Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 I 178



97 I 178

28. Extrait de l'arrêt du 3 mars 1971 dans la cause Hoirs Martin contre
Etat de Vaud Regeste

    Bau der Nationalstrassen.

    1.  Erwerb des erforderlichen Landes im Enteignungs- oder im
Landumlegungsverfahren (Art. 30 NSG)? Verhältnis zwischen den beiden
Verfahren, von denen das eine durch das Bundesrecht, das andere durch
das kantonale Recht geregelt wird.

    2.  Anspruch auf Entschädigung wegen Verletzung der aus dem
Grundeigentum hervorgehenden Nachbarrechte (Art. 684 ZGB und 5 EntG). Bei
welcher Behörde und in welchem Zeitpunkt muss der Anspruch geltend
gemacht werden?

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Pour la construction de l'autoroute du Léman, l'Etat de Vaud a décidé
d'acquérir une partie d'un immeuble, sis sur la commune de Villette,
appartenant à l'hoirie Alfred Martin.

    Deux enquêtes distinctes eurent lieu concernant les terrains
nécessaires à cette construction. La première, No 147, relative
aux communes de Grandvaux, Cully, Riex et Epesses, se déroula au
printemps 1968; après approbation du projet par le Département fédéral de
l'Intérieur, l'enquête pour l'expropriation eut lieu du 24 septembre au 23
octobre 1968, La seconde enquête, No 150, pour les communes de Lutry et
Villette, fut fixée au début de l'été 1968, et l'enquête d'expropriation
proprement dite eut lieu au printemps 1969. Antérieurement, le Conseil
d'Etat avait constitué en 1966 un Syndicat d'améliorations foncières No
20 en vue d'acquérir les terrains qui pourraient l'être par remaniement
parcellaire.

    Le 11 octobre 1968, soit pendant le cours de l'enquête d'expropriation
No 147, la lettre suivante fut écrite par un représentant de l'hoirie
Martin à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement:

    "Nous avons consulté les plans de l'autoroute et constaté que vous
allez nous exproprier d'une partie de notre terrain, soit 890 m2. Cette
parcelle se terminant par un triangle s'étendant jusqu'à notre garage,
la bande longue et étroite restant au nord de ce triangle n'aurait pour
nous plus aucune valeur ni utilité. Nous vous demandons par conséquent
d'englober également cette bande.

    En compensation du terrain exproprié, nous vous demandons en échange
un autre terrain;...

    Nous faisons valoir une demande d'indemnisation de fr. 40.- à fr. 50.-
le m2 au cas où un échange n'aurait pas lieu; en effet, nous estimons
qu'une maison aurait pu être construite à l'endroit le plus large du
terrain. D'autre part, notre maison de par sa proximité immédiate de
l'autoroute subira une moins-value que nous vous prions de considérer."

    Cette lettre resta sans suite jusqu'au début de 1970, époque où l'un
des membres de l'hoirie Martin intervint auprès du Bureau cantonal de
construction des autoroutes; il s'ensuivit un échange de correspondance
entre ce Bureau, divers membres de l'hoirie et le président de la
Commission fédérale d'esti mation.

    Le 16 avril 1970, ce dernier rendit une ordonnance déclarant
irrecevables "les prétentions des hoirs d'Alfred Martin à une indemnité
justifiée par une atteinte aux droits résultant des rapports de voisinage".

    L'hoirie Martin a adressé le 16 mai 1970 au Tribunal fédéral un recours
de droit administratif pour demander l'annulation de cette ordonnance.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La lettre de l'hoirie Martin du 11 octobre 1968 visait un
triple but: l'extension de l'expropriation à une bande de terrain située
hors de l'emprise prévue, puis une compensation en nature ou à défaut une
indemnité calculée sur la valeur du m2, enfin, semble-t-il, la réparation
du dommage résultant pour la propriété de la proximité de l'autoroute.

    Les deux premières prétentions relevant de la procédure de remaniement
parcellaire (Syndicat d'améliorations foncières No 20), c'est à bon droit
que le président de la Commission fédérale d'estimation n'est pas entré
en matière à leur sujet.

    En revanche, interprétant la troisième prétention comme une demande
séparée d'indemnité pour atteinte aux droits découlant des règles sur
les rapports de voisinage (art. 684 CC et 5 LEx.), il a estimé qu'elle
relevait de la procédure d'expropriation No 150 ouverte pour le tronçon
d'autoroute en cause.

    b) Cette prétention de l'hoirie Martin a été formulée avant
l'achèvement du remaniement parcellaire actuellement en cours, ce qui
soulève le problème de la relation entre le remaniement et l'expropriation.

    En effet, le législateur n'a pas prévu de solution unique quant au
droit applicable et quant à l'autorité compétente pour statuer sur une
prétention qui tend à la réparation du dommage causé par la proximité d'une
autoroute. La loi fédérale sur les routes nationales laisse aux cantons,
pour l'acquisition forcée des terrains, le choix entre deux procédés
(art. 30 LRN): l'un, l'expropriation, régi par le droit fédéral (art. 39
LRN), l'autre, le remaniement parcellaire, dépendant du droit cantonal
(art. 31 et 32 LRN). Le législateur a accordé la priorité au procédé de
droit cantonal sur le procédé de droit fédéral (art. 30 al. 2 LRN).

    Par ailleurs, l'art. 21 de l'ordonnance d'exécution de la loi fédérale
sur les routes nationales autorise les cantons à rendre la loi fédérale
d'expropriation applicable à l'estimation des inconvénients qui peuvent
subsister malgré l'attribution du nouveau terrain. La compétence des
autorités chargées du remaniement parcellaire dépend ainsi du droit
cantonal. Ces autorités peuvent - mais le droit fédéral ne les y oblige
pas - faire intervenir dans leurs calculs une indemnité pour dépréciation
de la parcelle restante, en appliquant par analogie la loi fédérale sur
l'expropriation.

    Quant à l'époque à laquelle l'intéressé doit présenter sa prétention
à la réparation du dommage causé par le voisinage de l'autoroute, il n'y
a pas non plus de règle unique. Dans l'arrêt Emser-Werke AG (RO 92 I 176
ss.), le Tribunal fédéral a admis qu'un propriétaire qui, en vue de la
construction d'une autoroute, avait dû céder une partie de son immeuble
dans le cadre d'un remaniement parcellaire, pouvait demander réparation
de ce dommage, et cela après la fin du remaniement, le cas échéant au
moyen d'une procédure spéciale.

    En l'espèce, les hoirs Martin ont allégué un dommage semblable
bien avant la fin du remaniement parcellaire prévu. La question se pose
alors de savoir si cette prétention doit être examinée par le Syndicat
d'améliorations foncières, qui pourrait en tenir compte dans la nouvelle
répartition des immeubles et dans le calcul d'une éventuelle soulte en
argent, ce qui constituerait une réparation. La prétention serait alors
définitivement jugée, et ne pourrait être reprise dans une procédure
d'expropriation; le propriétaire aurait l'avantage de voir toutes ses
prétentions réglées dans une seule et unique procédure.

    La situation juridique est ainsi incertaine, et peut être la source
de difficultés que le Tribunal fédéral n'a pas à résoudre ici. Selon les
cantons et selon le moment où elle est présentée, une prétention semblable
à celle des hoirs Martin sera donc jugée soit par une autorité fédérale,
soit par une autorité cantonale, et sur des bases différentes.

    Dans ces conditions, comme il n'est pas exclu que la prétention de
l'hoirie Martin résultant du voisinage de l'autoroute soit retenue par
les autorités compétentes pour le remaniement parcellaire, la Commission
fédérale d'estimation doit s'abstenir d'entrer en matière tant que la
décision qu'elles doivent prendre n'est pas connue, et attendre la fin de
la procédure de remembrement. Il convient d'ailleurs de relever à ce sujet
que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il faut que l'autoroute
soit mise en exploitation pour juger de l'existence du dommage allégué,
ainsi que de sa gravité (RO 94 I 286 ss. et 95 I 490).

    Cependant, c'est à bon droit que le président de la Commission fédérale
d'estimation a statué immédiatement sur la recevabilité formelle de la
demande de réparation du dommage causé par la proximité de l'autoroute,
allégué par l'hoirie Martin.

    Il s'agit dès lors d'examiner si cette demande devait être jugée
irrecevable.

Erwägung 3

    3.- La décision attaquée a retenu deux motifs d'irrecevabilité:

    a) Elle considère d'abord que la prétention en cause n'a pas été
présentée pendant le délai d'enquête de la procédure d'expropriation
No 150, dont elle relevait, ni été adressée à l'autorité compétente. Il
est exact que son destinataire était la Commission fédérale d'estimation,
c'est-à-dire une autorité incompétente pour la recevoir, puisque, selon les
art. 35 et 36 LEx., elle aurait dû être produite en main de la Municipalité
de Villette. Mais cette informalité était sans conséquence quant à
l'observation du délai, en vertu de l'art. 21 al. 2 LPA, applicable aux
Commissions fédérales d'estimation. Le destinataire réel de la demande
était d'ailleurs la Commission d'estimation; si l'art. 35 LEx. fait
de la municipalité l'autorité compétente pour recevoir oppositions
et demandes relatives à l'expropriation, c'est dans l'intention de
faciliter l'intervention des intéressés, qui ignorent souvent l'adresse
de la commission.

    b) Les hoirs Martin ont commis une seconde informalité, celle qui a
consisté à intervenir au cours de l'enquête d'expropriation No 147, qui ne
concernait pas leur immeuble, au lieu d'attendre l'enquête d'expropriation
No 150 dont il relevait. Cette erreur explique que la lettre du 11 octobre
1968 soit restée sans suite, mais elle est excusable, attendu que les
procédures d'approbation du projet d'autoroute et d'expropriation se sont
intercalées les unes dans les autres, puisque l'enquête d'approbation
du projet No 150, qui intéressait les hoirs Martin, eut lieu peu avant
l'enquête d'expropriation pour le projet No 147. Au demeurant, en se
trompant d'enquête, les recourants ont agi, non pas tardivement, mais
prématurément, par une sorte d'excès de diligence qu'on ne peut leur
reprocher.

    En matière de procédure d'expropriation, dans laquelle l'administré est
entraîné contre sa volonté et se trouve en face de l'Etat, un formalisme
rigoureux ne se justifie pas.

    c) On peut encore relever que la demande de réparation contenue dans la
lettre du 11 octobre 1968 n'était pas chiffrée, contrairement à ce qu'exige
l'art. 36 lettre a LEx. Il a cependant été jugé qu'il s'agit là d'une
simple règle d'ordre, et non pas d'une condition de validité formelle
de la demande d'indemnité (RO 71 I 301/302 consid. 2). En l'espèce,
les hoirs Martin, pas plus que les autorités d'estimation elles-mêmes,
n'étaient en mesure d'évaluer le dommage avec quelque précision, tant
que l'autoroute n'était ni construite ni mise en exploitation.

    Ainsi, en dépit de ces diverses informalités, la lettre du 11 octobre
1968 constitue une demande recevable d'indemnité pour le dommage résultant
de la proximité de l'autoroute. Sans qu'il y ait lieu de déterminer en
outre si les conditions d'une production tardive selon l'art. 41 LEx. sont
remplies, la Commission fédérale d'estimation doit par conséquent examiner
cette demande quant au fond, sous réserve de ce qui va encore être dit.

Erwägung 4

    4.- Pour les motifs exposés au considérant 2 ci-dessus, la Commission
d'estimation devra attendre avant de statuer sur le fond que la procédure
de remaniement parcellaire du Syndicat d'améliorations foncières No 20
soit achevée en ce qui concerne l'hoirie Martin, ou tout au moins que
les autorités chargées de ce remaniement se soient prononcées sur leur
compétence pour connaître de la prétention de l'hoirie à la réparation
du dommage qu'elle allègue.

    Si, dans cette procédure, il a été statué d'une manière ou d'une
autre sur cette prétention, celle-ci se trouvera liquidée sans que la
Commission fédérale d'estimation ait encore à se prononcer.

    Si, en revanche, les organes du Syndicat d'améliorations foncières
ont refusé de statuer eux-mêmes sur cette prétention au motif qu'elle
n'était pas de leur compétence en vertu du droit cantonal, la Commission
fédérale devra se prononcer, après que les hoirs Martin auront été invités
à chiffrer, au moins approximativement, leur prétention, comme aussi à
la motiver.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, dans le sens des considérants, et annule la décision
attaquée.