Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 537



96 I 537

83. Extrait de l'arrêt du 23 septembre 1970 dans la cause Vadi et consorts
contre Conseil d'Etat du canton du Valais. Regeste

    Zonenplan.

    Rechtsnatur der Abgabe, die eine Gemeinde von einem Grundeigentümer
verlangt, der entsprechend den Vorschriften eines Zonenplanes bauen
will, dessen Grundstück aber im Hinblick auf die im Plan vorgeschriebene
Ausnützungsziffer eine zu kleine Fläche hat.

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    A.- Le règlement des constructions de la commune de Sion (en
abrégé RCC) donne à la Municipalité la faculté d'établir des plans
de quartier qui déterminent l'implantation et le gabarit présumés
des constructions, les limites existantes et projetées des propriétés,
ainsi que les chemins, places, etc.; un tel plan doit être accompagné des
prescriptions définissant toutes les caractéristiques du quartier, et de
la répartition des charges entre la Municipalité et les particuliers du
fait du changement de zones (art. 99); il ne devient définitif qu'après
son homologation par le Conseil d'Etat (art. 100), laquelle confère à
la Municipalité le droit d'expropriation en vue de la rectification des
limites de propriété comprises dans le quartier (art. 101). Tout projet
de lotissement, regroupement ou remaniement de terrains destinés à la
construction doit permettre la réalisation de bâtiments conformes au plan
d'aménagement et au règlement (art. 102).

    L'art. 15 RCC règle ainsi la question de la densité des cons tructions:

    "Le volume des constructions au-dessus du sol est déterminé par le
rapport entre la surface des planchers et balcons et celle du terrain,
rapport qui est appelé "densité des constructions".
   ....

    Avec l'accord de la Municipalité, le constructeur peut, dans le
calcul de la densité, tenir compte d'une partie d'un domaine public
voisin non bâti, ceci dans la mesure où il contribue à l'acquisition et
à l'aménagement de ce domaine.
   ....

    L'art. 16 RCC prévoit que des restrictions de droit public, annotées au
registre foncier, grèveront les terrains et places frappés d'interdiction
de construire dans les zones où intervient la notion de densité.

    B.- En vue du futur aménagement du quartier "Sous le Scex", situé
au pied du Rocher de Valère, la Municipalité de Sion s'est efforcée
d'acquérir, au cours des années, une certaine quantité de terrains ainsi
que d'anciens bâtiments, dont quelquesuns ont déjà été démolis dans un
but d'assainissement.

    Ainsi par acte d'échange du 12 janvier 1968, destiné à "éviter
l'expropriation nécessaire à l'exécution du plan d'alignement en vigueur",
elle a acquis des hoirs Delaloye et Joliat la parcelle bâtie no 772,
d'une surface de 451 m2, pour permettre l'aménagement d'une voie et d'une
place publiques; elle a cédé en échange une parcelle de même surface -
prélevée sur sa parcelle no 775 et dotée du nouveau no 13.548 - sur
laquelle l'acte spécifiait qu'il pouvait être construit un bâtiment de
six étages sur rez-de-chaussée, ces possibilités de bâtir étant conçues
comme une servitude à la charge de la parcelle 775 en faveur de la parcelle
13.548, et précisément comme une "servitude d'utilisation pour le calcul
de la densité du domaine public voisin non bâti (art. 15 RCC)". L'acte
fixait à 280 000 fr par parcelle la valeur des terrains échangés.

    C.- La Municipalité fit établir un plan de quartier destiné à
remodeler profondément les lieux et à opérer un véritable remaniement
parcellaire urbain; ce plan fixe en effet l'implantation et le volume de
chaque bâtiment, et prévoit les surfaces destinées aux voies et places
publiques et celles qui doivent rester libres de constructions. Ce plan
fut homologué le 18 septembre 1968 par le Conseil d'Etat, qui relevait
notamment ceci dans sa décision:

    "Considérant que le plan de masse englobe tous les terrains qui ne
sont pas frappés d'alignement; qu'il permet, grâce à la notion de densité,
une utilisation rationnelle de ces derniers;

    Attendu toutefois que, dans la mesure où le plan de masse a pour effet
de concentrer la construction sur certaines parcelles, au détriment des
parcelles attenantes, il. ne pourra être réalisé que moyennant entente
préalable entre les propriétaires intéressés".

    D.- La parcelle 13.548 fut acquise ultérieurement par Fernand et
Gilbert Vadi, René Comina et René Rebord, qui obtinrent de la commune
l'autorisation - du 18 avril 1968 - d'y construire un immeuble locatif et
commercial de six étages sur rez-de-chaussée, tel que prévu dans l'acte
d'échange du 12 janvier 1968.

    La construction était en cours lorsqu'intervint l'homologation du plan
de quartier par le Conseil d'Etat, le 18 septembre 1968. Constatant que
ce plan permettait la construction de 7 étages sur rez-de-chaussée sur
la parcelle 13.548, Comina requit le 9 octobre 1968 l'autorisation de
construire cet étage supplémentaire; par lettre du 28 octobre, donnant
suite à un entretien qu'il avait eu avec les services techniques de
la commune, il se déclara "disposé à proposer aux co-propriétaires le
rachat pour la densité sur la base de Fr. 300.-- le m2", soit un montant
forfaitaire de 40 000 fr.

    Le 31 octobre 1968, la Municipalité accepta la requête de construire
un 7e étage et fixa à 73 200 fr. l'"indemnité pour augmentation de la
densité". Ce montant résultait du calcul suivant:
   surface de plancher supplémentaire: 244 m2; terrain nécessaire pour
   une densité de 2: 122 m2;

    prix de base: 800 fr. le m2 (prix d'achat de l'immeuble Joris sis à
proximité). Montant total: 97 600 fr., dont les trois-quarts (norme du
Conseil pour la densité sur terrain public) à la charge du propriétaire:
73 200 fr.

    Par lettre du 19 novembre 1968, Comina informa la commune qu'il
n'était pas d'accord avec l'indemnité demandée et qu'il proposait le
montant de 50 000 fr. Constatant que la construction du 7e étage avait
été entreprise, le Service de l'Edilité adressa à Comina, le 27 novembre
1968, une facture de 73 200 fr. pour "droit d'utilisation du domaine
public de la place de foire pour le calcul de la densité nécessaire à
l'étage attique", selon décision du Conseil municipal du 31 octobre 1968;
la lettre d'accompagnement précisait que le montant aurait dû être déjà
versé au moment où était entreprise la construction du 7e étage.

    Comina n'ayant pas versé le montant requis, la Municipalité confirma
sa précédente décision le 13 décembre 1968 et ordonna l'arrêt immédiat
des travaux concernant le 7e étage, jusqu'au moment du versement de la
somme réclamée.

    E.- Les copropriétaires recoururent contre cette décision auprès
du Conseil d'Etat, en concluant à son annulation. Ils soutenaient que
le montant demandé constituait un impôt ou une charge de préférence;
ils en mettaient en doute la base légale et contestaient les bases du
calcul opéré par la commune.

    En cours de procédure, l'interdiction de continuer les travaux fut
levée, moyennant prestation de garanties bancaires.

    Statuant le 9 juillet 1969, le Conseil d'Etat écarta le recours avec
suite de frais et assigna aux recourants un délai d'un mois pour, à leur
choix, payer à la commune de Sion la somme de 73 200 fr., ou acquérir d'un
autre voisin la densité exigée, ou procéder à la démolition du 7e étage.

    F.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst., les copropriétaires requièrent le Tribunal fédéral
d'annuler la décision du Conseil d'Etat et de condamner l'Etat du Valais
à leur rembourser les frais de la procédure cantonale et à leur verser
une indemnité pour cette procédure, le tout avec suite de frais et dépens.

    Leurs motifs seront repris ci-dessous, dans la mesure utile. Le
Conseil d'Etat et la Commune de Sion concluent au rejet du recours,

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Les recourants ne contestent pas la validité du plan de quartier
en discussion, ni l'obligation pour les propriétaires qui construisent
selon ce plan de respecter la densité qui y est fixée; ils ne mettent
pas davantage en doute la notion de densité, telle qu'elle ressort des
dispositions du règlement et des indications du plan de quartier, ni la
façon de calculer cette densité. Ils s'appuient bien au contraire sur
le plan pour revendiquer leur droit de bâtir un immeuble de sept étages
sur rez et pour prétendre pouvoir tenir compte du domaine public dans le
calcul de la densité nécessaire.

    Ils ne contestent pas non plus sérieusement le principe qu'en pareil
cas une indemnité est due à la commune: si certaines allégations du recours
paraissent aller en sens contraire, elles sont en contradiction avec les
offres que les recourants ont proposées à la commune en cours de procédure.

    Ce qu'ils critiquent, c'est l'opinion du Conseil d'Etat quant à la
nature de la prestation exigée par la commune ainsi que la conséquence
qu'il en tire: son incompétence pour statuer sur le grief relatif au mode
de calcul de ladite prestation.

    C'est donc à ces points que doit se borner l'examen du Tribunal
fédéral, qui n'a pas à rechercher si le plan et les limitations qui en
découlent s'appuient sur une base légale suffisante.

Erwägung 3

    3.- Dans la décision attaquée, le Conseil d'Etat considère comme une
offre de droit privé le montant articulé par la commune pour permettre
aux recourants de tenir compte du domaine communal dans le calcul de la
densité, offre que la commune n'était même pas tenue de présenter et
qu'il était loisible aux recourants d'accepter ou de refuser, quitte
à "racheter" la densité ailleurs, ou à renoncer à la construction du
7e étage. L'autorité cantonale en déduit son incompétence à examiner
le principal grief soulevé par les recourants: le mode de calcul de
l'indemnité réclamée par la commune.

    Cette opinion est manifestement mal fondée et, partant, arbitraire.

    a) Pour décider si une règle ou un rapport de droit relève du droit
public ou du droit privé, le Tribunal fédéral se fonde généralement sur la
théorie des intérêts, selon laquelle est de droit public une disposition
qui est édictée principalement dans l'intérêt général (RO 76 I 314 et 326;
85 I 21, 85 II 375, 87 I 188). Parfois, le Tribunal fédéral s'appuie aussi
sur la théorie fonctionnelle, selon laquelle se rattachent au droit public
les normes et les rapports qui tendent directement à l'accomplissement de
tâches publiques (RO 75 I 51, 78 I 414; cf. GRISEL, Droit administratif
suisse, p. 44 ss.). Que l'on adopte le point de vue de la première ou
de la seconde de ces théories, la conclusion à laquelle on aboutit en
l'espèce ne change guère.

    b) Dans l'intention de la commune, le plan de quartier du Scex a
pour but de parvenir à un véritable remaniement et remodelage urbain. Il
prévoit non seulement la création et la modification de nombreuses
routes et places, mais également la modification des limites des parcelles
existantes, en fixant d'ores et déjà les surfaces à bâtir et le gabarit des
constructions qui y seront admises. Mettant à la base de sa conception
une densité théorique calculée sur l'ensemble des terrains actuels,
il entend concentrer les possibilités d'utilisation, dans la mesure
déterminée par le plan de masse, sur un nombre restreint de parcelles,
attribuant les autres au domaine public non bâti. Il poursuit ainsi un
but analogue à celui d'un remaniement parcellaire urbain, ce qui entraîne
comme conséquence l'augmentation de valeur des parcelles destinées à la
construction et la dépréciation des autres.
   c) L'obligation de respecter la densité de base du plan, imposée
au propriétaire qui veut construire conformément aux données de ce plan,
tend à lui faire assumer une partie du coût de réalisation du plan et
à permettre ainsi la répartition des charges et des avantages entre les
propriétaires dont les parcelles se trouvent dans le périmètre.

    Pour respecter la densité dont dépend l'octroi du permis de bâtir,
le constructeur doit en effet grever d'une servitude de non-bâtir une
surface suffisante de terrains destinés à passer ensuite au domaine
public. Que ces terrains appartiennent au constructeur ou à des tiers
privés, avec lesquels ce dernier serait tenu de s'accorder, peu importe:
l'essentiel, pour la commune, c'est qu'une servitude de non-bâtir soit
constituée sur des terrains qu'elle est tenue d'acquérir, à l'amiable ou
par voie d'expropriation, pour les inclure dans le domaine public prévu
par le plan. L'établissement de ces servitudes en faveur de la commune
constitue une prestation en nature qui, d'une part diminue les frais
que la commune doit supporter pour l'acquisition des terrains destinés
à passer au domaine public, d'autre part représente la contrepartie de
l'avantage que tire le constructeur de l'accroissement des possibilités
de bâtir institué par le plan. Cette prestation en nature présente
donc le caractère typique d'une charge de préférence (Vorzugslast):
elle est assimilable à l'obligation, imposée aux membres d'un syndicat
de remaniement parcellaire, de mettre à la disposition de l'entreprise
les surfaces nécessaires à la création d'un réseau routier prévu dans le
plan de remaniement, obligation qui constitue, par sa nature et ses buts,
une charge de préférence, comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion
de le préciser (cf. arrêt Frieden du 26 février 1969, non publié).

    d) La nature juridique de la prestation à fournir à la commune par
le constructeur ne change guère si, au lieu de mettre à la disposition
de celle-ci une servitude de non-bâtir constituée sur des terrains privés
destinés à passer (par acquisition amiable ou par expropriation) au domaine
public, le constructeur s'acquitte d'une somme en argent correspondant
à la valeur qu'aurait cette servitude. Dans la première hypothèse,
le constructeur épargne à la commune une partie des frais de la future
acquisition, dans la seconde, il rembourse à la commune les frais que
celle-ci a déjà supportés, ou bien il lui avance les moyens financiers
nécessaires aux acquisitions futures. Dans tous les cas, la prestation
que le constructeur est tenu de faire représente la contrepartie des
avantages qu'il tire du plan, savoir l'augmentation de ses possibilités
de bätir et finalement de la valeur de son terrain.

    e) Contrairement à ce que semble soutenir le Conseil d'Etat dans
sa réponse, la commune n'est pas libre d'accepter ou de refuser cette
prestation, ni d'en fixer le montant selon son bon vouloir. Si un tiers
propriétaire n'est pas tenu de s'accorder avec le constructeur pour la
constitution, sur son terrain, d'une servitude de non-bâtir en faveur
de la commune et peut attendre que celle-ci procède à l'expropriation,
la commune en revanche est liée par le plan qu'elle a elle-même édicté;
elle est tenue de permettre aux propriétaires de parcelles à bâtir d'y
édifier les constructions dont elle a elle-même fixé le gabarit: en s'y
refusant, elle se mettrait en contradiction avec la conception mise à la
base du plan et empêcherait la réalisation de ce dernier.

    Dans le cas où la commune a déjà acquis les fonds destinés à
l'aménagement des routes et places prévues au plan, elle ne constitue
pas - en faveur d'elle-même - une servitude de nonbâtir sur ces fonds,
mais fait participer le constructeur, dans la mesure de l'avantage qu'il
tire du plan, aux frais qu'elle a déjà supportés. Peu importe que pour
établir le montant dont le constructeur est redevable, on raisonne comme
s'il s'agissait de constituer une servitude de non-bâtir sur un terrain
privé: il s'agit là d'une simple méthode de calcul, qui ne change en
rien la nature juridique de la prestation, laquelle demeure une charge
de préférence, ou tout au moins une contribution qui s'en approche
économiquement.

    f) Se fondant sur l'art. 15 al. 3 RCC, le Conseil d'Etat estime
que la commune est libre de permettre ou de refuser au constructeur
de tenir compte du domaine public pour le calcul de la densité. Il
est vrai que cette interprétation est compatible avec le texte de la
disposition précitée (qui par le de "l'accord de la Municipalité") et
qu'elle peut se justifier dans les cas ordinaires. Mais la situation
change complètement lorsqu'on est, comme en l'espèce, en présence d'un
plan de quartier qui détermine exactementla surface des parcelles à bâtir
et le gabarit des futures constructions. En effet, ces constructions ne
sont pratiquement réalisables que si les constructeurs peuvent tenir
compte du domaine public dans le calcul de la densité, à la condition
bien sûr d'en payer la contrepartie sous forme de charge de préférence.
Admettre que dans un tel cas la commune puisse refuser l'accord prévu à
l'art. 15 RCC reviendrait à dire qu'elle peut empêcher la réalisation
du plan de quartier qu'elle a elle-même établi dans l'intérêt public;
une telle conception serait inadmissible.

Erwägung 4

    4.- En conclusion il faut admettre que la contribution litigieuse,
étroitement liée au plan de quartier et à sa réalisation, constitue
une charge de préférence régie par le droit public ou en tout cas une
prestation qui lui est assimilable économiquement. En considérant ce
rapport juridique comme relevant du droit privé, le Conseil d'Etat a
méconnu des principes juridiques fondamentaux; entachée d'arbitraire,
la décision attaquée doit dès lors être annulée.

    En statuant à nouveau sur le recours déposé devant lui, le Conseil
d'Etat aura soin d'examiner si la contribution demandée correspond aux
avantages que le plan assure aux constructeurs en leur permettant de bâtir
un 7 e étage sans disposer de la densité nécessaire. Sous cet angle, il
s'agira de déterminer si la valeur de base retenue par la commune paraît
correspondre à celle d'un terrain de densité 2, et si la déduction d'un
quart opérée par la commune en considération du fait qu'elle conserve la
propriété du fonds est bien adaptée aux circonstances du cas.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours dans le sens des considérants et annule la décision
attaquée.