mis en oeuvre un expert, a admis
le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) ...

    b) L'autorité cantonale jouit, en matière de remaniement parcellaire,
d'une grande liberté d'appréciation et le Tribunal fédéral, saisi
d'un recours fondé sur l'art. 4 Cst., ne joue en aucune façon le rôle
d'un tribunal administratif supérieur. Son pouvoir d'examen est plus
restreint. Il intervient avec d'autant plus de retenue que d'une part
les autorités cantonales fondent leur décision au premier chef sur les
conditions locales, qu'elles peuvent apprécier mieux qu'il ne saurait
le faire luimême, et que d'autre part l'admission du recours d'un seul
propriétaire peut remettre en cause toute la répartition et entraîner ainsi
des retards et des frais importants. A moins que les autorités cantonales
n'aient commis une erreur manifeste, il se borne à examiner le domaine
dans son ensemble et à rechercher si, entre l'ancien et le nouvel état,
ce domaine a subi quant à sa composition, sa superficie et sa valeur des
modifications telles que les règles les plus élémentaires du remaniement
parcellaire sont violées et que le propriétaire se trouve placé sans
conteste dans une situation contraire à la loi et dépourvue de toute
justification raisonnable (RO 96 I 41/42, 95 I 523, 90 I 289/290, 85 I 90).

Erwägung 2

    2.- a) En droit vaudois, le remaniement parcellaire s'applique
aux terrains agricoles, viticoles, forestiers ou à bâtir, selon les
principes propres à chacun d'eux (art. 2 de la loi du 29 novembre 1961
sur les améliorations foncières). Il s'ensuit que les immeubles bâtis en
sont exclus (cf., a contrario, l'art. 89 de la même loi). Leur abandon
ne peut pas être imposé au propriétaire contre son gré, expropriation
formelle réservée. Le propriétaire qui, comme l'a fait Pittet, accepte
de quitter le village pour se fixer sur un domaine de colonisation
fait ainsi un sacrifice supplémentaire, qui n'est pas seulement d'ordre
patrimonial. En même temps, il facilite les opérations de remaniement,
en dispensant le syndicat de lui attribuer des terres à proximité du
village. Ces deux éléments devraient être pris en considération au moment
de comparer entre eux les différents domaines issus du remaniement. Or,
il est très difficile, sinon impossible, d'en apprécier objectivement
l'importance. On ne saurait en aucune façon considérer que les subsides du
canton et de la Confédération pour la construction des bâtiments suffisent
à compenser les inconvénients résultant de l'éloignement du village. Tel
n'est du reste pas le but de l'aide accordée au colon par les pouvoirs
publics. En définitive, il appartient au propriétaire et à lui seul de
peser les avantages et les inconvénients de l'opération, avant de donner
son accord. Dans les limites fixées par les principes généraux du droit,
notamment celui de la bonne foi, il peut ensuite exiger le respect des
conditions auxquelles il a subordonné son assentiment. A cet égard,
sa situation diffère de celle des autres propriétaires du syndicat.

    b) Il est sans doute fort difficile de garantir à un propriétaire,
dès le début des opérations de remaniement, l'attribution d'un domaine
déterminé. Aussi bien les organes du syndicat n'ont-ils pas à le faire
d'ordinaire. Parfois cependant, l'attribution de certaines parcelles à
un propriétaire déterminé s'impose d'emblée; il en est ainsi notamment
des remaniements liés à de grands travaux d'intérêt public. Il serait
donc concevable, du point de vue pratique, qu'un syndicat accepte une
charge analogue en garantissant à un colon l'attribution d'un domaine
d'ores et déjà délimité. Du point de vue juridique, l'inégalité de
traitement ainsi créée trouverait sa justification objective dans le
sacrifice supplémentaire du colon et les avantages qui résultent de la
colonisation pour l'ensemble de l'opération; partant, elle ne violerait
pas l'art. 4 Cst. A plus forte raison est-il admissible, du point de vue
des principes du remaniement, de garantir au colon que le domaine qui
lui sera attribué aura au moins certaines qualités.

    c) Enfin, même si l'on voulait exclure la possibilité, pour les
organes du remaniement, de donner des assurances quelconques au colon,
celui-ci devrait être protégé dans sa bonne foi, dans la mesure où il a
effectivement reçu de telles assurances d'une autorité compétente ou censée
telle, qu'il était fondé à se fier à ces assurances et qu'il a pris sur la
foi de celles-ci des dispositions irrévocables; le Tribunal fédéral examine
librement si ces conditions sont remplies (RO 94 I 521 s.; 96 I 15).

Erwägung 3

    3.- a) La situation de Pittet est considérablement améliorée
par rapport à l'ancien état. Sa propriété auparavant très dispersée
est regroupée, à proximité immédiate de ses nouveaux bâtiments
d'exploitation, en deux parcelles de dimensions et de forme acceptables,
sinon favorables. L'autorité cantonale expose qu'il pourra affecter les
terrains en deçà de la voie ferrée à la culture et ceux qui sont au-delà
de cette voie aux besoins de son nombreux bétail; elle tient compte ainsi
des caractères propres à l'exploitation. On peut il est vrai se demander
à ce propos si elle n'a pas sous-estimé les inconvénients particuliers
que présente, pour Pittet, la voie ferrée. Il paraît évident - l'expert
le confirme - qu'il est plus gênant de faire franchir une voie ferrée à
un troupeau nombreux qu'à des machines de travail ou même des charrois
agricoles. Le passage de la voie ferrée eût présenté moins d'inconvénients
pour d'autres propriétaires, qui n'auraient de toute façon pas affecté
au pacage du bétail ces terres trop éloignées de l'étable. Toutefois,
en l'absence de tout élément de comparaison et si l'on fait abstraction
des particularités de la colonisation, on ne saurait dire que Pittet
tire du remaniement des avantages inférieurs à ceux qui reviennent à
d'autres propriétaires. En tout cas, il n'apparaît pas arbitrairement
désavantagé. Il ne le prétend pas du reste.

    Sur le seul terrain du remaniement, Pittet ne saurait se plaindre que
la parcelle de la commune, dont il est fermier, soit de moindre qualité
que celle que prévoyait le projet de colonisation.

    b) Le Service cantonal des améliorations foncières a soumis le
projet de colonisation accepté par Pittet et, notamment, le plan du
domaine aux organes du syndicat. Il n'est pas établi que ceux-ci se
soient expressément engagés à le respecter dans la future répartition des
nouvelles parcelles. On pourrait certes se demander si les circonstances
n'exigeaient pas qu'ils réagissent en cas de désaccord et si leur
silence - incontesté - n'impliquait pas l'engagement tacite d'attribuer
au recourant un domaine correspondant, au moins dans ses grandes lignes,
à celui qui était prévu, ou en tout cas un domaine présentant les mêmes
caractères généraux. Un tel engagement ne serait pas exclu par les règles
du remaniement parcellaire (cf. consid. 2 b ci-dessus). Cette question
peut cependant rester réservée, le recours devant être admis même en
l'absence d'un tel engagement.

    c) Même si le Service cantonal des améliorations foncières,
initiateur du projet de colonisation et autorité de surveillance des
opérations de remaniement, n'a pas exigé des organes du syndicat le
respect de son projet, il ne pouvait échapper à ces derniers que les
subsides considérables alloués par les pouvoirs publics perdent toute
justification s'ils ne permettent pas de constituer un domaine viable. De
même, le recourant pouvait admettre, sur la seule foi du projet du service,
et sans avoir à se préoccuper d'un éventuel défaut de coordination entre
les différentes autorités auxquelles il avait affaire pour une seule et
même opération, que le domaine qui lui serait finalement attribué aurait
à tout le moins un rendement équivalant à celui du domaine qu'on lui
proposait. Dès lors, s'il n'appartient pas à la Chambre de céans de revoir
comme telle l'application des art. 34 et 35 de l'ordonnance fédérale du
29 décembre 1954, dont le seul objet est de fixer les conditions d'octroi
des subsides fédéraux, il lui incombe d'examiner, librement, si cette
dernière condition est remplie. S'il n'en est pas ainsi, le recourant,
qui a lui-même investi dans ses nouveaux bâtiments des montants très
élevés, ne pourra pas bénéficier du rendement qu'il attendait et sera
lésé, contrairement au principe de la bonne foi, qui domine les relations
entre la puissance publique et les administrés. A cet égard, il faut tenir
compte aussi de la parcelle attribuée à la commune de Villars-le-Terroir
et prise à bail par le recourant: son rendement entre en effet dans le
calcul de la rentabilité du domaine dans son ensemble.

    (Le Tribunal fédéral constate que le rendement du domaine issu du
remaniement sera inférieur, dans une mesure non négligeable, à celui du
domaine prévu par le projet de colonisation, et que la rentabilité des
investissements du recourant est compromise).

    Pittet n'obtient pas le minimum sur lequel il était fondé à compter de
bonne foi lorsqu'il a accepté le principe de la colonisation. La décision
attaquée doit ainsi être annulée, sans qu'il y ait lieu de rechercher
si, en raison des promesses qui lui auraient été faites expressément, ou
en raison de circonstances qui n'ont pas été élucidées, Pittet pourrait
exiger davantage.