Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 714



96 I 714

108. Extrait de l'arrêt du 7 octobre 1970 dans la cause Baudat et Baumann
contre Office de Paix du cercle de Lausanne et Tribunal cantonal du canton
de Vaud. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts.  Erbbescheinigung.

    1.  Voraussetzungen, unter denen die Kantone das Anwendungsgebiet des
Bundeszivilrechts durch öffentlich-rechtliche Vorschriften beschränken
dürfen (Erw. 3).

    2.  Sicherungs- und Zwangsmassnahmen, durch welche öffentlichrechtliche
Ansprüche mit Hilfe von Einrichtungen des Bundeszivilrechts geschützt
werden sollen, können nur im Wege der Gesetzgebung eingeführt werden
(Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Les enfants de dame Emma Pfister, décédée à Lausanne le 28
septembre 1960, ont requis de l'Office de paix du cercle de Lausanne, le 5
février 1965, l'établissement d'un certificat d'hérédité en leur faveur.
Le juge de paix leur a demandé à quel usage était destiné ce certificat.
Cette demande de renseiments paraît être restée sans réponse.

    Le 1er mai 1969, les héritiers ont requis à nouveau la délivrance
d'un certificat d'héritiers, en précisant cette fois qu'il était destiné à
"l'inscription d'un bail à loyer à charge des immeubles de la succession
J. Pfister, à Yverdon, dans laquelle était intéressée la défunte"; un
extrait a été délivré pour le but indiqué.

    Par lettre du 23 décembre 1969, les héritiers ont remis à l'office
de paix un livret d'épargne au nom de dame Pfister, en le priant de
délivrer un certificat d'héritiers en leur faveur. L'office de paix a alors
adressé aux héritiers, pour qu'ils la contresignent, une lettre destinée
à la banque et autorisant cet établissement à fournir à l'office de paix
l'inventaire et le relevé de toutes les valeurs, comptes et titres de la
défunte. Le mandataire des héritiers a répondu que tous les actifs de la
succession avaient été indiqués à l'office, qu'une intervention auprès de
la banque était inutile et occasionnerait des frais qu'on pouvait éviter;
il a rappelé la demande de délivrance du certificat d'héritiers. L'office
de paix a fait savoir que le certificat d'héritiers ne pourrait être
délivré avant que la lettre destinée à la banque ait été dûment signée
et que l'office ait reçu la réponse de cet établissement.

    B.- Saisie d'un recours des héritiers, la Chambre des recours du
Tribunal cantonal l'a rejeté par arrêt du 8 mai 1970. Elle s'est fondée
notamment sur les dispositions des art. 40 ss. de la loi du 27 février
1963 "concernant le droit de mutation sur les transferts immobiliers et
l'impôt sur les successions et donations" (LDM), qui prévoient d'une
part l'obligation pour les héritiers de fournir au juge de paix tous
les renseignements nécessaires pour l'établissement de l'inventaire des
biens du défunt (art. 43 LDM), d'autre part l'obligation pour les juges
et greffiers de paix de refuser la délivrance de toutes attestations,
documents ou pièces permettant le transfert de biens dont ils n'ont pas
pu s'assurer qu'ils ont été portés à l'inventaire de la succession, les
extraits et expéditions du certificat d'héritiers devant être assimilés,
selon la Cour, aux attestations permettant le transfert de biens. Elle
a relevé d'autre part que l'exigence de l'office n'était pas contraire
aux dispositions sur le secret bancaire, du moment qu'il ne s'agissait
pas d'obtenir des renseignements de la banque sans le consentement des
intéressés.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, les héritiers de
dame Pfister requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 8
mai 1970 par la Chambre des recours et d'inviter la juridiction cantonale
compétente à rendre un nouvel arrêt dans les sens des considérants,
soit donner instructions au Juge de paix de délivrer aux recourants
l'attestation de leur qualité d'héritiers de feue dame Pfister.

    La Chambre des recours du Tribunal cantonal, comme l'Office de paix du
cercle de Lausanne, déclare s'en tenir aux considérants de l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 559 CC, les héritiers ont un droit à la délivrance,
par l'autorité, d'une attestation de leur qualité d'héritiers; une telle
pièce ne constitue d'ailleurs que l'attestation d'une situation de fait;
elle n'opère pas le transfert d'un droit.

    Le Code civil ne prévoit pas que les cantons puissent soumettre la
délivrance d'une telle attestation à certaines conditions. On admettra
donc en principe que cette pièce doit être délivrée par l'autorité dès
que les conditions prévues par l'art. 559 CC sont réalisées.

    L'arrêt attaqué s'appuie, il est vrai, sur l'art. 6 CC (selon lequel
les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences
des cantons en matière de droit public) et sur la jurisprudence, notamment
sur l'arrêt Buser du 25 mars 1957 (RO 83 I 206), selon lequel les cantons
peuvent instituer des mesures de sûreté et de contrainte pour leurs
créances de droit public.

    Il s'agit dès lors d'examiner dans quelle mesure et à quelles
conditions les cantons peuvent restreindre le champ d'application du
droit civil fédéral par des règles de droit public.

    Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le relever, cette
faculté n'est pas illimitée (RO 85 I 20); il faut que les règles en
question visent principalement à promouvoir l'intérêt général, qu'elles
se justifient par des motifs plausibles et pertinents d'intérêt public,
qu'elles ne soient pas contraires au sens et à l'esprit du droit
civil fédéral et qu'elles n'en empêchent pas l'application (RO 87 I
188 consid. 1a, 85 II 375 consid. 2 et les arrêts cités; 85 I 20/21). Le
Tribunal fédéral examine librement, et non seulement sous l'angle restreint
de l'arbitraire, si une règle de droit cantonal ou l'interprétation qui
en est donnée est compatible avec le droit fédéral (RO 95 I 163 consid. 2;
91 I 28 consid. 2; 88 I 75 consid. 2; 85 I 21 consid. 9).

Erwägung 4

    4.- En l'espèce, c'est l'intérêt fiscal de l'Etat que visent les
prescriptions cantonales sur lesquelles se sont fondées les autorités
vaudoises pour refuser de remettre aux recourants un extrait du
certificat d'héritier. Or, dans de nombreux domaines du droit public,
l'intérêt fiscal - au sens large - de l'Etat ou d'une commune n'est pas
considéré comme un intérêt public qui puisse justifier une restriction des
droits constitutionnels des citoyens, tels que la liberté d'établissement
(cf. RO 53 I 434), la liberté du commerce et de l'industrie (cf. RO 95 I
150 consid. 4 b) ou la garantie de la propriété (cf. RO 88 I 253 et les
arrêts cités). Sans doute peut-on se demander si la même conclusion se
justifie lorsqu'il s'agit d'une restriction apportée, non pas à un droit
garanti par la constitution, mais à un droit accordé simplement par la
législation fédérale.

    Il faut relever à ce propos que le droit civil fédéral réserve
lui-même la faculté, pour les cantons, de créer des hypothèques légales
pour garantir des créances dérivant du droit public ou des obligations
générales imposées aux propriétaires(art.836 CC). C'est dire que les
cantons sont autorisés à utiliser une institution du droit civil fédéral
pour assurer le paiement des impôts afférents à un immeuble (cf. RO 84 II
99). D'autre part, la jurisprudence admet que les cantons peuvent, sans
violer le droit fédéral, enjoindre au conservateur du registre foncier
de ne pas inscrire un transfert de propriété avant que les droits de
mutation aient été payés au fisc (RO 83 I 206). Mais c'est toujours par
la voie législative que les cantons peuvent instituer des hypothèques
légales garantissant leurs créances de droit public, ou instaurer des
mesures de sûreté et de contrainte en se servant d'institutions du droit
civil fédéral. Une telle exigence est d'ailleurs conforme au principe de
la légalité de l'administration (cf. FLEINER, Les principes généraux du
droit administratif allemand, trad. Eisenmann, p. 87/88; GRISEL, Droit
administratif suisse, p. 164 ss.; cf. aussi SOMMER, Die Erbbescheinigung
nach schweizerischem Recht, p. 53).

    Or, en l'espèce, la faculté de refuser la délivrance d'un extrait
du certificat d'héritiers tant que les héritiers n'ont pas signé une
déclaration permettant au fisc de se renseigner auprès des banques n'est
prévue, directement et expressément, par aucune des dispositions légales
citées par la Chambre des recours du Tribunal cantonal à l'appui de sa
décision; elle n'en a été déduite par les autorités vaudoises qu'au moyen
d'une interprétation extensive et analogique de ces dispositions. Faute
d'avoir été expressément voulue par le législateur et d'être prévue
directement dans une loi, cette faculté ne peut restreindre le champ
d'application du droit civil fédéral, de sorte que le refus de délivrer
un extrait du certificat d'héritiers doit être considéré comme contraire
au droit fédéral, ce qui entraîne l'annulation de la décision attaquée.

    Dans ces conditions, la cour de céans n'a pas à examiner si, prévue
par une disposition légale expresse, la faculté que revendiquent les
autorités vaudoises pourrait être considérée comme compatible avec le
droit fédéral. On observera simplement que les solutions légales et
jurisprudentielles évoquées ci-dessus tendent à garantir des créances
fiscales - actuelles ou futures - bien déterminées, tandis qu'en l'espèce
il s'agit d'utiliser indirectement une institution du droit fédéral comme
moyen d'investigation fiscale, ce qui est bien différent. La cour de céans
n'a pas à examiner non plus si la faculté revendiquée par les autorités
vaudoises est compatible avec l'institution du secret bancaire, envisagé
comme un élément de la protection de la personnalité reconnue par la loi
(art. 28 CC).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours dans la mesure où il est recevable; partant, annule
la décision attaquée.