Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 594



96 I 594

90. Extrait de l'arrêt du 8 juillet 1970 dans la cause Del Drago contre
Finzi et Cour de justice civile du canton de Genève. Regeste

    Vollstreckung ausländischer Zivilurteile.  Schweizerisch-italienisches
Abkommen über die Anerkennung und Vollstreckung gerichtlicher
Entscheidungen.

    Vorbehalt, den ein in der Schweiz wohnhafter Beklagter vor dem
italienischen Gericht zu machen hat, wenn er sich später der Vollstreckung
des italienischen Urteils in der Schweiz widersetzen will.

Sachverhalt

                        Résumé des faits

    A.- L'avocat et professeur florentin Enrico Finzi a actionné devant
le Tribunal civil de Florence Marcello del Drago, domicilié à Veyrier
(Genève), en paiement d'un solde d'honoraires de 3 897 705 lires.
Selon le jugement rendu par ledit Tribunal le 17 avril 1967, del Drago
avait soulevé à titre préjudiciel l'exception d'incompétence ratione loci
- sans indiquer toutefois quel était, à son avis, le juge compétent -
mais il avait ensuite renoncé à cette exception. Le Tribunal civil de
Florence a condamné del Drago à payer à Finzi la somme de 2 837 705 lires
avec intérêts légaux et mis à sa charge les frais judiciaires.

    Del Drago a recouru contre ce jugement auprès de la Cour d'appel de
Florence, concluant à ce qu'il soit réformé en ce sens que le montant total
des honoraires dus à l'avocat Finzi soit arrêté à 1 460 000 lires. Après
avoir examiné en détail les différents postes de la note d'honoraires
et indiqué les motifs qui en justifiaient, selon lui, la réduction, del
Drago terminait son mémoire d'appel par la formule "Tutto ciò premesso e
con ogni riserva anche per quello che riguarda la questione discendente
dal fatto che l'appellante non ha nè domicilio, nè la residenza, nè la
dimora in Italia" (cela dit et sous toute réserve, également pour ce qui
concerne le fait que la partie appelante n'a ni domicile, ni résidence,
ni demeure en Italie). Par arrêt du 13 décembre 1968, la Cour d'appel a
rejeté le recours de del Drago.

    B.- Finzi a ouvert à Genève une poursuite contre del Drago, en paiement
des montants auxquels ce dernier avait été condamné par les tribunaux
florentins. Le poursuivi ayant fait opposition au commandement de payer,
Finzi en a requis la mainlevée, qui a été prononcée le 9 septembre 1969
par le Tribunal de première instance de Genève, statuant par voie de
procédure sommaire.

    Del Drago ayant appelé de cette décision, la Cour de justice civile
de Genève a estimé qu'il n'y avait pas de violation de la loi au sens
de l'art. 339 al. 1 lettre c CPC et a déclaré l'appel irrecevable par
arrêt du 5 décembre 1969.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, del Drago requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice civile du 5
décembre 1969. Il allégue la violation de la Convention italo-suisse du
3 janvier 1933 et l'arbitraire.

    La Cour de justice civile déclare se référer aux considérants de
son arrêt du 5 décembre 1969. L'intimé Finzi conclut à l'irrecevabilité,
sinon au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

    Selon l'art. 2 de la Convention, la compétence des juridictions de
l'Etat où la décision a été rendue est fondée, notamment, dans le cas où
"le défendeur est entré en matière, sans réserve, sur le fond du litige"
(ch. 2 al. 2). La décision attaquée a retenu que del Drago avait abandonné
l'exception d'incompétence territoriale qu'il avait d'abord soulevée,
ce qui impliquait nécessairement la reconnaissance de la compétence des
tribunaux italiens. Le recourant soutient au contraire qu'en soulevant
à titre préjudiciel l'exception d'incompétence territoriale, il a fait
valablement la réserve prévue par la disposition précitée, de sorte que
la compétence des tribunaux italiens n'est pas fondée dans son cas.

    Il s'agit ainsi d'examiner ce qu'il faut entendre par "réserve"
au sens de cette disposition. Cette même formule se retrouve dans des
conventions conclues par la Suisse avec d'autres pays, notamment avec
l'Allemagne (du 2 novembre 1929, art. 2 ch. 3) et l'Autriche (du 15 mars
1927, art. 2 al. 2 ch. 2), à propos desquelles le Tribunal fédéral a
rendu quelques arrêts.

    a) Il ressort notamment des arrêts Heini de 1931 (RO 57 I 24-5)
et Kohler de 1934 (RO 60 I 132) que, pour faire une réserve valable, le
défendeur ne doit pas nécessairement soulever une exception d'incompétence
en la forme prévue par la procédure du pays de jugement, mais qu'il lui
suffit, dans le cas où le tribunal étranger saisi est compétent selon son
droit interne, de faire connaître - avant d'entrer en matière - qu'il
ne se soumet à la procédure qu'en ce qui concerne l'Etat du jugement
et qu'il s'opposera à ce que la décision soit exécutée dans l'autre
pays. Si donc le défendeur n'a pas fait de réserve dans ce sens, ou s'il
l'a abandonnée par la suite, il ne peut plus s'opposer à l'exécution en
Suisse du jugement étranger.

    b) La Convention italo-suisse de 1933 n'établit pas de règles de
compétence judiciaire communes aux deux pays. Elle n'empêche donc pas un
tribunal, compétent selon le droit interne, de se saisir d'une action
et de statuer sur le fond, même s'il est incompétent au regard de la
Convention (cf. RO 92 II 84-5). Si donc le Tribunal civil de Florence
était compétent pour se saisir de l'action ouverte par Finzi, l'exception
d'incompétence soulevée par del Drago était vouée à l'insuccès. On ne
peut donc reprocher à ce dernier de l'avoir retirée. En revanche, s'il
ne voulait pas la maintenir, il devait alors déclarer expressément,
avant ou au moment de procéder sur le fond, s'opposer à l'exécution
du jugement en Suisse, conformément à la convention, ou faire toute
autre déclaration d'où il serait ressorti qu'il ne se soumettait à la
procédure qu'en raison de la compétence interne du Tribunal italien, mais
qu'il s'opposerait à l'exécution du jugement en Suisse. Il ne pouvait se
contenter de retirer purement et simplement son exception d'incompétence,
d'autant moins qu'il n'avait pas indiqué, en soulevant cette exception,
quel était à son avis le tribunal compétent.

    Or le recourant ne prétend pas avoir fait une telle réserve expresse
en retirant son exception, et rien dans le dossier ne permet de supposer
qu'il l'ait faite. Le seul document qui fasse état de l'exception
soulevée puis retirée est le jugement du Tribunal civil de Florence qui,
au sujet du retrait, dit simplement au début des considérants de droit:
"L'exception d'incompétence territoriale ayant été abandonnée par le
défendeur...". Il n'en ressort nullement que le défendeur ait fait
quelque réserve en retirant cette exception. Si tel avait été le cas,
del Drago n'aurait pas manqué de le faire valoir et de le prouver devant
les tribunaux genevois, ainsi que dans son recours de droit public.

    Il faut admettre en conclusion que le recourant n'a pas, avant ou
au moment d'entrer en matière sur le fond, fait la réserve expresse
de s'opposer à l'exécution du jugement en Suisse, en se fondant sur la
Convention italo-suisse de 1933.

    Quant à la réserve figurant dans son recours à la Cour d'appel de
Florence, à la fin de la motivation sur le fond ("Tutto ciò premesso e
con ogni riserva anche per quello che riguarda la questione discendente
dal fatto che l'appellante non ha nè domicilio, nè la residenza, nè la
dimora in Italia..."), elle était de toute façon tardive et ne pouvait
suppléer à l'absence de réserve faite avant ou au moment de l'entrée en
matière sur le fond; il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si,
soulevée à temps, elle eût été suffisante au regard de l'art. 2 ch. 2
al. 2 de la Convention. On observera d'ailleurs que dans son mémoire à
la Cour d'appel de Florence, le recourant n'a ni contesté, ni critiqué
la constatation du jugement de première instance relative à l'abandon de
l'exception, ni prétendu que cet abandon ait été assorti d'une réserve
expresse au sujet de l'exécution du jugement en Suisse.

    Dans ces circonstances, on doit admettre que le défendeur n'a pas fait
valablement la réserve prévue à l'art. 2 ch. 2 al. 2 de la Convention,
que partant la compétence des tribunaux italiens était fondée en vertu de
cette même disposition et que le recourant ne pouvait plus la contester
dans la procédure d'exécution du jugement en Suisse.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.