Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 IV 119



95 IV 119

29. Extrait de l'Arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 décembre 1969
dans la cause Mathez contre Ministère public du canton de Vaud. Regeste

    Sursis. Art. 41 ch. 1 CP.

    1.  Pour bénéficier du sursis, le condamné doit avoir pris conscience
de sa faute.

    2.  On ne saurait conclure uniquement de ses dénégations ou de son
silence que l'inculpé ne remplit pas cette condition.

    3.  Ne la remplit pas, en revanche, celui qui ne reconnaît pas le
caractère illicite de ses actes.

Sachverhalt

    A.- Le Dr J.-A. Mathez est né en 1897. Il cessa de pratiquer la
médecine en 1946. Il fit paraître en novembre 1965 un livre de 728 pages
intitulé "Le passé, les temps présents et la question juive". Il y attaque
très violemment et parfois grossièrement les Juifs, leurs institutions
et leur religion. Il s'en prend aussi au pasteur Rittmeyer, qu'il traite
en particulier d'homme dévoyé, de scélérat et qu'il accuse d'infamie.

    B.- Le 14 juillet 1969, le Tribunal correctionnel du district de
Vevey a infligé à Mathez trente jours d'emprisonnement pour diffamation,
provocation publique au crime et atteinte à la liberté de croyance et des
cultes. Il a en outre ordonné la destruction totale du livre de l'accusé.

    C.- Rejetant un recours de Mathez, la Cour vaudoise de cassation
pénale a maintenu ce jugement, le 29 septembre 1969.

    D.- Contre cet arrêt, le condamné se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Il conclut à l'octroi du sursis.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    Selon une jurisprudence ancienne et constante, la conscience de sa
faute est la première condition d'un amendement durable du condamné et,
partant, du sursis (RO 73 IV 79, 87; 75 IV 155 consid. 2; 79 IV 161;
82 IV 5, 82).

    De nombreux tribunaux se bornant à relever que l'accusé n'avait
témoigné d'aucun regret, la cour de céans a exigé que les premiers juges
exposent comment l'absence de repentir s'est manifestée; elle ne doit
pas être déduite sans plus des dénégations du prévenu ou de son silence,
car celui qui reconnaît ses torts, mais qui nie par crainte du châtiment,
par égard pour ses proches ou pour un autre motif qui n'exclut pas un
pronostic favorable peut, malgré ses dénégations, bénéficier du sursis
(RO 82 IV 5, 82 no 16, 94 IV 52).

    Comme il le relève dans son jugement, le Tribunal correctionnel
a eu Mathez à sa barre durant plusieurs heures; il l'a longuement
interrogé. C'est donc par ses réponses que l'accusé n'a manifesté ni
regrets ni repentir. Et il n'en a pas manifesté parce que - cela ressort
du pourvoi - il est convaincu d'avoir raison.

    Il objecte que la jurisprudence citée vise uniquement l'accusé qui
reconnaît le caractère illicite de ses actes. Cette opinion émise par
la Cour pénale fédérale dans son arrêt Bonnard et consorts, du 2 avril
1954 (RO 80 IV 94), n'est pas fondée et déroge à la jurisprudence de la
cour de céans. C'est précisément d'un condamné qui n'est pas conscient
de ce caractère qu'il faut s'attendre qu'il se montre réfractaire à une
peine assortie du sursis. L'arrêt rendu par la cour de céans, le 26 juin
1956, en la cause Thiébaud (RO 82 IV 82, no 16) l'a d'ailleurs déjà dit
clairement en relevant qu'un pronostic défavorable se justifie à l'égard
d'un condamné qui n'a pas pris conscience du caractère répréhensible de
ses actes. C'est cela qui est décisif et non l'expression d'un repentir
qui n'est pas forcément sincère.

    Rien, dans l'arrêt de la Cour pénale fédérale, n'engage à supposer
qu'elle a voulu s'écarter de la jurisprudence de la cour de céans. Elle
ne s'est probablement pas rendu compte de la portée du considérant
que Mathez invoque aujourd'hui. Autrement, elle aurait sollicité le
consentement de la cour de céans conformément à l'art. 16 al. 1 OJ. Dans
ces conditions, la Cour de cassation n'a pas à la consulter avant de
confirmer sa jurisprudence. L'arrêt Thiébaud, qui rappelle que l'inculpé
qui n'a pas pris conscience du caractère répréhensible de ses actes ne
mérite pas le sursis, est du reste postérieur à l'arrêt Bonnard de la
Cour pénale fédérale.

    La première condition d'un amendement durable d'un condamné n'étant
donc pas remplie en l'espèce, les juridictions vaudoises n'ont pas violé
l'art. 41 ch. 1 CP en refusant le sursis. Par ces motifs,

Entscheid:

la Cour de cassation pénale:

    Rejette le pourvoi.