Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 544



96 I 544

84. Arrêt du 16 décembre 1970 dans la cause Bourquin et consorts contre
Stengel, Oppliger et Conseil-exécutif du canton de Berne. Regeste

    Gesetzlicher Abstand zwischen Bauten und Wald. Bewilligung zur
Herabsetzung dieses Abstands. Willkür.

    Legitimation des Waldeigentümers zur staatsrechtlichen Beschwerde
gegen die Erteilung einer Bewilligung zur Herabsetzung des gesetzlichen
Waldabstandes (Erw. 1).

    Unhaltbarkeit der Gründe, auf die sich die im vorliegenden Fall
erteilte Ausnahmebewilligung stützt (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- L'art. 10 de la loi bernoise du 20 août 1905 sur les forêts est
ainsi conçu:

    "Il est défendu, en raison des dangers d'incendie, de faire du feu dans
l'intérieur des forêts, comme aussi d'établir des meules à charbon, fours
à chaux, feux à macquage et autres à moins de 50 mètres de leur lisière,
sans en avoir obtenu l'autorisation de la police locale. Sont exceptés
de la présente défense, les feux de bûcherons et les feux d'écobuage,
qui sont toutefois soumis à la surveillance spéciale des gardes forestiers.

    Il est interdit de construire des maisons d'habitation ou autres
bâtiments à foyer à moins de 30 mètres de la lisière d'une forêt. Dans
certains cas spéciaux, le Conseil-exécutif pourra toutefois autoriser
des exceptions à cette règle".

    Fritz Stengel et Sylvia Oppliger projettent de construire sur
un terrain dont ils sont propriétaires, au lieu dit "Les Pontins",
sur les pentes du Chasseral (commune de Saint-Imier), à une altitude
d'environ 1100 m., un village de vacances formé d'environ 65 maisons
de bois de type suédois. Soutenant que la réalisation de ce projet,
qui implique l'assèchement d'un marais, la construction d'une station
autonome d'épuration des eaux usées et d'autres travaux d'infrastructure,
n'est concevable que si les possibilités de bâtir ne sont pas restreintes
dans une trop forte mesure par les prescriptions relatives aux distances
entre bâtiments et forêts, Stengel et dame Oppliger ont requis le
Conseil-exécutif du canton de Berne de les autoriser à construire à cinq
mètres de la forêt.

    Le 17 mars 1970, le Conseil-exécutif a fait partiellement droit à
leur requête, en les autorisant à construire à cinq mètres des forêts
situées sur leur propre fonds et à vingt mètres de la forêt croissant sur
la parcelle 1047, propriété de Maurice, Suzanne et Philippe Bourquin et
de Marcel et Reynold Ramseyer. L'arrêté est motivé comme il suit:

    "Considérant:

    - qu'en vertu de l'article 10, alinéa 2, de la loi sur les forêts,
il lui est possible de déroger à la distance de 30 m prescrite;

    -  qu'en raison de sa nature marécageuse, le terrain prévu pour la
construction (fagne) ne présente pas de danger d'incendie;

    - que le massif forestier existant sur les parcelles à bâtir n'est
pas dense et qu'il se compose de surfaces relativement minimes, de sorte
que sur les trois parcelles une distance réduite par rapport à la forêt
peut être autorisée;

    - qu'au sud des parcelles à bâtir, le terrain, avec la forêt qui s'y
trouve (parcelle No 1047), va en montant, de sorte qu'entre cette forêt et
les constructions il est nécessaire d'observer une distance assez grande;

    - que les parties ont signé une "Convention concernant la construction
de maisons d'habitation ou autres bâtiments à foyer à proximité de
la forêt".

    Dans le dispositif de l'arrêté, il est pris acte de la convention dont
il est question dans les motifs; le chiffre 4 prescrit encore qu'en cas de
vente des maisons, les acquéreurs de celles qui seront à moins de trente
mètres d'une forêt devront conclure avec le propriétaire de celle-ci une
"Convention concernant la construction de maisons d'habitation ou autres
bâtiments à foyer à proximité de la forêt". Il est constaté enfin que
l'autorisation de déroger à l'art. 10 de la loi sur les forêts ne préjuge
pas la décision sur l'autorisation de bätir.

    B.- Le 29 avril 1970, les propriétaires de la parcelle 1047 ont
formé un recours de droit public et requis le Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêté du Conseil-exécutif. Se référant aux "Instructions concernant
les constructions à proximité de la forêt", émises le 3 mars 1964 par la
Direction des forêts de l'Etat de Berne, lesquelles prévoient en pareil
cas la signature par le maître de l'ouvrage et le propriétaire de la
forêt d'une "convention concernant la construction d'une maison avec
foyer à proximité d'une forêt", selon formule officielle, ils affirmaient
n'avoir jamais signé une telle convention et soutenaient que l'autorisation
délivrée était arbitraire.

    Le 1er mai 1970, le Conseil-exécutif a fait notifier aux recourants et
aux autres intéressés une version rectifiée de son arrêté du 17 mars. Selon
cette nouvelle version, il est constaté, tant dans les motifs que dans le
dispositif, que ce sont les requérants (et non les parties) qui ont signé
la convention concernant la construction à proximité de la forêt. Pour
le surplus, les deux textes sont identiques.

    Après réception de ce texte rectifié, les recourants ont déclaré
maintenir leur recours et complété leur argumentation.

    C.- Le Conseil-exécutif conclut au rejet du recours, en bref pour
les motifs suivants.

    La convention que prévoient les instructions de la Direction des
forêts n'est pas obligatoire. Il n'y avait à examiner qu'un point: celui
de savoir s'il s'agissait d'un cas spécial au sens de l'art. 10 al. 2 de
la loi sur les forêts. C'est là une question d'appréciation; le critère
décisif est le danger d'incendie, pratiquement nul en l'espèce en raison
de la nature marécageuse du terrain. Enfin, l'art. 10 al. 2 de la loi sur
les forêts ne prévoit pas la possibilité pour le voisin de participer
à la procédure et de former opposition contre la construction pour des
motifs relevant de la police des forêts.

    Stengel conclut lui aussi au rejet du recoure.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'intimé Stengel ne conteste pas que les recourants aient
qualité pour saisir la juridiction constitutionnelle. En revanche,
le Conseil-exécutif expose dans sa réponse que le voisin n'a pas la
faculté de s'opposer à la réduction de l'espace entre bâtiment et forêt,
sans toutefois dire clairement s'il met en doute la qualité pour agir
des recourants. Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral doit examiner
cette dernière question d'office, et avec plein pouvoir (RO 91 I 414, 93 I
174). Il est indifférent à cet égard que le recourant ait ou n'ait pas eu
la qualité de partie à la procédure cantonale. Il suffit que les conditions
de l'art. 88 OJ soient remplies (RO 89 I 238 consid. 2, 91 I 416).

    En vertu de cette dernière disposition, ont qualité pour recourir les
particuliers ou les collectivités lésés dans leurs droits par des arrêtés
ou des décisions qui les concernent personnellement ou qui sont de portée
générale. L'autorité cantonale fait valoir que l'art. 10 al. 2 de la loi
cantonale sur les forêts ne crée aucun droit subjectif, public ou privé,
en faveur du propriétaire de forêt dont le voisin veut construire. Selon la
jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, ce point n'est pas décisif. Le
voisin a en effet qualité pour agir dès qu'est en cause l'application de
règles de la police des constructions qui sont destinées à protéger, outre
l'intérêt public, les intérêts particuliers des voisins (RO 91 I 413 ss.,
92 I 208). L'art. 10 al. 2 de la loi bernoise sur les forêts appartient
à la police des constructions dans la mesure où il règle la construction
sur les terrains proches des forêts. Il a pour but essentiel, ainsi que
cela résulte clairement de la place qu'il occupe dans la loi et comme
le Conseil-exécutif le relève lui-même, de réduire le danger d'incendie
de forêt. Par là même il protège, outre l'intérêt public, l'intérêt
particulier du voisin. Les recourants ont dès lors qualité pour agir, en
tant qu'ils se plaignent de la réduction à 20 m. de l'espace entre les
constructions projetées et leur propre forêt. Le recours est recevable
dans cette mesure. En revanche, la réduction à 5 m. de la distance entre
les bâtiments et les forêts situées à l'intérieur du fonds des intimés
ne lèse pas les recourants. Ceux-ci ne le soutiennent pas du reste.

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 10 al. 2, 2e phrase, de la loi cantonale
sur les forêts, le Conseil-exécutif peut dans certains cas spéciaux
autoriser des exceptions à la règle qui interdit de construire des
maisons d'habitation ou d'autres bâtiments à foyer à moins de 30 m. de
la lisière d'une forêt. Il en déduit qu'il peut statuer selon sa libre
appréciation. Tel n'est évidemment pas le cas. Le législateur s'en est
certes remis à l'appréciation de l'autorité exécutive, mais non sans
lui fixer des limites. D'une part la réduction de la distance prescrite
n'est possible que dans certains cas spéciaux et d'autre part elle a le
caractère d'une exception. Elle doit donc se justifier par des arguments
suffisamment importants. Il incombe en outre au Conseil-exécutif de donner
avec précision dans les motifs de son arrêté les raisons pour lesquelles
une exception à la règle se justifie. Il lui faut pour le moins démontrer
que la ratio legis ne s'oppose pas, dans le cas particulier, à ce que la
distance entre bätiment et forêt soit inférieure à 30 m.

    En l'espèce, le Conseil-exécutif invoque trois motifs, dont deux
seulement doivent justifier la réduction de la distance entre les bâtiments
et la forêt des recourants; le troisième ne concerne que les forêts
croissant sur le fonds même des intimés et n'entre pas en considération.

    a) Le Conseil-exécutif fait tout d'abord état de la nature marécageuse
du terrain. Ce motif est manifestement insoutenable. Non seulement il
n'est pas exclu que la végétation palustre se dessèche et s'enflamme,
mais il est évident que la construction implique l'assèchement du marais,
qui ne pourra plus offrir aucune protection contre la propagation du feu.

    b) Le second motif est une simple référence à la "convention" signée
par les intimés. Il n'est évidemment pas décisif.

    Le Conseil-exécutif déclare lui-même dans sa réponse que cette
convention, prescrite par de simples instructions de la Direction des
forêts, est sans influence sur l'octroi ou le refus de l'autorisation et
qu'elle sert purement et simplement à garantir l'Etat contre des demandes
de dommages-intérêts que le maître de l'ouvrage pourrait présenter en
cas de dégâts causés aux bâtiments par la proximité de la forêt. Mais
s'il en est ainsi, l'engagement du seul maître de l'ouvrage ne peut
être un motif de déroger à la loi. Il se peut certes que la convention
exigée par les instructions de la Direction des forêts n'ait pas de base
légale. Néanmoins, il n'est pas indifférent que le propriétaire de la forêt
consente à la réduction de la distance légale ou s'y oppose. En l'espèce,
les recourants n'ont pas donné leur accord et la "convention" signée des
seuls intimés ne peut nullement servir à justifier la dérogation.

    L'arrêté attaqué contient au surplus une contradiction interne,
en ce qu'il impose aux intimés de veiller à ce que tout acquéreur des
maisons situées à moins de 30 m. d'une forêt conclue une convention,
selon la formule officielle, avec le propriétaire de ladite forêt. On
ne voit pas quel est le sens de cette charge, si elle n'est pas imposée
aux intimés eux-mêmes et qu'elle soit sans portée juridique. L'arrêté
ne précise pas, au reste, quelle sanction serait prise au cas où ces
conventions ne viendraient pas à chef.

Erwägung 3

    3.- Une décision non motivée, ou dont les motifs sont manifestement
insoutenables, n'est pas nécessairement arbitraire. Elle peut être au
contraire objectivement fondée. En pareil cas, le Tribunal fédéral peut
substituer de nouveaux motifs à la motivation arbitraire de l'autorité
cantonale (RO 86 I 269; 91 I 37/38). En l'espèce toutefois, l'arrêté
attaqué doit être annulé car, faute de connaître dans le détail la
situation locale, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de déterminer
s'il existe des motifs valables et conformes à la loi de réduire la
distance légale. Il ne s'agit pas en effet de rechercher si une distance
de 20 m. serait toujours suffisante - le législateur a tranché cette
question - mais bien de décider si des motifs précis permettent de déroger
à la règle dans le cas particulier. Or, le projet prévoit des maisons de
bois, relativement proches les unes des autres, non visibles du fond de
la vallée et en grande partie, sinon totalement, inhabitées pendant une
partie de l'année. Un incendie pourrait éclater sans être aperçu à temps.
La configuration du terrain favoriserait la propagation du feu, comme
le Conseil-exécutif le relève lui-même. Il faudrait donc des motifs
particulièrement importants pour réduire la distance légale en dépit de
ces conditions nettement défavorables. Le Conseil-exécutif reprendra
l'examen de la requête des intimés en se plaçant à ce point de vue.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet le recours, en tant qu'il est recevable, au sens des considérants
et annule l'arrêté attaqué.