Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 I 184



96 I 184

33. Arrêt du 24 avril 1970 dans la cause Laurent contre Jaccard et
Commission fédérale de recours en matière de loyers. Regeste

    Verwaltungsgerichtsbeschwerde, Verletzung des Bundesrechts.

    Die verfassungsmässigen Rechte der Bürger gehören zum Bundesrecht;
bei Verletzung solcher Rechte kann die Verwaltungsgerichtsbeschwerdedie
Rolle der staatsrechtlichen Beschwerde übernehmen (Erw. 2 a).

    Anspruch aufrechtliches Gehör: Verletzung, Heilung.

    Der Anspruch auf rechtliches Gehör ist formeller Natur; seine
Verletzung führt grundsätzlich zur Aufhebung des angefochtenen
Entscheids. Die Heilung einer solchen Verletzung ist nur möglich, wenn
die obere Instanz selber die Tat- und Rechtsfragen frei überprüfen kann
(Erw. 2 b).

Sachverhalt

    A.- Wilfred Jaccard, locataire d'Etienne Laurent, a demandé le 16
mai 1967 à l'Office cantonal vaudois de surveillance des prix de vérifier
le loyer de 2640 fr. par an convenu par contrat du 8 novembre 1964. Cet
office, par décision du 27 septembre 1967, a fixé le loyer maximum
admissible à 1440 fr. par an, avec effet rétroactif au 8 novembre 1964.

    Etienne Laurent a recouru à l'Office fédéral de contrôle des prix
et requis confirmation du loyer convenu. Par décision du 11 avril 1969,
l'Office fédéral a admis le recours et annulé la décision cantonale,
approuvant ainsi le loyer de 2640 fr.

    Le locataire s'est adressé alors à la Commission fédérale de recours
en matière de loyers et a conclu au rétablissement de la décision
cantonale. Par prononcé du 8 octobre 1969, la commission a admis
partiellement le recours et fixé le loyer maximum admissible à 1800
fr. dès le début du bail.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit administratif, Etienne
Laurent requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision attaquée et
de maintenir la décision de l'Office fédéral de contrôle des prix. Il
invoque une violation du droit d'être entendu, dérivant de l'art. 4 Cst.,
la Commission fédérale ne lui ayant pas donné la possibilité de faire
valoir ses moyens. Il soutient par ailleurs que la commission s'est fondée
sur des faits inexacts, établis au mépris des règles essentielles de la
procédure, et qu'elle a abusé ainsi de son pouvoir d'appréciation. Sur
le fond, il nie que le loyer convenu ait été manifestement excessif et
conteste au surplus l'effet rétroactif de la décision.

    Wilfred Jaccard conclut au rejet du recours, avec suite de frais et
dépens. La Commission fédérale de recours en matière de loyers, appelée
à présenter ses observations, estime n'avoir pas eu l'obligation légale
d'entendre le propriétaire, constate que le recourant n'apporte aucun
argument propre à démontrer l'inexactitude du prononcé et propose le
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 98 lettre e OJ, dans la teneur que lui a donnée la LF
du 20 décembre 1968, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral
est recevable notamment contre les décisions des commissions fédérales de
recours. La Commission fédérale de recours en matière de loyers - dont
les décisions étaient jusqu'alors définitives - ne fait pas exception,
et la décision en cause ne tombe sous aucun des cas d'irrecevabilité
énumérés aux art. 99 ss. OJ.

    Les nouvelles règles de compétence et de procédure sont applicables aux
recours introduits contre des décisions rendues après l'entrée en vigueur
de la novelle du 20 décembre 1968 (ch. III de cette novelle), soit dès le
1er octobre 1969. La décision attaquée ayant été rendue postérieurement
à cette date, le recours de droit administratif est recevable en la forme.

Erwägung 2

    2.- Le recourant allègue au premier chef dans ses motifs - sinon dans
ses conclusions, où il ne requiert que subsidiairement l'annulation du
prononcé - une violation du droit d'être entendu, droit fondé sur l'art. 4
Cst. Il fait valoir que la Commission fédérale de recours en matière
de loyers a statué sur le recours interjeté par le locataire et réformé
au détriment du propriétaire, sans lui donner l'occasion de s'exprimer,
la décision de l'Office fédéral de contrôle des prix.

    a) La Commission fédérale estime qu'aux termes de son règlement du
15 janvier 1957, elle n'avait pas l'obligation d'entendre le propriétaire
avant de se prononcer sur le recours du locataire.

    Ce règlement était certes applicable, et non pas la LF du 20
décembre 1968 sur la procédure administrative, la décision de l'Office
fédéral de contrôle des prix ayant été rendue avant le 1er octobre 1969
(art. 81 LPA). Or il est exact que, s'il exige l'avis du Service fédéral
du contrôle des prix (art. 13), ce règlement ne par le pas de réponse des
parties intéressées. Et son art. 9, qui déclare applicables par analogie
diverses dispositions de l'OJ, ne cite pas l'art. 93 al. 1, qui prescrit
la communication du recours à la partie adverse pour réponse. Cependant, il
ne s'ensuit pas que la législation fédérale exclue un tel droit de réponse.

    La notion du droit fédéral, dont la violation constitue un motif de
recours de droit administratif selon l'art. 104 lettre a OJ, englobe les
droits constitutionnels. Après avoir admis la jonction en une même écriture
des recours de droit administratif et de droit public (RO 85 I 196), la
jurisprudence a reconnu que le recours de droit administratif assumait
le rôle du recours de droit public à l'égard de violations des droits
constitutionnels commises par l'autorité cantonale, dans les matières
soumises au contrôle du Tribunal fédéral en tant que juge administratif
(RO 86 I 193). Le fait que le recours de droit public n'est pas ouvert
lorsque la décision émane d'une autorité fédérale ne modifie en rien la
notion du droit fédéral. Il en découle que, si la législation fédérale
- dont la constitutionnalité échappe en principe à l'examen du juge -
permet plusieurs interprétations, il faut choisir l'interprétation
conforme à la constitution (cf. IMBODEN, Verwaltungsrechtsprechung, 3e
éd., no 247; HUBER, Der Schutz der Grundrechte unter der Generalklausel
der Verwaltungsgerichtsbarkeit, Mélanges Marcel Bridel, p.249).

    Si le droit d'être entendu, tiré de l'art. 4 Cst., n'est sans doute
pas aussi absolu en droit administratif que dans les procédures civiles
et pénales, la jurisprudence en matière de recours de droit public lui a
reconnu cependant un caractère absolu dans certaines circonstances. Tel
est le cas notamment lorsque l'autorité administrative, usant d'un pouvoir
spécial qui lui est attribué dans l'intérêt public, intervient dans un
rapport de droit privé entre parties, par exemple en matière de protection
des locataires (RO 70 I 70, 74 I 247, 85 I 76, 87 I 155), ou encore lorsque
l'autorité de recours est appelée à prendre une décision qui modifie en
l'aggravant la situation d'une partie telle qu'elle résulte de la décision
entreprise (RO 74 I 10, 85 I 76, 88 I 63). En présence de ces principes
fondamentaux, le silence du règlement de la Commission fédérale de recours
en matière de loyers ne saurait être interprété comme une exclusion du
droit d'être entendu. Seule l'interprétation contraire est conforme à la
constitution; elle aboutit à reconnaître ce droit à la partie intimée, à
tout le moins dans les circonstances décrites ci-dessus. L'art. 57 LPA, qui
prévoit la transmission du recours à la partie adverse pour observations,
exprime sous la forme d'une norme légale positive un principe implicite
préexistant; il ne crée des droits nouveaux que dans la mesure où la
norme étend le champ d'application du principe.

    b) Il s'agit d'examiner si la violation du droit d'être entendu,
commise par la Commission fédérale de recours en matière de loyers,
entraîne l'annulation de la décision.

    Ainsi que l'a souligné de façon constante la jurisprudence, le droit
d'être entendu est de nature essentiellement formelle et sa violation
entraîne l'annulation de la décision attaquée (RO 94 I 109 consid. 5,
92 I 264 no 45). Néanmoins, la Chambre de droit public admet que cette
violation peut être réparée dans certains cas: elle renonce en effet à
casser la décision lorsque le recourant, non entendu en première instance,
a eu la possibilité de s'exprimer devant une autorité cantonale de recours
qui peut examiner librement le fait et le droit (RO 94 I 108 consid. 3,
93 I 656 no 82, 87 I 340). On peut se demander si une telle réparation peut
aussi se faire dans la procédure de recours au Tribunal fédéral. S'agissant
d'un recours de droit public pour violation de l'art. 4 Cst., cette
réparation est exclue en raison du pouvoir d'examen limité qu'exerce la
Chambre de droit public et du caractère purement cassatoire de ses arrêts;
la question peut en revanche se poser pour les recours jugés par la Chambre
de droit administratif, qui n'a pas seulement un pouvoir de cassation,
mais peut également statuer elle-même sur le fond (art. 114 al. 2 de l'OJ
modifiée en 1968, art. 108 al. 2 de l'ancien texte).

    Cependant la réparation de la violation du droit d'être entendu
ne peut se faire, selon la jurisprudence, que si l'autorité de recours
jouit d'une pleine cognition (RO 94 I 108 consid. 3, 93 I 656, 87 I 340,
76 I 47). Or la Chambre de droit administratif, si elle peut en général
revoir le fait et le droit (art. 105 al. 1 OJ), est néanmoins liée par les
faits constatés par l'autorité inférieure lorsque celle-ci est un tribunal
cantonal ou une commission de recours (art. 105 al. 2 OJ); en revanche,
la Commission fédérale de recours en matière de loyers jouissait d'un
pouvoir de libre examen (cf. art. 8 et 17 du règlement du 15 janvier 1957).

    Dans ces circonstances, la chambre de céans ne peut pas elle-même
remédier à la violation du droit d'être entendu commise par l'autorité
inférieure; elle ne peut que casser la décision attaquée et renvoyer
l'affaire à cette autorité pour nouvelle décision, après audition de la
partie adverse au recours déposé devant elle.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet le recours et annule la décision attaquée;

    2. Renvoie l'affaire à l'autorité inférieure pour nouvelle décision.