Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 372



97 I 372

53. Arrêt du 2 juin 1971 dans la cause Grosby contre Ministère public
fédéral. Regeste

    Auslieferungsvertrag zwischen der Schweiz und den USA vom 14. Mai 1900.

    1.  Das Bundesgericht prüft frei, ob die Voraussetzungen der
Auslieferung erfüllt sind (Erw. 1).

    2.  Der Auslieferungsvertrag geht als vertragliche Ordnung dem
Auslieferungsgesetz vor (Erw. 1).

    3.  Verkehr mit Betäubungsmitteln (Art. II Ziff. 13 des
Staatsvertrages):

    a)  Der Umstand, dass gewisse gegen diesen Verkehr gerichtete
Bestimmungen in Erlassen enthalten sind, die auch den Zoll betreffen,
hindert nicht, dass die Widerhandlung gegen diese Bestimmungen unter
Art. II Ziff. 13 des Staatsvertrages fallen kann (Erw. 3).

    b)  Auf dem Gebiet des Betäubungsmittelverkehrs sind auch die
Vorbereitungshandlungen strafbar (Art. 19 Ziff. 1 BetMG) (Erw. 4).

    c)  Für den Entscheid darüber, ob die Auslieferung für eine
Zuwiderhandlung im Sinne von Art. II Ziff. 13 des Staatsvertrages zu
bewilligen sei, ist die im Gesetz vorgesehene Höchststrafe massgebend,
nicht die Strafe, die im vorliegenden Falle zu verhängen ist (Erw. 4).

    4.  Beschlagnahme von Gegenständen und Übergabe an den ersuchenden
Staat (Art. XII des Staatsvertrages):

    a)  Die Beschlagnahme von Gegenständen und ihre Übergabe an
den ersuchenden Staat setzt voraus, dass höchstwahrscheinlich ein
Kausalzusammenhang zwischen diesen Gegenständen und der Zuwiderhandlung,
für welche die Auslieferung verlangt wird, besteht (Erw. 5 b).

    b)  Durch das Delikt erworbene Gegenstände (producta sceleris),
die nicht mehr in natura, sondern in anderer Form oder als Bankkonto
vorhanden sind (Erw. 5 a).

    c)  Vermögenswerte, die nach der Verhaftung des Auszuliefernden von
seinem Bankkonto auf dasjenige seines Ehegatten übertragen worden sind
(Erw. 6).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Jack Grosby, ressortissant des Etats-Unis d'Amérique, a été arrêté
à Genève le 18 août 1970, à la demande de l'Ambassade de son pays. La
demande formelle d'extradition, transmise le 7 octobre 1970 par ladite
Ambassade à Berne, se fonde sur les art. I et II chiffre 13 du Traité
d'extradition conclu entre la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique le
14 mai 1900 (ci-après: le Traité), complété par le Traité additionnel
du 10 janvier 1935. L'Ambassade demande en outre qu'en application de
l'art. XII du Traité, tous les objets saisis auprès de Grosby à la suite
de son arrestation soient remis aux autorités des Etats-Unis.

    B.- Les infractions suivantes sont imputées à Grosby par les mises
en accusation (indictments) jointes à la demande:

    a) La mise en accusation du 21 octobre 1968 reproche à Grosby, ainsi
qu'à trois autres accusés, d'avoir comploté, de s'être ligués, associés
et mis d'accord en vue d'enfreindre les dispositions des art. 173 et 174
du Titre 21 du Code des Etats-Unis (en abrégé: USC), en vue d'importer
et d'introduire frauduleusement aux Etats-Unis de grandes quantités
de stupéfiants, de les recevoir, receler et vendre, d'en faciliter le
transport, le recel et la vente. Grosby a été arrêté le 28 juillet 1968,
puis relâché moyennant caution de 50 000 dollars. Il n'a pas comparu à
une audience du 5 septembre 1968 et a disparu depuis lors.

    b) La mise en accusation du 2 juillet 1970 reproche à Grosby d'avoir,
avec deux autres accusés (notamment Cohen), contrevenu aux dispositions
des art. 173 et 174 du Titre 21, 4704 (a) et 4705 (a) du Titre 26, 2 et
1403 du Titre 18 du Code des Etats-Unis, en important illégalement aux
Etats-Unis de l'héroïne et en l'y vendant.

    L'acte du 2 juillet 1970 se fonde pour l'essentiel sur les déclarations
faites par Cohen lors de son audition par l'autorité judiciaire compétente,
dont le procès-verbal figure parmi les annexes transmises par l'Etat
requérant.

    C.- Les 21 octobre et 13 novembre 1970, le Juge d'instruction de
Genève a ordonné le blocage des avoirs de Grosby et de son épouse dans
les banques de Genève.

    D.- Grosby s'est formellement opposé à son extradition et à la remise
aux Etats-Unis des objets et valeurs saisis à Genève. Il soutient que les
infractions qu'on lui reproche ont un caractère fiscal et ne peuvent dès
lors donner lieu à extradition. Quant à la remise des valeurs saisies,
elle serait exclue en vertu de l'art. XII du Traité, parce que seuls
peuvent être remis les objets pouvant servir à établir la preuve de
l'infraction ou acquis au moyen de l'infraction, et qu'en l'espèce un
tel lien de causalité n'a pas été prouvé. Les valeurs déposées au nom
de son épouse ne pourraient pas être livrées, parce que les autorités
américaines n'auraient demandé la remise que des seuls objets se trouvant
en la possession de Grosby lors de son arrestation et parce que les droits
des tiers doivent être respectés en vertu de l'art. XII al. 2 du Traité.

    E.- Conformément aux art. 23 et 24 de la LF du 22 janvier 1892 sur
l'extradition, le dossier a été transmis au Tribunal fédéral pour que
ce dernier statue sur l'opposition de Grosby; un rapport de la Division
fédérale de police et un rapport du Ministère public de la Confédération
y étaient joints.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Pour s'opposer à l'extradition, Grosby se fonde tant sur la loi
fédérale du 22 janvier 1892 sur l'extradition aux Etats étrangers (LExtr.)
que sur le Traité d'extradition conclu entre la Suisse et les Etats-Unis
le 14 mai 1900. Son opposition doit être considérée comme une objection au
sens de l'art. 23 LExtr., de sorte que le Tribunal fédéral est compétent
pour en connaître.

    Le Tribunal fédéral n'est pas limité à l'examen des objections
expressément soulevées par l'opposant; il examine d'office si les
conditions de l'extradition sont remplies (RO 87 I 138; SCHULTZ, Das
schweizerische Auslieferungsrecht, p. 223 et les arrêts cités).

    Selon la jurisprudence et la doctrine, le traité international a le
pas sur la loi nationale. La LF sur l'extradition délimite la compétence
des autorités de notre pays pour passer des accords au sujet de l'entraide
judiciaire entre Etats. En cas de contradiction entre les dispositions
de la loi et celles du traité, ces dernières l'emportent en tant que
dispositions contractuelles. Les dispositions de la loi ne s'appliquent,
dans un cas concret, qu'aux points qui n'ont pas été réglés expressément
ou tacitement par le traité (SCHULTZ, loc.cit., p. 134 s.). Il s'agit
donc d'abord d'examiner si l'extradition est possible selon le traité.
Si tel est le cas, il est inutile d'examiner une objection qui ne se
fonderait que sur la loi (RO 87 I 136 s. et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- Le Traité du 14 mai 1900 a été complété le 10 janvier 1935 par
l'adjonction, à l'art. II qui énumère les infractions donnant lieu à
extradition, d'un chiffre 13 ainsi conçu:

    "Infraction volontaire aux dispositions concernant les stupéfiants en
tant que cette infraction entraîne en Suisse une peine d'emprisonnement
d'un an ou une peine plus grave et que, aux Etats-Unis d'Amérique, elle
est punissable comme un crime (felony)."

Erwägung 3

    3.- Les activités qui sont imputées à Grosby constituent manifestement
des infractions aux prescriptions sur les stupéfiants. Mais l'inculpé
s'oppose à l'extradition en soutenant qu'il s'agit de violation de
prescriptions douanières, donc d'infractions à caractère fiscal qui ne
peuvent donner lieu à extradition.

    Contrairement à la LF sur l'extradition (art. 11 al. 1), le Traité
ne contient aucune clause générale qui exclurait l'entraide judiciaire
dans les cas de contravention aux lois fiscales. La liste des infractions
figurant à l'art. II ch. 1 à 13 du Traité ne contient aucun délit fiscal
proprement dit; il n'est pas possible de s'opposer à l'extradition demandée
pour une activité délictueuse figurant dans cette liste en prétendant
qu'il s'agit d'un délit de nature fiscale.

    Le fait que les dispositions américaines sur les stupéfiants se
trouvent en partie dans des textes légaux qui concernent aussi (ou
même avant tout) les droits de douane ou les impôts n'empêche pas que
l'infraction à ces dispositions puisse tomber sous le coup de l'art. II
ch. 13 du Traité. Peu importe que la lutte contre le trafic des stupéfiants
se fasse également à l'aide de moyens qui relèvent du droit fiscal. Ce
qui est déterminant, c'est le contenu et le but de la règle en question,
et non pas sa place - parfois toute fortuite - dans telle ou telle partie
de la législation. Toute disposition pénale destinée à la lutte contre le
trafic illégal de stupéfiants vise une activité délictueuse qui, d'après
son sens, tombe sous le coup de l'art. II ch. 13 du Traité, dès que la
peine prévue atteint la limite fixée par ce texte. Est également sans
importance le fait que ce soit le Secrétaire au trésor ("Secretary of
the Treasury") et non le Procureur général ("Attorney General") qui soit
chargé aux Etats-Unis de veiller à l'application de telles dispositions.

    a) Dans la mesure où il s'agit d'importation illégale, de transport,
d'entreposage et de vente d'héroïne, la punissabilité des actes
préparatoires (conspiracy) et des infractions commises repose sur les
art. 173 et 174 du Titre 21 USC (mise en accusation du 21 octobre 1968
et chiffres 1 à 15 de la mise en accusation du 2 juillet 1970).

    Le Titre 21 USC a trait à la législation sur les denrées alimentaires
et les médicaments (Food and Drugs). L'art. 173 interdit en principe
l'importation des stupéfiants et détermine les exceptions; l'art. 174
prévoit la sanction pénale: "Quiconque introduit frauduleusement ou
intentionnellement un stupéfiant quelconque aux Etats-Unis..., à l'encontre
de la loi, ou reçoit, recèle, achète, vend un tel stupéfiant, ou d'une
façon ou d'une autre facilite le transport, le recel ou la vente..., ou
est de connivence pour commettre l'un quelconque de tels actes..., est
passible d'une peine de prison qui ne sera pas inférieure à cinq ans ni
supérieure à vingt ans et, de plus, d'une amende d'un maximum de 20 000
dollars..." L'énumération détaillée des activités punissables contenue
à l'art. 174 tend incontestablement à lutter contre le trafic illégal
de stupéfiants. Que l'art. 173 mentionne aussi l'obligation de dédouaner
les stupéfiants importés conformément à la loi et que l'art. 174 renvoie,
pour la notion de récidive, à une disposition du Code fiscal des Etats-Unis
(Internal Revenue Code, Section 7237) n'enlève évidemment pas aux activités
visées par la norme pénale leur caractère d'infractions en matière de
stupéfiants. Il est vain de prétendre qu'une relation occasionnelle avec
le droit fiscal puisse changer le caractère foncier de la norme pénale et
de chercher par là à faire paraître l'état de fait décrit par l'art. 174
USC comme un pur délit fiscal. Les activités imputées à Grosby par la
mise en accusation du 21 octobre 1968 et les chiffres 1 à 15 de la mise
en accusation du 2 juillet 1970 sont manifestement des contraventions
aux dispositions sur les stupéfiants au sens du chiffre 13 de l'art. II
du Traité.

    b) Les chiffres 16 à 29 de la mise en accusation du 2 juillet 1970
énumèrent les différentes remises d'héroïne de Grosby et consorts à
James Cohen et reprochent aux inculpés d'avoir violé, par ces actes,
les art. 4704 (a) et 4705 (a) du Titre 26 USC.

    Le Titre 26 USC constitue l'"Internal Revenue Code" (Code fiscal
des Etats-Unis). Dans le cadre des prescriptions fiscales, figure une
subdivision "Narcotic Drugs", qui prescrit que les stupéfiants ne peuvent
être délivrés qu'en paquet d'origine estampillé ou prélevés dans un tel
paquet (art. 4704 a), et que la délivrance ne peut se faire qu'en vertu
d'un ordre écrit, sur formule officielle, de la personne à laquelle le
stupéfiant est livré. Même si l'estampillage des paquets d'origine et
la délivrance des formules officielles pour le commerce des stupéfiants
donnent lieu au prélèvement de certaines taxes, les dispositions Iégales
citées ci-dessus ont incontestablement pour but premier d'empêcher le
commerce illégal des stupéfiants. La réglementation formellement très
stricte du commerce légal des stupéfiants tend à faciliter le contrôle et
la preuve des infractions. Les peines très sévères prévues par l'art. 7237
du Titre 26 USC (sous la désignation "violation des lois relatives aux
narcotiques et à la Marihuana"), savoir deux à dix ans, respectivement
cinq à vingt ans, d'emprisonnement pour les infractions aux dispositions
des art. 4704 (a) et 4705 (a), confirment qu'il ne s'agit pas simplement
de punir une infraction fiscale, mais bien de sanctionner par une peine
l'interdiction fondamentale de tout trafic illégal de stupéfiants,
à travers l'inobservation des conditions formelles du trafic légal de
tels produits.

    c) Sous chiffres 30 à 36 de la mise en accusation du 2 juillet 1970,
il est reproché aux inculpés, dont Grosby, d'avoir utilisé sept fois le
téléphone dans leur trafic d'héroïne, afin d'informer le coauteur Cohen
de l'arrivée des paquets d'héroïne.

    L'art. 1403 du Titre 18 USC punit, pour chaque utilisation distincte,
d'emprisonnement pour deux à cinq ans et éventuellement d'amende jusqu'à
5000 dollars, quiconque utilise un moyen de communication public ou privé
pour commettre certaines infractions, notamment les infractions en matière
de stupéfiants prévues par l'art. 174 du Titre 21 et l'art. 7237 du Titre
26 USC. Cette disposition, contenue dans la partie générale du Code des
Etats-Unis relative aux crimes et à la procédure criminelle (Titre 18:
Crimes and criminal procedure), s'applique expressément aux infractions
en matière de stupéfiants. La punition spéciale prévue pour l'emploi de
moyens de communication - en l'espèce le téléphone - pour la commission
de telles infractions tombe donc en soi sous le coup du chiffre 13 de
l'art. II du Traité.

    d) La mise en accusation du 2 juillet 1970 cite aussi en passant
l'art. 2 du Titre 18 USC. Cette disposition comporte une extension de la
notion d'auteur principal; elle ne vise pas un état de fait distinct.
D'ailleurs, la forme de participation n'est pas mise en question en
l'espèce, de sorte que la référence à la disposition précitée est sans
importance pour la présente procédure.

Erwägung 4

    4.- Tous les actes délictueux dont Grosby est inculpé constituent
ainsi des infractions aux prescriptions sur les stupéfiants. Il reste à
examiner si, conformément à l'art. II, 1re phrase, du Traité, ces actes
sont punissables tant selon la législation américaine que selon le droit
suisse et si les peines prévues satisfont aux exigences fixées par le
Traité (art. II ch. 13).

    a) La punissabilité selon le droit américain résulte de ce qui a été
dit ci-dessus (consid. 3); elle n'appelle pas d'autres remarques.

    Quant à la peine, l'art. II ch. 13 du Traité prévoit que l'infraction
doit être punissable comme un crime (felony) aux Etats-Unis. Le droit de
ce pays qualifie de crime (felony) toute infraction passible de la peine de
mort ou d'une peine d'emprisonnement de plus d'une année (art. 1er du Titre
18 USC). Est déterminante, non pas la peine infligée dans le cas concret,
mais la peine la plus élevée prévue pour telle infraction, comme c'est
le cas en droit suisse pour la distinction entre crime et délit (art. 9
CP). Tous les faits délictueux retenus à la charge de Grosby sont passibles
de peines bien supérieures à une année, comme on l'a vu ci-dessus (consid.
3). Ils constituent donc des crimes (felonies) au sens du droit américain.

    b) En droit suisse, l'art. 19 ch. 1 de la LF du 3 octobre 1951 sur
les stupéfiants (ROLF 1952 p. 241), dans sa teneur du 18 décembre 1968
(ROLF 1970 p. 9), prévoit une peine d'emprisonnement de deux ans au plus
ou une peine d'amende jusqu'à 30 000 fr. pour celui qui, sans droit,
aura notamment importé, entreposé, offert, vendu, expédié ou mis dans le
commerce d'une manière quelconque des stupéfiants ou qui aura pris des
mesures à ces fins.

    aa) Tous les actes d'importation, de transport, d'entreposage et de
livraison d'héroïne relatés dans la mise en accusation du 2 juillet 1970
(ch. 1 à 14 et 16 à 29) rentrent dans l'une des activités décrites à
l'art. 19 ch. 1 de la LF sur les stupéfiants. Cette remarque vaut non
seulement pour les actes punissables aux Etats-Unis en vertu de l'art.
174 du Titre 21 USC, mais aussi pour les infractions aux dispositions
des art. 4704 a et 4705 a du Titre 26; en effet, la vente sans emballage
dûment estampillé et sans ordre écrit sur formule officielle constitue
un trafic illégal de stupéfiants.

    bb) La mise en accusation du 21 octobre 1968 et le chiffre 15 de celle
du 2 juillet 1970 reprochent à Grosby, ainsi qu'à d'autres inculpés,
d'avoir comploté, de s'être ligués, associés et mis d'accord en vue de
commettre des délits en matière de stupéfiants (violation des dispositions
des art. 173 et 174 du Titre 21 USC).

    Le droit suisse ne connaît pas la notion d'association ou
d'entente (conspiracy) du droit anglo-saxon (cf. art. 371 du Titre
18 USC). L'art. 174 du Titre 21 met sur le même pied celui qui est
de connivence pour commettre l'un quelconque des actes délictueux et
celui qui commet lui-même l'acte, alors qu'en principe le fait de se
concerter en vue de commettre une infraction est considéré en Suisse,
par la doctrine dominante, comme ne dépassant pas le stade des actes
préparatoires non punissables. Cependant, l'art. 19 ch. 1 de la LF sur
les stupéfiants prévoit que "celui qui prend des mesures à ces fins" est
également passible des mêmes peines que celui qui fabrique, met dans le
commerce, importe, achète, vend, etc. des stupéfiants. Ainsi, dans ce
domaine spécial, les actes préparatoires sont punissables au même titre
que le délit consommé, alors qu'en général, en l'absence de disposition
expresse, ils ne le sont pas. Le Message du Conseil fédéral du 9 avril
1951 relatif à la revision de la loi sur les stupéfiants précisait que
l'énumération des faits punissables donnée par l'art. 19 satisfaisait
aux exigences de la convention internationale de 1936, notamment pour
la répression des actes préparatoires (FF 1951 I 850). Le fait de se
concerter en vue de commettre une infraction, punissable au titre de
"conspiracy" selon le droit américain, correspond à celui de "prendre
des mesures à ces fins" au sens de l'art. 19 ch. 1 de la LF sur les
stupéfiants. Une telle interprétation s'impose en raison du fait que la
Suisse a ratifié en 1952 la Convention internationale du 26 juin 1936
pour la répression du trafic illicite des drogues nuisibles (ROLF 1953
p. 185), dont l'art. 2 prévoit que chaque Etat signataire s'engage à
punir sévèrement "l'association ou l'entente en vue de l'accomplissement
d'un des faits visés ci-dessus" (savoir la fabrication, l'importation,
la mise en vente, etc., des stupéfiants).

    Ainsi la punissabilité du délit d'association et d'entente
("conspiracy") en vue de commettre une infraction en matière de stupéfiants
est prévue par les deux Etats intéressés et il n'y a aucune raison de
limiter sur ce point les effets de l'extradition.

    cc) En revanche, l'utilisation du téléphone pour l'accomplissement
d'actes punissables en matière de stupéfiants est pénalement sans
importance selon le droit suisse, qui ne connaît aucune disposition
correspondant à l'art. 1403 du Titre 18 USC. Une telle utilisation dans
le trafic des stupéfiants ne constitue ni un délit distinct punissable
séparément, ni une cause d'aggravation de la peine. Ainsi la condition
de punissabilité dans les deux pays n'est pas réalisée sur ce point, de
sorte que l'extradition ne peut pas être accordée pour les faits retenus
sous chiffres 30 à 36 de la mise en accusation du 2 juillet 1970.

    Les autorités des Etats-Unis devront donc en faire abstraction dans la
poursuite et la punition de Grosby, conformément au principe de spécialité
contenu à l'art. IX du Traité.

    dd) L'art. II ch. 13 du Traité prévoit l'extradition pour infraction
volontaire aux dispositions sur les stupéfiants "en tant que cette
infraction entraîne en Suisse une peine d'emprisonnement d'un an ou une
peine plus grave". Cette formule pourrait faire supposer que ce n'est pas
la peine légale prévue qui est déterminante, mais la peine effectivement
infligée dans un cas concret.

    Une telle interprétation se heurterait cependant à l'impossibilité
pratique de déterminer avec quelque sûreté quelle peine prononcerait
un tribunal suisse dans le cas concret qui fait l'objet de la demande
d'extradition. A l'époque où le chiffre 13 de l'art. II a été ajouté au
Traité (savoir en 1935), la peine la plus élevée prévue en Suisse pour
les infractions en matière de stupéfiants était l'emprisonnement pour une
année (art. 11 et 12 de la LF du 2 octobre 1924, RS 4 p. 451); ce n'est
qu'en cas de récidive que les pénalités étaient doublées (art. 17). On ne
peut pas soutenir que la Suisse ne voulait alors consentir à extrader les
délinquants en matière de stupéfiants que dans les cas où seule la peine
légale la plus forte aurait pu être prononcée. Il faut aussi prendre en
considération le fait qu'en cas de demande d'extradition présentée par la
Suisse, les autorités américaines doivent également pouvoir déterminer
sans difficultés trop grandes la peine applicable en Suisse au sens de
l'art. II ch. 13 du Traité. Pour toutes ces raisons, on doit admettre que,
pour déterminer si une infraction donne lieu à extradition au sens du
chiffre 13 de l'art. II du Traité, il faut s'en tenir à la peine maximum
prévue par la loi et non à celle qui devrait être prononcée dans le cas
concret, et cela non seulement pour le droit américain (felony), mais
aussi pour le droit suisse.

    Comme l'art. 19 al. 1 de la LF sur les stupéfiants du 5 octobre 1951
prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement au plus pour chacune des
infractions qui entrent en considération en l'espèce, et même une peine
de cinq ans de réclusion dans les cas graves où le délinquant a agi dans
un dessein de lucre, l'exigence d'une peine d'un an d'emprisonnement
au minimum prévue par le Traité est de toute façon réalisée et rien ne
s'oppose à l'extradition du point de vue de la gravité de l'infraction.

Erwägung 5

    5.- Lorsque les conditions prévues pour l'extradition de la personne
réclamée sont réalisées, les objets saisis trouvés en la possession de
cette personne doivent, aux termes de l'art. XII du Traité, être remis
au gouvernement requérant en même temps que cette personne.

    a) La remise des objets saisis se fait normalement à la demande
de l'Etat requérant. En l'espèce, cette demande a été faite en termes
très généraux, dans une phrase de la demande d'extradition présentée
par l'Ambassade des Etats-Unis à Berne le 7 octobre 1970: "L'Ambassade
a reçu comme instruction de requérir que tous les objets (all articles)
saisis, trouvés en la possession de Grosby lors de son arrestation à titre
extraditionnel, soient retenus par les autorités suisses pour être remis
aux Etats-Unis d'Amérique si l'extradition est accordée, en application
de l'art. XII du Traité."

    Dans la plupart des cas, il est impossible à l'Etat requérant de
décrire par avance de façon précise les objets qui doivent lui être remis
en même temps que la personne de l'extradé. L'expression "all articles"
utilisée dans la demande est celle-là même qui figure à l'art. XII du
texte original anglais du Traité; elle correspond à l'expression "objets"
employée dans le texte français du Traité, lui aussi texte original;
cette dernière expression se retrouve également dans le texte français
de nombreux autres traités et conventions signés par la Suisse. Selon la
pratique constante, on vise par là non seulement les objets qui ont servi
à la commission de l'infraction (instrumenta sceleris), mais aussi les
objets acquis au moyen de l'infraction (producta sceleris), même s'ils
n'existent plus en nature mais ont été transformés en valeurs réelles ou
même en un compte en banque (SCHULTZ, loc.cit., p. 512 s.).

    b) Lors de l'arrestation de Grosby à titre extraditionnel, des montants
en monnaie de différents pays ont été saisis sur lui (50 030 dollars USA,
60 francs français, 1500 pesetas, 12 250 pesos uruguayens, 19 300 pesos
argentins, 18 100 cruzeiros, 1000 piecset polonais et 6 livres sterling),
ainsi qu'un certain nombre d'objets de valeur (bijoux). Au cours de la
procédure d'extradition, deux comptes en banque de Grosby ont également
été bloqués, notamment le compte no 164.835/4 présentant un solde de
2827.74 dollars USA.

    Dans un mémoire séparé du 7 janvier 1971, le mandataire de Grosby
prétend que les objets saisis et les valeurs bloquées ne pourraient pas
"servir à établir la preuve de l'infraction" et qu'il n'est nullement
prouvé qu'ils aient été acquis au moyen de l'infraction ou qu'ils aient
un lien quelconque avec les infractions pour lesquelles l'extradition
est demandée. Les autorités des Etats-Unis n'ont pas été invitées à se
déterminer sur ces objections; le Procureur général de la Confédération
propose qu'elles soient invitées à rendre plausible l'existence d'un
rapport entre ces objets et valeurs et les activités délictuelles.

    Les objets en cause ne peuvent guère entrer en considération comme
moyen de prouver les infractions reprochées à Grosby. Si leur saisie a
été ordonnée par les autorités suisses, c'est manifestement parce que les
pièces du dossier permettaient de supposer que les objets trouvés en la
possession de Grosby provenaient de son activité dans le trafic illégal
de stupéfiants. D'après le sens que l'on peut donner à l'art. 18 al. 2
de la LF sur l'extradition, qui sur ce point complète la réglementation
succincte du Traité, les autorités (cantonales) ont à procéder aux
perquisitions et saisies comme dans les cas où l'instruction de la cause
entrerait dans la compétence de la Suisse. Il n'est donc pas exigé une
requête d'entraide judiciaire très détaillée, mais simplement une requête
de principe, qu'il y a lieu d'interpréter en fonction des nécessités du cas
concret. Cette pratique correspond aux exigences de la poursuite pénale,
tout en sauvegardant l'intérêt légitime de l'intéressé.

    Sur le vu des pièces remises par les autorités des Etats-Unis, il
apparaît hautement vraisemblable que Grosby vivait principalement des
revenus du trafic illégal de stupéfiants et que sa fortune était formée
du produit de son activité délictueuse. Selon la doctrine, il suffit que
l'existence de rapports entre les objets saisis et l'infraction paraisse
vraisemblable (SCHEIM et MARKEES, FJS no 755 p.11). En l'espèce, Grosby
s'est contenté de contester l'existence de tels rapports, sans donner
la moindre indication sur la provenance possible des biens et valeurs
saisis; on peut supposer que, si ces biens étaient provenus d'une autre
source que des infractions pour lesquelles l'extradition est demandée,
il n'aurait pas manqué de le faire valoir. Dans ces conditions, il
faut admettre que l'existence de rapports entre les objets saisis et les
infractions en question n'est pas simplement vraisemblable, mais hautement
vraisemblable; il est dès lors inutile d'inviter les Etats-Unis à rendre
plausible l'existence de tels rapports, comme le propose le Procureur
général de la Confédération.

    c) Grosby allègue que la saisie est irrégulière parce qu'elle a été
faite sans que soient respectées les conditions de forme et de fond prévues
par la législation genevoise, applicable en vertu de l'art. 18 al. 2 LExtr.

    Il n'y a pas lieu d'entrer en matière ici sur le grief de vices de
procédure réparables (violation de règles de compétence et de forme); de
tels vices auraient pu être attaqués par les voies de recours cantonales
normales. Sans doute l'art. 18 al. 2 prescrit-il aux autorités de
procéder conformément aux dispositions du droit cantonal. Mais en
vertu du principe, déjà rappelé, de la priorité du Traité sur la loi,
on ne peut pas s'opposer à l'exécution de mesures prévues par un traité
d'extradition en se fondant sur des dispositions de procédure du droit
cantonal. Dans une procédure d'opposition à une demande d'extradition,
on ne peut soulever que des objections contre l'extradition, et non pas
des griefs fondés sur la violation de dispositions cantonales qui ne
touchent pas directement l'extradition.

    Quant à l'objection de fond consistant à prétendre que la remise
des objets saisis est inadmissible, parce que les conditions prévues
par le droit genevois pour une telle saisie n'auraient pas été remplies,
elle repose essentiellement sur l'allégation que l'existence de rapports
entre les objets saisis et l'infraction n'a pas été prouvée. Or on a vu
ci-dessus que cette objection doit être rejetée. Si Grosby entend en
revanche par là contester que le droit genevois permette la saisie du
produit d'une infraction, son objection est vaine: en effet, l'art. XII
du Traité oblige chaque Etat contractant à saisir les objets acquis au
moyen de l'infraction, pour les remettre à l'Etat requérant; la Suisse
doit donc appliquer cette disposition, de sorte qu'il n'est pas nécessaire
d'examiner si la saisie de la procédure pénale genevoise a la même étendue
que celle qui est prévue dans le Traité. L'art. XII du Traité constitue
de toute façon une base légale suffisante pour justifier la saisie opérée.

Erwägung 6

    6.- Au cours des recherches faites auprès des banques de Genève en
vue de déterminer si Grosby y était titulaire de comptes, il a été établi
que le compte no 164.835/4 de Grosby a été débité, postérieurement à son
arrestation, de montants qui ont été soit retirés par son épouse, dame
Sava Schestman de Grodnitzky, soit virés sur un ou des comptes qu'elle
a ouverts en son nom auprès de la même banque le 18 septembre 1970. Par
ordonnance du 13 novembre 1970, le Juge d'instruction genevois a ordonné
le blocage immédiat de ces derniers comptes.

    a) Dans un mémoire séparé du 7 janvier 1971, le mandataire de Grosby,
disant agir au nom de l'épouse, a demandé la mainlevée de la saisie opérée
sur les comptes bloqués de dame Schestman de Grodnitzky.

    L'art. 23 al. 1 LExtr. n'accorde qu'à l'individu arrêté la faculté
de soulever une objection contre la demande d'extradition. En pratique
cependant, le Tribunal fédéral a admis qu'il peut entrer en matière sur
des objections soulevées par des tiers contre la remise d'objets saisis
(RO 32 I 548 consid. 1, 38 I 521). SCHULTZ a critiqué l'extension -
non couverte par le texte de la loi - du droit d'objection à des tiers
(loc. cit., p. 224/225). Il estime que le tiers qui veut soulever des
objections contre la remise d'objets saisis ne dispose que de la voie
du recours administratif contre la décision de la Division de police; si
l'affaire est portée devant le Tribunal fédéral par le poursuivi lui-même,
le tiers doit s'en remettre à lui pour faire valoir contre la remise des
objets saisis toutes les objections admissibles en vertu du Traité ou de
la loi.

    En l'espèce, l'épouse a signé elle-même une procuration en faveur de
l'avocat qui a soulevé l'objection contre le blocage du compte en banque
établi en son nom. Mais cette objection doit aussi être considérée comme
soulevée par Grosby lui-même, l'avocat agissant manifestement au nom
du couple pour s'opposer tant à l'extradition de Grosby qu'à la remise
des biens saisis. On peut donc en l'espèce examiner au fond toutes les
objections soulevées contre la remise des biens saisis, sans qu'il soit
nécessaire de trancher la question - controversée - de la qualité d'un
tiers pour s'opposer à cette remise dans le cadre de la procédure devant
le Tribunal fédéral.

    b) Le grief principal soulevé contre la saisie des comptes de l'épouse
auprès d'une banque suisse à Genève consiste à prétendre qu'aucune
disposition légale ne permet une telle saisie, pas plus que la remise
à l'Etat requérant des valeurs ainsi saisies: l'art. XII du Traité ne
vise que les objets qui, lors de l'arrestation, ont été trouvés "en
la possession de la personne réclamée", et la demande d'extradition ne
mentionne que "all articles seized with Grosby" (tous les objets saisis
trouvés en la possession de Grosby).

    Les expressions utilisées tant dans le Traité que dans la demande
d'extradition ne peuvent raisonnablement pas être interprétées dans
le sens restrictif que seuls les objets que la personne arrêtée porte
sur elle ou détient dans son appartement au moment de son arrestation
pourraient être saisis; il ressort au contraire manifestement du sens de
ces expressions qu'elles visent tous les objets situés dans l'Etat requis
et sur lesquels la personne réclamée exerce un droit de disposition; que
ces objets soient à la disposition immédiate de la personne en cause, ou
qu'ils soient placés dans une case de coffre-fort (safe) ou sur un compte
en banque ou auprès d'une tierce personne, cela n'est pas déterminant pour
la légitimité de la saisie et de la remise à l'Etat requérant. Il n'est
pas contestable que les actifs déposés auprès de la banque suisse au nom
de dame Schestman de Grodnitzky, et saisis à la demande de la Division
fédérale de police, fussent en la possession de Grosby au moment de son
arrestation, ni qu'il s'agisse de biens provenant - de façon hautement
vraisemblable - de l'activité délictueuse de la personne arrêtée; en
tout cas, les mémoires motivant l'opposition de Grosby n'apportent aucun
argument qui permette de le contredire. L'objection selon laquelle les
autorités américaines n'auraient pas demandé expressément la saisie et
la remise des biens de l'épouse de Grosby ne permet pas de justifier la
libération de ces biens; dans la demande toute générale de saisie et de
remise des biens trouvés en possession de Grosby, on peut admettre qu'est
implicitement contenue la demande de rechercher et de remettre à l'Etat
requérant tous les biens cachés dans le pays requis et sur lesquels la
personne réclamée exerce un pouvoir de disposition de droit ou de fait.

    Une interprétation plutôt extensive de la demande d'extradition
et des dispositions conventionnelles ou légales relatives à la remise
d'objets saisis se justifie d'autant plus que le sort de ces objets
n'est pas définitivement réglé par la décision de saisie et de remise
des objets saisis à l'Etat requérant. C'est finalement le juge compétent
pour statuer sur l'affaire au fond qui décidera si les objets saisis et
livrés seront confisqués, ou remis à l'Etat ou laissés à la disposition
de leur propriétaire (cf., pour le droit suisse, les art. 58 et 59 CP).

    c) Dans ces circonstances, l'épouse de Grosby se fonde en vain sur
les dispositions prévoyant que les droits des tiers doivent être dûment
respectés (art. XII al. 2 du Traité, 27 al. 4 LExtr.). Il n'y a pas de
raison de prendre en particulière considération le fait que les valeurs
en cause ont passé formellement en sa propriété. La réserve des droits
des tiers prévue à l'art. 27 al. 4 LExtr. et l'obligation - découlant
du Traité - de respecter de tels droits tendent avant tout à assurer une
solution appropriée dans les cas où devraient être saisis, comme moyens
de preuve, des objets appartenant à des tiers qui sont tout à fait hors de
cause. Le transfert de valeurs, provenant vraisemblablement d'une activité
délictueuse, au conjoint d'une personne dont l'extradition est demandée
ne constitue aucunement une circonstance qui puisse mettre obstacle à
leur saisie et à leur remise à l'Etat requérant, surtout pas lorsque,
comme en l'espèce, le transfert ne vise qu'à soustraire ces valeurs à
l'emprise des autorités.

    d) Le dernier grief soulevé contre la saisie et la remise des biens
qui ont passé formellement au nom de l'épouse consiste à alléguer que
l'art. 290 CPP gen. donne au conjoint le droit de refuser de témoigner, et
que la saisie d'objets - et leur remise à l'Etat requérant - appartenant à
une telle personne est exclue. Or aucune disposition du Traité ou de la loi
ne fournit d'élément concret en faveur d'une telle argumentation. Seule
une brève remarque de SCHULTZ (loc. cit., p. 516) fait allusion à une
telle limitation.

    Plusieurs législations cantonales étendent le droit de refuser de
témoigner en prévoyant expressément la faculté, pour les personnes
qui bénéficient de ce droit, de s'opposer à la recherche et à la
saisie auprès d'elles de pièces pouvant servir de preuves. De telles
prescriptions tendent à éviter que le droit de refuser de témoigner ne
soit déjoué par le détour de la saisie de pièces. Elles visent avant
tout le cas des personnes qui sont dispensées de témoigner en raison du
secret professionnel. La remarque de SCHULTZ s'applique essentiellement
aux écrits pouvant servir de preuve, et non pas aux objets dont la
confiscation ou la dévolution à l'Etat pourrait être prononcée et qui
devraient à cet effet être placés en lieu sûr. Il n'y a pas de raison
de garantir ces objets contre l'emprise des autorités pénales uniquement
parce qu'ils se trouvent en possession de personnes qui peuvent refuser
de témoigner. La saisie de tels objets ne met pas les détenteurs ou ceux
qui ont le droit d'en disposer dans un conflit de conscience comparable à
ce qui se passe lors de l'interrogatoire d'un témoin; la sauvegarde d'un
secret professionnel n'est pas non plus en question ici. L'interdiction
générale de saisir des objets ou valeurs auprès de personnes qui peuvent
refuser de témoigner procurerait à chaque délinquant un moyen très simple
de soustraire à l'emprise des autorités pénales des biens acquis au moyen
d'un délit: il lui suffirait de transférer ces biens à une personne proche
qui peut refuser de témoigner.

    En l'espèce, les biens transférés sur le compte en banque de l'épouse
ne sont pas destinés à établir la preuve des infractions imputées à Grosby;
manifestement, ce transfert tendait avant tout à éviter la saisie et
la remise des valeurs à l'Etat requérant. Un tel but ne mérite aucune
protection en matière d'extradition (cf. SCHULTZ, loc.cit., p. 516, n. 33).

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Rejette l'opposition de Jack Grosby et autorise son extradition
aux Etats-Unis d'Amérique pour les infractions énumérées dans les mises
en accusation des 21 octobre 1968 et 2 juillet 1970, à l'exception de
celles qui tombent sous le coup de la section 1403 du Titre 18 du Code des
Etats-Unis (chiffres 30 à 36 de la mise en accusation du 2 juillet 1970);

    2. Ordonne la remise à l'Etat requérant des objets et valeurs saisis
par les autorités genevoises.