Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 96 II 192



96 II 192

31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 octobre 1970 dans la
cause Brunner-Möbel SA contre Kropf. Regeste

    Rücktritt des Bestellers vom Werkvertrag (Art. 377 OR).

    1.  Der Rücktritt nach Art. 377 OR wirkt unmittelbar, auch wenn der
Besteller damit kein Angebot auf Ersatz des Schadens verbindet (Erw. 3).

    2.  Berechnungsarten des vom Besteller nach Art. 377 OR geschuldeten
Schadenersatzes (Erw. 5). Anwendung dieser Berechnungsarten auf den
konkreten Fall (Erw. 7).

    3.  Der Werkvertrag ist für die Berechnung des dem Unternehmer
zustehenden Schadenersatzes und des ihm entgangenen Gewinnes als solcher
heranzuziehen (Erw. 6).

    4.  Der Schadenersatzanspruch nach Art. 377 OR kann auf Grund der
Art. 43 und 44 OR nicht herabgesetzt werden (Erw. 8).

Sachverhalt

    A.- Le 16 janvier 1964, Peter Kropf conclut avec la maison
Brunner-Möbel SA un contrat d'entreprise comportant la construction de deux
motels selon le système de préfabrication POLA. Le montage des éléments
préfabriqués devait commencer après l'exécution des fondations et de la
dalle inférieure, travaux qui incombaient au maître de l'ouvrage. Il
devait être terminé dans un délai de huit semaines dès ce moment. Le
prix en était fixé à 315 000 fr., payables en 3 acomptes égaux échus à
la signature du contrat, 10 jours après le début du montage, et 30 jours
après réception de l'ouvrage. Le premier acompte fut régulièrement versé.

    Parallèlement, les mêmes parties conclurent un second contrat
d'entreprise pour la construction d'un restaurant, en deuxième étape.

    B.- Le montage des éléments POLA commença le 3 août 1964, sitôt la
dalle terminée; la charpente fut montée très rapidement, puis les travaux
furent interrompus dans le courant d'août. Le 2 septembre 1964, Kropf se
plaignit auprès de Brunner-Möbel SA de cette interruption et de différents
défauts; il exigea une réunion sur place dans la semaine, à défaut de
quoi il mettrait fin au contrat. Il déclara résilier le contrat relatif
au restaurant, par lettre du 7 septembre; il y écrivait ce qui suit:

    "Für die Weiterführung der Arbeiten für beide Motels haben wir jedes
Zutrauen verloren. Wir sind auch nicht bereit, den übersetzten Betrag
zu bezahlen, sondern verlangen eine Expertise der bis jetzt geleisteten
Arbeiten. Da es sich um vorfabrizierte Elemente handelt, dürfte die
Festsetzung des geschuldeten Betrages ein Leichtes sein. Wir erwarten,
dass sie zu einer friedlichen Erledigung Hand bieten werden..."

    Le 10 septembre 1964, une entrevue réunissant tous les intéressés
eut lieu sur place, mais n'aboutit à aucun accord. Le 11 septembre,
Brunner-Möbel SA écrivit à Kropf qu'elle suspendait les travaux, lui
faisant remarquer qu'il n'avait pas payé le deuxième acompte de 105 000
fr. échu depuis le 13 août. Kropf accusa réception de cette lettre le 14
septembre 1964, faisant état des défauts des travaux exécutés et ajoutant:
"Wir erwarten immer noch eine Antwort auf unser Schreiben vom 7. September
1964, mit welchem wir beide Verträge annuliert haben".

    Le 15 septembre, le conseil de Brunner-Möbel SA mit Kropf en demeure
de payer le deuxième acompte, en l'informant en outre que les travaux
étaient immédiatement arrêtés et qu'une requête aux fins d'inscription
provisoire d'une hypothèque légale était déposée. Cette mise en demeure
étant restée sans effet, Brunner-Möbel SA lui fit notifier un commandement
de payer de 105 000 fr. Kropf fit opposition totale. Le 30 octobre 1964,
le président du tribunal d'Echallens en prononça la mainlevée provisoire
et ordonna l'inscription provisoire d'une hypothèque légale d'entrepreneur
de 210 000 fr.

    C.- Par demande du 17 novembre 1964, Kropf ouvrit action en libération
de dette devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Sa demande
se terminait par l'offre suivante, limitée au 10 décembre 1964:

    "Le demandeur, pour tenir compte de ce que les travaux ont été
commencés par la maison Brunner-Möbel AG, offre d'accepter que celle-ci
les termine, ce sous le contrôle d'un expert désigné par le Tribunal et
chargé de veiller au strict respect de la règle de l'art, et de payer
la contre-valeur normale des travaux encore à exécuter, y compris un
bénéfice normal".

    Cette offre resta sans suite, et Kropf fit terminer par un tiers la
construction des deux motels.

    Brunner-Möbel SA conclut au rejet de l'action; elle demanda en outre,
par conclusions reconventionnelles, que Kropf fût déclaré débiteur de
deux fois la somme de 105 000 fr. avec intérêt à 6% respectivement dès
le 13 août 1964 et le 1er janvier 1965, et que fût ordonnée l'inscription
définitive d'une hypothèque légale pour la somme de 210 000 fr.

    A la requête de Kropf, une expertise hors procès détermina la
qualité et la valeur des travaux exécutés par Brunner-Möbel SA En cours
de procès, l'expertise judiciaire fut confiée à M. Marcel Dupont, maître
charpentier. Ce dernier estima à 155 264 fr. 10 (dont 30 000 fr., soit 20%,
représentaient les honoraires d'architecte, la marge commerciale et l'IChA)
les travaux exécutés par Brunner-Möbel SA, après déduction d'une somme de
6201 fr. 15 pour réfection des défauts. La valeur des travaux restants,
exécutés par Kropf, était arrêtée à 95 000 fr. Le coût total de l'ouvrage
se montait ainsi à 250 000 fr. en chiffre rond, à dire d'expert.

    Le 10 avril 1970, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois
rejeta l'action du demandeur et admit partiellement les conclusions
reconventionnelles de la défenderesse à concurrence de 11 268 fr. 10 avec
intérêt à 5% dès le 9 juin 1965; elle leva définitivement l'opposition au
commandement de payer et ordonna l'inscription définitive d'une hypothèque
légale d'entrepreneur pour ce montant.

    D.- Brunner-Möbel SA recourt en réforme au Tribunal fédéral contre ce
jugement. Elle conclut principalement au paiement par Kropf de 145 800
fr., subsidiairement de 41 757 fr. 70, avec modification correspondante
du montant de l'hypothèque légale définitive.

    L'intimé propose le rejet du recours. Il a formé en outre un recours
joint tardif que le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable, par arrêt du
3 juillet 1970.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- La cour cantonale a appliqué l'art. 377 CO, bien que la résiliation
du maître n'eût pas été assortie d'une offre de dommages-intérêts. Elle a
ainsi rejeté cette exigence des anciens commentateurs (SCHNEIDER ET FICK,
n. 3 ad art. 377, BECKER, n. 2 ad art. 377). Dans un arrêt ancien (RO 21,
192/193), le Tribunal fédéral s'était apparemment rallié à cette opinion.
Selon OSER/SCHÖNENBERGER (Comm. n. 2 ad art. 377, cf. aussi BÜRGI,
FJS 623 p. 7 ch. 1), l'entrepreneur ne serait pas tenu d'accepter la
résiliation, si elle n'est pas assortie de l'offre de réparer le dommage;
s'il l'accepte, il a néanmoins droit à réparation et la résiliation est
acquise, mais à charge pour lui de prouver qu'elle n'est pas intervenue
pour une autre cause.

    GAUTSCHI (Comm. n. 9 b ad art. 377) objecte à ces conceptions qu'on
ne saurait laisser subsister tout au long d'un procès l'incertitude sur le
maintien du contrat. Adoptant la pratique bâloise, cet auteur considère la
résiliation, même non assortie d'une offre de réparer le dommage, comme
immédiatement opérante. Il appartient au maître de l'ouvrage de prouver,
s'il entend échapper à l'obligation d'indemniser l'entrepreneur, qu'il
a mis fin au contrat pour un motif l'exemptant des dommages-intérêts. Le
Tribunal fédéral se rallie à cette manière de voir.>

    Au cas particulier, l'intimé ne saurait donc se mettre au bénéfice
d'une disposition légale qui lui permettrait de se départir du contrat
sans réparer le dommage causé à la recourante. Il est tenu de l'indemniser
complètement, conformément à l'art. 377 CO.

Erwägung 4

    4.- La recourante conteste le calcul du montant qui lui est dû
d'après l'art. 377 CO. Ce grief soulève une question préalable. Selon le
jugement déféré, la défenderesse aurait non pas allégué un dommage, mais
uniquement demandé l'exécution du contrat. De fait, dans ses conclusions
reconventionnelles, elle a réclamé le paiement des deuxième et troisième
acomptes de 105 000 fr. Elle a cependant soutenu que son préjudice
était égal au prix de l'ouvrage. Ainsi, jusqu'à concurrence du montant
de 210 000 fr., elle est fondée à prétendre les mêmes sommes à titre
de dommages-intérêts. Il n'y a pas là conclusions nouvelles au sens de
l'art. 55 al. 1 litt. b infine OJ, mais une modification admissible du
fondement juridique de la demande (RO 90 II 39 consid. 6 litt. a).

Erwägung 5

    5.- L'"indemnité complète" due par le maître en vertu de l'art. 377
CO consiste dans les dommages-intérêts positifs correspondant à l'intérêt
de l'entrepreneur à l'exécution complète du contrat; elle comprend par
conséquent le bénéfice manqué (RO 69 II 139 ss.; BECKER, n. 6 ad art. 377;
OSER/SCHÖNENBERGER, n. 3 ad art. 377; W. BÜRGI, loc.cit.; GAUTSCHI,
n. 13 et 14 ad art. 377). Cette idée ressort du texte même de la loi ("en
indemnisant complètement l'entrepreneur", "gegen volle Schadloshaltung",
"del lavoro già fatto e d'ogni danno").

    La doctrine distingue deux méthodes pour le calcul de cette indemnité
(cf. GAUTSCHI, n. 15 ad art. 377).

    a) La méthode de la déduction consiste à déduire du prix de l'ouvrage
l'économie réalisée par l'entrepreneur du fait qu'il n'a pas terminé
les travaux, ainsi que le gain qu'il s'est procuré ailleurs ou qu'il a
intentionnellement renoncé à se procurer.

    b) La méthode positive consiste à établir le total des dépenses réelles
de l'entrepreneur pour les travaux exécutés, en y ajoutant son bénéfice
brut pour l'ouvrage terminé. Ce bénéfice est à déterminer sur la base du
contrat, voire de tarifs, d'indices ou des comptes de l'entrepreneur.
Le Tribunal fédéral a appliqué cette méthode dans l'arrêt Assortiments
Cylindre SA c. Charpilloz, déjà cité (RO 69 II 146 consid. 5).>

    Il convient de laisser indécise la question de savoir laquelle de ces
méthodes est préférable. Dans la mesure où elles reposent sur des données
de fait sûres, elles aboutissent pratiquement aux mêmes résultats. Le
choix dépendra donc des circonstances d'espèce, notamment des possibilités
de preuves.

Erwägung 6

    6.- La Cour civile a utilisé la méthode positive, en partant de la
valeur des travaux déjà exécutés par la défenderesse; cette valeur a
été établie par l'expert judiciaire à 155 264 fr. 10. Elle y a ajouté la
perte de bénéfice, arrêtée à 16 000 fr. Ce montant représente le 10% de
la valeur des travaux non encore exécutés, valeur calculée en soustrayant
du prix de l'ouvrage, convenu d'avance, le coût des travaux déjà effectués.

    La recourante critique ce mode de calcul. Il permettrait au maître
lié à un prix trop élevé d'échapper aux conséquences du contrat.

    De fait, la Cour civile n'a pas tenu compte du bénéfice total que
l'entrepreneur aurait réalisé s'il avait été en mesure de terminer
l'ouvrage. Elle a souverainement fixé la valeur du travail exécuté aux
155 264 fr. 10 proposés par l'expert Dupont. Ce montant comprend 30 000
fr. d'honoraires d'architecte, de marge commerciale et d'IChA. Elle a
évalué de la même manière à 16 000 fr. le bénéfice manqué, en réduisant le
pourcentage de 20 à 10% pour tenir compte de la diminution des prestations
d'architecte et des risques de la défenderesse consécutive à la résiliation
du contrat. La Cour civile constate aussi en fait que l'ouvrage terminé
valait 250 000 fr. à dire d'expert. Ce chiffre représente une marge
de 65 000 fr. par rapport au prix convenu de 315 000 fr. Elle ne tient
cependant compte de cet écart que pour 16 000 fr., en relevant que "la
défenderesse n'a pas établi son bénéfice manqué". Or ce bénéfice pouvait
être déterminé à l'aide des faits retenus par la cour elle-même, sans
que la défenderesse eût autre chose à prouver.

    En réduisant la marge bénéficiaire résultant du contrat d'entreprise
dans ce qu'elle avait peut-être d'excessif, les premiers juges ont en
réalité corrigé ce contrat, ce que ne permet pas l'art. 377 CO. Dès
l'instant où le moyen tiré de la lésion est écarté et le contrat validé,
ce contrat doit être respecté parce qu'il régit obligatoirement les
rapports juridiques des parties. En conséquence, le recours doit être
admis en principe.

Erwägung 7

    7.- a) La défenderesse a implicitement choisi la méthode de la
déduction à l'appui des conclusions principales de son recours. Elle
considère qu'il n'y aurait pas lieu de déduire du prix contractuel ce que
l'entrepreneur a pu économiser en raison de la résiliation du contrat,
attendu que le demandeur n'a pas apporté, ni même tenté la preuve d'une
telle économie. Cette argumentation méconnaît un élément de fait essentiel
du jugement attaqué: le demandeur a fait procéder lui-même et à ses frais
aux travaux d'achèvement; leur valeur a été estimée par l'expert Dupont
à 95 000 fr. Les premiers juges n'ont pas fait intervenir cet élément
constant dans la détermination de l'indemnité, parce qu'il ne jouait
aucun rôle dans leur mode de calcul. Mais ce montant de 95 000 fr. admis
par eux est un fait qui lie le Tribunal fédéral. Il doit donc être pris
en considération pour déterminer l'économie réalisée par l'entrepreneur
du fait qu'il n'a pas achevé l'ouvrage. Dans le cours normal des choses,
ses frais de surveillance et d'architecte, de même que ses risques, s'en
sont trouvés diminués. Sans doute, cet élément n'a pas été allégué par le
demandeur, et le jugement attaqué ne l'a pas chiffré avec précision. Il
convient cependant de le faire intervenir d'office et d'en déterminer
équitablement la mesure conformément à l'art. 42 al. 2 CO, applicable en
matière contractuelle en vertu de l'art. 99 al. 3 CO. La cour de céans
arrête cette économie approximativement à 15% du coût des travaux non
exécutés, soit à 15 000 fr.

    Suivant la méthode de la déduction appliquée par la recourante,
l'indemnité due par le maître de l'ouvrage en vertu de l'art. 377 CO
s'établit comme suit:

    Prix forfaitaire  fr. 315 000.--

    Coût des travaux d'achèvement fr. 95 000.--

    Réparation des défauts 6 201,15

    Charges évitées 15 000.--

    Somme due avant déduction de

    l'acompte versé de fr. 105 000.--

    et avant compensation avec la

    dette de fr. 58 000.-- 198 798,85

    fr. 315 000.--: fr. 315 000.--

    b) L'application de la méthode positive à la présente espèce aboutirait
au même résultat. Pour les travaux exécutés, l'entrepreneur aurait droit
à 155 264 fr. 10. A ce montant s'ajouterait le bénéfice manqué selon le
calcul suivant:>

    Travaux exécutés par la recourante  fr. 161 465,25

    Travaux exécutés par l'intimé   95 000.--

    Coût total  256 465,25

    Bénéfice contractuel:

    fr. 315 000.-- fr. 256 465,25 = 58 534,75

    Réduction pour charges évitées  -  15 000.--

    Bénéfice dû  43 534,75

    Travaux exécutés  + 155 264,10

    Somme due avant déduction de l'acompte versé de

    fr. 105 000.-- et avant compensation avec la dette

    de fr. 58 000.-- fr. 198 798,85

Erwägung 8

    8.- Il reste à examiner si une réduction doit être opérée en vertu
des art. 99 al. 3, 43 et 44 CO. GAUTSCHI (n. 17 ad art. 377) l'exclut en
considérant que la réglementation des art. 377 et 378 CO serait exhaustive.
Cet auteur se réfère à l'arrêt RO 69 II 148 (recte: 146, consid. 6);
mais le Tribunal fédéral s'est abstenu d'y appliquer les art. 43 et 44
CO en raison des circonstances de l'espèce.

    L'opinion de Gautschi doit cependant être approuvée, car la faute du
maître de l'ouvrage reste sans incidence dans l'application de l'art. 377
CO. On ne saurait non plus invoquer l'art. 44 al. 1 CO et reprocher à
l'entrepreneur d'avoir provoqué la résiliation par une mauvaise exécution
des travaux ou par son retard; ces éventualités tombent sous le coup des
règles spéciales de l'art. 366 CO. L'hypothèse de l'entrepreneur qui aurait
"consenti à la lésion" en acceptant la résiliation n'est pas réalisée,
d'après les faits constants de la cause.

Erwägung 9

    9.- Les dommages-intérêts sont dus à partir du 7 septembre 1964,
date retenue par le jugement de première instance. A cette date, ils se
montaient à 93 798 fr. 85, après déduction de l'acompte payé de 105 000
fr. Cette somme a produit 3533 fr. 50 d'intérêts jusqu'au 9 juin 1965,
moment où la compensation avec la dette de 58 000 fr. reconnue par la
recourante était possible.

    La somme restant due s'élève ainsi à 39 332 fr. 35 (97 332 fr. 35 -
58 000 fr.), avec intérêt à 5% l'an dès le 9 juin 1965.