Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 95 II 312



95 II 312

43. Arrêt de la Ire Cour civile du 9 mai 1969 dans la cause Julen contre
Crédit-Vente

SA Regeste

    Kauf auf Abzahlung. Eigentumsvorbehalt. Art. 226 i OR, 716 ZGB.
Berufung. Neue Begehren. Art. 55 Abs. 1 lit.b OG.

    1.  Neu und daher unzulässig sind Begehren, die der Berufungskläger
nicht schon vor der letzten kantonalen Instanz gestellt hat (Erw. 1).

    2.  In der Abrechnung infolge Rücktritts des Verkäufers vom Vertrag
und Rücknahme der Sache ist der angemessene Mietzins auf Grund des im
Vertrag angegebenen Kaufpreises festzusetzen; vorbehalten bleiben die
Einwendungen, die der Käufer nach dem OR erheben kann, wenn der angegebene
Preis den tatsächlichen Verhältnissen nicht entspricht (Erw. 2).

    3.  Der angemessene Mietzins ist geschuldet für die Zeit zwischen
der Lieferung der Sache und ihrer Rücknahme durch den Verkäufer (Erw. 3).

    4.  Der Mietzins ist festzusetzen unter Berücksichtigung der üblichen
Entwertung, die die Sache durch ihren normalen Gebrauch oderinfolge blossen
Zeitablaufs und Modewechsels erleidet. Der Verkäufer hat Anspruch auf
Amortisation des vollen Kaufpreises und auf den Zins dieser Summe. Der im
Vertrag angegebene Prozentsatz der Amortisation bindet den Richter nicht;
dieser kann einen degressiven Prozentsatz festsetzen (Erw. 4).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A.- Par contrat de vente du 14 août 1964, Gérard L.  Furrer a vendu
à dame Julen, à Genève, pour son usage professionnel, deux machines
à nettoyer à sec de marque "Singer" au prix de 62 000 fr., à quoi
s'ajoutaient 50 fr. de "frais de contrat et inscription". Dame Julen
avait déjà payé le 7 janvier 1964 un acompte de 20 000 fr. Elle a reconnu
devoir au vendeur le solde, soit 42 050 fr., majoré d'un supplément de
6313 fr., pour vente à crédit et intérêts, au total 48 363 fr., payable
en 30 mensualités.

    Le contrat renferme un pacte de réserve de propriété, dûment inscrit
au registre tenu par l'Office des poursuites de Genève.

    En vertu de l'article 2, le vendeur cédait à Crédit-Vente SA,
à Genève, la créance en paiement du solde du prix, ainsi que tous les
droits accessoires, y compris la réserve de propriété.

    L'article 9 confère à Crédit-Vente SA le droit d'exiger, en cas
de demeure de l'acheteur pour deux mensualités représentant au moins
le dixième du prix de vente, le paiement immédiat du solde dû; il lui
donne aussi la faculté de résilier le contrat et de reprendre ou faire
reprendre l'objet de la vente, que l'acquéreur s'engage à restituer à la
première réquisition.

    L'article 10 dispose que l'acheteur reconnaît devoir, en cas de
résiliation du contrat, une location comprenant une indemnité d'usure
normale fixée à 1/4% par jour, calculée sur le prix de vente, et une
indemnité de dépréciation si l'objet présente une moins-value excessive
due à un accident ou au mauvais entretien.

    Dame Julen a versé des acomptes à concurrence de 11 482 fr. Comme
elle était en retard de plusieurs mensualités, Crédit-Vente SA résilia
le contrat et fit reprendre les machines par un huissier judiciaire, le
5 août 1966. Cependant, dame Julen effectua un dernier versement de 2000
fr., le 8 août 1966, en vue semble-t-il d'obtenir un arrangement amiable.

    B.- Crédit-Vente SA fit assigner dame Julen en paiement de 79 003 fr. à
titre de loyer calculé selon l'article 10 du contrat, sous déduction des
acomptes reçus.

    Dame Julen admit que la demanderesse était en droit de lui reprendre
les machines, mais contesta le montant des prétentions pécuniaires
articulées contre elle. Estimant le loyer équitable à 250 fr. par mois et
par machine, elle forma une demande reconventionnelle en paiement de 21
482 fr. représentant la différence entre ses versements (33 482 fr.) et
le loyer 12 000 fr. qu'elle reconnaissait devoir à Crédit-Vente SA

    Par jugement du 15 février 1968, le Tribunal de première instance de
Genève condamna Crédit-Vente SA à payer à dame Julen la somme de 21 000
fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 21 septembre 1967. Le tribunal admit que
le vendeur était fondé à résilier le contrat et à reprendre les machines.

    C.- Saisie d'un appel de Crédit-Vente SA, la Première Chambre de
la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 7 février 1969,
a confirmé le jugement en ce qui concerne la reprise des machines par
le vendeur, mais l'a réformé pour le surplus et a débouté les parties de
toutes autres conclusions.

    D.- Dame Julen a recouru en réforme et conclu à ce qu'il plaise au
Tribunal fédéral condamner Crédit-Vente SA à lui restituer la somme de
21 482 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 26 août 1966.

    Appliquant l'art. 60 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans la mesure où la recourante conclut au paiement d'une somme
supérieure à celle de 21 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 21 septembre
1967, que lui avait allouée le jugement de première instance, qu'elle n'a
pas attaqué en appel, elle prend des conclusions nouvelles par rapport à
celles qu'elle avait prises dans la dernière instance cantonale et son
recours est irrecevable (art. 55 al. 1 lettre b OJ; cf. RO 80 III 154,
consid. 2 b; 94 II 211, consid. 2).

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 226 i al. 1 CO, introduit par la loi fédérale
du 23 mars 1962 sur la vente par acomptes et la vente avec paiements
préalables, si l'acheteur est en demeure et que le vendeur résilie le
contrat après avoir livré la chose, ils sont tenus de restituer les
prestations qu'ils se sont faites. Le vendeur peut en outre réclamer un
loyer équitable et une indemnité pour la détérioration de la chose. Il
ne peut cependant exiger plus que ce qu'il aurait obtenu si le contrat
avait été exécuté à temps.

    a) Sous réserve de quelques modifications d'ordre rédactionnel,
les deux premières phrases de l'art. 226 i CO correspondent au texte
de l'art. 227 al. 2 CO ancien et à celui de l'art. 716 CC, toujours
en vigueur. Sous l'empire de ces dispositions légales, le Tribunal
fédéral a jugé dans l'arrêt Motorwagenfabrik Berna AG c. Eschmann (RO
62 II 31 s.) qu'en cas de résiliation, le vendeur ne saurait obtenir
davantage que si le contrat avait été exécuté, de telle sorte que
ses prétentions en paiement d'un loyer et d'une indemnité d'usure ne
devaient pas dépasser la différence entre le prix convenu et la valeur
de la chose au jour de la reprise. Quelques années plus tard, dans la
cause Lévy c. Faillite Straumann (RO 68 II 292 s.), il a modifié sa
jurisprudence en considérant que le système légal ne fait pas entrer
l'intérêt du vendeur à l'exécution du contrat dans le règlement de
comptes; il postule l'équivalence économique des prestations réciproques:
usage de la chose procuré par le vendeur à l'acheteur, loyer payé par
celui-ci pour cette utilisation. Lorsqu'il reprend la chose, le vendeur
par acomptes est économiquement comparable à un bailleur; il a droit
à une indemnité qui corresponde à l'utilisation et à l'usure. Cette
solution a été critiquée en doctrine (cf. GUHL, RJB 79 - 1943 - p. 364
s.; STOFER, Der Abzahlungsvertrag de lege ferenda, RDS 1958 II 330 a
et Kommentar zum schweizerischen Bundesgesetz über den Abzahlungs- und
Vorauszahlungsvertrag, p. 109 s.). Sans prendre parti dans la controverse,
le Tribunal fédéral a jugé dans l'arrêt Dreyfus c. Grimmer (RO 75 II 33
s., notamment 35, consid. 2) que le loyer devait être fixé non pas sur
la base du prix de vente, qui peut être excessif, mais en fonction de la
valeur réelle de la chose lors de la conclusion du contrat. Le vendeur
recevra donc un loyer égal à celui qu'il aurait perçu s'il avait loué
la chose pendant le temps qu'elle a été en possession de l'acheteur,
ainsi qu'une indemnité pour l'usure (arrêt cité).

    b) Cette jurisprudence est dépassée par le nouveau texte légal. En
édictant la troisième phrase de l'art. 226 i al. 1 CO, le législateur
a repris à dessein la solution de l'arrêt Motorwagenfabrik Berna AG
c. Eschmann. Le Message du Conseil fédéral relève en effet que "les
prétentions du vendeur doivent... se limiter à son intérêt à l'exécution
du contrat, car il ne serait pas admissible que l'acheteur en demeure - le
plus souvent dans la gêne - soit astreint à des prestations supérieures à
celles dont il aurait dû s'acquitter en exécutant le contrat. Ce principe,
posé par un arrêt du Tribunal fédéral (RO 62 II 31 s.), puis abandonné
(RO 68 II 293), répond à une préoccupation d'ordre social et doit être
appliqué pour épargner à l'acheteur une charge trop lourde" (FF 1960 I
581 s.). De plus, l'obligation faite par l'art. 226 a al. 2 ch. 3, 4 et
5 CO d'indiquer dans le contrat de vente par acomptes le prix de vente
au comptant, le supplément de prix résultant du paiement par acomptes et
le prix de vente global montre que le législateur a voulu que l'acheteur
soit exactement renseigné sur la différence du prix à payer, selon qu'il
achète au comptant ou à tempérament (cf. à ce sujet RO 89 III 28 ss.;
Message du Conseil fédéral, FF 1960 I 568 s.; JEANPRETRE, La vente à
tempérament et la vente-épargne de lege ferenda, RDS 1958 II 386 a -
389 a, qui doute cependant que la protection soit efficace). C'est donc
en connaissance de cause que le législateur a voulu donner une grande
importance au prix de vente fixé dans le contrat. Aussi bien, ce prix
doit servir de base pour calculer le loyer équitable dû par l'acheteur
en cas de résiliation du contrat par le vendeur. Il serait contraire
au système de la loi de remettre en cause le prix que l'acheteur avait
librement accepté lors de la conclusion du contrat, précisément lorsque cet
acheteur est en demeure et que l'inexécution du contrat, qui est son fait,
permet au vendeur de le résilier conformément à la loi. Le prix convenu
correspondra d'ailleurs généralement a la valeur de la chose au jour où
le contrat a été conclu, à moins qu'il ne soit manifestement surfait
(cf. STOFER, Kommentar, p. 110). Et si le prix était fictif en raison
d'une simulation ou que l'acheteur se trouvait lors de la conclusion du
contrat sous l'empire du dol ou d'une erreur essentielle, ou encore s'il
avait été victime d'une lésion, il pourra faire valoir les moyens que le
droit des obligations met à sa disposition en pareil cas.

    c) Contrairement à l'avis de la recourante, qui voudrait déduire du
prix convenu la marge de bénéfice du vendeur, ce n'est pas le prix de
revient de la chose qui est décisif, mais le prix de vente fixé par les
parties dans le contrat.

    En l'espèce, la Cour de justice relève d'ailleurs qu'elle ne voit
aucun motif de s'écarter de la valeur de 62 000 fr. que les intéressés
ont eux-mêmes attribuée aux deux machines en indiquant ce chiffre comme
prix de vente au comptant dans le contrat de vente. Saisi d'un recours en
réforme, le Tribunal fédéral ne peut revoir cette décision qui ressortit
à la constatation des faits (art. 63 al. 2 OJ; cf. RO 75 II 35, consid. 2
in fine).

Erwägung 3

    3.- Lorsque la partie qui bénéficie d'un pacte de réserve de propriété
reprend la chose, le décompte prévu par l'art. 716 CC doit être établi
au jour de la restitution par l'autre partie. Le loyer équitable prévu
par la loi, soit par l'art. 226 i al. 1 CO en cas de vente par acomptes,
est dû pour la période qui s'est écoulée de la livraison de la chose à
sa reprise. L'acheteur doit en effet supporter le dommage consécutif
à l'inexécution de ses obligations contractuelles (RO 60 II 416). La
recourante doit dès lors payer à l'intimée un loyer équitable pour la
période du 14 août 1964 au 5 août 1966; peu importe qu'elle ait utilisé
ou non l'une des deux ou les deux machines pendant tout le temps qu'elle
les a eues en sa possession ou seulement pendant une partie de ce temps.

Erwägung 4

    4.- La recourante tient pour arbitraire le loyer fixé par la
juridiction cantonale. Elle ne démontre cependant pas en quoi la décision
attaquée viole sur ce point le droit fédéral (cf. art. 55 al. 1 lettre
c OJ). Même si le grief était recevable, il devrait être rejeté comme
mal fondé. A défaut de toute allégation quelconque à ce sujet et en
l'absence de toute offre de preuve, la Cour de justice n'avait pas d'autre
possibilité que de fixer selon l'expérience la durée de l'amortissement des
machines. Elle a calculé l'amortissement sur une période de 5 ans. Cette
décision, qui repose essentiellement sur l'appréciation des circonstances,
ne viole en aucune manière le droit fédéral.

    Quant au taux d'amortissement, le contrat le fixe à 1/4% du prix de
vente par jour. Ce taux représente plus de 91% du prix de vente par an. En
l'espèce, calculé sur deux ans, le loyer serait de 180% du prix de vente
au comptant des deux machines. Un loyer aussi élevé n'est pas seulement
inéquitable: il est usuraire et ne lie donc pas le juge, qui doit fixer le
loyer équitable en considérant la dépréciation ordinaire de la chose, soit
par suite de son utilisation normale, soit par suite du seul écoulement
du temps et des changements de la mode (cf. RO 60 II 414 s.).

    Au titre du loyer équitable, le vendeur a droit à l'amortissement
du prix de vente total et à l'intérêt de cette somme (RO 68 II 293). En
outre, il convient de tenir compte du fait qu'un objet neuf subit une
dépréciation importante du seul fait de son utilisation. C'est pourquoi
le taux d'amortissement est fixé parfois selon une échelle dégressive
(cf. Cour d'appel de Berne, RJB 85 - 1949 - p. 144 et 72 - 1935 - p. 580;
RSJ 49 -1953 - p. 129; STOFER, Kommentar, p. 110 et JEANPRETRE, op.cit.,
RDS 1958 II 403 a).

    En l'espèce, la Cour de justice a calculé l'amortissement sur cinq ans
selon un taux dégressif de 30% la première année, 25% la seconde, puis
respectivement 20%, 15% et 10% pour les trois années suivantes. Ce mode
de calcul donne un taux global de 55% pour les deux premières années. Il
n'apparaît pas défavorable à l'acheteur, d'autant moins que l'arrêt
déféré n'a pas retenu le facteur de dépréciation invoqué par l'intimée,
à savoir que les appareils litigieux seraient fortement démodés en raison
de l'apparition sur le marché d'un appareil plus perfectionné et ne
vaudraient plus le 45% de leur prix, soit la fraction restée à la charge
du vendeur. En tout cas, la cour cantonale n'a pas excédé les limites de
son pouvoir d'appréciation, ni partant violé le droit fédéral quant à la
détermination du taux d'amortissement.