Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 320



95 II 320

45. Arrêt de la 1re Cour civile du 18 novembre 1969 dans la cause Banque
commerciale SA contre dame Palthey et consorts. Regeste

    1. Haftung der Mitglieder der Verwaltung für ihre
Geschäftsführung. Art. 754 OR, Art. 39 ff. BankenG.

    Die A.-G. - i.c. eine Bank - kann von einem Mitglied der Verwaltung
nicht Ersatz eines Schadens fordern, der bereits gedeckt ist durch
die Verwertung von Sicherheiten, die von einzelnen Aktionären auf Grund
einer mit der Gesellschaft getroffenen Vereinbarung bestellt worden waren
(Erw. III).

    2. Tragweite der Entlastung. Art. 698 Ziff. 4 und 757 OR.

    Wie jede Willenserklärung muss die Entlastung in dem Sinne verstanden
werden, den ihr der Empfänger in guten Treuen vernünftigerweise geben darf.
Sie wirkt als Verzicht der Aktionäre auf die Verantwortlichkeitsklage
gegen die Mitglieder der Verwaltung nurin Bezug auf die Tatsachen, die
der Generalversammlung klar und vollständig zur Kenntnis gebracht worden
sind, sei es, dass sie aus den ihr vorgelegten Schriftstücken oder den
ihr gemachten Mitteilungen hervorgehen, sei es, dass es sich um notorische
oder doch allen Aktionären bekannte Tatsachen handle (Erw. IV).

Sachverhalt

    A.- La Société commerciale de banque SA, actuellement Banque
commerciale SA, à Genève, a été constituée le 29 mars 1954. Son premier
conseil d'administration était composé entre autres de Olivier de Ferron
et Benjamin Cohen. Celui-ci démissionna et quitta la banque le 8 décembre
1954.

    Dans sa séance du 24 janvier 1955, le conseil d'administration
constate le désordre dans lequel Cohen a laissé les affaires. Il ordonne
une expertise.

    De septembre à novembre 1955, tous les membres du conseil
d'administration donnent leur démission.

    L'assemblée générale du 23 septembre 1955 donne décharge aux membres
démissionnaires, dont Ferron, "pour leur gestion pendant l'exercice
1954-55". Elle refuse en revanche de donner décharge à Cohen.

    L'assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 1955 élit un
nouveau conseil d'administration, comprenant notamment Max Hottinger.

    Le 17 juin 1957, sur rapport de Hottinger, l'assemblée générale
donne décharge à l'administration pour l'exercice du 1er juillet 1955
au 31 décembre 1956. Cette décharge est toutefois assortie d'une réserve
relative à cinq affaires: Efisa (aluminium), Efisa (travellers cheques),
Hug Fermeture invisible, Proctor et Wolltex.

    B.- A la suite d'un rapport de la fiduciaire OFOR, du 27 novembre
1956, qui révélait que la situation de la banque était critique, une
convention a été passée le 29 décembre 1956 entre la banque et un "groupe
des actionnaires originaires", qui ne sont autres que les fondateurs,
dont Ferron.

    Aux termes de cette convention, les actionnaires vendent à la société
501 actions au prix de 1000 fr. chacune; ce prix était retenu par la
société et affecté, sous forme d'un compte spécial, à la garantie de
diverses créances, qui s'élevaient à 2 821 172 fr. 20 au 30 septembre
1956. De plus, les actionnaires remettaient à la banque 504 actions, de
1000 fr. chacune, à titre de gage supplémentaire pour ces mêmes créances.

    En décembre 1961, toutes les créances compromises, visées par la
convention du 29 décembre 1956, étaient soit récupérées, soit payées au
moyen des garanties fournies par les actionnaires, et cela sur l'exigence
de la banque, qui a exécuté jusqu'à due concurrence les garanties qu'elle
s'était fait constituer.

    C.- Entre-temps, par exploit du 18 juin 1959, en exécution d'une
décision de l'assemblée générale du 14 mars 1959, la banque a introduit
une action en responsabilité contre Ferron, action tendant au paiement
de diverses sommes représentant en principal plus de 775 000 fr.

    En cours de procès, les héritiers et les exécuteurs testamentaires
de Ferron, décédé, ont pris la place du défendeur au procès.

    En substance, la demanderesse reprochait au défendeur d'avoir commis
des fautes de gestion qui lui avaient causé un préjudice de l'ordre de
800 000 fr. Elle fondait son action sur les art. 754 ss. CO, 39 à 45 de
la loi sur les banques (LB).

    D.- Statuant sur appel de la banque et confirmant le jugement rendu
le 13 septembre 1966 par le Tribunal de première instance, la Deuxième
Chambre de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 20 juin
1969, a rejeté l'action.

    En bref, la cour cantonale a jugé que, pour six des huit affaires
incriminées, le dommage subi par la banque avait été intégralement couvert
par les garanties que les actionnaires originaires ont constituées et
dont la banque a exigé la réalisation.

    Quant aux deux autres affaires dites Kaapse et Onsa, il s'agit de
lettres de crédit en faveur de Warmex SA, que la banque a été condamnée
judiciairement à honorer, sans pouvoir se retourner contre ladite société,
qui a été déclarée en faillite et dont la banque ne paraît pas avoir
exigé de couverture.

    L'arrêt constate que, lors de l'assemblée générale du 23 septembre
1955, qui a donné décharge aux administrateurs, à l'exception de Cohen,
les actionnaires, qui devaient former l'année suivante un consortium pour
couvrir les pertes de la banque, n'ignoraient pas l'existence du procès
dans l'affaire Kaapse, ni le litige dans l'affaire Onsa. Ils n'ignoraient
pas non plus les circonstances de chacune des deux affaires, ni le rôle
joué par l'actionnaire Schwarm, administrateur et actionnaire unique de
Warmex SA La cour cantonale en déduit que la décharge a été donnée par
des actionnaires sachant à quoi s'en tenir et disposés à passer outre,
sauf en ce qui concerne Cohen.

    Un nouveau vote de décharge est intervenu à l'assemblée générale du
17 juin 1957, pour l'exercice allant du 1er juillet 1955 au 31 décembre
1956. Cette décharge a été donnée sur la proposition de la nouvelle
administration sur la foi d'un rapport du vice-président Hottinger
"qui après un examen ayant duré près de deux ans, pendant lequel il
a pratiquement vécu l'affaire, a pu affirmer qu'il a été à même de
déterminer nommément les affaires pour lesquelles l'assemblée ne pourra
pas donner décharge aux anciens administrateurs. Il estime pouvoir
prendre la responsabilité d'affirmer qu'il n'y a pas d'autres dossiers
dans lesquels des problèmes touchant à la responsabilité personnelle des
anciens administrateurs puissent se poser". Aussi bien la décision de
décharge est-elle assortie de la réserve proposée par l'administration
et qui est relative à cinq des six affaires mentionnées plus haut.

    La cour cantonale a déduit de ces faits que la décharge, donnée et
réitérée en parfaite connaissance de cause, était opérante, et cela dans
les deux affaires.

    E.- La Banque commerciale SA recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de
la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    III.1.- Les parties admettent toutes deux que, des huit affaires
traitées par la banque en 1954 et 1955, et qui donnent lieu à la présente
recherche de responsabilité, six affaires sont comprises dans les créances
de 2 821 172 fr. 20 au total, pour lesquelles les actionnaires originaires
ont donné leur garantie par la convention du 29 décembre 1956.

    La question est de savoir si le paiement des actionnaires originaires,
respectivement la réalisation de leurs garanties, a libéré l'administrateur
Ferron de sa responsabilité envers la banque.

Erwägung 2

    III.2.- La condition première de la responsabilité de l'administrateur
d'une société anonyme ou des organes ou directeurs d'une banque est
l'existence d'un dommage. Les dommages dont la banque demande réparation
aux défendeurs dans la présente instance sont des pertes subies par
la banque, ainsi que les conclusions de la demanderesse le précisent
expressément. En tant qu'elle vise les six affaires Proctor, Warmex, Hug,
Wooltex, Efisa (aluminium) et Efisa (travellers cheques), la convention
du 29 décembre 1956 a le même objet: les actionnaires originaires ont
garanti à la banque le recouvrement intégral de ces créances.

    La banque a ainsi deux prétentions concurrentes ayant le même objet,
soit la couverture des pertes qu'elle a subies dans les six affaires
précitées. Une de ces prétentions est fondée sur un contrat, la convention
du 29 décembre 1956, l'autre sur une responsabilité instituée par la loi
aux art. 754 ss. CO, 39 ss. LB. La banque se trouve ainsi dans le cas visé
par l'art. 51 CO. Il est manifeste qu'un tel concours d'actions ne peut
conférer au créancier une prétention à une exécution cumulée contre chacun
de ses débiteurs respectifs. Si les actionnaires originaires ont procédé
à un règlement total et définitif, la banque ne peut exiger d'être payée
une seconde fois par l'administrateur dont elle invoque la responsabilité.
Inversement, si Ferron avait reconnu sa responsabilité et couvert les
pertes, la banque n'aurait pu réaliser les garanties constituées pour
couvrir les mêmes pertes.

    Dans la mesure où elle prétend, tout en demeurant au bénéfice des
prestations des actionnaires originaires, exiger des défendeurs qu'ils
couvrent la perte subie dans les six affaires précitées, la banque réclame
la double réparation du même dommage. Cette prétention est déraisonnable.

    Les arguments que la recourante avance pour justifier son action
ne résistent pas à l'examen. La demanderesse prétend distinguer entre
l'intervention de tiers, qui selon elle aurait un effet libératoire, et
l'intervention interne d'actionnaires, décidant d'assainir leur société,
qui ne priverait pas cette dernière de sa créance contre l'administrateur
responsable. Mais les actionnaires sont des tiers: rien, juridiquement,
ne les obligeait à intervenir dans les relations entre la société et ses
débiteurs et à garantir les pertes sur leur patrimoine, distinct de celui
de la banque.

    La recourante dit que la convention du 29 décembre 1956 est une res
inter alios acta, qui ne saurait profiter à des tiers. Mais il en est
ainsi de toute garantie: un cautionnement est un contrat entre créancier
et caution, de même la constitution de gage par un tiers. Il en va de
même dans la plupart des cas de concours d'actions. L'engagement assumé
par un tiers peut avoir pour effet de libérer un débiteur. Savoir si ce
débiteur en profitera est régi par les dispositions fixant l'ordre des
actions récursoires.

    La recourante fait valoir que l'action en responsabilité contre
l'administrateur fait partie des actifs de la société, qui ne saurait
en être privée par une convention à laquelle l'administrateur n'est pas
partie. Mais la prétention contre l'administrateur n'existe qu'autant que
les conditions de l'exercice de cette prétention, et au premier chef le
dommage, subsistent. Si le dommage est réparé d'autre part, cet "actif"
est représenté par la somme payée, soit le produit des gages.

    En conclusion sur ce premier point, si l'intention de la recourante est
d'obtenir des défendeurs une indemnité venant s'ajouter aux prestations
qu'elle a déjà obtenues en vertu de la convention du 29 décembre 1956,
ce cumul est inadmissible et cette prétention manifestement abusive.

Erwägung 3

    III.3.- Il n'en irait autrement que si les parties à la convention
du 29 décembre 1956 avaient entendu que la garantie ne jouerait que
subsidiairement, après épuisement par la banque de tous les moyens de
réparer ses pertes, y compris la mise en cause des administrateurs
responsables. Il serait concevable que des actionnaires désireux
d'éviter une liquidation peu avantageuse et peu honorable, dans le but
de revaloriser les titres de la société, garantissent certaines pertes,
avec cet effet que leur garantie soit subsidiaire à la responsabilité
des organes de la banque pour ces mêmes pertes.

    Savoir si tel a été le cas relève de l'interprétation de la convention
de garantie et de la portée des règlements intervenus entre la banque et
ses garants.

    Or il ressort de l'examen de la convention du 29 décembre 1956 que, du
commun accord des parties, la garantie n'était pas subsidiaire à une action
en responsabilité, que la convention exclut implicitement. L'eussent-ils
voulu, les garants n'auraient pas pu, sur le vu de la convention,
s'opposer à l'exécution des garanties et renvoyer la banque à se payer
d'abord par une action en responsabilité contre les administrateurs ou
directeurs responsables.

    La façon dont la convention a été exécutée par la banque confirme
cette interprétation. La banque s'en est tenue strictement aux conditions
fixées par la convention pour la réalisation des garanties fournies par
les actionnaires originaires. Périodiquement, elle a établi une situation
faisant apparaître des "pertes définitives", qu'elle passait au débit
du compte des actionnaires. Il est constant qu'en décembre 1961, toutes
les créances compromises visées par la convention de 1956 étaient soit
rentrées, soit payées au moyen des garanties fournies par les actionnaires
originaires et ce, sur l'exigence de la banque, qui a fait valoir pour ses
pertes sa prétention à l'égard des anciens actionnaires. Aucune réserve
n'a été exprimée par la banque, donnant à penser qu'elle se serait engagée
à rétrocéder aux garants le produit du présent procès. Ce règlement des
garanties est définitif, quand bien même lors de ce règlement final,
en décembre 1961, le présent procès était déjà en cours.

    Ces constatations sont renforcées par l'attitude et l'argumentation
de la banque en procédure, selon les constatations de la cour cantonale.

    Sans doute, dans son acte d'appel à la Cour de justice de Genève,
la demanderesse a-t-elle allégué qu'elle devait, après avoir encaissé
les sommes que lui devait Ferron, régler compte avec les anciens
actionnaires. Mais cette déclaration isolée, qui contredit toute son
attitude au cours des trois instances et qui n'a d'ailleurs pas la
valeur d'un engagement juridique, ne trouve aucun écho dans les écritures
ultérieures. Toute l'argumentation juridique de la demanderesse devant
la Cour de justice tend à justifier son droit à obtenir réparation
des défendeurs sans que le juge ait à se préoccuper des paiements
des actionnaires originaires, qu'elle soutient avoir été faits "causa
donandi". C'est la même argumentation que la recourante a développée
dans l'instance fédérale, déclarant qu'elle n'a pas à rendre compte aux
défendeurs de l'emploi qu'elle fera de l'indemnité à laquelle elle prétend.

    En conclusion, le texte de la convention, la façon dont cette
convention a été exécutée, l'attitude et l'argumentation de la demanderesse
et recourante, tous ces éléments établissent que la banque a définitivement
réglé compte avec les actionnaires originaires, qu'ainsi la perte subie
dans ces six affaires en cause est totalement couverte par l'intervention
des actionnaires originaires. Aussi bien, l'action en responsabilité
contre l'administrateur Ferron n'a plus d'objet.

    Seuls pourraient être habilités à l'exercer les actionnaires
signataires de la convention, faisant valoir l'action récursoire instituée
par l'art. 51 CO. Selon les constatations de l'arrêt déféré, ils ont
renoncé à cette action. Cela ne justifie pas que la banque prétende
l'exercer à son profit.

Erwägung 1

    IV.1.- Selon la jurisprudence, approuvée par la doctrine (RO 65 II
15; BüRGI, n. 78 ad art. 698 CO et les références de doctrine contenues
dans cette note), la décharge est une décision de la société ayant
le caractère d'une "reconnaissance de dette négative", constatant
l'absence de prétention de la société contre les administrateurs en
raison de leur gestion pendant l'exercice considéré. Elle peut également
avoir le caractère de renonciation de la société à faire valoir une
prétention, éventuelle ou effective, contre les administrateurs (BüRGI,
loc.cit.). Il est parfaitement concevable qu'une assemblée, pour des
raisons d'opportunité ou en considération de services antérieurs, renonce
délibérément à une action.

    La loi ne fixe aucune condition particulière à la validité de la
décharge, elle n'en limite les effets qu'en ce qui concerne l'action
exercée par un actionnaire (art. 757 CO).

    Aussi bien, en droit strict, la décision de décharge, comme tout acte
juridique, devrait-elle produire les effets que comporte la déclaration,
à moins qu'elle ait été donnée sous l'empire d'un dol, d'une erreur
essentielle ou de la contrainte, dont il incomberait à la partie qui
se prévaut d'un tel vice de la volonté de l'établir. Un retrait de la
déclaration de décharge ne saurait être admis pour d'autres motifs, même
s'il était établi que la prétention en responsabilité supposée inexistante
existe réellement, soit en cas de simple erreur sur les motifs (cf. RO
65 II 15 s.).

    La tendance actuelle est toutefois de limiter la portée de la décharge.
Cette tendance s'est manifestée principalement en droit allemand; le § 84
al. 4 de l'Aktiengesetz de 1937 prohibant en principe toute renonciation
à l'action en responsabilité avant l'expiration d'un délai de cinq
ans dès la naissance de la prétention, la décharge perdait pour ainsi
dire toute portée, sauf toutefois dans le cas où elle était donnée par
l'ensemble des actionnaires. Dans cette hypothèse en effet, la pratique
jugeait inapplicable le § 84, édicté pour protéger les minorités (BGHZ
29 p. 390). Mais la nouvelle loi allemande, l'Aktiengesetz du 6 septembre
1965, dispose expressément, à son § 120 al. 2, que la décharge n'emporte
aucune renonciation à des prétentions en dommages-intérêts.

    En droit suisse, le Tribunal fédéral, dans l'arrêt Volksbank Reiden c.
Kunz (RO 65 II 2), a fortement restreint la portée de la décharge: il
rejette comme trop défavorable aux actionnaires le critère de la diligence
d'un homme d'affaires ordinaire; il exige que l'assemblée ne soit pas
seulement informée d'une affaire, mais qu'elle connaisse la portée de cette
affaire sur la question de responsabilités; enfin et surtout, il limite
la décharge aux seuls faits dont l'assemblée générale a eu connaissance
d'après les documents qui lui ont été soumis et les communications qui
lui ont été adressées, tandis que les faits dont certains actionnaires
ont pu avoir connaissance à titre particulier ne jouent aucun rôle.

Erwägung 2

    IV.2.- Il faut considérer toutefois qu'en droit suisse, la décharge est
instituée par la loi, qui n'en limite nullement la portée en la soumettant,
comme le fait la loi allemande, à une réglementation dérogeant au droit
commun. Notre loi confère expressément aux actionnaires la faculté de
renoncer définitivement à l'action en responsabilité et cela sans attendre
l'expiration du délai de prescription. Bien loin d'être inopérante ex
lege quant à l'exercice de l'action en responsabilité, la décharge a
précisément pour objet et pour effet de "décharger" les administrateurs,
de renoncer à l'action. Aucune règle légale ne permet de restreindre
l'effet de cette déclaration de volonté. Il n'y a juridiquement aucune
raison de soustraire à la règle commune une déclaration de volonté pour
le motif qu'elle est collective et non pas individuelle. La déclaration
de décharge est un acte juridique comme un autre, qui doit être interprété
et apprécié comme toute autre déclaration de volonté.

Erwägung 3

    IV.3.- Selon le principe dit de la confiance, la déclaration
de volonté doit être comprise dans le sens que de bonne foi son
destinataire peut lui donner raisonnablement (RO 69 II 322; 80 II 31;
81 II 363; 82 II 453; 87 II 95; 92 II 348; 93 II 482). Du fait que la
décharge est donnée à l'administration, sur la base d'informations et de
communications émanant de l'administration, au cours d'une assemblée à
laquelle l'administration assiste, les destinataires de la déclaration,
soit les administrateurs, sont parfaitement renseignés sur les conditions
dans lesquelles la décharge est donnée, et notamment sur l'information
dont dispose l'assemblée. Aussi bien doit-on poser des exigences strictes
quant à la portée que les administrateurs peuvent raisonnablement prêter,
de bonne foi, àune déclaration de décharge.

    Notamment ils ne peuvent de bonne foi attribuer à une telle déclaration
la portée d'une "reconnaissance de dette négative", s'agissant de
leur responsabilité, pour des faits ignorés de l'assemblée. Aussi bien
l'administration ne saurait-elle invoquer la décharge que pour les faits
qui ont été portés à la connaissance de l'assemblée et qui lui ont été
exposés d'une façon claire et complète. Telle est l'exigence essentielle
posée par une jurisprudence constante (RO 14 p. 704; 18 p. 607; 34 II 502;
65 II 14).

    Quant à restreindre la décharge aux seuls faits dont l'assemblée
générale a eu connaissance comme telle par les rapports et communications
qui lui ont été présentés, en faisant abstraction des faits dont les
actionnaires ont pu avoir connaissance par ailleurs (RO 65 II 7 ss.), on
ne saurait voir là une règle absolue (cf. BÜRGI, n. 109 ad art. 698 CO;
F. v. STEIGER, Schw. AG 15 p. 7; Cour d'appel de Berne, RJB 70 p. 392,
consid. 6 p. 402; Tribunal de commerce de Zurich, ZR 52 (1953) no 93).

    Sans doute, comme le pose déjà l'arrêt Canton de Soleure c. Kaiser (RO
14 p. 704), faut-il en principe se référer aux rapports et communications
faits à l'assemblée comme telle pour apprécier la portée de la
décharge. Des motifs de sécurité juridique, de sûreté et de facilité dans
l'administration des preuves ont été justement invoqués (RO 65 II 7 ss.).

    Mais il est excessif de vouloir, pour des motifs de sécurité
juridique, s'en tenir toujours aux seuls documents et communications
présentés à l'assemblée. Même dans les sociétés composées d'un grand
nombre d'actionnaires, il se peut que la généralité des actionnaires ait
connaissance de certains faits que des publications dans la presse ou des
débats parlementaires ont rendus notoires. L'arrêt Canton de Soleure c.
Niggli et consorts (RO 18 p. 607/608) en donne un bon exemple et le
Tribunal fédéral dans cette affaire a reconnu pleine validité à une
décharge, bien que les éléments justifiant l'action en responsabilité
ne ressortent pas des rapports à l'assemblée; en revanche, ils étaient
notoires et l'Etat, principalactionnaire, les connaissait.

    Et si cela est vrai dans certains cas, exceptionnels certes, pour des
grandes sociétés, cela sera fréquent dans des petites sociétés réunissant
quelques actionnaires ou des sociétés de famille. Là où un nombre restreint
d'actionnaires suit de près les affaires de la société, est tenu au
courant par les administrateurs sans protocole, il n'est point besoin de
rapports circonstanciés à l'assemblée générale et les décisions de cette
assemblée, sur la décharge notamment, n'en sont pas moins fondées sur
une connaissance réelle des affaires de la société. Les arrêts cantonaux
cités ci-dessus illustrent la nécessité où se trouve le juge de tenir
compte de la connaissance effective des actionnaires, quelle qu'en soit la
source. Rien dans la loi n'autorise l'exigence de forme dégagée par l'arrêt
Volksbank Reiden. Sans doute en principe l'assemblée générale prend-elle
ses décisions sur le vu des communications de l'administration. Mais rien
n'empêche que l'actionnaire prenne en considération des faits extrinsèques
à ces communications. Et si de tels faits sont notoires ou connus de tous
les actionnaires, il y a là une réalité dont on ne peut faire abstraction
pour apprécier la portée des décisions de l'assemblée.

    Il est également concevable que les actionnaires, inaptes à prendre
une décision qui requiert une étude par une personne compétente, s'en
remettent à un administrateur, un contrôleur ou un tiers et décident sur
l'avis de cette personne, avis qui pourra n'être pas motivé ou ne l'être
que sommairement.

    En conclusion, la décharge n'est opérante que dans la mesure où les
administrateurs peuvent raisonnablement et de bonne foi la comprendre
comme l'avis d'une assemblée informée. Elle est sans portée s'agissant de
faits ignorés des actionnaires. En règle générale, c'est aux rapports et
aux communications adressés à l'assemblée qu'il convient de se référer
pour dire dans quelle mesure l'assemblée est renseignée. Mais il est
loisible aux administrateurs qui invoquent la décharge d'établir que tous
les actionnaires qui ont voté la décharge - et non certains d'entre eux
seulement - étaient renseignés par d'autres voies que les communications
à l'assemblée.

Erwägung 4

    IV.4.- En l'espèce, la décharge donnée lors de l'assemblée du 17 juin
1957 vise en tous les cas l'affaire Onsa. Cette assemblée s'est en effet
prononcée sur la gestion de l'exercice allant du 1er juillet 1955 au 31
décembre 1956. Or si les engagements de la banque dans l'affaire Onsa, et
partant les actes des administrateurs pouvant engager leur responsabilité,
remontent bien à février 1955, ce n'est que dès le 15 juillet 1955 que
les premières difficultés sont apparues. La décharge donnée à l'assemblée
du 23 septembre 1955 pour l'exercice clos au 30 juin 1955, décision prise
sur le vu de rapports établis en août 1955 déjà, ne pouvait viser cette
affaire, malgré ce qu'admet la cour cantonale.

    Il est constant que le nouvel administrateur Hottinger, nommé à fin
1955, s'est mis "incontinent à l'étude de la responsabilité encourue par
la précédente administration", qu'il a examiné le cas Onsa et qu'il a
affirmé en juin 1957 qu'il n'y avait pas de responsabilité encourue par
l'administration à propos de cette affaire.

    La décision de l'assemblée générale a été prise ensuite d'un rapport
présenté par Hottinger, déclarant qu'il avait été à même de déterminer
nommément les affaires à propos desquelles l'assemblée ne pourrait pas
donner décharge. Il s'est dit en mesure d'affirmer sous sa responsabilité
qu'il n'y avait pas d'autres dossiers dans lesquels des problèmes touchant
à la responsabilité personnelle des anciens administrateurs puissent se
poser. Le rapport du conseil à l'assemblée recommande aux actionnaires de
donner décharge sous réserve de cinq affaires, nommément désignées, toutes
comprises dans les affaires pour lesquelles le groupe des actionnaires
originaires avait donné sa garantie par la convention du 29 décembre 1956.

    Il ressort de ces constatations que, dans l'impossibilité d'examiner
eux-mêmes cas par cas les affaires traitées par l'ancienne administration,
les actionnaires s'en sont remis au nouvel administrateur, qui a procédé
à cet examen. Ils ont adopté les conclusions de cette étude, confiants
dans l'avis qui leur était donné.

    Dans la situation où se trouvait la société, c'était une façon
judicieuse et efficace de traiter l'affaire. Il ne faut pas, par une
pratique trop schématique, contester la portée d'une décharge donnée par
des actionnaires qui étaient parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient
et s'en sont remis à l'avis d'une personne qui avait leur confiance. Sans
doute cette personne était-elle administrateur. Mais pour les affaires
envisagées, toutes antérieures à son entrée en fonctions, Hottinger n'avait
pas d'intérêt à la décharge, qui ne le concernait pas. La loi n'oblige
pas chaque actionnaire à se faire une conviction personnelle, ce qui est
d'ailleurs le plus souvent un leurre. Rien n'empêche les actionnaires de
s'en remettre à l'avis de l'un d'eux, chargé d'examiner l'affaire.

    Aussi bien, tant qu'une erreur n'est pas établie - et la recourante
ne le soutient pas -, cette décharge est opérante. 5. - Quant à l'affaire
Kaapse, la cour cantonale pose en fait qu'elle est visée par la décharge
donnée à l'assemblée générale du 23 septembre 1955, décharge renouvelée par
l'assemblée du 17 juin 1957, constatation que la recourante ne discute pas.
Dès lors les défendeurs peuvent se prévaloir pour cette affaire également
de la décharge votée à l'assemblée du 17 juin 1957. D'ailleurs, au cas
où cette affaire n'aurait pas été revue lors de l'assemblée de 1957, elle
serait couverte par la décharge donnée à l'assemblée du 23 septembre 1955,
qui est également opérante.

    Il est en effet constant que, lors du vote de décharge à cette
assemblée, les actionnaires de la société étaient ceux qui se sont engagés
par la convention du 29 décembre 1956.

    Ces actionnaires étaient parfaitement au courant des affaires de la
banque. La cour cantonale constate qu'ils n'ignoraient pas alors le rôle
joué par Schwarm et sa société Warmex, l'imbrication de leurs intérêts
réciproques étant manifeste. Elle constate que la décharge a été donnée
par des actionnaires sachant à quoi s'en tenir et décidés à passer outre.

    Il faut relever d'ailleurs que la décharge a été refusée à
l'administrateur Cohen, qui, selon ce que constate la Cour de justice,
a signé la lettre de crédit à l'origine de la perte. La responsabilité
de Ferron pour cet engagement est litigieuse, elle dépend du point de
savoir s'il a eu connaissance de cet engagement à l'époque où Cohen l'a
assumé. Une assemblée qui accorde la décharge à un administrateur et la
refuse à l'autre doit être réputée avoir ses raisons, ce qui suppose que
les manquements de la gestion en cause et le problème des responsabilités
ne lui ont pas échappé.

    De toute façon, la cour cantonale constatant que la totalité des
actionnaires ont pris la décision en sachant à quoi s'en tenir, la
décharge doit être considérée comme opérante, ce d'autant plus que ces
quatre actionnaires sont des hommes rompus aux affaires.

    Dès lors, la ou les décharges données par l'assemblée générale ont
libéré Ferron de sa responsabilité éventuelle pour l'affaire Kaapse
également.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme l'arrêt rendu le 20 juin 1969 par la
Deuxième Chambre de la Cour de justice du canton de Genève.