Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 503



95 II 503

67. Arrêt de la IIe Cour civile du 21 mars 1969 dans la cause Suzanne
Fornerod et consorts contre Jean-Marie-Joseph Fornerod et consorts.
Regeste

    Namensänderung.

    1.  Zuständigkeit der Gerichtsbehörde (Erw. 1).

    2.  Abwägung der entgegengesetzten Interessen der ausserehelichen
Kinder, die stets den Familiennamen ihres Vaters getragen haben und
diesen tatsächlichen Zustand legalisieren möchten, einerseits, und der
ehelichen Familie, die sich dieser Namensänderung widersetzt, anderseits
(Erw. 2 bis 5).

Sachverhalt

    A.- Le 13 mai 1913, Aloys Fornerod épousa Suzanne Dupertuis. Les époux
vécurent à Lausanne. Ils eurent un enfant, Claude, né en 1913. S'étant
marié à son tour, Claude Fornerod se fixa aussi à Lausanne et eut deux
enfants légitimes, Michel, né en 1937 et Elaine, née en 1939.

    Depuis le début de 1937, Aloys Fornerod cessa de vivre en ménage
avec sa femme. Il fit la connaissance de Marie-Charlotte von der Weid,
avec qui il vécut maritalement et vint s'installer à Fribourg. Le couple
a eu quatre enfants, qui sont tous fixés à Fribourg: François, né en
1948, Pierre, né en 1950, Mathilde, née en 1951 et Jean, né en 1954. Ces
enfants ont toujours porté le nom de Fornerod, à l'école également. Leur
père obtint parfois la délivrance de documents officiels donnant à croire
qu'ils étaient légitimes; ainsi des bulletins de naissance de la mairie
d'Evian-les-Bains (Haute-Savoie), indiquant, pour François, Pierre et
Mathilde, qu'ils sont les enfants d'Aloys Fornerod et de Marie-Charlotte
von der Weid, son épouse; ainsi encore un passeport suisse délivré à
Aloys Fornerod et "également valable" pour les quatre enfants dont les
prénoms avec les dates de naissance sont indiqués et les photographies
jointes et scellées par la police cantonale de Fribourg.

    A trois reprises, la première fois en 1937, Aloys Fornerod tenta, mais
vainement, d'obtenir le divorce. Une fois, le juge saisi s'est déclaré
incompétent; les deux autres fois, l'action a été rejetée, parce que le
comportement du demandeur avait causé la désunion.

    B.- Après le décès d'Aloys Fornerod, qui intervint en 1965, Marie
von der Weid demanda, pour ses quatre enfants, l'autorisation de changer
de nom et de porter, à l'avenir, celui de Fornerod. Le 26 février 1965,
le Conseil d'Etat du canton de Fribourg donna cette autorisation.

    Suzanne Fornerod-Dupertuis, Claude Fornerod et les deux enfants de
celui-ci ouvrirent alors chacun une action pour faire interdire aux enfants
d'Aloys Fornerod et de Marie von der Weid de porter le nom de Fornerod.

    Le 13 février 1967, le Tribunal civil de la Sarine a joint les causes
et admis les demandes.

    Saisie par les défendeurs, la Cour d'appel du Tribunal cantonal du
canton de Fribourg, statuant le 1er octobre 1968, a autorisé "François
Marie Aloys Fornerod, Pierre Marie Louis Clément Fornerod, Mathilde
Jeanne Fornerod et Jean Marie Joseph Fornerod... conformément à l'arrêté
du Conseil d'Etat du canton de Fribourg du 26 février 1965, à porter le
nom patronymique Fornerod".

    C.- Les demandeurs ont recouru en réforme. Ils concluent derechef à ce
qu'interdiction soit faite aux défendeurs de porter le patronyme Fornerod.

    Les défendeurs concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 30 al. 3 CC, lorsque le gouvernement du canton
d'origine a autorisé une personne à changer de nom, toute personne lésée
peut attaquer ce changement par une action de justice. Dans ce cas, le
juge examine d'abord si l'opposition se justifie par un intérêt légitime
suffisant du demandeur. Dans l'affirmative, il met en balance cet
intérêt avec celui que possède le défendeur, non pas à changer de nom -
point qui relève de l'autorité exécutive - mais à adopter le nom contesté
(RO 52 II 104; 67 II 192).

Erwägung 2

    2.- Dans la présente espèce, supposé même - question qui peut demeurer
indécise - que les recourants aient un intérêt légitime à s'opposer à ce
que les défendeurs adoptent leur nom, cet intérêt ne l'emporterait pas
sur celui qu'ont les défendeurs à prendre ce nom.

    a) Le préjudice allégué par les opposants est principalement d'ordre
affectif. Ils ont profondément souffert, disent-ils, du fait qu'Aloys
Fornerod les a abandonnés pour aller vivre avec Marie von der Weid;
les enfants issus de cette union illégitime sont le témoignage constant
et le rappel de cette situation pénible; l'autorisation qui leur a été
donnée de prendre le nom de Fornerod est particulièrement douloureuse,
car elle sanctionne une intrusion des défendeurs dans leur famille; le
droit fédéral protège la famille et, par conséquent, réprime de telles
atteintes au sentiment de l'honneur familial.

    Du seul fait qu'ils porteraient le nom de Fornerod, les défendeurs
n'entreraient certes pas dans la famille de leur père naturel. En les
autorisant à le porter, le Conseil d'Etat n'a pas modifié leur statut
d'enfants illégitimes. Cependant, il a tout au moins créé l'apparence
d'un lien familial en réalité inexistant. Sa décision confirme donc
le préjudice affectif subi par les demandeurs du fait que des enfants
adultérins peuvent passer pour des membres de leur famille.

    Il y a là sans doute une offense au sentiment de l'honneur
familial. Mais, pour en apprécier la gravité, il faut se référer aux
faits qui l'ont motivée et montrer, comme l'a déjà fait la cour cantonale,
que, pour l'essentiel, elle est déjà ancienne. Il y a plus de trente ans
qu'Aloys Fornerod et Suzanne Dupertuis se sont séparés définitivement. En
1938 déjà, selon le jugement sur la première action en divorce, le lien
conjugal était si profondément atteint que la vie commune était devenue
insupportable. Les faits postérieurs, à savoir la liaison d'Aloys Fornerod
avec Marie von der Weid, la naissance des enfants issus de cette liaison,
enfin l'habitude qui fut prise de faire porter auxdits enfants le patronyme
de Fornerod - habitude qui ne semble avoir soulevé aucune opposition de
la part de la famille - demeuraient sans doute pénibles pour l'épouse et
le fils d'Aloys Fornerod; cependant leurs effets ont été nécessairement
atténués par la rupture effective et irrémédiable du lien conjugal et par
l'écoulement du temps. L'autorisation du Conseil d'Etat, seul fait récent,
n'a fait que sanctionner un état de choses ancien et sans doute connu
depuis longtemps, dès avant et au moins depuis la mort d'Aloys Fornerod.

    A l'atténuation due à l'écoulement du temps s'ajoute celle que cause
la distance. Les demandeurs vivent à Lausanne, les défendeurs à Fribourg,
villes où, du reste, le nom de Fornerod est assez répandu, comme les
juges cantonaux l'ont constaté souverainement.

    La Cour d'appel fribourgeoise a constaté encore que les demandeurs
n'entretenaient point de relations personnelles avec Aloys Fornerod et sa
nouvelle famille. Les recourants allèguent qu'il y aurait là une erreur
manifeste, qu'il appartiendrait au Tribunal fédéral de rectifier d'office
(art. 63 al. 2 OJ). Mais la question ne présente, pour eux, aucun intérêt
puisque le juge cantonal a interprété le fait (prétendument erroné) en
leur faveur, disant que c'est précisément la séparation des deux familles
qui rend sensible l'emploi, par l'une, du nom de l'autre. Au surplus,
l'inadvertance se limitait à attribuer à Claude Fornerod les déclarations
de son fils Michel et elle est aisément rectifiable. Le reste est affaire
d'appréciation des preuves et relevait du juge du fait. Michel Fornerod
a déclaré, d'une part, qu'il n'avait lui-même aucun rapport avec son
grand-père; d'autre part il a dit: "nous n'allions pas chez lui", ce
qui autorisait la cour cantonale à dire qu'il n'y avait pas de relations
entre les deux familles.

    b) Les recourants s'estiment aussi lésés dans leurs intérêts légitimes
en raison de la notoriété du nom de Fornerod. En effet, disent-ils, Aloys
Fornerod a illustré son nom par ses talents de compositeur, de critique et
par son enseignement dans le domaine musical. Du fait qu'ils porteraient
le même nom, les défendeurs, non seulement feraient croire à des rapports
familiaux inexistants, mais encore bénéficieraient du prestige attaché
au patronyme.

    Dans une jurisprudence déjà ancienne (RO 52 II 104; 60 II 389; 67 II
191), le Tribunal fédéral a admis que la notoriété d'un nom de famille
pouvait justifier ceux qui le portent à s'opposer à ce que dess tiers
se l'approprient.

    Supposé que ce principe doive être maintenu, son application
n'emporterait pas l'admission de la demande. Car la notoriété d'Aloys
Fornerod, comme musicien, n'est guère que locale et se rattache d'autant
moins à son patronyme en général que celui-ci est plus répandu.

    c) C'est avec raison que les recourants - tout en y faisant allusion -
n'ont pas insisté, dans la procédure cantonale, sur les risques d'erreurs
que pouvait entraîner le changement de nom litigieux. Les deux familles,
en effet, habitent des villes différentes. Au surplus, beaucoup de
patronymes sont plus répandus que celui de Fornerod, sans qu'il s'ensuive
de confusions préjudiciables.

Erwägung 3

    3.- Quant aux défendeurs, s'ils ont intérêt à porter le nom de
Fornerod, c'est principalement parce qu'ils ont toujours été connus sous
ce nom. Supposé qu'on les oblige à l'abandonner, à leurs âges, soit 21,
19, 18 et 15 ans, il en résulterait pour eux des inconvénients manifestes
et sensibles. Il pourrait du reste s'y ajouter, le cas échéant, certains
préjudices économiques, sans parler du tort moral qui découlerait pour eux
de la révélation inévitable d'une ascendance illégitime et du discrédit qui
peut, dans l'opinion publique, frapper la personne contrainte d'abandonner
un nom qu'elle portait.

    Les demandeurs ne le contestent pas, mais objectent que le long usage
de leur nom par les enfants naturels d'Aloys Fornerod ne devrait pas être
retenu en leur faveur, parce qu'il procéderait d'une usurpation et que
l'autorité ne saurait consacrer un tel abus.

    Si usurpation il y eut du vivant d'Aloys Fornerod, elle ne saurait
être imputée aux défendeurs. Ceux-ci se sont trouvés dans le cas d'être
connus sous le nom de leur père et de le porter dès leur enfance. Ce fait
s'impose à chacune des deux parties et l'autorité ne saurait l'ignorer,
car, si faute il y a eu, elle n'est imputable qu'à Aloys Fornerod et
à Marie von der Weid, non à leurs enfants naturels. Ceux-ci demandent
aujourd'hui la légalisation d'un état de fait qu'ils n'ont en rien
provoqué. Cette légalisation du reste ne change rien à leur statut dans
la mesure où ils conservent leur état d'enfants naturels ainsi que leur
précédent droit de cité.

Erwägung 4

    4.- Enfin le Tribunal fédéral n'a pas à examiner si, par ses
convictions religieuses, Aloys Fornerod pouvait tenir son union avec
Suzanne Dupertuis pour nulle et celle qu'il a entretenue avec Marie von
der Weid pour légitime. Bien qu'il n'eût sans doute pas ignoré quel était
le nom de ses enfants illégitimes du point de vue légal, ses convictions
religieuses ont pu éventuellement atténuer le sentiment de la faute qu'il
commettait en leur faisant porter son nom. Mais, comme on l'a montré plus
haut, l'existence même de cette faute et, partant, sa gravité subjective
ne sauraient entrer en ligne de compte, s'agissant d'apprécier l'intérêt
des défendeurs à porter le nom de Fornerod.

Erwägung 5

    5.- La mise en balance des intérêts opposés des parties oppose
donc d'une part une atteinte affective que les circonstances et surtout
le temps ont beaucoup atténuée, d'autre part le dommage que subiraient
quatre jeunes gens s'ils devaient abandonner le nom, relativement répandu
d'ailleurs, qui leur a été attribué et qu'ils portent sans qu'on puisse
leur en faire grief. Les autres éléments d'appréciation, on l'a montré,
n'ont que peu ou point de portée.

    L'intérêt des premiers ne saurait donc l'emporter sur celui des
seconds et, en déboutant les demandeurs, la Cour d'appel fribourgeoise
n'a pas violé les art. 29 et 30 CC.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours; confirme l'arrêt attaqué.