Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 IV 49



96 IV 49

12. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mars 1970 dans la cause
Ministère public du canton de Neuchâtel contre Dessoulavy et Ahles.
Regeste

    Art. 251 Ziff. 1 StGB. Urkundenfälschung.

    Wer mittels einer Rechnung für sich selber den Preis für von einem
andern gelieferte Waren oder ausgeführte Arbeiten verlangt, begeht weder
eine Urkunden(ver)fälschung (Herstellung einer unechten Urkunde, Erw. I
1), noch eine Falschbeurkundung (inhaltlich unrichtige Urkunde, Erw. I 2).

    Art. 72 Ziff. 2 StGB. Absolute Verfolgungsverjährung.

    1.  Die Verfolgungsverjährung hört auf mit der Ausfällung des
letztinstanzlichen kantonalen Urteils; mit der Einreichung einer
Nichtigkeitsbeschwerde beginnt sie nicht wieder zu laufen (Erw. II 2).

    2.  Bedingungen, unter denen ein vor dem letztinstanzlichen kantonalen
Urteil gefällter Entscheid die gleiche Wirkung hat (Erw. II 3).

Sachverhalt

                       Résumé des faits:

    A.- 1. Ahles a reçu pour le compte de Pâquerettes SA, aux Brenets,
dont il était le directeur, une importante commande de plaquettes de
saphir. Muni de l'autorisation nécessaire, il confia une partie de
la production à Rubilsa SA, dont le directeur était E. Dessoulavy. Une
certaine quantité de plaquettes fabriquées par Pâquerettes SA fut facturée
par Rubilsa SA, à qui elle fut payée.

    2. Ahles fut autorisé par son employeur à exécuter chez lui certains
travaux, qui ont fait l'objet de huit factures, établies au nom de Noémie
Togni. Celle-ci recevait l'argent et le remettait à Ahles. Le but de ces
manoeuvres était de cacher au Conseil d'administration de Pâquerettes SA
que le travail avait été exécuté par Ahles.

    3. En 1962, Ahles participa comme interprète à des pourparlers au
terme desquels Rubilsa SA obtint une commande de quatre millions et demi
de pierres d'horlogerie. Dans cette affaire, il exécuta des travaux de
direction aux Brenets et utilisa les services d'employés de Pâquerettes
SA, laquelle ne se vit confier que le préparage de 174 000 pierres et ne
retira aucun autre avantage de l'opération.

    B.- Le 26 juin 1969, le Tribunal correctionnel du district du Locle a
infligé à Ahles huit mois d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans,
pour faux dans les titres, abus de confiance et gestion déloyale. Il
condamna également Dessoulavy, comme complice des mêmes infractions,
à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans.

    C.- Sur recours des condamnés, la Cour neuchâteloise de cassation
pénale les a libérés, le 10 décembre 1969. A son avis, les factures
incriminées ne constituent pas des titres, de sorte que les accusés
ne tombent pas sous le coup de l'art. 251 CP; un nouveau jugement doit
donc être rendu; or les autres infractions (abus de confiance et gestion
déloyale) sont atteintes par la prescription absolue.

    D.- Le Ministère public s'est pourvu en nullité au Tribunal fédéral. Il
soutient que les factures de Rubilsa SA dans l'affaire des plaquettes et
celles qui furent établies au nom de Noémie Togni constituent des titres et
que le 26 juin 1969, date du jugement de première instance, l'action pénale
en cours pour abus de confiance et gestion déloyale n'était pas prescrite.

    E.- Les intimés concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au
rejet des pourvois.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    I. Les faux dans les titres (résumé)

    I.1.- Celui qui, par une facture, a réclamé pour lui le prix de
marchandises livrées par un concurrent peut avoir commis une escroquerie,
mais non pas un faux matériel (création d'un titre faux). Car ce document
ne tend pas à induire autrui en erreur sur son origine (RO 75 IV 168). Tel
est le cas des factures établies par Rubilsa pour des marchandises
fabriquées par Pâquerettes SA Dessoulavy, directeur de la première,
en avait connaissance. Peu importe qu'elles aient été créées par Ahles
personnellement ou, sur son ordre, par un employé de Pâquerettes SA
Celui qui, avec son autorisation, utilise le nom d'un tiers ne crée pas
un titre faux. Il n'en va pas autrement des factures établies au nom de
Noémie Togni.

Erwägung 2

    I.2.- Sans doute les factures étaient-elles mensongères dans la mesure
où elles affirmaient que certaines plaquettes avaient été fabriquées par
Rubilsa SA alors qu'elles l'avaient été par Pâquerettes SA et que des
travaux exécutés par Ahles avaient été faits par Noémie Togni. Mais un
écrit mensonger ne constitue un faux intellectuel (art. 251 ch. 1 al. 2)
que lorsqu'il est destiné ou propre à prouver le fait controuvé (art. 110
ch. 5 CP; RO 88 IV 34). En l'espèce, les factures ne constituent pas
même un commencement de preuve du fait que les plaquettes avaient été
fabriquées par Rubilsa SA et les travaux exécutés par Noémie Togni.

Erwägung 1

    II. Les autres infractions

    II.1.- L'abus de confiance et la gestion déloyale sont des
délits. L'action pénale se prescrit donc par cinq ans (art. 70 CP), la
prescription absolue étant de sept ans et demi (art. 72 ch. 2 al. 2). Selon
les arrêts attaqués, les derniers actes d'exécution commis par les intimés
remontent au mois de mai 1962.

    Lorsque le Tribunal correctionnel a statué, le 26 juin 1969, la
prescription courait encore. Mais, relève la cour neuchâteloise, son
jugement doit être cassé, puisque les prévenus ont été condamnés à tort
pour faux dans les titres; un nouveau jugement devra donc être rendu,
lequel sera nécessairement postérieur à l'expiration du délai de sept ans
et demi; aussi le tribunal ne pourrait-il que libérer. C'est pourquoi
la cour neuchâteloise s'est dispensée d'examiner les moyens du recours
relatifs à ces délits.

    Le Ministère public objecte que, dans l'hypothèse où la condamnation
pour abus de confiance et gestion déloyale ne se révélerait pas erronée,
elle serait acquise et définitive.

Erwägung 2

    II.2.- Selon la cour neuchâteloise, les délits d'abus de confiance
et de gestion déloyale étaient atteints par la prescription absolue quand
elle a statué. Comme elle ne conteste pas que l'action pénale n'était pas
prescrite le 26 juin 1969, date du jugement du tribunal correctionnel,
elle est partie de l'idée que la prescription a continué de courir pendant
l'instance de recours, autrement dit que le jugement n'a pas mis fin à
l'action pénale. Mais elle n'a pas examiné cette question.

    Selon l'arrêt rendu, le 10 novembre 1966, par la cour de céans en la
cause Vicari, le prononcé de la décision cantonale de dernière instance
ayant clos la poursuite, la prescription s'arrête; le dépôt d'un pourvoi
en nullité ne lui fait pas reprendre son cours (RO 91 IV 145 consid. 1;
92 IV 173 consid. c). Cette solution s'impose: sous réserve d'un éventuel
pourvoi en nullité du Ministère public, un acte de poursuite n'est plus
concevable après que le jugement cantonal de dernière instance a été
rendu: le prononcé de ce jugement met donc un terme à l'action publique,
qui a atteint son but.

    Sans doute, selon l'art. 72 ch. 2 al. 1 CP, la prescription est-elle
interrompue par tout recours contre une décision. Supposé que le pourvoi en
nullité au Tribunal fédéral soit un recours au sens de cette disposition,
il faudrait en conclure que la prescription continue à courir après la
décision prise en dernière instance cantonale, car seul un délai en cours
peut être interrompu. Cette argumentation, cependant, serait trompeuse.

    Le texte initial de l'art. 72 ch. 2 al. 1 CP ne mentionnait pas
l'interruption "par tout recours contre une décision"; cette mention a
été introduite par la revision du 5 octobre 1950. Dans son message du 20
juin 1949, le Conseil fédéral a précisé qu'elle visait en particulier
le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral (FF 1949 I, p. 1270). Mais
cette précision procède d'une méconnaissance de la situation juridique,
ce dont le rapporteur au Conseil des Etats s'est aperçu (Bull. stén. CE
1949, p. 585). En effet, le ch. 2 de l'art. 72 a été revisé parce
qu'il facilitait par trop l'échappatoire offerte par la prescription
(Bull. stén. CN 1950 p. 1933); de là l'adoption de nouvelles causes
d'interruption. Il s'agit donc d'une modification défavorable aux
délinquants. Or ils seraient avantagés si l'on admettait que, depuis le
5 janvier 1951 (date de l'entrée en vigueur du nouveau texte), le délai
continue de courir pendant l'instance fédérale, ce qui impliquerait, en
dépit de l'interruption, la possibilité, précédemment exclue - la cour de
céans a jugé, avant la revision de 1950, que l'action pénale prenait fin
dès le prononcé attaqué (RO 72 IV 106, 73 IV 14) - que la prescription
absolue soit acquise pendant l'instance fédérale. Contraire au but de
la revision, cette conséquence est inacceptable. Sans doute un recours
interrompt-il la prescription, mais à condition qu'elle coure. L'art. 72
ch. 2 al. 1 CP ne dit pas autre chose. Lors du dépôt du pourvoi, l'action
pénale est déjà éteinte.

Erwägung 3

    II.3.- L'arrêt contre lequel le pourvoi est ouvert y met fin en tout
cas, mais un jugement antérieur peut déjà avoir eu cet effet avant le
recours à l'autorité cantonale supérieure. Tel sera le cas lorsque le
recours cantonal - à l'instar du pourvoi en nullité - n'est pas, de soi,
suspensif, de sorte que la décision attaquée est en principe exécutoire
et que l'autorité cantonale de recours n'a pas le pouvoir de statuer au
fond ou, du moins, de prononcer une condamnation. Dans une telle hypothèse,
la situation, en droit, correspond à celle qui justifie la solution donnée
par l'arrêt Vicari (précité); elle appelle la même solution, mais fondée
sur la procédure cantonale; le jugement entrepris marque la fin de la
poursuite; dès qu'il est rendu, l'action pénale s'éteint et les délais
de l'art. 70 CP ne courent plus.

    Tel pourrait être le cas du recours en cassation qu'institue le Code
de procédure pénale neuchâtelois et que le législateur cantonal a du reste
voulu semblable au pourvoi en nullité de la procédure fédérale (Recueil
de jurisprudence neuchâteloise, t. IV, 2e partie, p. 77). Effectivement
les analogies entre les deux voies de droit sont nombreuses (art. 242,
251 al. 2, 246, 253 PP neuch.). Mais il y a pourtant des différences
(art. 252 al. 2 lit. a; cf. Recueil précité, t. II, 2e partie, p. 61).

    Cette question relève de la procédure cantonale; elle échappe donc à
l'examen de la cour de céans, saisie d'un pourvoi en nullité. L'autorité
neuchâteloise ne l'a pas tranchée et il lui appartiendra de le faire; car
c'est de ce point que dépend, en définitive, l'issue de la présente cause.

    En effet, supposé que l'action pénale ait pris fin, le 26 juin
1969, par le prononcé du jugement du Tribunal correctionnel, le délai de
prescription absolue, pour l'abus de confiance et la gestion déloyale - qui
n'était alors pas expiré - aurait cessé de courir. Dans cette hypothèse,
c'est à tort que la Cour de cassation neuchâteloise aurait admis le
contraire et elle devrait se prononcer tout d'abord sur les moyens
qu'Ahles et Dessoulavy avaient soulevés au sujet de ces infractions. Si
elle devait alors renvoyer la cause à un tribunal correctionnel pour
rendre un nouveau jugement, la prescription reprendrait son cours dès le
prononcé de ce renvoi.

    Supposé, au contraire, que, vu la nature du pourvoi en cassation
neuchâtelois, la prescription ait continué à courir après le prononcé du
juge de première instance, le délai aurait expiré et l'action pénale se
serait trouvée éteinte au cours du mois de novembre 1969. Ce serait, dès
lors, à bon droit que la cour neuchâteloise, statuant le 10 décembre 1969,
aurait libéré les intimés des chefs d'abus de confiance et de gestion
déloyale. Il serait ainsi indifférent que la condamnation prononcée sur
ces points, en première instance, eût été justifiée ou non.

Entscheid:

         Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:

    Admet partiellement les pourvois dans les causes Dessoulavy et Ahles
en ce sens qu'elle annule les arrêts attaqués et renvoie les causes à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision.