Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 624



96 I 624

96. Arrêt du 23 septembre 1970 dans la cause Simon contre Conseil d'Etat
du canton de Genève. Regeste

    Staatsrechtliche Beschwerde, Legitimation, Willkür.

    Legitimation des Ausländers zur staatsrechtlichen Beschwerde wegen
Verletzung des Art. 4 BV (Erw. 1).

    Kantonale Verfassungsbestimmungen, welche Individualrechte schützen
und gewährleisten, und solche organisatorischer Natur; nur aufgrund der
ersteren besteht die Legitimation zur Beschwerde gegen Massnahmen, die
gegen sie verstossen (Erw. 3).

    Begriff der Willkür (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Par arrêté du Conseil d'Etat genevois, dame Doris Simon,
ressortissante française, a été nommée professeurextraordinaire de
zoologie spéciale à la Faculté des sciences de l'Université de Genève,
pour une période commençant le 15 octobre 1966 et se terminant à la fin
de l'année universitaire 1968/1969.

    Estimant notamment que dame Simon semblait ne pas avoir trouvé à Genève
un climat favorable à son épanouissement scientifique, le Conseil des
professeurs ordinaires de la Faculté des sciences décida, en mars 1969,
de ne pas proposer le renouvellement de son mandat, si ce n'est pour la
durée d'une année seulement, afin de lui laisser le temps de rechercher
une autre situation.

    Dame Simon protesta immédiatement contre la mesure, injuste selon
elle, qui la frappait; elle échangea une abondante correspondance avec
les organes universitaires, fut reçue par le Recteur de l'Université et
entendue par le Conseil de faculté qui, en mai de la même année, maintint
sa première décision.

    Fondé sur la proposition des autorités universitaires, le Conseil
d'Etat, par arrêté du 3 octobre 1969, ne renouvela le mandat de dame Simon
que pour la durée d'une année. Contre cet arrêté, dame Simon adressa au
Conseil d'Etat une demande de révision, tendant à obtenir le renouvellement
de son mandat pour une période de trois ans.

    B.- Agissant aussi par la voie du recours de droit public, dame Simon
demande au Tribunal fédéral d'annuler et de mettre à néant l'arrêté du
Conseil d'Etat pris le 3 octobre 1969 "dans la mesure seulement où il a
limité à un an la durée de la renomination de la recourante en qualité de
professeur extraordinaire... au lieu de porter cette durée à trois ans...".

    La recourante prétend être victime d'une mesure discriminatoire
arbitraire, contraire au principe de l'égalité des citoyens devant la loi,
violant l'art. 85 de la loi sur l'instruction publique de 1940 (LIP),
ainsi que diverses dispositions constitutionnelles genevoises. Selon elle,
puisque le Conseil d'Etat avait décidé de la renommer, ce qu'il n'était pas
obligé de faire, il devait obligatoirement lui confier un nouveau mandat
de trois ans, tout renouvellement d'une durée inférieure devant être
considéré comme fait en violation de la loi et contraire à l'art. 4 Cst.

    C.- La requête déposée devant le Conseil d'Etat fut rejetée le 24
février 1970, dans un arrêté qui retenait en substance que le fonctionnaire
parvenu à la fin de son mandat, ne possédait aucun droit acquis à son
renouvellement.

    Contre cet arrêté qu'elle estime aussi entaché d'arbitraire que le
premier, dame Simon forme également un recours de droit public. Elle
conclut à l'annulation de la décision du Conseil d'Etat et à la jonction
des deux recours.

    D.- L'autorité cantonale conclut au rejet du premier recours et à
l'irrecevabilité du second.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La jurisprudence accorde à l'étranger le droit de former un
recours de droit public fondé sur une violation de l'art. 4 Cst.,
lorsqu'il se plaint d'une atteinte à des droits que la constitution
confère au particulier, sans égard à sa nationalité. Le plaideur qui
se plaint d'arbitraire est en droit, quelle que soit sa nationalité,
de déposer les recours prévus par la loi, tant dans les affaires pénales
(RO 47 I 230, 49 I 226), administratives (RO 92 I 15) que civiles (RO 91
I 49). Dame Simon a donc qualité pour recourir.

Erwägung 2

    2.- ...

Erwägung 3

    3.- La recourante fait valoir que les décisions incriminées violent,
d'une manière arbitraire, l'art. 85 al. 1 LIP, ce qui implique la violation
arbitraire des art. 110, 116, 122, 161, Cst. gen.

    Pour être recevable, le recours au Tribunal fédéral contre une
violation du droit constitutionnel cantonal doit non seulement dénoncer la
violation objective d'une norme constitutionnelle, mais encore démontrer
que le recourant, par cette violation, a été lésé dans un droit subjectif
ou qu'il a été atteint dans ses intérêts juridiquement protégés.

    Il importe donc de déterminer au préalable le but et la nature des
dispositions de la constitution genevoise, dont la recourante invoque la
prétendue violation. Il faut distinguer plusieurs catégories de normes
constitutionnelles. Les unes visent essentiellement la garantie et la
protection des droits personnels du particulier, comme en matière de
droits individuels proprement dits; d'autres normes sont édictées dans le
but de protéger non seulement les intérêts généraux de la collectivité,
mais aussi l'intérêt individuel. Ces deux catégories peuvent fonder la
qualité du citoyen lésé pour recourir contre les mesures qui en impliquent
la violation. Mais il existe une troisième catégorie de dispositions
constitutionnelles cantonales: ce sont celles qui ont uniquement
pour objet d'organiser rationnellement et dans l'intérêt général le
fonctionnement des pouvoirs publics et qui de ce fait n'instituent pas
de droits constitutionnels au sens de l'art. 84 lit. a OJ et partant,
ne justifient pas l'exercice de droits subjectifs. Il n'appartient en
effet pas à chaque citoyen d'assumer la sauvegarde de l'intérêt général,
par la voie du recours de droit public, contre les atteintes qui peuvent y
être portées par les actes ultérieurs de l'autorité. C'est celle-ci qui
est préposée à la défense des intérêts de la collectivité et le simple
particulier ne saurait lui opposer sa conception propre de l'intérêt
général (RO 46 I 477/478, 72 I 98, 88 I 179, 89 I 517, 90 I 185).

    En l'espèce, tous les articles de la constitution genevoise qu'invoque
dame Simon font partie de la troisième catégorie, car ils ont pour
but unique d'organiser l'Etat et de fixer certaines tâches dévolues
au Conseil d'Etat. Ainsi ces règles constitutionnelles ne renferment
aucune garantie en faveur du particulier, qui ne peut se prévaloir de
leur violation pour fonder un recours de droit public. Les recours de
dame Simon sont donc irrecevables dans cette mesure.

Erwägung 4

    4.- Il reste à examiner le grief d'arbitraire invoqué par la recourante
au sujet de l'interprétation donnée par le Conseil d'Etat à l'art. 85
al. 1 LIP. Le texte de cette disposition prévoit que "les professeurs
extraordinaires sont nommés pour trois ans par le Conseil d'Etat et selon
les formes prescrites pour la nomination des professeurs ordinaires. Leur
mandat peut être renouvelé".

    Selon la recourante, cette prescription fait obligation au Conseil
d'Etat qui renouvelle un mandat de le faire pour une période de trois
ans, toute durée inférieure devant être considérée comme une violation
arbitraire de la loi.

    Il y a arbitraire, selon une jurisprudence constante, lorsqu'il y
a violation grave et manifeste d'une norme juridique ou que la décision
incriminée contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice (RO
90 I 139). Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être confondus.
Cette violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être taxée
d'arbitraire (FAVRE, RDS 81 II p. 587, et Droit constitutionnel suisse, p.
255). En particulier, l'interprétation d'une disposition légale qui est en
harmonie avec le texte même de la disposition ne peut être considérée comme
arbitraire. Elle ne le serait que dans l'hypothèse où elle s'avérerait
en contradiction manifeste avec le sens et le but de la prescription et
conduirait à un résultat incompatible avec l'idée du législateur (RO 31
I 19, 73 I 373, 80 I 322, 84 I 103, 86 I 20/21, 87 I 16, 90 I 214). Le
Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public pour arbitraire,
ne saurait dès lors s'imposer la tâche d'annuler ou de corriger toutes
les décisions cantonales qui seraient inopportunes ou même simplement
erronées. Il ne s'écarte pas sans nécessité de la solution adoptée par
l'autorité cantonale de dernière instance. Il ne le fait que si pareille
solution apparaît comme insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un
droit certain (RO 84 I 15, 87 I 249).

    Il est constant que l'engagement de dame Simon était limité dans le
temps, puisqu'il prenait fin à l'expiration du délai de trois ans fixé
par l'arrêté du Conseil d'Etat du 29 novembre 1966, en conformité avec
l'art. 85 al. 1 LIP. Comme l'a justement souligné le Conseil d'Etat,
la loi ne donne au professeur extraordinaire aucun droit acquis lui
permettant d'exiger la reconduction de son mandat. Dans son recours du
3 décembre 1969, dame Simon n'a pas exprimé le contraire, puisqu'elle
reconnaît que l'Etat, à l'échéance de la période triennale, avait toute
liberté à ce sujet.

    Mais la recourante voit un acte arbitraire de la part du Conseil
d'Etat dans le fait qu'après avoir décidé, dans l'arrêté incriminé,
de la renommer professeur extraordinaire, il n'a prorogé son mandat
que pour une durée d'une année alors que, selon elle, il aurait dû
obligatoirement le faire pour une période de trois ans. Une interprétation
aussi absolue de l'art. 85 al. 1 LIP n'est pas compatible avec la teneur
du texte légal. Cette disposition, dont la première phrase a un caractère
impératif en imposant au mandat initial de professeur extraordinaire une
durée obligatoire de trois ans, n'est en revanche qu'une règle de caractère
dispositif dans la deuxième phrase, en laissant à l'autorité de nomination
la faculté de statuer librement sur le renouvellement du mandat conféré à
un professeur extraordinaire. Le Conseil d'Etat a, à cet égard, un pouvoir
discrétionnaire de décision. Si dès lors on doit lui reconnaître, en
vertu même de la loi, la compétence de décider souverainement si le mandat
doit ou non être reconduit, il ne lui appartient pas moins de déterminer
également en toute liberté la durée de cette reconduction, devant le
silence de la loi sur ce point. A s'en tenir à la teneur de cet art. 85
al. 1 LIP, ce serait lui faire violence de lui faire dire que la durée
du mandat renouvelé doit nécessairement correspondre à celle du mandat
initial. La disposition dont il s'agit n'est pas aussi explicite. Dans
ces conditions, on ne peut sérieusement prétendre que l'interprétation
retenue par l'autorité cantonale soit manifestement insoutenable. Au
contraire, elle est en harmonie avec le texte même de la disposition et
il n'est pas démontré qu'elle soit manifestement en contradiction avec
son sens et le but recherché par le législateur. On ne saurait donc la
taxer d'arbitraire au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Erwägung 5

    5.- Le grief de violation du principe de l'égalité juridique invoqué
encore par la recourante est irrecevable faute d'être suffisamment
motivé. En effet, il ne suffisait pas d'alléguer que les professeurs
extraordinaires de l'Université de Genève ont toujours vu leur mandat
renouvelé pour une durée de trois ans. Il fallait au contraire démontrer
que dans des situations semblables, le Conseil d'Etat avait statué de
manière inégale; or une telle démonstration n'a nullement été faite.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette les recours.