Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 596



95 II 596

80. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 3 juillet 1969 dans la
cause Müller contre Dürig. Regeste

    Entschädigung bei Ehescheidung (Art. 151 Abs. 1 ZGB).

    Zusprechung einer Rente an eine geschiedene Ehefrau als Entschädigung
für den Verlust des Anspruchs auf Unterhalt durch den Ehemann, obwohl
die Ehefrau während der Ehe aus Notwendigkeit ausserhalb des Haushalts
gearbeitet hat.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Frédéric Müller, né en 1924, et Gladys Dürig, née en 1922, se
sont mariés en 1945. Ils ont deux fils, nés en 1950 et 1952. L'épouse,
atteinte de rhumatisme cardiaque, a eu des grossesses très pénibles. Elle
a souffert des conflits qui ont surgi dans la vie du ménage. Elle a connu
des périodes dépressives. En 1959, dame Müller a commencé à travailler
dans une fabrique. Plus tard, elle est devenue gérante d'un magasin. En
1967, elle gagnait 782 francs par mois.

    Frédéric Müller changeait fréquemment d'emploi. En 1967, il gagnait
971 francs par mois comme magasinier.

    Les conjoints ont vécu séparés pendant quelque temps en 1947, puis
en 1958. Ils ont ensuite repris la vie commune. Mais en 1963, le mari a
ouvert une action en divorce. Sa femme s'est tout d'abord opposée à la
demande. Puis elle a pris des conclusions reconventionnelles en divorce
et réclamé, à titre d'indemnité au sens de l'art. 151 al. 1 et 2 CC,
une rente mensuelle de 100 francs jusqu'au 30 avril 1970 (majorité du
fils aîné) et 150 francs dès cette date. En cours d'instance, le mari a
emmené ses enfants, à l'insu de l'épouse, au Congo où il s'est rendu en
compagnie de sa maîtresse. De retour en Suisse, il vit en concubinage
avec elle et leur enfant illégitime.

    Le 29 avril 1968, le Tribunal du district de Lausanne a admis l'action
reconventionnelle de la défenderesse et prononcé le divorce, en application
de l'art. 137 CC. Il a alloué à l'épouse la rente qu'elle avait demandée.

    Par arrêt du 15 janvier 1969, la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois a confirmé ce jugement.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme du mari, qui
concluait à la suppression de la rente allouée à l'épouse.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 4

    4.- Les intérêts pécuniaires compromis par le divorce, au sens de
l'art. 151 al. 1 CC, comprennent le droit de la femme à l'entretien
par son mari (art. 160 al. 2 CC). La perte de ce droit est compensée
par une indemnité allouée généralement sous la forme d'une rente (RO 90
II 72, consid. 4). L'indemnité équitable prévue par la loi n'est pas,
en son principe, destinée à permettre à la femme divorcée de maintenir le
train de vie dont elle bénéficiait pendant le mariage, mais seulement de
compenser dans une certaine mesure et pour autant que les circonstances le
justifient, la perte de l'avantage économique représenté par l'entretien
que lui devait son mari (RO 79 II 131). Doivent notamment être pris en
considération pour la fixation de l'indemnité la gravité de la faute du
conjoint débiteur, l'âge des époux, la durée du mariage, l'état de santé,
l'instruction de l'ayant droit, les avantages qu'il pourrait acquérir du
fait du divorce, la possibilité d'exercer une activité lucrative par suite
de la dissolution du mariage (E. ETTER-ROSSEL, Divorce: dommages-intérêts,
réparation morale et pension alimentaire (art. 151 à 153 CC), FJS 455
p. 3 lettre d).

    S'il est exact que le mari peut, en principe, opposer en compensation
le gain que la femme, libérée de ses devoirs de maîtresse de maison
et de mère, pourrait se procurer en exerçant une activité lucrative
(cf. RO 79 II 130 et 84 II 415), le juge ne saurait toutefois se limiter
à une application automatique et mathématique du seul critère de la
compensation. Il doit statuer en équité et tenir compte de l'ensemble
des circonstances (cf. art. 4 CC et HINDERLING, Das schweizerische
Ehescheidungsrecht, 3e éd., p. 129 s.). Aussi bien, dans les deux arrêts
précités, le Tribunal fédéral a-t-il admis le principe des prétentions
émises par la femme divorcée. Dans l'arrêt Garbe c. Stark (RO 79 II
130), il a d'ailleurs précisé que même si la femme avait exercé une
activité lucrative pendant le mariage, elle était fondée à prétendre une
indemnité dans la mesure où elle pouvait durant le mariage s'attendre,
grâce aux ressources de son mari, à des conditions de vie notablement
meilleures ou plus sûres et espérer, selon le cours ordinaire des choses,
réduire ou cesser sa propre activité, en considération de son âge et de
sa santé. L'arrêt Vogt (RO 84 II 415) concerne un couple sans enfants,
dont l'union conjugale n'avait duré que quatre ans.

    En l'espèce, le divorce a été prononcé après dix-huit ans
de vie commune; durant les quinze ou seize premières années du
mariage, l'intimée, qui eut trois enfants, n'a exercé aucune activité
lucrative. Elle a dû se résoudre à travailler hors du ménage parce que
son mari, professionnellement instable, ne subvenait pas convenablement
à l'entretien de sa famille. Durant l'instance en divorce, ouverte le 29
novembre 1963, elle a dû continuer à pourvoir à son entretien, dans des
conditions de santé parfois très pénibles et aggravées lors du départ
clandestin de ses enfants, enlevés sans droit par leur père. Au surplus,
le recourant n'a pas versé à sa femme la pension allouée par les diverses
ordonnances de mesures provisoires. L'arriéré s'élevait, en mai 1967,
à la somme de 6150 francs.

    Il n'est donc nullement contraire aux principes découlant de l'art. 151
al. 1 CC de considérer, à l'instar des autorités cantonales, que l'intimée
n'aurait pas travaillé si son mari l'avait normalement entretenue et
qu'en conséquence elle subit un préjudice devant être indemnisé en vertu
de l'art. 151 al. 1 CC.

    Assurément, vu les gains respectifs des parties constatés dans le
jugement de première instance dont la cour cantonale a adopté l'état de
fait, il n'est pas établi que l'intimée ait subi une perte mesurable
en chiffres, du fait du divorce, quant à son entretien. Toutefois, en
raison de l'âge et de l'état de santé de dame Dürig, il est raisonnable
d'admettre que, même si elle avait dû consentir durant les dernières
années du mariage à exercer une activité lucrative pour pallier - dans
l'intérêt du ménage - l'insuffisance passagère des ressources de son mari
(cf. art. 191 ch. 3 et 192 CC), elle aurait actuellement ou dans un proche
avenir cessé son travail, si le divorce n'avait pas été prononcé.

    Dès lors, le recours est mal fondé dans la mesure où il s'en prend
au principe de l'indemnité allouée à dame Dürig pour compenser la perte
du droit à l'entretien par son mari.