Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 321



96 I 321

52. Extrait de l'arrêt du 8 juillet 1970 dans la cause Breda contre Walo
Bertschinger SA et Tribunal de prud'hommes du district de Neuchâtel.
Regeste

    Kantonales Prozessrecht. Besetzung des Gerichts. Anspruch auf
rechtliches Gehör. Art. 4 BV.

    Umfang des unmittelbar aus Art. 4 BV folgenden Anspruchs auf
rechtliches Gehör. Im mündlichen Prozessverfahren haben die Parteien
aufgrund von Art. 4 BV Anspruch darauf, dass alle Richter, die am Entscheid
mitwirken, an den Verhandlungen teilnehmen, an denen Beweise abgenommen
werden.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Adriano Breda a actionné devant le Tribunal de prud'hommes du
district de Neuchâtel son ancien employeur, Walo Bertschinger SA, en
paiement d'un montant de 2800 fr. avec intérêts à 5% dès le 25 février
1969. Le tribunal a consacré plusieurs séances à l'instruction de cette
affaire; il a notamment entendu plusieurs témoins, camarades de travail
du demandeur, en séance du 2 juin 1969. Statuant le 27 octobre 1969,
il a donné acte au demandeur de l'acquiescement de la défenderesse
pour un montant de 337 fr. 80, condamné la défenderesse à payer au
demandeur la somme de 40 fr. 55, représentant des indemnités pour heures
supplémentaires, et condamné le demandeur à payer à la défenderesse une
indemnité de dépens de 40 fr.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Breda requiert
le Tribunal fédéral d'annuler le jugement du 27 octobre 1969, de renvoyer
la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement et de condamner
Walo Bertschinger SA aux frais et dépens de la procédure de recours.

    Il reproche notamment au Tribunal de prud'hommes d'avoir violé les
art. 4 et 58 Cst. en n'étant pas composé des mêmes personnes lors de
sa séance de jugement le 27 octobre que lors des séances précédentes,
notamment lors de celle où il a entendu les témoins.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Il ressort du dossier déposé par l'autorité cantonale
qu'effectivement le tribunal n'a pas siégé dans la même composition
lorsqu'il a entendu les témoins à l'audience du 2 juin 1969 et lorsqu'il
a rendu son jugement le 27 octobre 1969. Le recourant voit dans ce fait
"une violation au sen large de son droit d'être entendu", ainsi qu'une
violation de l'art. 58 Cst. "qui accorde aux justiciables des garanties
quant à la composition régulière des tribunaux".

    a) L'art. 58 Cst. garantit à chacun le droit d'être jugé par son
juge naturel et il prohibe les tribunaux extraordinaires. Cela implique
qu'un justiciable peut exiger d'être jugé par un tribunal compétent.
La jurisprudence en a déduit également la prétention générale à être jugé
par un juge indépendant et impartial (RO 91 I 401/2, 92 I 275 consid. 4
et les arrêts cités). On ne peut pas considérer comme contraire à ces
exigences d'indépendance et d'impartialité le fait qu'un juge participe
au jugement d'une affaire sans avoir assisté à toutes les audiences tenues
dans cette affaire. Le grief de violation de l'art. 58 Cst. doit dès lors
être rejeté.

    b) L'étendue du droit d'être entendu est, en principe, déterminée
tout d'abord par le droit cantonal; ce n'est qu'en cas d'insuffisance
des dispositions cantonales que l'on fait appel aux règles de procédure
déduites directement de l'art. 4 Cst. (RO 87 I 339). Le recourant n'indique
pas sur quelle disposition cantonale il se fonde pour prétendre qu'il
y a eu composition irrégulière du tribunal, l'irrégularité consistant
dans le fait qu'un membre présent lors de l'audience de jugement n'avait
pas assisté à l'audition des témoins. Mais, selon lui, c'est un principe
général du droit qui postule, dans une procédure orale, que le tribunal
soit composé de la même façon pour toutes les audiences d'une même
affaire, notamment pour l'audition des témoins et pour le jugement;
il semble faire découler ce principe général du droit d'être entendu
garanti par l'art. 4 Cst.

    c) Jusqu'ici, le Tribunal fédéral n'a pas posé un tel principe.

    Dans un arrêt récent (Gris c. Vaud, du 9 décembre 1969, RO 95 I
593), c'est pour violation d'une disposition cantonale expresse sur la
composition du tribunal qu'il a cassé un jugement cantonal, et non pas
pour violation d'un principe découlant directement de l'art. 4 Cst.

    La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 4
Cst. plusieurs prétentions: ce droit comprend le droit de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit rendue au détriment d'un justiciable (RO 94
I 109), celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer
sur le sort d'une décision (RO 92 I 261), celui de prendre connaissance du
dossier (RO 95 I 106 et les arrêts cités), celui de se faire représenter
ou assister et finalement celui d'obtenir une décision de la part d'une
autorité compétente (RO 94 I 556). Si le justiciable doit être admis à
fournir des preuves sur des faits pertinents, c'est afin que le tribunal
puisse rendre sa décision en pleine connaissance de cause. Cela suppose en
principe que tous les membres du tribunal, lorsqu'il s'agit d'un collège,
assistent à l'administration des preuves ou au moins prennent connaissance
du procès-verbal des audiences qui y ont été consacrées. C'est ainsi que,
pour la procédure écrite, le CPC neuchâtelois prescrit expressément à
son art. 328 que seuls les membres ou suppléants qui ont lu le dossier
et entendu les plaidoiries peuvent prendre part au jugement. Cette
exigence générale de la connaissance de l'affaire à juger présuppose qu'en
procédure orale, où ne sont verbalisées ni les déclarations des parties,
ni les dépositions des témoins, tous les membres du tribunal aient assisté
aux séances d'administration des preuves. Ce n'est qu'à cette condition
également que le principe de la libre appréciation des preuves par le
tribunal peut être pleinement sauvegardé.

    Il faut donc admettre qu'en procédure orale tout au moins, le droit
d'être entendu implique que les juges qui prennent part à une décision
ont tous assisté aux audiences d'administration des preuves. Il s'agit là
d'une règle essentielle de procédure, dont la violation par le Tribunal
de prud'hommes de Neuchâtel entraîne l'annulation de la décision attaquée.