Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 199



96 I 199

36. Arrêt du 25 février 1970 dans la cause Kunzi contre Cour de cassation
pénale du canton de Neuchâtel. Regeste

    Handels- und Gewerbefreiheit. Kinogewerbe, Kontrolle des Alters der
Zuschauer. Art. 31 BV.

    Vom Leiter eines Kinotheaters zu verlangen, dass er das Alter
aller weniger als zwanzig Jahre alt scheinenden Besucher systematisch
kontrollieren lasse, selbst wenn die Altersgrenze für den Besuch eines
Filmes niedriger ist, verletzt den Grundsatz der Verhältnismässigkeit,
der für die polizeilichen Beschränkungen gilt, welche die Kantone auf
dem Gebiete der Handels- und Gewerbefreiheit anordnen können.

Sachverhalt

    A.- Jean-Paul Kunzi, directeur du cinéma Rex, à Neuchâtel, a
été condamné par le Tribunal de police du district de Neuchâtel à 20
fr. d'amende pour infraction aux art. 42 de la loi sur le cinéma du 7 juin
1966 et 18 de son règlement d'exécution du 6 décembre 1966. A l'occasion
d'un contrôle effectué par la police le samedi après-midi 30 novembre
1968, lors de la projection du film "Triple cross" interdit aux mineurs
de moins de 16 ans, deux jeunes gens nés en 1953 se trouvaient dans la
salle du cinéma Rex.

    B.- Kunzi a recouru contre cette décision auprès de la Cour de
cassation pénale du canton de Neuchâtel, qui a rejeté le pourvoi par
arrêt du 30 juin 1969, retenant notamment dans ses considérants:

    "Le jugement entrepris ne contient nullement une fausse interprétation
de la loi en exigeant un contrôle complet, c'est-à-dire que la carte
d'identité soit réclamée de toute personne dont l'aspect ne permet pas
d'affirmer qu'elle a 20 ans ou moins. Or en l'espèce, les instructions
que le recourant avait données à son personnel étaient d'opérer un
contrôle par sondages et seulement à l'égard des personnes ne paraissant
pas avoir atteint 16 ans. ... Les instructions données à son personnel
ne répondent pas aux exigences légales; le recourant a, dès lors, commis
une contravention, dont il répond personnellement aux termes de l'art. 55
al. 3 chiffre 3 de la loi sur le cinéma."

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Jean-Paul Kunzi
requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 30 juin 1969 et de
renvoyer la cause à l'autorité pénale cantonale pour qu'elle prononce
son acquittement pur et simple. Il se plaint de violation des art. 4
(arbitraire et inégalité de traitement) et 31 Cst. Ses motifs seront
repris ci-dessous, dans la mesure utile.

    La Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel se réfère purement
et simplement à sa décision. Le Procureur général déclare n'avoir pas
d'observations à formuler.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- S'agissant de l'application du droit cantonal, le pourvoi en
nullité auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral n'est
pas ouvert (art. 268 ss. PPF); dès lors le recours de droit public,
moyen de droit subsidiaire, est recevable en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ.

Erwägung 2

    2.- Le recourant voit une inégalité de traitement d'une part dans le
fait que le même Tribunal de police de Neuchâtel a, par arrêt rendu le
20 février 1969 dans une affaire semblable (affaire Gammater), libéré un
directeur de cinéma de toute peine en admettant l'erreur de droit, alors
que lui-même avait aussi invoqué l'erreur de droit mais a été condamné,
et d'autre part dans le fait que lorsque la police exerce elle-même les
contrôles prévus à l'art. 18 Rgl., elle procède par sondages, alors qu'on
exige de lui-même un contrôle plus rigoureux.

    Pour qu'il y ait inégalité de traitement, au sens de la jurisprudence,
il faut que ce soit la même autorité qui statue de façon inégale à propos
de deux situations semblables (cf. RO 91 I 171, 90 I 8 consid. 2). Or
l'arrêt attaqué émane de la Cour de cassation pénale, tandis que la
décision du 20 février 1969 dans l'affaire Gammater a été rendue par le
Tribunal de police. Les conditions requises par la jurisprudence ne sont
donc pas remplies en l'espèce.

    Il n'y a pas non plus inégalité de traitement dans le fait que
jusqu'ici les autorités se seraient contentées d'un contrôle par
sondages alors qu'elles exigeraient dorénavant un contrôle systématique
de toutes les personnes paraissant n'avoir pas l'âge de 20 ans. L'art. 4
Cst. n'empêche pas une autorité de modifier sa pratique antérieure et
d'appliquer dorénavant une prescription légale d'une manière qui lui
paraît plus conforme à une saine interprétation (cf. RO 91 I 3).

Erwägung 3

    3.- Le recourant estime qu'il est arbitraire d'interpréter l'art. 18
Rgl. dans ce sens qu'un contrôle systématique devrait être fait auprès
de toutes les personnes qui paraissent n'avoir pas 20 ans; il reproche
également à une telle interprétation de violer l'art. 31 Cst.

    Lorsqu'un recourant attaque une décision à la fois pour interprétation
arbitraire du droit cantonal et pour violation d'un autre droit
constitutionnel, le Tribunal fédéral examine d'abord si la décision
attaquée résiste au grief d'arbitraire; si tel est le cas, il examine
alors encore - et cette fois avec plein pouvoir d'examen, en général -
si elle est compatible avec la disposition constitutionnelle invoquée.

Erwägung 4

    4.- La cour cantonale a fondé sa décision sur l'art. 42 de la loi
sur le cinéma, qui prescrit qu'aucun film ne peut être projeté devant des
personnes âgées de moins de 18 ans sans l'autorisation du département et
répartit les films en quatre catégories selon leur nature et leur contenu
(films visibles pour tous, films interdits aux personnes âgées de moins de
12 ans, 16 ans ou 18 ans, la possibilité étant réservée au département de
fixer exceptionnellement à 20 ans l'âge d'admission à la projection d'un
film), ainsi que sur l'art. 18 du règlement d'exécution de ladite loi,
dont les alinéas 1 et 2 disposent ce qui suit:

    "Les directeurs de salles et leur personnel doivent contrôler l'âge
de leurs clients avant de les autoriser à pénétrer dans la salle, à moins
qu'un agent de la police cantonale ou communale se charge personnellement
de cette surveillance.

    Si elles sont âgées de moins de 20 ans, les personnes désireuses
d'assister à une représentation cinématographique doivent être en mesure
de justifier leur âge par la présentation d'une carte d'identité officielle
aux personnes chargées du contrôle."

    Le recourant taxe d'interprétation arbitraire de ces dispositions
le fait que la cour cantonale exige un contrôle systématique de toutes
les personnes dont l'aspect ne permet pas d'affirmer qu'elles ont 20 ans
ou moins. Or le Tribunal fédéral n'annule une décision pour arbitraire
que si elle est insoutenable, c'est-à-dire évidemment injuste, dépourvue
de toute justification sérieuse, prise en violation d'un droit certain
(RO 93 I 6 consid. 3; 88 I 139 consid. 1).

    L'art. 18 Rgl. ne précise pas si le contrôle doit se faire
systématiquement ou si des sondages suffisent. On ne peut donc en tout
cas pas reprocher à l'autorité d'avoir agi arbitrairement en déduisant
de cette disposition que le contrôle doit porter sur toute personne qui
paraît ne pas avoir l'âge fixé pour voir le film en question, car une
telle interprétation est parfaitement compatible avec le texte et le
sens de cette disposition. En revanche, il est douteux que soit exempte
d'arbitraire l'interprétation qui impose le contrôle de toute personne dont
l'aspect ne permet pas d'affirmer qu'elle a 20 ans ou moins. Ce point peut
néanmoins rester indécis: comme on va le voir en effet, l'interprétation
donnée par les autorités neuchâteloises aux dispositions sur le contrôle
des spectateurs de cinéma n'est pas compatible avec la liberté du commerce
et de l'industrie, garantie par l'art. 31 Cst.

Erwägung 5

    5.- Le recourant ne conteste pas aux cantons le pouvoir d'édicter
des prescriptions de police en matière d'exploitation de cinéma, mais il
soutient que les dispositions cantonales en la matière, telles qu'elles
sont interprétées par les autorités neuchâteloises, vont au-delà du but
de police visé et violent dès lors le principe dit de la proportionnalité
des mesures administratives.

    Le but des dispositions litigieuses sur le contrôle des spectateurs est
de protéger adolescents et jeunes gens contre les influences pernicieuses
de certaines représentations cinématographiques qui ne leur sont pas
destinées; l'âge limite, qui varie de cas en cas, est fixé chaque fois
en fonction d'un film déterminé. Pour permettre d'exclure, selon les cas,
les personnes de moins de 12 ans, 16 ans ou 18 ans, il suffit de contrôler
les personnes qui paraissent avoir un âge inférieur à la limite fixée et
celles qui paraissent avoir un âge avoisinant cette limite. Exiger que
l'on contrôle toutes les personnes paraissant avoir jusqu'à 20 ans va
au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but de police visé,
savoir en l'espèce empêcher les jeunes gens de moins de 16 ans d'assister
à la projection d'un film interdit aux personnes qui n'ont pas cet âge.

    D'autre part, imposer un contrôle systématique de toutes les personnes
dont l'aspect ne permet pas d'affirmer qu'elles ont l'âge requis est une
exigence qui entrave singulièrement l'exploitation des représentations
cinématographiques. La police elle-même reconnaît qu'une telle tâche
serait pratiquement impossible; aussi se contente-t-elle, comme cela a été
constaté dans l'affaire Gammater, de contrôles par sondages. Cette dernière
manière de faire, dans la mesure où elle est pratiquée sérieusement,
avec présentation de la carte d'identité et application des sanctions
sévères que la loi prévoit, est capable d'assurer l'efficacité désirable,
par l'effet préventif qu'elle exerce sur le spectateur qui n'a pas l'âge
voulu. Mais il faut que le contrôle soit sérieux et porte sur une partie
importante des personnes qui paraissent avoir l'âge limite.

    On doit en conclure que l'interprétation donnée par les autorités
cantonales aux dispositions sur le contrôle n'est pas compatible avec
l'art. 31 Cst. Partant, le recourant ne pouvait être condamné simplement
sur la base des instructions données à son personnel; ces instructions
étaient suffisantes au regard du principe de proportionnalité auquel sont
soumises les restrictions cantonales de police à la liberté du commerce
et de l'industrie. La décision attaquée doit dès lors être annulée.

    En revanche, le recourant pourrait être condamné s'il se révélait
que, malgré les instructions reçues, le personnel n'a pas effectué de
contrôle correspondant aux normes énoncées cidessus ou qu'un tel contrôle
n'a été fait que de façon insuffisante et peu sérieuse. Il appartiendra
aux autorités cantonales d'examiner encore ce point et de se prononcer
à son sujet.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.