Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 97 II 333



97 II 333

46. Arrêt de la IIe Cour civile du 21 octobre 1971 en la cause Consortage
de Cleuson contre

    Commune de Nendaz.  Regeste

    Art. 704 Abs. 1 ZGB.

    Die Quellen, die auf einem privaten Grundstück entspringen und von
Anfang an einen Wasserlauf bilden (Bachquellen), sind nicht Quellen im
Sinne von Art. 704 Abs. 1 ZGB.

Sachverhalt

    A.- La commune de Nendaz a accordé en 1945 à la société anonyme
L'Energie de l'Quest-Suisse (en abrégé: EOS), à Lausanne, pour une durée de
quatre-vingts ans, une concession d'exploitation des eaux de la Printze
supérieure et de ses affluents. En contrepartie, l'EOS s'est engagée
à payer à la commune un montant de 50 000 fr. ainsi qu'une redevance
annuelle.

    Le Consortage de Cleuson est une corporation de droit cantonal au sens
de l'art. 59 CC. Il est propriétaire de l'alpage du Cleuson. En 1951, il
a vendu une partie de cet alpage à l'EOS pour permettre la construction
du barrage de Cleuson, qui retient les eaux de la Printze. Au moyen
d'une station de pompage, les eaux de ce barrage sont amenées, à travers
une galerie souterraine, dans le lac des Dix formé par le barrage de
la Dixence.

    Le versant droit de la Printze est composé de plusieurs combes. Dans
chacune d'elles s'écoule un torrent. Celui qui parcourt la combe de la
Zallaz rejoint à l'altitude de 2140 mètres le torrent de la petite combe
de Tsava pour former un seul affluent de la Printze.

    La source de la Zallaz est située au niveau du bisse désaffecté
de Chervé, à environ 2330 mètres. Elle compte une dizaine de points de
sortie, de débits différents, disséminés autour de la venue principale
sur une largeur de 40 mètres environ, avec des différences de niveau de
l'ordre de 4 mètres. Elle forme immédiatement un torrent. Son débit, qui
varie selon les saisons, est de 60 à 3420 litres/minute. Le torrent est
intercepté à une vingtaine de mètres de la source par une prise d'eau qui
alimente un réservoir servant à l'alimentation de la cabane des gardiens
du barrage. En aval de cette prise, le torrent s'infiltre progressivement
dans son cône de déjection. Il réapparaît plus bas sous la forme d'une
source qui, pour une bonne part, n'est qu'une résurgence de la source du
bisse. Une fraction des eaux infiltrées se perd dans le lac artificiel
de Cleuson et échappe à la résurgence. Une deuxième prise d'eau située
à 2191 mètres amène l'eau du torrent directement dans le lac.

    La galerie souterraine d'adduction des eaux du barrage de Cleuson
au lac des Dix a une longueur de 4 km. Elle traverse une partie des
territoires des communes de Nendaz et d'Hérémence. Des eaux souterraines
s'infiltrent dans la galerie. Elles représentent, sur le territoire de
la commune de Nendaz, un volume de 789 300 m3 par année. Seul le 33%
de cette eau provient du sous-sol situé à l'aplomb des zones herbeuses
de l'alpage de Cleuson.

    B.- Le 2 avril 1965, le Consortage de Cleuson a ouvert action contre la
commune de Nendaz. Il a demandé en définitive que son droit de propriété
soit reconnu sur les eaux captées par l'EOS dans la combe de la Zallaz
et sur celles qui jaillissent dans la galerie d'adduction du barrage
de Cleuson à celui de la Dixence. Il a conclu d'autre part au paiement
des redevances reçues par la commune de Nendaz pour les eaux captées sur
l'alpage de Cleuson et dans la galerie, soit 1536 fr. 11 par an dès 1964,
avec intérêt à 5% sur chaque annuité.

    La commune de Nendaz a conclu au rejet de l'action.

    Par jugement du 19 janvier 1971, le Tribunal cantonal du Valais a
rejeté l'action. Il a considéré en bref ce qui suit.

    Le demandeur ne connaissait pas l'existence des eaux qui ont jailli
dans la galerie souterraine. Leur captage est purement accidentel. Il est
dû aux travaux de dérivation des eaux de la Printze dans le barrage de
la Dixence. L'acheminement des eaux en direction de la galerie où elles
émergent n'est pas connu. Il est donc impossible de les capter par des
forages à la surface du sol. Ces eaux n'ont dès lors aucun rapport avec
l'exercice du droit de propriété sur l'alpage. Elles appartiennent à la
commune de Nendaz en tant que propriétaire des choses sans maître selon
le droit cantonal.

    La source de la Zallaz jaillit au sommet du pâturage, sur la propriété
du demandeur. Elle forme immédiatement un torrent. Les prises d'eau de
l'EOS sont installées sur le torrent, soit à un endroit où, quel que soit
le régime juridique de la source, les eaux sont devenues communales.

    C.- Contre ce jugement, le Consortage de Cleuson recourt en réforme
au Tribunal fédéral. Il persiste dans les conclusions de sa demande.

    La commune de Nendaz propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 704 al. 1 CC, les sources sont une partie intégrante
du fonds et la propriété n'en peut être acquise qu'avec celle du sol
où elles jaillissent. Le code civil ne précise pas si les sources de
ruisseaux, c'est-à-dire celles dont le flux forme immédiatement un cours
d'eau relativement important, rentrent aussi dans le domaine privé du
propriétaire du fonds. WIELAND (n. 3 ad art. 704 CC) et LEEMANN, dans
la première édition de son commentaire (n. 13 ad art. 667 CC et n. 7
ad art. 704 CC), assimilent de telles sources aux eaux publiques. Cette
opinion était déjà défendue par E. HUBER (Die Gestaltung des Wasserrechts
im künftigen schweizerischen Recht, in RDS n. F, vol. 19 p. 528;
Zu der Frage der Rechtsverhältnisse an Quellen und Wasserlauf und des
Expropriationsrechts zu Gunsten ausländischer Unternehmungen, in RDS n. F,
vol. 12 p. 57).

    Dans un arrêt Haab & Cie c. Frei et consorts, du 15 mars 1917 (RO 43
II 158), le Tribunal fédéral relève cependant que le code civil ne contient
aucune réserve au sujet des sources de ruisseaux ou de rivières. Il estime
qu'une telle réserve ne pourrait se justifier qu'en considérant que le
sol lui-même d'où jaillissent de telles sources forme le lit d'un cours
d'eau public et qu'il est simplement entouré de propriété privée. Dans le
cas particulier, la source jaillissait dans la cave d'une maison avec un
débit de 600 litres/minute. Le Tribunal fédéral a dès lors admis qu'elle
était régie par l'art. 704 al. 1 CC.

    Dans la deuxième édition de son commentaire (n. 19 ad art. 667 CC et
n. 10 ad art. 704 CC), LEEMANN s'est rallié à ce point de vue. Il estime
toutefois qu'une notion de la source qui ne s'étendrait pas aux sources
de ruisseaux correspondrait mieux aux intérêts économiques.

    D'autres auteurs ont exprimé un avis différent.

    Selon ROSSEL (Des sources immédiatement génératrices d'eaux courantes,
in RJB 1918 vol. 54 p. 252 et 331), l'arrêt Haab isole par trop la source
du cours d'eau qu'elle forme ou qu'elle alimente. Le Tribunal fédéral
aurait dû exclure du domaine d'application de l'art. 704 CC toutes sources
immédiatement génératrices de cours d'eau, rivières, ruisseaux ou torrents.
Cette solution lui paraît d'autant plus indiquée qu'on avait songé à faire
dans le code civil une réserve expresse sur ce point et qu'on y renonça
parce qu'il eût été difficile de la formuler en termes suffisamment
précis. HAAB (n. 9 à 11 ad art. 704 CC) expose que l'arrêt Haab est en
contradiction avec la tendance du législateur suisse et les législations
étrangères les plus récentes. L'affirmation qu'une source dont le débit
s'élève à 600 litres/minute n'est pas une eau publique constitue à ses
yeux une petitio principii contraire aux conceptions actuelles. Il suggère
d'admettre l'existence d'une lacune, d'autant plus que seule la difficulté
de trouver une formule précise a empêché l'introduction dans le code civil
d'une réserve expresse concernant les sources immédiatement génératrices
de cours d'eau. GUISAN (L'eau en droit privé, in JdT 1942 I 502) critique
également l'arrêt Haab. Il s'étonne que le Tribunal fédéral ait pensé
pouvoir tabler sur la propriété publique ou privée du sol, étant donné
que la question ne se pose que si le sol est privé. A son avis, un vrai
cours d'eau qui sort de terre avec un débit considérable et à peu près
constant n'est pas une source. DESCHENAUX et JÄGGI (Le régime juridique
de sources provenant d'eaux souterraines publiques, in JdT 1959 I 104)
estiment que l'argumentation de l'arrêt Haab est un peu courte. Partant du
principe que le droit fédéral s'en remet au droit cantonal pour décider
si un cours d'eau appartient au domaine public, ils en déduisent que
le même régime doit être appliqué aux sources de ruisseaux. Enfin LIVER
(Der Prozess des Müllers Arnold und das private Wasserrecht, in RJB 1946
vol. 82 p. 154) relève que la notion de source en droit suisse est trop
individualiste. Elle ne correspond pas à son avis à la tendance sociale du
code civil ni à l'évolution générale de notre ordre juridique. Elle revêt
un caractère exceptionnel si on la compare au droit des eaux des pays qui
nous entourent. Cet auteur estime (Die Entwicklung des Wasserrechts in
der Schweiz seit hundert Jahren, in RDS n. F, 1952 vol. 71 p. 344/345)
que, lorsque l'écoulement d'une source forme dès le début un ruisseau
ou une rivière, la source fait partie du cours d'eau en ce sens qu'elle
constitue le caput fluminis. Ce cours d'eau est en règle générale de
l'eau publique. Son unité naturelle et économique serait rompue s'il ne
devenait public qu'après avoir franchi la limite du fonds où la source
jaillit et si le propriétaire de ce fonds pouvait le détourner à sa
guise. Il considère dès lors (Öffentliches Grundwasserrecht und privates
Quellenrecht, in RJB 1953 vol. 89 p. 22) que les sources de ruisseaux ne
peuvent être assimilées aux sources visées par l'art. 704 al. 1 CC.

    Les critiques formulées par les auteurs contre l'arrêt Haab sont
pertinentes. Conformément à l'opinion de la doctrine dominante concernant
les sources de ruisseaux, la jurisprudence instaurée par cet arrêt ne
saurait être maintenue. Il faut admettre au contraire que les sources
qui jaillissent sur une propriété privée et qui forment dès le début un
cours d'eau ne sont pas des sources au sens de l'art. 704 al. 1 CC. Elles
sont censées faire partie du cours d'eau auquel elles donnent naissance
et sont dès lors soumises au régime juridique de celui-ci.

    En l'espèce, la source de la Zallaz forme immédiatement un
torrent. Selon l'art. 3 de la loi valaisanne du 17 janvier 1933 concernant
l'attribution de la propriété des biens du domaine public et des choses
sans maître, les rivières et les torrents rentrent dans le domaine
public des communes. Il s'ensuit que la source de la Zallaz ne peut
être considérée comme étant l'objet d'un droit de propriété privé. Dès
lors, les conclusions du recourant qui tendent à ce qu'il soit reconnu
propriétaire des eaux captées par l'EOS dans le torrent de la Zallaz ne
sont pas fondées.

Erwägung 2

    2.- Le recourant prétend être aussi propriétaire des eaux qui
s'infiltrent dans la galerie d'adduction de l'eau du barrage de Cleuson
au barrage de la Dixence.

    Ces eaux souterraines ne sont certes pas comparables à une grande
nappe d'eau ou à un grand cours d'eau souterrain, lesquels font d'emblée
partie du domaine public (RO 93 II 180). Mais selon l'art. 667 al. 1 CC,
la propriété du sol n'emporte celle du dessous que dans la profondeur
utile à son exercice. Cela suppose que le propriétaire ait un intérêt
digne de protection quant à l'exercice, même éventuel, de son droit dans
le sous-sol. Or un tel intérêt n'existe pas si le propriétaire ne peut
dominer ce qui se trouve au-dessous du sol (RO 93 II 175 consid. 5).

    En l'espèce, le recourant ignorait l'existence des eaux qui coulent
dans la galerie. On ne voit pas non plus comment il aurait pu, sans
difficultés particulières et sans frais excessifs, capter cette eau
souterraine, puisqu'on ignore le chemin qu'elle parcourt à l'intérieur
de la montagne. Le recourant n'a pas établi qu'il aurait été en mesure
par des moyens ordinaires de prendre possession de cette eau. Son droit
de propriété ne saurait dès lors s'étendre aux eaux qui arrivent dans
la galerie.

Erwägung 3

    3.- Il résulte de ce qui précède que l'action en constatation de droit
du demandeur n'est pas fondée. L'admission éventuelle de ses conclusions
pécuniaires étant subordonnée au succès de l'action en constatation de
droit, le rejet de celle-ci entraîne le rejet des conclusions pécuniaires.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 19 janvier 1971
par le Tribunal cantonal valaisan.