Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 V 110



96 V 110

30. Extrait de l'arrêt du 27 novembre 1970 dans la cause Assurance
militaire fédérale contre Rey et Tribunal des assurances du canton de
Vaud Regeste

    Art. 23 Abs. 1 und 25 Abs. 3 MVG: Natur des für die Rentenhöhe
massgebenden Schadens.

    Erwerbsunfähigkeit und Beeinträchtigung der körperlichen oder
psychischen Integrität dürfen als Schadenselemente nicht kumuliert
werden. Ausschlaggebend ist derjenige Schaden, der, für sich allein
betrachtet, die höhere Rente ergibt (Präzisierung der Rechtsprechung).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le litige porte uniquement sur le taux du dommage et sa nature
juridique actuelle.

    a) L'art. 23 al. 1er LAM prévoit deux hypothèses permettant de verser
une rente de l'Assurance militaire. Il s'agit d'une part de l'atteinte
présumée permanente à la capacité de gain et d'autre part de l'atteinte
notable à l'intégrité physique ou psychique. Lorsqu'une diminution de
la capacité de gain coïncide avec une atteinte notable à l'intégrité
physique ou psychique, il n'est alloué qu'une seule rente, mais, aux
termes de l'art. 25 al. 3 LAM, "il y a lieu, en fixant son montant,
de tenir compte des deux dommages".

    Dans sa décision du 29 novembre 1968, l'Assurance militaire a fixé le
taux d'invalidité à 66 2/3%. Elle est partie pour ce faire de l'idée que ce
taux était celui de la diminution de la capacité de gain et que cet élément
était à tel point prépondérant qu'il ne laissait plus aucune place pour
une indemnisation supplémentaire de l'atteinte à l'intégrité corporelle.

    Le juge cantonal, au contraire, est parti de l'idée que l'atteinte
à l'intégrité corporelle était largement prépondérante et justifiait à
elle seule un taux de 66 2/3%. Pour tenir compte en sus d'une certaine
atteinte à la capacité de gain, il a porté le taux global à 80% pour les
deux dommages.

    Ni l'une ni l'autre de ces opinions ne mérite cependant
confirmation. Pour se faire une idée juste de la voie à suivre, il faut
constater dès le départ le fait que les deux hypothèses de l'art. 23
al. 1er LAM présentent chacune de telles particularités qu'il est
impossible d'en apprécier l'étendue dans une seule et même opération
logique. En effet, tant les règles d'évaluation du taux que les méthodes
de calcul diffèrent nettement.

    b) La notion de l'invalidité dans l'assurance militaire (comme
d'ailleurs en matière d'assurance-invalidité et d'assurance-accidents) est
de nature essentiellement économique. La rente versée à ce titre entend
dédommager la perte de gain permanente ou de longue durée résultant de
l'affection assurée. Le taux de l'invalidité découle de la comparaison
de deux revenus hypothétiques, soit celui que l'assuré aurait pu gagner
s'il n'était pas devenu invalide et celui qu'il pourrait obtenir en
exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui compte
tenu d'une situation équilibrée sur le marché de travail ouvert à lui
(v. p.ex. ATFA 1967 p. 22). La rente est ensuite calculée sur la base
du gain annuel moyen que l'assuré aurait probablement réalisé s'il n'en
avait pas été empêché par la diminution de sa capacité de gagner (art. 9
OAM). Ce faisant, on tiendra également compte des augmentations de gain
futures si, lors de la fixation de la rente, elles se laissent prévoir
avec une grande vraisemblance (v. ATFA 1969 p. 195 consid. 2).

    c) Quant à la rente accordée en cas d'atteinte notable à l'intégrité
corporelle, elle entend dédommager le préjudice que l'assuré subit dans
l'exercice des fonctions primaires de la vie. Son taux est également
exprimé en pour-cent, mais par comparaison entre l'état anatomique et
fonctionnel de l'assuré avant la survenance de l'affection assurée et
celui qu'il présente lors de la fixation de la rente, compte tenu de
l'accoutumance (v. ATFA 1968 p. 94 ss consid. 3). Selon la jurisprudence,
cette rente doit être calculée sur la base de la valeur moyenne entre le
minimum et le maximum du gain à prendre en considération selon l'art. 24
LAM.

    Cette dernière pratique est critiquée par l'Assurance
militaire. Certes, celle-ci renonce à reprendre l'argumentation qu'elle
avait soutenue dans des causes précédentes - argumentation rejetée par
le Tribunal fédéral des assurances (ATFA 1966 p. 148 et 1968 p. 88) -,
selon laquelle la mesure de la rente pour atteinte à l'intégrité devait
être déterminée par le montant en capital que le juge civil aurait alloué
dans un cas semblable à titre de réparation morale. Mais elle estime
qu'il doit exister néanmoins un certain équilibre entre le montant de
l'indemnité octroyé par le juge civil à titre de réparation morale et la
valeur de la rente militaire pour atteinte à l'intégrité. Or, si la parenté
entre l'indemnisation du tort moral et celle de l'atteinte à l'intégrité
est indéniable, cette parenté ne réside cependant que dans la nature
immatérielle du dommage subi. Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances
l'a relevé dans l'arrêt non publié Barlogis du 28 février 1967, les deux
formes d'indemnisation ont pour fondement des états de faits différents:
la rente pour atteinte à l'intégrité, un dommage physique ou psychique
permanent et en principe objectivement mesurable; l'indemnisation pour tort
moral, une douleur morale unique et donc limitée dans le temps. De plus,
les deux formes d'indemnisation sont réglées de manière différente par le
texte légal lui-même: une rente viagère dans un cas, un capital unique
dans l'autre. Comparer la valeur des prestations ne répond donc pas à
une exigence impérative, et vouloir éviter à tout prix une éventuelle
disproportion se heurte aux dispositions légales elles-mêmes. La valeur
capitalisée de la rente est d'ailleurs un élément de comparaison impropre,
car son emploi aboutirait à la conséquence que, plus un assuré est
jeune, moins haut devrait être estimé le degré de l'atteinte portée à
son intégrité. Ce n'est guère que dans des cas où la valeur de la rente
serait si faible qu'elle ne satisferait plus à sa fonction d'indemnisation,
qu'un correctif pourrait être apporté (ATFA 1966 p. 152).

    d) La divergence des règles d'évaluation et des méthodes de calcul de
la rente pour atteinte à la capacité de gain d'une part et de la rente
pour atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autre part interdit
à l'évidence toute addition de l'un quelconque de leurs éléments. Ces
éléments, sans traits communs d'aucune sorte, ne peuvent même être
combinés. Aussi la jurisprudence a-t-elle reconnu que, lorsqu'une
diminution de la capacité de gain coïncide avec une atteinte notable à
l'intégrité corporelle, le dommage prépondérant devait l'emporter pour
le calcul de la rente et englobait régulièrement le dommage mineur (ATFA
1966 p. 151). Vouloir, comme le tente le juge cantonal, tenir compte
du dommage mineur par l'augmentation de l'un des éléments de calcul du
dommage principal procède d'une appréciation dépourvue de tout critère de
base possible; une telle appréciation relèverait donc de l'arbitraire,
situation inconciliable avec l'ordre juridique fondamental. Le résultat
en serait de plus choquant, du fait que - la rente unique ne pouvant
dépasser en aucun cas 100% - il ne pourrait être tenu aucun compte du
second dommage, même fort grave, si le premier dommage est total.

    En présence de cette situation, la logique impose de considérer
que l'art. 25 al. 3 LAM, en prévoyant l'octroi d'une seule rente et en
exigeant qu'il soit tenu compte ce faisant des deux dommages, entend poser
pour principe que les deux genres de dommages sont mis sur le même pied,
c'est-à-dire que - contrairement à la thèse de l'Assurance militaire - la
rente pour atteinte à la capacité de gain ne bénéficie d'aucune priorité
sur la rente pour atteinte à l'intégrité corporelle; qu'il faut bien
plutôt mesurer l'ampleur de l'un et de l'autre puis, procédant à leur
comparaison, retenir et indemniser pleinement le dommage prépondérant.

    e) Il reste à voir comment déterminer le dommage prépondérant. La
seule voie qui aboutisse à des résultats conformes aux exigences de
l'art. 25 al. 3 LAM est de comparer non pas les éléments de calcul de
l'une et l'autre rente pris séparément, mais le résultat de ce calcul,
soit les montants des rentes qui devraient être versées pour l'un et
pour l'autre des dommages. Cette méthode conduira certes à des résultats
particulièrement favorables pour certaines classes d'assurés, si l'on songe
notamment au gain servant au calcul de la rente pour atteinte à l'intégrité
corporelle. Mais elle est dans la logique du système légal. L'art. 25
al. 3 LAM tend en effet manifestement à assurer une pleine indemnisation
du dommage prépondérant, c'est-à-dire à donner la priorité à la rente la
plus favorable à l'assuré.

Erwägung 3

    3.- Il s'agit donc de rechercher s'il subsiste encore chez l'assuré
une incapacité de gain ou une atteinte notable à son intégrité corporelle
puis, suivant la réponse, de déterminer auquel des deux dommages revient
la priorité.

    a) En l'espèce, l'atteinte à l'intégrité corporelle est sans doute
très grave. A l'âge de 25 ans, l'assuré s'est vu privé de ses deux
jambes; ce qui, même tenu compte de l'accoutumance, justifierait à lui
seul d'évaluer le dommage à environ la moitié. A cela s'ajoutent une
mutilation des membres supérieurs également qui présentent en sus des
troubles fonctionnels, une stérilité totale qui semble s'être doublée
depuis lors d'impuissance sexuelle, une certaine surdité bilatérale
et la tendance à des otites récidivantes dont l'origine remonte à
l'époque du traitement. Alors même que l'obligation d'avoir recours
à l'aide d'autrui pour s'habiller, se déshabiller, mettre et enlever
ses prothèses, est indemnisée par la prise en compte à 100% du gain
déterminant et par l'allocation d'une indemnité spéciale de 2 francs par
jour, cette dépendance pour nombre d'actes quotidiens et vitaux n'en est
pas moins un signe de l'ampleur de l'atteinte portée à l'intégrité et
renforce singulièrement le degré de privation des jouissances usuelles
de la vie. En revanche, il ne faut pas oublier que Rey n'est pas privé de
toute possibilité de locomotion autonome et que, surtout, son psychisme est
resté parfaitement intact. Considérées dans leur ensemble, les séquelles
de l'accident assuré justifient, de l'avis de la Cour de céans, d'évaluer
le taux du dommage à 70%. Calculé sur la base de la valeur moyenne entre
les revenus minimum et maximum à prendre en considération selon l'art. 24
LAM, le montant de la rente alloué à ce titre dépasserait celui de la
pension que l'Assurance militaire a accordée à l'intimé dans la décision
litigieuse.

    b) L'Assurance militaire estime l'assuré invalide pour les deux tiers
car, selon elle, s'il venait à perdre sa place actuelle, il resterait
au chômage deux ans sur trois dans une situation équilibrée du marché
général du travail. Cette appréciation est cependant loin de refléter la
réalité. En effet seule est déterminante la situation de l'assuré lors
de la fixation de la rente, soit lors de la révision. S'il faut certes
considérer dans ce cadre également le développement futur des possibilités
de gagner de l'assuré, cela ne veut pas dire qu'il faille tabler sur des
éventualités plus ou moins lointaines. L'art. 8 LAM déclare couvertes
par l'assurance les conséquences pécuniaires directes des affections
assurées. Par "conséquence directe" il faut comprendre celle dont la
survenance est hautement vraisemblable lors de la fixation de la rente.
Or l'assuré ne subit actuellement guère de perte de gain. Les dépenses
supplémentaires dues à son impotence sont couvertes par la prise en
compte à 100% du gain déterminant et par l'indemnité de 2 francs par jour;
d'autres, telles que les frais de voiture, pourraient être assumées par
l'assurance-invalidité, si l'usage d'une voiture est nécessaire pour se
rendre au travail.

    Certes, les particularités de l'espèce inclinent à admettre qu'il
ne faut pas évaluer le taux de l'invalidité de l'assuré en fonction
du gain qu'il obtiendrait s'il se livrait encore à l'activité exercée
avant l'accident, mais bien au contraire en relation avec sa profession
actuelle. Cependant au dire du directeur de l'entreprise où il travaille,
son infirmité n'a pratiquement pas d'influence sur sa capacité de
travail. Le tribunal cantonal relève que l'assuré n'en subit pas moins un
handicap important sur le marché général du travail; que, s'il venait à
perdre son emploi, il lui serait plus difficile de se reclasser qu'à un
homme valide, surtout sur un marché du travail équilibré. A ces arguments
on peut opposer le fait que l'assuré occupe depuis bientôt huit ans un
emploi stable; que rien ne permet de craindre pour l'instant une perte
d'emploi; que la rente pourrait alors être à nouveau révisée, s'il se
présentait plus tard des difficultés de reclassement. Même compte tenu de
certaines dépenses extraordinaires qui demeureraient éventuellement à la
charge de l'assuré, force est d'admettre que le taux de son invalidité
actuelle aboutirait à une rente largement inférieure à celle qu'il peut
prétendre pour l'atteinte à l'intégrité corporelle.

    c) L'assuré a donc droit à une rente pour atteinte à l'intégrité
corporelle, que l'Assurance militaire calculera en partant d'une entière
responsabilité de la Confédération, d'une invalidité de 70%, d'un gain
annuel correspondant à la valeur moyenne entre les revenus minimum et
maximum selon l'art. 24 LAM et d'un taux d'indemnisation de 100%.

    La conséquence en est une minime réforme du jugement cantonal, à
l'avantage de l'assuré et au détriment de l'Assurance militaire. Une telle
possibilité est expressément prévue à l'art. 132 lit. c OJ, aux termes
duquel le Tribunal fédéral des assurances peut s'écarter des conclusions
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci. L'Assurance
militaire a d'ailleurs envisagé cette éventualité, puisqu'elle a
proposé dans son mémoire de recours de s'en tenir au gain réalisable
sans l'affection assurée, même si la Cour de céans devait admettre que
l'atteinte à l'intégrité corporelle représente le dommage prépondérant.