Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 541



95 II 541

73. Arrêt de la Ire Cour civile du 30 septembre 1969 dans la cause Zietz
contre Hôtel Mirabeau SA Regeste

    Haftung des Gastwirtes; Art. 487 ff. OR.

    Die Kausalhaftung des Gastwirtes ist ausgeschlossen, wenn er einem
Gast ein Schliessfach (Safe) eines Geldschrankes zur Verfügung stellt,
um darin Wertgegenstände zu verwahren (Erw. 1).

    Haftung des Gastwirtes, der ein Schliessfach vermietet (Erw. 2 und 3).
Verschulden des Geschädigten (Erw. 4).

Sachverhalt

                              Faits

    A.- Le 4 novembre 1965, dame Elisabeth Zietz est descendue à l'hôtel
Mirabeau, à Lausanne, où elle a occupé la chambre no 50, sise au 2e
étage. Elle était accompagnée de son prétendu chauffeur, un certain Walter
Sergio Carlesi alias Carosso, à qui fut attribuée la chambre no 31 au 1er
étage. Carlesi est reparti le 6 novembre 1965 pour revenir le 7 novembre
1965. A la demande de dame Zietz, on lui a attribué la chambre no 51 qui
communique avec la chambre no 50. Les repas ont été servis ensemble aux
deux hôtes, dans la chambre no 50.

    Les clients de l'hôtel Mirabeau ont la faculté de remettre à la
direction contre délivrance d'un reçu leurs valeurs et objets qui sont
déposés dans une case collective d'un grand coffre-fort, réservée à la
direction. L'hôtelier tient également à la disposition de sa clientèle 26
autres cases individuelles du même coffrefort; les remises et restitutions
de clés personnelles sont enregistrées sur un carnet. Il n'est pas d'usage
que le déposant déclare à la direction ou à la réception ce qu'il place
dans la case dont il dispose à sa guise. Le coffre-fort est placé en
face de la réception dans le couloir; il est visible du personnel de
réception. La porte extérieure du coffre-fort reste ouverte pendant la
journée, dès l'arrivée du personnel de réception entre 7 h et 7 h 30
jusqu'à son départ vers 23 h; elle est fermée durant la nuit.

    Dame Zietz a demandé la jouissance d'une case de coffrefort à l'hôtel,
qui a mis à sa disposition la case no 14, dont l'unique clé lui fut
remise. Elle y a déposé, selon ses dires, des bijoux valant 350 000
fr. Elle n'a pas informé la direction de l'hôtel de son dépôt.

    Après son retour à l'hôtel le 7 novembre 1965, Carlesi a également
sollicité une case du coffre-fort; il a obtenu le no 1, selon le carnet
de contrôle dans lequel il est inscrit sous le nom de "Zietz Carlesi".
Dans la même soirée, se trouvant un moment seul dans la chambre de dame
Zietz, Carlesi s'est emparé de la clé de la case no 14 et l'a échangée
avec celle du no 1. Après quoi, il a vidé la case 14 de son contenu. Selon
le registre de l'hôtel, il est parti le 9 novembre.

    Le 12 novembre, dame Zietz voulut retirer ses bijoux de la case no 14;
ne parvenant pas à l'ouvrir, elle s'aperçut de l'échange de clés. Ouverte
par la police, la case no 14 se révéla vide, alors que la case no 1
contenait un emballage de film.

    B.- Walter Carosso, alias Carlesi, a reconnu être l'auteur du vol
des bijoux, qu'il avait vendus ou mis en gage. Le Tribunal de police
correctionnelle du district de Lausanne l'a condamné, le 16 novembre
1966, à 18 mois d'emprisonnement pour vol et escroquerie. Seule une bague
faisant partie du lot de bijoux volés a été retrouvée au mont-de-piété
de Gênes où elle avait été mise en gage pour 100 000 lires.

    C.- Dame Zietz a ouvert action contre l'Hôtel Mirabeau SA devant la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, réclamant la réparation de son
dommage. Sa demande a été rejetée.

    Agissant par la voie du recours en réforme, elle requiert le Tribunal
fédéral de condamner l'Hôtel Mirabeau SA à lui payer la somme de 350 000
fr. avec intérêt à 5% dès le 12 novembre 1965, avec suite de dépens. Elle
invoque, d'une part, les art. 487 à 489 CO sur la responsabilité de
l'hôtelier, d'autre part, les art. 99, 101 et 253 CO sur la responsabilité
du loueur de safe.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1. Il est constant que les bijoux volés sont des objets de prix au
sens de l'art. 488 CO. Cette disposition prévoit trois hypothèses:

    a) l'hôte confie ces objets à l'hôtelier, qui en assume alors l'entière
responsabilité; de même s'il a refusé ce dépôt (art. 488 al. 2);

    b) s'agissant d'objets que l'hôte doit pouvoir conserver par devers
lui et qu'il a gardés, l'hôtelier en répond comme de ses autres effets,
selon les règles de l'art. 487 (art. 488 al. 3);

    c) l'hôte n'a ni confié ces objets à l'hôtelier, ni gardé des objets
qu'il devait pouvoir conserver par devers lui: l'hôtelier n'encourt
aucune responsabilité - même pas la responsabilité limitée à 1000 fr. de
l'art. 487 al. 2 -, à moins que lui-même ou son personnel ait commis
une faute.

    En l'espèce, la recourante n'avait pas confié ses bijoux à l'hôtelier.
Elle n'avait en effet pas constitué un dépôt au sens des art. 472 à 491 CO.
L'hôtelier ignorait la nature des objets placés dans la case et n'avait
dès lors pas l'obligation de les restituer. Or l'obligation de restitution
constitue un élément essentiel du contrat de dépôt (cf. GAUTSCHI, Remarques
préliminaires aux art. 472 ss. CO, note 3 c ch. 2, p. 594). Les objets
volés n'étaient pas non plus gardés par la recourante en tant qu'objets
qu'elle devait pouvoir conserver par devers elle selon l'art. 488 al. 3
CO. Dans ces circonstances, la responsabilité réputée causale de l'hôtelier
n'était pas engagée.

    2. Dans le cas particulier, l'Hôtel Mirabeau était lié à la recourante
par un rapport de droit né des besoins du tourisme et des affaires et
sortant des prévisions de l'art. 488. D'après un usage actuellement
répandu, l'hôtelier a mis à la disposition de sa cliente une case de
coffre-fort (safe). Il convient donc de définir la nature juridique de ce
rapport de droit, ainsi que les obligations réciproques qui en découlent.

    Dans la cause Speich (RO 76 II 154), le Tribunal fédéral a refusé
d'assimiler au détenteur d'une écurie publique le garagiste qui met à la
disposition d'un client une place de parc dans ses locaux. L'art. 490
CO est une disposition spéciale - devenue presque obsolète à l'ère de
l'automobile - ne visant que le logement des chevaux et des voitures
d'attelage. Aussi le Tribunal fédéral a-t-il appliqué à cette situation
les règles générales du dépôt, en précisant que si le client avait disposé
d'un box fermé à clé, il se serait agi d'un bail à loyer.

    Les commentateurs admettent aussi que la location d'un safe dans
une banque ne répond pas à la définition d'un contrat de dépôt, mais
à celle du bail à loyer, et cela même avec le système de la double clé
(OSER/SCHÖNENBERGER, ad art. 472 note 16 et ad art. 253 note 13; BECKER
ad art. 253 note 9; GAUTSCHI, loc.cit. p. 594). L'analogie commande que
la position de l'hôtelier qui met une case de coffre-fort à la disposition
d'un hôte soit assimilée à celle d'un bailleur, dont les obligations sont
régies par les art. 253 ss. et par les art. 97 ss. CO.

    A propos de la sécurité que doit offrir un safe, les commentateurs
OSER/SCHÖNENBERGER (ad art. 253 note 13) font allusion à un mandat qui
doublerait le bail. Il est cependant superflu de recourir encore aux
règles du mandat pour définir les obligations de l'hôtelier bailleur
de safe. L'art. 254 CO fait déjà au bailleur l'obligation de "délivrer
la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée
et de l'entretenir en cet état pendant toute la durée du bail". Or
"l'état approprié" à l'usage pour lequel le safe a été loué implique
des conditions de sécurité que nul ne saurait discuter en principe. On
loue essentiellement un safe pour mettre des valeurs à l'abri du vol et
du feu. Le bailleur a donc l'obligation de créer et de maintenir cette
sécurité pendant la durée du bail. Il manquerait ainsi à son obligation si
n'importe quel passe-partout permettait l'ouverture de la serrure, ou si
des doubles clés étaient facilement accessibles aux employés de l'hôtel,
à des tiers ou à d'autres clients, ou encore si le safe était situé dans
un lieu sans surveillance, rendant une effraction plus aisée. D'une façon
générale, "l'état approprié" ne concerne pas seulement le safe lui-même,
mais aussi les conditions dans lesquelles il est utilisé, son emplacement,
sa surveillance, etc. Toutes ces obligations découlent du contrat de bail
comme tel, sans qu'il soit nécessaire de recourir au contrat de mandat.

    3. La recourante conteste que l'intimée ait satisfait aux exigences
de sécurité requisse.

    a) Au nombre des mesures de sécurité usuelles, les banques pratiquent
le système de la double clé du compartiment luimême. L'usager est
alors personnellement contrôlé quand il accède aux safes; cette solution
présente, pour le voyageur d'hôtel, l'inconvénient d'une moins grande
discrétion.

    Contrairement à l'opinion de la recourante, l'absence de double clé
pour chaque case ne saurait fonder la responsabilité de l'hôtelier dans
le cas d'espèce. En demandant et en obtenant un safe à l'hôtel Mirabeau,
la recourante a vu et su qu'il n'existait pas de double clé; elle a ainsi
accepté tacitement le système de sécurité limitée que représente une seule
clé. Si elle jugeait le système insuffisant, elle aurait pu confier ses
bijoux à l'hôtelier, qui les aurait alors mis dans son propre coffre et
en aurait assumé la responsabilité, en vertu de l'art. 488 al. 2 CO.

    b) A défaut d'un système de double clé pour chaque case, le coffre-fort
de l'Hôtel Mirabeau est cependant doté d'une porte blindée extérieure qui
est actionnée au moyen d'une clé que détient l'hôtelier ou une personne
de confiance. Cette porte est ouverte pendant la journée, c'est-à-dire
pendant les heures de présence du personnel de la réception; elle est
fermée pendant la nuit. Sans doute, pourrait-on concevoir que cette
porte reste constamment fermée, de sorte qu'un hôte devrait en demander
l'ouverture préalable par le personnel chaque fois qu'il voudrait avoir
accès à sa case, ce qui n'irait pas sans inconvénients.

    Le fait que cette porte soit constamment ouverte pendant les heures
de présence du personnel de la réception ne saurait toutefois engager
la responsabilité de l'hôtelier. Connaissant l'inconvénient du système,
dame Zietz avait néanmoins placé ses bijoux dans sa case, plutôt que de
les confier à l'hôtelier.

    Il n'y a pas non plus de lien de causalité entre l'ouverture de
la porte extérieure du coffre-fort et le dommage. Carosso était aussi
détenteur régulier d'une clé de case; même si la porte principale du
coffre avait été fermée, il en aurait obtenu facilement l'ouverture et du
même coup le libre accès aux safes. c) La situation du coffre-fort dans
le couloir en face de la réception en facilitait la surveillance par le
personnel de bureau.

    Une telle surveillance n'aurait toutefois pas permis d'écarter Carosso,
qui lui-même détenait une clé et disposait d'un safe le jour où il a volé
les bijoux. Ce n'est donc pas un défaut momentané de surveillance qui
a rendu possible à Carosso l'accomplissement de son vol. Le rapport de
causalité adéquate entre le comportement de l'hôtelier ou de son personnel
et le dommage fait donc défaut. Il n'est du reste pas établi que Carosso
ait agi à l'insu du personnel de la réception. Comme le relève très
justement l'arrêt attaqué, "les employés de la défenderesse n'auraient
eu aucun motif de trouver suspecte la présence de Carlesi devant le
coffre-fort, puisqu'il avait reçu la clé d'un safe. Pour pouvoir constater
ses agissements frauduleux, ils auraient dû se tenir à ses côtés, ce que
la discrétion - de rigueur en de telles circonstances - leur interdisait
de faire. Dès lors, à supposer que la défenderesse ou ses employés aient
manqué à leur devoir de surveillance, il n'y a pas de lien de causalité
entre ce manquement et le dommage subi par la demanderesse". On ne peut
qu'approuver cette façon de voir.

    En conclusion, il n'y a pas eu violation des obligations qui
incombaient à l'hôtelier ou à son personnel de nature à créer un
rapport de causalité entre leur comportement et le dommage subi par la
recourante. Pour les mêmes raisons, on ne peut retenir à la charge de
l'hôtelier une faute qui engagerait sa responsabilité au sens de l'art. 488
al. 1 CO.

    4. Même si l'on avait retenu une faute à la charge de l'intimée,
le déboutement de la demanderesse se fût imposé. Selon l'art. 44 CO,
applicable également en matière de faute contractuelle en vertu de
l'art. 99 al. 3 CO, le juge peut réduire les dommagesintérêts, ou même n'en
point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque
les faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage.

    Les premiers juges ont retenu en fait que la demanderesse avait exigé
et obtenu que la chambre no 51, communiquant avec la sienne, fût attribuée
à Carosso, son prétendu chauffeur, et qu'ils prenaient leurs repas ensemble
dans la chambre no 50. Et d'en conclure que "la cause du dommage consiste
au contraire dans l'absence de surveillance dont Carosso a fait l'objet
de la part de la demanderesse son employeur (art. 44 al. 1 CO) et de la
négligence apportée par la demanderesse dans la garde de la clé du safe
no 14". Cette manière de voir est pleinement justifiée. La recourante
accordait une confiance excessive à Carosso. Elle doit mettre le dommage
dont elle a été la victime au compte de sa propre négligence, gravement
fautive. Son préjudice n'est pas la conséquence d'un défaut du système
du dépôt hôtelier chez la défenderesse, mais bien d'une défaillance de
la demanderesse dans la garde de la clé du safe qui lui avait été confiée.