Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 456



95 II 456

63. Arrêt de la Ire cour civile du 28 mai 1969 dans la cause Sodibel SA
contre Sodip SA Regeste

    Firmen von Aktiengesellschaften. Verwechslungsgefahr. Art. 951 Abs. 2
und 956 Abs. 2 OR.

    1.  Ob eine Verwechslungsgefahr vorliege, ist eine Rechtsfrage
(Erw. 1).

    2.  Diese Gefahr besteht schon, wenn sie sich nach den besonderen
Umständen des Falles wahrscheinlich auswirken wird (Erw. 1).

    3.  Grundsätze, nach denen zu prüfen ist, ob eine Verwechslungsgefahr
bestehe (Erw. 2).

    4.  Vergleichung der beiden Firmen "Sodip" und "Sodibel" (Erw. 3).

    5.  Ein Verbot, das für den Fall der Verletzung die in Art. 292 StGB
vorgesehenen Strafen androht, muss diese Strafen ausdrücklich erwähnen;
das Bundesgericht ergänzt auf Berufung hin den Urteilsspruch in diesem
Punkte, nötigenfalls von Amtes wegen (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Sodip SA est inscrite au registre du commerce depuis 1930 sous
la raison sociale suivante:

    "Sodip SA société pour la distribution de produits chimiques,
pharmaceutiques et de parfumerie."

    A la fin de l'année 1967, une autre société s'est fait inscrire
sous la raison sociale "Sodibel SA". Elle avait le but suivant: "Vente,
achat, représentation et distribution de tous produits cosmétiques et
capillaires".

    La première demanda à la seconde de modifier sa raison sociale de
manière à éviter les confusions; ce fut en vain. Elle ouvrit alors action,
demandant au juge de prononcer que la raison sociale de la défenderesse
Sodibel SA était une imitation illicite de la sienne, imitation dont
l'emploi constituait un acte de concurrence déloyale; elle requérait en
outre l'interdiction de cet usage et la radiation au registre du commerce,
le tout sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP.

    Sodibel SA conclut au déboutement.

    B.- Le 14 février 1969, la Cour de justice de Genève a déclaré Sodibel
SA coupable d'atteinte aux intérêts personnels de Sodip SA, d'imitation
illicite de cette dernière raison sociale et de concurrence déloyale. Elle
a en outre interdit à la défenderesse de faire usage de la raison sociale
inscrite par elle, lui a ordonné de faire radier ladite raison au registre
du commerce, le tout sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP.

    C.- Sodibel SA a recouru en réforme. Elle concluait à l'annulation
de l'arrêt attaqué et au déboutement de l'intimée.

    D.- Sodip SA a conclu au rejet du recours et à la confirmation de
l'arrêt entrepris.

    E.- A l'audience de ce jour, les parties ont déclaré qu'elles
renonçaient à plaider tout en maintenant les conclusions qu'elles avaient
prises dans leurs mémoires.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans le cas de la société anonyme, la raison sociale qui ne
contient pas de noms de personnes doit se distinguer nettement de toute
autre raison déjà inscrite en Suisse (art. 951 al. 2 CO). Lorsque le
titulaire d'une telle raison subit un préjudice du fait qu'un tiers en use
indûment, il peut demander au juge de mettre fin à cet usage et, en cas
de faute, réclamer des dommages-intérêts (art. 956 al. 2 CO). Il a donc
un droit préférable et peut exiger que le créateur d'une raison nouvelle
la choisisse de manière à éviter tout danger de confusion avec la sienne.

    La question que pose l'existence d'un tel danger de confusion relève
du droit. Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, en connaît
donc librement (art. 43 al. 1 OJ). Le risque de confusion existe non
pas seulement lorsque des confusions se sont effectivement produites,
mais déjà lorsqu'il s'en produira vraisemblablement, vu les circonstances
particulières du cas (arrêt Schweizer Skischule Zermatt, du 13 mars 1956,
RO 82 II 154 et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- Pour savoir si un danger de confusion existe, on comparera les
deux raisons commerciales dans leur ensemble. Cependant, lorsqu'elles
contiennent des éléments qui frappent plus que les autres, on les tiendra
aussi pour plus importants (arrêt Pavag, du 14 juin 1966, RO 92 II 95,
consid. 2). Du reste, le public tend, par abréviation, à n'user que de
ces éléments-là (arrêt Pavag, précité, consid. 4). S'il s'agit de noms
de fantaisie, on témoignera de plus de rigueur car, dans ce domaine,
la liberté du choix est particulièrement grande.

    Les dispositions légales sur les raisons de commerce tendent non
pas à réglementer la concurrence, mais à garantir des confusions, d'une
part le titulaire de la raison plus ancienne, vu les droits attachés
à sa personne et l'ensemble de ses intérêts commerciaux, d'autre
part le public lui-même. De ce principe découlent deux conséquences
principales. Premièrement, il peut y avoir danger de confusion au sens de
la loi alors même que les titulaires des deux raisons de commerce n'ont pas
leur siège dans le même lieu et, par la nature de leurs affaires, n'entrent
pas en concurrence (arrêt Pavag, précité, consid. 1; arrêt Rubinstein, du
9 mai 1967, RO 93 II 44, consid. 2 a). A contrario, on sera d'autant plus
sévère que, par leur similitude, le siège et les affaires des sociétés
rendent les méprises plus probables (arrêts précités). Secondement, le
public que la loi veut garantir du risque de confusion comprend, outre
la clientèle des deux entreprises, non seulement les personnes privées
qui ont affaire avec elles, ainsi les personnes en quête d'emplois, mais
encore les autorités et les services publics, par exemple les postes
(arrêt Rubinstein, précité, consid. 1a).

    Enfin, il ne suffit pas que l'on distingue les raisons lorsqu'on
les lit ou les entend nommer l'une à la suite de l'autre; il faut, bien
plus, que le souvenir permette de les différencier suffisamment. L'action
fondée sur l'art. 956 al. 2 CO se justifie, alors même que l'analogie des
raisons en cause ne suggère que l'existence d'une relation, soit juridique,
soit économique, entre les entreprises (arrêts précités).

Erwägung 3

    3.- Dans la présente espèce, les vocables "Sodip" et "Sodibel" sont
des noms de fantaisie. Les deux entreprises ont leur siège à Genève et
elles ont, partiellement tout au moins, le même but. De plus, comme
la cour cantonale le constate souverainement, la seconde jouit de la
notoriété. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, ces circonstances
appellent une appréciation particulièrement sévère du risque de confusion.

    Sans doute, comme l'allègue la recourante, faut-il mettre en regard,
généralement, l'impression d'ensemble que font les raisons en cause pour
juger de ce risque. Mais il n'en reste pas moins que les deux vocables
"Sodip" et "Sodibel" constituent l'élément frappant des raisons sociales
et sont décisifs dans la mémoire des personnes qui doivent pouvoir les
distinguer. Les éléments explicatifs ajoutés à son nom par l'intimée ne
peuvent jouer qu'un rôle négligeable dans la mémoire des intéressés. C'est
en vain que la recourante prétend le contraire: elle se heurte, ce faisant,
aux principes de la jurisprudence.

    Si l'on compare les deux vocables "Sodip" et "Sodibel", on doit
admettre avec la Cour de justice et par les mêmes motifs - auxquels il
suffit de renvoyer - qu'ils prêtent à confusion. Si le premier a deux
syllabes seulement, tandis que le second en a trois, l'élément qui les
caractérise l'un et l'autre consiste dans le préfixe "Sodi", qui est
identique pour chacune des parties.

    La recourante voudrait précisément que l'on fasse abstraction de
ces deux syllabes pour ne considérer que les terminaisons, qui diffèrent
sensiblement dans les deux raisons sociales: car, dit-elle, ces premières
syllabes ont un sens générique, constituant l'abréviation du terme "société
de distribution". Mais il est clair que, pour la plupart des personnes
qui entrent en contact avec les deux sociétés, le préfixe "Sodi" n'a aucun
sens. Il est du reste si peu commun que la recourante n'a pu trouver en
Suisse que quatre autres sociétés qui l'ont utilisé pour créer des raisons
de fantaisie; encore avaient-elles pour but des activités différentes.

    La recourante, enfin, ne saurait arguer de l'arrêt Pharmacal SA c.
Pharmac SA, rendu par la cour de céans le 14 mars 1950 (non publié). Car
ces deux raisons, dont la coexistence fut jugée admissible, étaient
manifestement dérivées du mot "pharmacie". Or ce terme désigne une branche
d'activité commune et, partant, nul ne saurait se l'approprier par une
transformation de fantaisie pour en faire une raison sociale exclusive. Le
cas diffère essentiellement de celui de "Sodip" et "Sodibel", qui ne
font pas allusion de manière généralement intelligible à un certain
genre d'activités.

Erwägung 4

    4.- Par son arrêt, la Cour de justice a interdit à la défenderesse de
faire aucun usage de la raison sociale "Sodibel" dans l'exploitation de son
entreprise et cela "sous menace des peines prévues à l'art. 292 CPS". Elle
n'a pas précisé quelles sont ces peines. Or, selon la jurisprudence de
la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, à défaut d'une telle
précision, le contrevenant à l'interdiction n'est punissable de par la
disposition précitée que s'il connaissait néanmoins les peines qu'elle
fixe (RO 86 IV 28). Le dispositif doit donc être complété d'office (RO
83 II 261, consid. 6) par la mention expresse de ces peines.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours, confirme l'arrêt attaqué, ajoute cependant au
troisième alinéa du dispositif, après la mention de l'art. 292 CP, ces
mots: soit les arrêts ou l'amende.