Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 I 330



95 I 330

48. Extrait de l'arrêt du 25 juin 1969 dans la cause Jeckelmann contre
Tribunal cantonal fribourgeois. Regeste

    Gewerbsmässige Vertretung der Gläubiger im
Betreibungsverfahren. Art. 31 und 27 SchKG.

    1.  Die Bestimmungen der Bundesgesetze sind verfassungskonform
auszulegen, sofern dem nicht der klare Wortlaut oder Sinn entgegensteht
(Erw. 3).

    2.  Die polizeilichen Beschränkungen, denen die Kantone die freie
Ausübung von Handel und Gewerbe unterwerfen dürfen, müssen durch
das öffentliche Interesse gerechtfertigt sein und den Grundsatz der
Gleichbehandlung der Gewerbegenossen sowie den für Verwaltungsmassnahmen
geltenden Grundsatz der Verhältnismässigkeit beachten (Erw. 4).

    3.  Diesen letzteren Grundsatz verletzt ein kantonales Gesetz, dass
die gewerbsmässige Vertretung der Gläubiger im Betreibungsverfahren
ausschliesslich den Inhabern eines Anwaltspatentes gestattet (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- La loi fribourgeoise du 3 mai 1923 "sur l'exercice de la profession
d'agent d'affaires" ne permet qu'aux avocats patentés d'exercer ladite
profession (art. 1er al. 1); elle interdit "à toute autre personne
d'offrir ses services au public, d'une manière quelconque, dans une
forme qui puisse induire en erreur et faire croire qu'elle a qualité
pour représenter les parties, notamment en s'intitulant agent d'affaires"
(art. 1er al. 2). L'art. 2 prévoit que les contraventions à la loi "sont
déférées au Tribunal cantonal, qui peut infliger au contrevenant une
amende de 50 à 1000 fr., sans préjudice des dispositions de la loi pénale".

    La loi cantonale fut soumise à l'approbation du Conseil fédéral,
conformément à l'art. 29 LP; cette approbation fut accordée le 23 mai 1923.

    B.- Joseph Jeckelmann dirige à Fribourg un bureau fiduciaire. Agissant
au nom de la société en nom collectif K., domiciliée à Guin, il a ouvert
une poursuite auprès de l'Office des poursuites de la Glâne à Romont
contre X., domicilié à Tornyle-Grand. Par arrêt du 24 octobre 1968, le
Tribunal cantonal l'a condamné à une amende de 50 fr. pour contravention
à la loi du 3 mai 1923 sur l'exercice de la profession d'agent d'affaires.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Joseph Jeckelmann
requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 24
octobre 1968. Il allègue la violation de l'art. 31 (liberté du commerce
et de l'industrie) et de l'art. 4 Cst. Il soutient que la loi elle-même
est contraire à l'art. 31 Cst., car elle va au-delà de ce que les cantons
peuvent réglementer en vertu de l'art. 27 LP et viole le principe de la
proportionnalité des mesures que les cantons peuvent prendre en matière
de réglementation du commerce et de l'industrie. Il se déclare prêt
à se soumettre en tout temps aux conditions prévues par l'art. 27 LP,
relatives à la capacité, la moralité et à la prestation de sûretés.

    D.- Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt du 24 octobre 1968,
ajoutant que la loi en question a toujours été appliquée avec le plus de
libéralité possible.

    En raison du grief d'inconstitutionnalité soulevé contre la loi
cantonale par le recourant, le Conseil d'Etat du canton de Fribourg a été
invité à prendre position à l'égard du recours. Répondant en son nom,
le Ministère public conclut au rejet du recours, estimant que ni la
loi cantonale elle-même, ni son application au cas particulier ne sont
contraires à la constitution.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Bien qu'elle ne se réfère pas expressément à la LP dans son
préambule, la loi cantonale litigieuse entend faire usage de la compétence
réservée aux cantons par l'art. 27 LP; aussi bien a-t-elle, à ce titre,
été soumise à l'approbation du Conseil fédéral conformément à l'art. 29 LP.

    On doit admettre que l'art. 27 LP n'habilite les cantons à organiser
la profession d'agent d'affaires que conformément à la constitution;
en effet, la Confédération et les cantons sont liés par le principe de
la liberté du commerce et de l'industrie. Sans doute le Tribunal fédéral
ne peut-il examiner la constitutionnalité des lois fédérales (art. 113
al. 3 Cst.), mais on présume que le législateur fédéral ne propose pas
des solutions contraires à la constitution, de sorte que les dispositions
des lois fédérales doivent être interprétées d'une façon conforme à
la constitution, à moins que le contraire ne résulte clairement de la
lettre ou de l'esprit d'une loi (cf. RO 92 I 433; HANS HUBER, Schutz der
Grundrechte unter der Generalklausel der Verwaltungsgerichtsbarkeit, dans
Mélanges Bridel 1968, p. 249; MAX IMBODEN, Verwaltungsrechtsprechung,
3e éd., no 247 p. 140 ss.). Or rien dans le texte de l'art. 27 LP
ne permet de dire que le législateur fédéral ait voulu autoriser les
cantons à réglementer ladite profession sans tenir compte du principe
constitutionnel de la liberté du commerce et de l'industrie. C'est bien
plutôt le contraire qui ressort des travaux préparatoires: en effet, les
Chambres ont finalement biffé les mots "interdire ou" que la commission
du Conseil des Etats avait proposé d'ajouter au texte de l'art. 27 (les
cantons peuvent interdire ou organiser la profession...). Ainsi le
législateur fédéral a manifesté sa volonté de respecter la liberté du
commerce et de l'industrie et de n'autoriser les cantons à organiser
la profession d'agent d'affaires que pour protéger le public contre des
prétentions excessives de ces agents ou contre d'autres dangers (cf. FF
1886 II p. 57).

    Il est vrai que quelques années plus tard, en 1895 déjà, le Conseil
fédéral a jugé non contraire à l'art. 31 Cst. la loi bâloise qui érigeait
en service public la représentation professionnelle des créanciers dans la
poursuite et en confiait la charge exclusive à trois fonctionnaires. Cette
décision fut critiquée par REICHEL (Das Bundesgesetz über Schuldbetreibung
und Konkurs, 2e éd., 1901, art. 27 n. 2) et qualifiée de contraire aux
art. 31 Cst. et 27 LP, de même, par KLARA EUGSTER (Die Rechtsagentur in
der schweiz. Eidgenossenschaft, thèse Zurich 1938, p. 102). D'ailleurs,
le canton de Bâle-Ville a autorisé ultérieurement les avocats et les
notaires à représenter les créanciers dans la poursuite.

    Bien que le Tribunal fédéral ait eu lui-même à s'occuper à plusieurs
reprises des dispositions cantonales d'application de l'art. 27 LP, dans
des arrêts émanant soit de sa Chambre des poursuites et des faillites,
soit de sa Chambre de droit public, c'est sous l'angle de la validité des
dispositions cantonales au regard de l'art. 27 LP ou des art. 2 (force
dérogatoire du droit fédéral) et 5 (exercice des professions libérales)
Disp. trans. Cst., et non au regard de l'art. 31 Cst. (liberté du
commerce et de l'industrie) qu'il a eu à le faire (RO 53 I 398; 59 I 200;
71 I 254; 52 III 106; 61 III 202; 66 III 11; 92 III 52). Il a néanmoins
reconnu en passant que les dispositions cantonales réservant aux avocats
la représentation professionnelle des parties devant les autorités de
poursuite dérogeaient à la liberté du commerce et de l'industrie garantie
par l'art. 31 Cst. C'est ce qu'a rappelé notamment le dernier arrêt
cité (RO 92 III 52) rendu en 1966 dans une affaire fribourgeoise par la
Chambre des poursuites et des faillites. Mais celle-ci a jugé admissible,
au regard de l'art. 27 LP, qu'un canton soumette aux exigences de la loi
cantonale la représentation professionnelle de créanciers domiciliés
dans le canton par des personnes domiciliées dans d'autres cantons;
elle n'avait en revanche pas à examiner la constitutionnalité de la loi
cantonale au regard de l'art. 31 Cst.

    Même si la validité des dispositions légales fribourgeoises en la
matière a toujours été reconnue par les autorités judiciaires cantonales et
fédérales, le recourant d'aujourd'hui a le droit d'être traité d'une façon
conforme à la constitution; la chambre de céans doit dès lors examiner le
grief - soulevé par le recourant - de violation de la liberté du commerce
et de l'industrie. Consultée en application de l'art. 16 OJ, la Chambre des
poursuites et des faillites ne s'est pas opposée à ce que cette question
fasse l'objet d'un nouvel examen, voire d'un changement de jurisprudence.

Erwägung 4

    4.- La liberté du commerce et de l'industrie n'est garantie par
l'art. 31 Cst. que sous réserve des dispositions restrictives de la
constitution et de la législation qui en découle. D'autre part, en
vertu de l'art. 31 al. 2 Cst., les cantons sont autorisés à apporter
à la liberté du commerce et de l'industrie les restrictions de police
justifiées par l'intérêt public (RO 94 I 226, 600), notamment celles qui
sont nécessaires à la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publics. Ils
doivent cependant respecter le principe de l'égalité au sein d'une même
profession et le principe de la proportionnalité des mesures de police
(RO 93 I 309 consid. 2 a; 89 I 30).

    En l'espèce, l'art. 27 LP autorise les cantons notamment à subordonner
l'exercice de la profession d'agent d'affaires à des conditions de
capacités et de moralité et à la prestation de sûretés. Il est clair
que la protection du public justifie de soumettre à un contrôle de
leur comportement professionnel - comme c'est le cas des avocats -
toutes les personnes qui veulent représenter professionnellement les
créanciers domiciliés dans un canton auprès des offices des poursuites
de ce même canton. Il est dès lors conforme au but visé que l'exercice
de la profession soit subordonné à l'obtention d'une autorisation;
le droit fédéral prévoit lui-même expressément la faculté pour les
cantons d'exiger le dépôt de sûretés. En revanche, on doit se demander
si des motifs de police suffisants permettent d'exiger, comme preuve
des capacités professionnelles, le brevet d'avocat, lequel présuppose
un examen de maturité et des études universitaires. Une telle solution
revient à soumettre aux mêmes exigences les rapports professionnels
avec les offices de poursuites que les rapports professionnels avec les
tribunaux, tandis que la représentation professionnelle des contribuables
devant les autorités fiscales ne dépend d'aucune preuve de capacité.

    Il n'est pas contesté que les relations avec les autorités
de poursuites en vue du recouvrement des créances nécessitent des
connaissances sensiblement moins étendues que la représentation des
justiciables devant les tribunaux. En instituant l'art. 27 al. 2 LP,
selon lequel nul ne peut être contraint d'employer un agent d'affaires,
dont les émoluments ne peuvent, partant, être mis à la charge du débiteur,
le législateur fédéral est parti de l'idée qu'un créancier peut en principe
procéder lui-même aux opérations de poursuite nécessaires au recouvrement
de ses créances. Dès lors, si un agent d'affaires entend représenter les
créanciers devant les autorités de poursuite (tout au moins tant qu'il
ne s'agit pas de la représentation devant les autorités de mainlevée,
RO 59 I 200), aucun motif de police ne permet d'exiger qu'il prouve,
en passant un examen, être en possession de connaissances qui vont bien
au-delà de ce que requiert le but de police visé. Le Tribunal fédéral
l'a affirmé récemment à propos des examens d'architecte (RO 93 I 520);
bien qu'il se fût alors agi d'une profession libérale au sens de l'art. 33
Cst., le principe rappelé à cette occasion est tiré de l'art. 31 al. 2
Cst., dont l'art. 33 Cst. n'est en fait qu'une disposition d'application
(cf. RO 93 I 519 consid. 4 b). Pas plus qu'on ne peut exiger d'un avocat
des connaissances philosophiques approfondies (RO 73 I 1), on ne peut
exiger du représentant professionnel des créanciers dans la poursuite
qu'il maîtrise comme un avocat l'ensemble des disciplines juridiques. En
subordonnant l'exercice d'une telle profession à la passation de l'examen
d'avocat, le canton de Fribourg va manifestement au-delà de ce qu'exige
le but de police visé.

    Si donc l'examen d'avocat ne peut être considéré comme une condition de
police à l'exercice de la représentation professionnelle des créanciers,
celui qui s'occupe d'une telle représentation sans avoir passé cet examen
ne peut pas être puni. La décision attaquée doit dès lors être annulée.

Erwägung 5

    5.- A l'appui de ses conclusions tendant au rejet du recours, le canton
de Fribourg soutient que des problèmes très compliqués peuvent surgir
aussi bien dans la poursuite par voie de saisie que dans la procédure
de faillite, problèmes qui doivent pouvoir être résolus rapidement et de
façon sûre, et qui ne peuvent l'être que si le représentant professionnel
du créancier dispose des connaissances juridiques nécessaires. Il est
exact que des problèmes difficiles surgissent parfois en cette matière;
mais les autorités de poursuite et de faillite doivent appliquer le
droit d'office, de sorte que le créancier poursuivant, pas plus que
son mandataire, n'ont le devoir d'exposer à leur intention le droit
applicable. Aussi suffit-il en général d'avoir quelques connaissances
juridiques élémentaires pour pouvoir représenter valablement un créancier
dans une poursuite. Or, selon la loi fribourgeoise, même un licencié ou un
docteur en droit ne peut s'adonner à une telle représentation s'il n'a pas
de patente d'avocat. La réponse du canton n'apporte aucune motivation qui
puisse convaincre que seul un avocat patenté est capable de sauvegarder
convenablement les intérêts d'un créancier dans une procédure de poursuite.

    C'est à tort que le canton prétend qu'en cas d'admission du recours,
toute personne pourra représenter professionnellement les créanciers,
fût-elle absolument dépourvue de qualification et d'honorabilité. Il est
vrai que l'admission du recours aura pour résultat qu'à l'avenir d'autres
recours semblables devraient être admis. Mais le canton conserve la
faculté d'organiser la profession d'agent d'affaires par des dispositions
légales conformes à la constitution, afin de portéger le public contre
l'activité de personnes incapables et peu scrupuleuses; il peut le faire
en instituant une procédure d'autorisation pour les personnes qui veulent
s'adonner professionnellement à la représentation des créanciers devant
les autorités de poursuite. Cette autorisation devrait être accordée si
les conditions de capacité (par exemple sur présentation d'un diplôme jugé
suffisant ou à la suite d'un examen ad hoc) et de moralité sont remplies
et si des sûretés convenables sont fournies.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.